Contrôle conjoint OPJ - inspection du travail

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 6 décembre 2005

N° de pourvoi : 05-85951

Publié au bulletin

Cassation partielle

M. Cotte , président

Mme Guirimand, conseiller apporteur

M. Di Guardia, avocat général

SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six décembre deux mille cinq, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller GUIRIMAND, les observations de la société civile professionnelle BORE et SALVE de BRUNETON et de la société civile professionnelle DELAPORTE, BRIARD et TRICHET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général DI GUARDIA ;
Statuant sur les pourvois formés par :
 LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D’APPEL DE COLMAR,
 X... Volker,
 L’UNION NATIONALE DES SYNDICATS D’ARTISTES MUSICIENS, partie civile,
contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de COLMAR, en date du 15 septembre 2005, qui, dans l’information suivie contre Volker X... du chef de travail dissimulé, a prononcé sur sa demande d’annulation d’actes de la procédure ;
Vu l’ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 20 octobre 2005, prescrivant l’examen immédiat du pourvoi ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 21 février 2005, à l’occasion du concert donné par le “New Cologne Philharmonic Orchestra and Chorus” à l’initiative de la société de droit luxembourgeois “Who”, ayant pour gérant le chef d’orchestre Volker X..., les services de police du Bas-Rhin ont été requis par le procureur de la République de Strasbourg, sur le fondement de l’article 78-2-1 du Code de procédure pénale, aux fins de s’assurer du respect de la législation et de la réglementation applicable au regard des articles L. 324-9 et L. 341-6 du Code du travail, et de contrôler l’identité des personnes occupées à ce travail, dans les locaux à usage professionnel, leurs annexes et dépendances du palais de la musique et des congrès ; que le lendemain, à 22 heures 30, les fonctionnaires de police ont, à la fin du concert, contrôlé l’identité des musiciens dans les lieux de passage séparant la salle de spectacle des loges des artistes ;
que Volker X..., entendu dans sa loge, a présenté les documents relatifs à l’organisation du concert et des factures de prestations, toutes rédigées de manière uniforme, établies par les musiciens pour leur participation au concert ; qu’en l’absence de toute justification de la qualité de travailleur indépendant desdits musiciens, une enquête en flagrance a alors été ouverte pour travail dissimulé, et que Volker X... a été interpellé ; que, le 24 février 2005, le procureur de la République a requis l’ouverture d’une information du chef de travail dissimulé ; que Volker X... , ayant été mis en examen de ce chef le même jour, a présenté le 26 juillet 2005, une requête aux fins d’annulation d’actes de la procédure portant sur l’application des dispositions de l’article 78-2-1 du Code de procédure pénale ; que, le 14 septembre 2005, par mémoire, le mis en examen a présenté un second moyen de nullité relatif à l’absence, dans le dossier de la procédure, du document de désignation du juge d’instruction ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Delaporte, Briard et Trichet pour Volker X..., pris de la violation des articles 80, 83, 173-1, 206, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
”en ce que l’arrêt a déclaré irrecevable la requête de Volker X... tendant à voir déclarer nuls les actes d’instruction à raison de l’absence au dossier de la désignation du magistrat instructeur ;
”aux motifs qu’”introduite dans les formes et délais légaux, la requête objet de la déclaration du 26 juillet 2005, est recevable ; qu’il n’en va pas de même de la demande d’annulation des actes du juge d’instruction fondée sur l’absence de trace de la désignation de ce dernier et formée pour la première fois par acte reçu le 14 septembre 2005 ; qu’en effet, la demande de Volker X... de ce chef est irrecevable au regard des prévisions de l’article 173-1 du Code de procédure pénale ; qu’au demeurant, elle l’est aussi, en application des dispositions du dernier alinéa de l’article 83 du même Code dont il découle que la désignation d’un juge d’instruction, pour une affaire déterminée, constitue un acte d’administration judiciaire dont l’existence ne saurait être discutée par les parties” (arrêt, p. 12, alinéas 2 à 5) ;
”alors, d’une part, que le juge d’instruction ne peut informer qu’en vertu d’un réquisitoire du procureur de la République ; que, dès lors, même si l’ordonnance portant désignation du juge d’instruction revêt le caractère d’un acte d’administration judiciaire, le mis en examen demeure recevable à exciper de la nullité des actes accomplis par un magistrat instructeur dont l’acte de désignation ne figure pas au dossier, l’absence de cet acte au dossier empêchant de vérifier que la signature du réquisitoire introductif précédait la désignation du juge d’instruction ; qu’en se bornant à énoncer que la désignation du juge d’instruction constituait un acte d’administration judiciaire, sans rechercher si les actes accomplis par le juge d’instruction ne devaient pas être frappés de nullité dès lors qu’en l’absence de l’acte l’ayant désigné, la date de sa désignation et, partant, l’existence même de ses pouvoirs restaient incertains, la chambre de l’instruction n’a pas légalement justifié sa décision ;
