Contribution spéciale : le Conseil d’Etat impose davantage de transparence à l’égard de l’employeur verbalisé

Le Conseil d’Etat exige que l’OFII informe l’employeur de son droit de demander le procès-verbal constatant l’emploi illégal d’un salarié étranger sans titre de travail

Voir la décision du Conseil d’Etat du 30 décembre 2021

Présentation

.1. Une entreprise de peinture en bâtiment est verbalisée par les services de police pour l’emploi d’un salarié étranger sans titre de travail. Sur le fondement de ce procès-verbal, l’OFII a mis en recouvrement la contribution spéciale prévue par l’article L.8253-1 du code du travail due, en sus de la condamnation pénale, pour emploi d’un salarié étranger sans titre de travail.
Voir le Mode d’emploi pour le contrôle de l’emploi illégal du salarié étranger sans titre de travail.

L’entreprise engage un contentieux devant la juridiction administrative et conteste devant le Conseil d’Etat la décision d’une cour administrative d’appel qui a refusé d’annuler la mise en recouvrement de la contribution spéciale, au motif que l’OFII ne l’avait pas expressément informée de son droit de lui communiquer le procès-verbal des services de police.
La cour administrative d’appel, pour rejeter l’argument invoqué par l’entreprise et valider la mise en recouvrement de la contribution spéciale, s’est référée à la jurisprudence du Conseil d’Etat, telle qu’elle résultait de sa décision du 29 juin 2016, qui précise que, dès lors que l’employeur est informé par l’OFII de la mise en recouvrement de la contribution spéciale, il a la faculté de lui demander communication du procès-verbal fondant cette mise en recouvrement.
Dans le cas d’espèce, l’entreprise n’a pas usé de cette faculté. La cour administrative d’appel en a pris acte et n’a pas retenu l’argument de l’entreprise pour annuler la mise en recouvrement de la contribution spéciale.

.2. Le Conseil d’Etat censure la décision de la cour administrative d’appel en constatant que l’OFII n’a pas spontanément informé l’entreprise de son droit d’obtenir communication du procès-verbal constatant l’infraction d’emploi d’un salarié étranger sans titre de travail. Et pour cause, puisque cette formalité n’est prévue ni par le code du travail, ni par une décision antérieure du Conseil d’Etat.
Pour exiger cette formalité de la part de l’OFII, le Conseil d’Etat s’appuie sur l’article L.122-2 du code des relations entre le public et l’administration, entré en vigueur le 1er janvier 2016.
La mise en recouvrement de la contribution spéciale par l’OFII est annulée.

Commentaire
.1. Dans cette affaire d’une grande banalité factuelle, le Conseil d’Etat poursuit l’évolution de sa jurisprudence relative à la communication à l’employeur, débiteur de la contribution spéciale, du procès-verbal constatant l’infraction d’emploi d’un salarié étranger sans titre de travail.

La mise en recouvrement de la contribution spéciale par l’OFII nécessite l’établissement d’un procès-verbal constatant cette infraction. Ce procès-verbal est transmis à l’OFII par le service verbalisateur (inspection du travail, gendarmerie, police, douane). Le code du travail, qui contient les dispositions afférentes à la contribution spéciale, est muet sur la communication de ce procès-verbal à l’employeur au cours de la procédure de recouvrement de la contribution spéciale. Le code du travail prévoit exclusivement que l’OFII informe l’employeur de cette verbalisation, de la mise en recouvrement de la contribution spéciale et la possibilité de présenter ses observations.

.2.Au fil du contentieux, la juridiction administrative a été conduite à préciser le cadre juridique de l’accès de l’employeur à ce procès-verbal.
Dans sa décision précitée du 29 juin 2016, le Conseil d’Etat a indiqué que l’OFII n’est pas tenu de transmettre d’initiative le procès-verbal à l’employeur, mais que le silence du code du travail ne fait pas obstacle à la communication du procès-verbal, notamment lorsque l’employeur en fait la demande.
Dans une décision du 6 mai 2019, le Conseil d’Etat ajoute que l’employeur doit faire sa demande avant la notification par l’OFII du paiement de la contribution spéciale.
Dans une décision du 3 juin 2019, le Conseil d’Etat juge que l’information de l’OFII à l’employeur relative à la mise en recouvrement de la contribution spéciale est suffisante pour lui permettre de demander la communication du procès-verbal mentionné dans cette information.

.3. La décision du 30 décembre 2021 du Conseil d’Etat va au-delà de cette jurisprudence et renforce les droits de l’employeur, puisque désormais l’OFII est tenu de l’informer spontanément de son droit d’obtenir la communication du procès-verbal qui fonde la mise en œuvre du recouvrement de la contribution spéciale. Les droits de la défense de l’employeur sont sensiblement améliorés.
Il est à craindre que la décision du Conseil d’Etat fragilise la mise en œuvre de cette pénalité administrative très dissuasive dans un nombre très important de dossiers en cours.
En effet, cette décision à effet immédiat s’applique à toutes les procédures en cours qui, par définition, n’avaient pas procédé à cette information non obligatoire à la date où elles ont été engagées.