Compatibilité associé unique non gérant avec salariat

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 11 juillet 2012

N° de pourvoi : 11-12161

Non publié au bulletin

Cassation

M. Blatman (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Ortscheidt, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 1221-1 du code du travail et 1315 du code civil ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X... a été engagé en qualité de chauffeur grand routier par la société Montigny services suivant un contrat de travail à durée déterminée du 3 février 2004 au 7 janvier 2005, puis suivant un contrat de travail à durée déterminée du 4 juillet au 14 septembre 2005, qui s’est poursuivi en donnant lieu à l’établissement de bulletins de salaires ; que, par acte du 16 septembre 2005, M. X... a racheté la totalité des parts sociales de la société Montigny services, son frère étant, le 4 octobre 2005, nommé gérant de la société ; que celle-ci a, le 7 juin 2006, fait l’objet d’une liquidation judiciaire ; que M. X... a saisi la juridiction prud’homale aux fins de voir fixer au passif de la société ses créances de salaires ;

Attendu que pour débouter M. X... de sa demande, l’arrêt retient que le statut d’associé unique de la société est exclusif de celui de salarié même en présence d’un gérant non associé de la société puisque ce dernier est nommé et révoqué par l’associé unique, ce qui ne permet pas l’exercice par le gérant de son pouvoir de direction à son égard, et que, de plus, en l’espèce, le gérant est le propre frère de M. X..., étudiant de surcroît, ce qui rend illusoire tout pouvoir de direction sur le prétendu salarié ;

Qu’en statuant ainsi, alors, d’une part, que la qualité d’associé unique non-gérant n’est pas exclusive de celle de salarié, d’autre part, qu’en présence d’un contrat de travail apparent il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d’en rapporter la preuve, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 8 septembre 2009, entre les parties, par la cour d’appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Angers ;

Condamne le Centre de gestion et d’étude AGS aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, et l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 condamne le Centre de gestion et d’étude AGS à payer à la SCP Ortscheidt la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour M. X....

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir débouté M. X... de ses demandes tendant à la condamnation de Me Y..., ès qualités de liquidateur de la SARL Montigny Services, à lui payer un arriéré de salaires, une indemnité de préavis et les congés payés y afférant et à la garantie par le centre de gestion et d’étude AGS (CGEA) et l’Association pour la garantie des salaires des condamnations prononcées à l’encontre du liquidateur ;

AUX MOTIFS QUE pour dire que M. X... avait bien eu la qualité de salarié de la société malgré le fait qu’il en ait acquis toutes les parts sociales, le premier juge a considéré qu’un associé majoritaire non gérant peut être salarié de la société et a retenu que les collègues de M. X... attestaient qu’il exerçait ses fonctions de chauffeur routier au même titre que les autres ; que toutefois le statut d’associé unique de la société est exclusif de celui de salarié même en présence d’un gérant non associé de la société puisque ce dernier est nommé et révoqué par l’associé unique, ce qui ne permet pas l’exercice par le gérant de son pouvoir de direction à son égard ; que de plus, en l’espèce, le gérant est le propre frère de M. X..., étudiant de surcroît, ce qui rend illusoire tout pouvoir de direction sur le prétendu salarié ;

1) ALORS QUE la qualité d’associé unique n’est pas exclusive de celle de salarié ; qu’en statuant comme elle l’a fait, sans rechercher si M. Paul X... n’avait pas, en fait, exercé ses fonctions de chauffeur grand routier dans un état de subordination, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article L. 1222-1 du code du travail ;

2) ALORS QU’en présence d’un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d’en apporter la preuve ; qu’en jugeant que M. X..., qui bénéficiait d’un contrat de travail apparent, n’exerçait pas l’activité de chauffeur grand routier dans un lien de subordination, motif pris que « le gérant est le propre frère de M. X..., étudiant de surcroît, ce qui rendait illusoire tout pouvoir de direction sur le prétendu salarié », la cour d’appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles 1315 du code civil et L. 1222-1 du code du travail.

Décision attaquée : Cour d’appel de Poitiers , du 8 septembre 2009