”alors, d’autre part, que si l’article 173-1 du Code de procédure pénale impose au mis en examen qui veut soulever la nullité des actes accomplis avant son interrogatoire de première comparution ou de cet interrogatoire lui-même, de déposer une requête en nullité dans le délai de six mois à compter de la notification de sa mise en examen, il n’interdit pas au mis en examen qui a déposé une requête dans ce délai de soulever, après l’expiration de celui-ci et pendant tout le délai de l’instance, de nouveaux moyens de nullité ; qu’en l’espèce, la chambre de l’instruction a constaté que Volker X... avait régulièrement déposé sa requête en nullité dans le délai imparti, en sorte que son mémoire complémentaire visant un nouveau moyen de nullité était recevable même s’il avait été déposé après l’expiration de ce délai ;
qu’en déclarant irrecevable ce moyen de nullité supplémentaire, la chambre de l’instruction a méconnu les textes susvisés ;
”alors, en tout état de cause, que la chambre de l’instruction a l’obligation de vérifier la régularité des procédures qui lui sont soumises et, lorsqu’elle découvre une cause de nullité, de prononcer la nullité de l’acte qui en est entaché et de tout ou partie de la procédure ultérieure ; qu’en l’espèce, il appartenait à la chambre de l’instruction de relever d’office la nullité d’ordre public signalée par le mémoire complémentaire de Volker X... et qui touchait à la saisine du juge d’instruction ; qu’en s’abstenant de constater la nullité des actes d’instruction accomplis par le juge d’instruction, la chambre de l’instruction a méconnu les textes susvisés” ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable l’exception de nullité prise de l’absence, au dossier, de la désignation du juge d’instruction, l’arrêt retient que, présentée hors délai, cette exception ne satisfait pas aux dispositions de l’article 173-1 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu’en statuant ainsi, et dès lors que le délai de forclusion institué par l’article 173-1 du Code de procédure pénale s’applique, selon ce texte, à tout moyen de nullité, présenté par requête ou par mémoire, portant sur des actes antérieurs à l’interrogatoire de première comparution, la chambre de l’instruction a justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Sur le second moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Delaporte, Briard et Trichet pour Volker X..., pris de la violation des articles 59, 76, 78-2-1, 591, 593 et 802 du Code de procédure pénale ;
”en ce que l’arrêt a dit n’y avoir lieu à annulation des contrôles des membres du personnel ayant participé au concert du 22 février 2005 ;
”aux motifs qu’ “une salle de spectacle où un concert est en train d’être donné est, s’agissant des membres de l’orchestre, du régisseur, de l’éclairagiste, des piquets de surveillance, et des autres personnels dont l’intervention est nécessaire au bon déroulement du spectacle, un lieu de travail ; que, dans cette perspective, ne saurait être assimilé à une visite domiciliaire, au sens de l’article 59 du Code de procédure pénale, un contrôle d’identité réalisé en exécution de réquisitions prises sur le fondement des dispositions de l’article 78-2-1 du Code de procédure pénale, et pour la recherche des infractions prévues aux articles L. 324-9 et L. 341-6 du Code du travail, dans les couloirs et autres lieux de passage séparant la salle de spectacle des loges des artistes, dont il n’importe pas qu’ils soient fermés au public, s’agissant là de dépendances rattachées au lieu principal de travail qu’est la salle de spectacle, à laquelle ils mènent, et de locaux sans l’existence desquels la prestation du spectacle lui-même ne pourrait être fournie ; qu’il convient en cet état de rejeter le premier moyen soulevé de ce chef par Volker X... ; qu’habilités à pénétrer dans les lieux, les policiers ont pu se livrer à des contrôles d’identité ;
qu’il en va d’autant plus ainsi que, selon les précisions fournies par le requérant lui-même, le contrôle d’identité a eu lieu “précisément entre le “final” et le “bis” et, par conséquent, alors même que la prestation de l’orchestre - et donc la période de travail - n’était pas terminée ; qu’il sera rajouté qu’au demeurant, en dehors de ce qui concerne Volker X... , aucune pièce de procédure n’indique quelles ont été les identités contrôlées par les enquêteurs ; qu’en l’absence d’un semblable relevé, la mention du contrôle effectué n’a pas fait grief au requérant” (arrêt, p.12, in fine et p. 13, alinéas 1 à 6) ;
”alors, d’une part, que les dispositions de l’article 78-2-1 du Code de procédure pénale régissant le contrôle d’identité des employés dans les lieux à usage professionnel n’excluent pas celles de l’article 76 de ce Code qui, par renvoi aux dispositions de l’article 59 du même Code, interdisent les perquisitions et visites domiciliaires entre 21 heures et six heures ; qu’en retenant, pour écarter le moyen de nullité tiré de l’inobservation des heures légales imposées par l’article 59 du Code de procédure pénale pour les perquisitions et visites domiciliaires, qu’un contrôle effectué sur le fondement de l’article 78-2-1 du Code de procédure pénale ne saurait être assimilé à la visite domiciliaire visée par l’article 59 du même Code, la chambre de l’instruction a méconnu les textes susvisés ;
”alors, d’autre part, que les dispositions de l’article 802 du Code de procédure pénale sont étrangères à la nullité résultant de l’inobservation des dispositions de l’article 59 du même Code ;
qu’en exigeant la preuve d’un grief de la part de Volker X..., la chambre de l’instruction a méconnu les textes visés au moyen” ;
Attendu que, pour refuser d’annuler le contrôle d’identité des membres de l’orchestre ayant participé au concert, l’arrêt retient qu’une salle de spectacle où un concert est en train d’être donné est un lieu de travail, et que, de ce fait, ne peut être assimilé à une visite domiciliaire, au sens de l’article 59 du Code de procédure pénale, un contrôle d’identité réalisé en exécution de réquisitions prises sur le fondement de l’article 78-2-1 du Code de procédure pénale, pour la recherche des infractions prévues aux articles L .324-9 et L. 341-6 du Code du travail, dans les couloirs et lieux de passage séparant la salle de spectacle et les loges des artistes, s’agissant de dépendances de ladite salle ;
Attendu qu’en décidant ainsi, la chambre de l’instruction a justifié sa décision, dès lors que les fonctionnaires de police ont procédé, dans des locaux à usage professionnel ou leurs annexes et dépendances, au contrôle de l’activité exercée et des personnes occupées à cette activité, ainsi que les y autorisaient les réquisitions prises en application de l’article 78-2-1 du Code de procédure pénale ;
D’où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Mais sur le moyen unique de cassation du procureur général, pris de la violation des articles 59, 76, 78-2-1 et 591 du Code de procédure pénale ;
Et sur le moyen unique de cassation proposé par la société civile professionnelle Boré et Salve de Bruneton pour le SNAM - Union Nationale des syndicats d’artistes musiciens de France- CGT, pris de la violation des articles 59, 76, 78-2-1, 575, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
”en ce que l’arrêt a dit la requête en nullité formée par Volker X... partiellement fondée en ce qu’elle tendait à l’annulation des actes accomplis dans le cadre de l’opération de contrôle relatif à la législation du travail au Palais de la Musique et des Congrès à Strasbourg ;
”aux motifs qu’ “une salle de spectacle où un concert est en train d’être donné est, s’agissant des membres de l’orchestre, du régisseur, de l’éclairagiste, des piquets de surveillance et des autres personnels dont l’intervention est nécessaire au bon déroulement du spectacle, un lieu de travail ; que, dans cette perspective, ne saurait être assimilé à une visite domiciliaire, au sens de l’article 59 du Code de procédure pénale, un contrôle d’identité réalisé en exécution de réquisitions prises sur le fondement des dispositions de l’article 78-2-1 du Code de procédure pénale, et pour la recherche des infractions prévues aux articles L. 324-9 et L. 324-6 du Code du travail, dans les couloirs et autres lieux de passage séparant la salle de spectacle des loges des artistes, dont il n’importe pas qu’ils soient fermés au public, s’agissant là de dépendances rattachées au lieu principal de travail qu’est la salle de spectacle, à laquelle ils mènent, et de locaux sans l’existence desquels la prestation du spectacle lui-même ne pourrait être fournie ; qu’il convient en cet état de rejeter le premier moyen soulevé de ce chef par Volker X... ; ( ) ; que, par contre, s’agissant de la loge dans laquelle les policiers ont dit contrôler Volker X..., cette loge avait été attribuée à ce dernier à raison de sa qualité de chef d’orchestre, et non à raison de sa qualité de gérant de la société Who SARL ; que, précisément, la fonction d’une loge de chef d’orchestre, dès lors que ce local, susceptible d’être clos à tout instant, est affecté à ce seul artiste et que lui seul en est autorisé à avoir l’usage et à en fermer l’accès, pour n’y laisser entrer que les seules personnes acceptées par lui, est d’être un lieu dans lequel le bénéficiaire d’un tel avantage, à lui accordé à raison de l’importance et du caractère éminent de son rôle, puisse, en contrepartie, se couper de son environnement, s’abstraire des contingences découlant de la fréquentation d’autrui et ne se consacrer qu’à lui-même ; qu’un semblable local, dont la vocation primordiale est donc d’être un lieu d’intimité - et ce, sans aucune autre condition que celle fixée par celui auquel il est attribué - ne peut, dans cette mesure, être considéré rattachable à une activité de travail proprement dite et être, par conséquent, assimilé à un lieu à usage professionnel ou à une dépendance d’un lieu à usage professionnel ; qu’au contraire, une telle loge ne peut qu’être considérée comme constituant un domicile au sens des articles 59 et 78-2-1 du Code de procédure pénale, c’est-à-dire un lieu où, que l’on y habite ou non, et quels que soient le titre juridique de l’occupation des locaux et l’affectation donnée à ceux-ci, la personne qui l’occupe “a le droit de se sentir chez elle” ; que rien au dossier ne vient démentir l’affirmation de Volker X... selon laquelle le contrôle de sa propre personne a été effectué dans sa loge, autrement dit alors qu’il s’y était installé ; qu’ainsi, les termes du procès-verbal susreproduit ne permettent, ni de trouver trace de ce que par exemple, ayant vu son identité contrôlée alors qu’il retournait dans sa loge, l’intéressé aurait été invité, pour de simples raisons pratiques et de confort, à y attendre l’achèvement des autres mesures de contrôle en cours, ni a fortiori de donner corps à une telle hypothèse ; que, de plus, dans cette loge, les policiers ne se sont pas bornés à contrôler l’identité de Volker X... ; que s’étant fait produire par celui-ci divers documents, ils ont procédé à l’examen de ces documents et se sont livrés à des constatations ;
qu’en cet état, a été réalisée une visite domiciliaire au sens des articles 59 et 76 du Code de procédure pénale ; que cette mesure d’enquête, réalisée sans recueil préalable de l’assentiment exprès de Volker X... , ne pouvait être exécutée, sous peine de nullité, à l’heure dite, soit après 21 heures ; qu’ainsi, le contrôle de Volker X... est radicalement nul ; qu’en l’espèce, il y a lieu de décider que seront cancellées toutes les lignes du procès-verbal du 22 février 2005, à partir de la troisième ligne de la page 2 jusqu’à la dernière ligne avant “disons que nos investigations se sont déroulées sans incident” ; que sera cancellé de même tout le texte de la page 3 du même procès-verbal prévoyant l’annexion de copies de pièces, lesquelles seront retirées du dossier ; que, sur les autres actes d’enquête, que le contrôle de Volker X... étant nul, son placement en garde à vue, les auditions auxquelles il a été procédé de lui, l’examen de la fouille du gardé à vue et la perquisition de sa chambre d’hôtel, qui ont eu pour support exclusif le contrôle nul, sont également nuls ; que, de même, sont nulles les auditions des 15 musiciens, le fondement de ces auditions n’étant pas, malgré le visa qui en a été fait, les réquisitions du procureur de la République lesquelles n’avaient habilité à des contrôles d’identité des artistes que “dans le seul but de vérifier qu’(ils) figurent sur le registre du personnel ou qu’(ils) ont fait l’objet d’une déclaration préalable à l’embauche”, mais résidant, de façon exclusive et nécessaire, dans le prétexte d’enquête flagrante découlant de la découverte, au travers des pièces produites par Volker X... et des explications apportées par lui lors d’une opération de contrôle nulle, d’indices d’un délit de travail dissimulé ; que, pour le même motif, sera annulé le procès-verbal de renseignements du 24 février 2005, à 10 heures 30, portant indication de ce que des collaborateurs présumés de Volker X... n’ont pu être contactés et faisant mention d’un article espagnol, trouvé sur le site Internet de la Deutsche Welle et se rapportant à un orchestre de Cologne dirigé par le mis en cause et portant un autre nom que celui du New Cologne Philharmonic, les investigations y afférentes n’ayant pour seul fondement que des précisions fournies lors des auditions des musiciens entendus en flagrance ; que sera également annulé, par voie de conséquence, le tableau censé faire la synthèse de ces auditions et figurant en cotes D 2 à D 4 ; qu’à l’inverse ne saurait être invalidée l’audition de la préposée de la société Strasbourg Expo-Congres et l’annexion à la procédure de copies de pièces remises à cette occasion aux enquêteurs, sachant que, le surlendemain du concert, il aurait été dans tous les cas loisible aux policiers de procéder à cet acte d’enquête, indépendamment de tout contrôle réalisé à la fin du concert et sans qu’il faille, pour eux, agir en flagrant délit ; que, toutefois, il conviendra de canceller, dans les visas en tête de ce procès-verbal d’audition, les mots “de flagrant délit” et la ligne portant visa des articles 53 à 73 du Code de procédure pénale ; que, de même, seront cancellées les deux dernières lignes de la case “mis en cause” du “compte rendu d’enquête après identification” figurant en cote D 1, en ce qu’il y est fait mention de la garde à vue et du défèrement de Volker X... ;
que sur les actes postérieurs à l’enquête, ( ) Volker X... ne pouvait être mis en examen au vu d’indications exclusivement recueillies par le truchement d’actes d’enquêtes nuls et en l’absence de tout autre de ces indices graves ou concordants nécessaires, à peine de nullité, pour qu’il pût être procédé à sa mise en examen ;
que, d’autre part, les questions posées à l’intéressé, lors de l’interrogatoire de première comparution et les interventions reçues de lui ou de son avocat, toutes articulées autour de ce qui “ressort du dossier”, se rapportent toutes à des données recueillies en exécution d’actes nuls ; qu’il y a donc lieu à annulation intégrale du procès-verbal d’interrogatoire de première comparution et par voie de conséquence, de tout ce qui figure en cote “détention” ; que, par contre, régulièrement saisi, le magistrat instructeur pouvait délivrer une commission rogatoire pour voir enquêter sur les faits objet de sa saisine ; que, sauf à être purgées de mentions relatives au statut de mis en examen de Volker X... et aux propos tenus par l’intéressé lors de sa garde à vue ou de l’interrogatoire de première comparution, la commission rogatoire et les pièces réunies en exécution de cet acte continueront à figurer au dossier ; qu’il n’est aucune autre irrégularité à relever ; qu’il y a lieu d’ordonner, qu’après accomplissement des annulations décidées, le dossier sera retourné au juge d’instruction saisi” ;
”1 ) alors qu’en vertu de l’article 78-2-1 du Code de procédure pénale, les officiers de police judiciaire, sur réquisitions du procureur de la République, sont habilités, pour effectuer des contrôles sur le respect de la législation du travail, à entrer dans les lieux à usage professionnel ainsi que dans leurs annexes et dépendances, sauf s’ils constituent un domicile ; que le domicile au sens de ce texte doit s’entendre du lieu d’habitation ; qu’en affirmant que la loge d’une salle de spectacles constitue un domicile au sens de l’article 78-2-1 du Code de procédure pénale, dès lors qu’il s’agit d’un lieu où, qu’il y habite ou non, celui qui l’occupe a le droit de se dire chez lui alors qu’une loge ne constitue pas un lieu d’habitation mais une dépendance de la salle de spectacles, la chambre de l’instruction a violé les textes susvisés ;
”2 ) alors que, les contrôles tendant à la recherche des infractions aux articles L. 324-9 et L. 324-6 du Code du travail ne constituent pas des perquisitions ou visites domiciliaires au sens des articles 59 et 76 du Code de procédure pénale soumises au respect des heures légales et à l’assentiment exprès de l’intéressé ;
qu’en prononçant la nullité du contrôle effectué par les officiers de police judiciaire dans une loge du Palais de la Musique et des Congrès à Strasbourg, durant un concert, au motif qu’il constituait une visite domiciliaire réalisée sans l’assentiment exprès de Volker X... et après l’heure légale, la chambre de l’instruction a violé les textes susvisés” ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l’article 593 du Code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ;
Attendu que, pour annuler le contrôle effectué dans la loge de Volker X... , gérant de la société Who et organisateur du spectacle, l’arrêt retient que la loge d’un chef d’orchestre, dont la vocation primordiale est d’être d’un lieu d’intimité, constitue, dans cette mesure, un domicile, et qu’en conséquence, les dispositions de l’article 78-2-1 du Code de procédure pénale relatives à l’entrée dans les locaux à usage professionnel, et celles des articles 59 et 76 du même Code qui prohibent les visites domiciliaires nocturnes en l’absence d’assentiment exprès de la personne intéressée, ont été méconnues ;
Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que, d’une part, l’article 78-2-1 du Code de procédure pénale autorise, sur réquisitions du procureur de la République, l’entrée dans les locaux professionnels, leurs annexes et dépendances où sont en cours des activités de prestation de services, en vue de se faire présenter les pièces et documents relatifs à l’emploi ainsi que de rechercher et constater les infractions aux articles L. 324-9 et L. 341-6 du Code du travail, et que, d’autre part, en l’état des constatations et énonciations de l’arrêt, ne pouvait être qualifiée de domicile la loge mise provisoirement, le temps d’un spectacle, à la disposition de son organisateur, fût-il chef d’orchestre, la chambre de l’instruction n’a pas justifié sa décision ;
D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
I - Sur le pourvoi de Volker X... :
Le REJETTE ;
II - Sur les pourvois du procureur général et de l’Union nationale des syndicats d’artistes musiciens :
CASSE et ANNULE, l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Colmar, en date du 15 septembre 2005, en ses seules dispositions relatives au contrôle concernant Volker X..., toutes autres dispositions dudit arrêt étant expressément maintenues,
Et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Nancy, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 618-1 du Code de procédure pénale en faveur de l’Union nationale des syndicats d’artistes musiciens ;
ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Colmar, sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Guirimand conseiller rapporteur, M. Joly, Mme Anzani, MM. Beyer, Pometan, Mme Palisse, M. Beauvais conseillers de la chambre, M. Valat conseiller référendaire ;
Avocat général : M. Di Guardia ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Publication : Bulletin criminel 2005, n° 315, p. 1083

Décision attaquée : Chambre de l’instruction de la cour d’appel de Colmar , du 15 septembre 2005

Titrages et résumés : CHAMBRE DE L’INSTRUCTION - Nullités de l’instruction - Examen de la régularité de la procédure - Annulation d’actes - Demande de la personne mise en examen - Recevabilité - Article 173-1 du code de procédure pénale - Forclusion - Délai - Domaine d’application - Moyens présentés par requête ou par mémoire

S’agissant de la demande de nullité d’actes accomplis avant l’interrogatoire de première comparution, le délai de forclusion institué par l’article 173-1 du Code de procédure pénale s’applique indistinctement à tout moyen de nullité présenté, par requête ou par mémoire, par la personne mise en examen

OFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE - Pouvoirs - Infractions - Constatation - Travail dissimulé - Article 78-2-1 du Code de procédure pénale - Lieux à usage professionnel, annexes et dépendances - Définition

Il ressort de l’article 78-2-1 du Code de procédure pénale que, sur réquisitions écrites du procureur de la République précisant les infractions aux articles L. 324-9 et L. 341-6 du Code du travail qu’il entend faire rechercher, les officiers et, sous leur ordre ou responsabilité, les agents de police judiciaire sont habilités à entrer dans les lieux à usage professionnel ainsi que dans leurs annexes et dépendances, sauf s’ils constituent un domicile, aux fins de contrôle. Est à bon droit déclaré régulier par la chambre de l’instruction, au regard des dispositions précitées, le contrôle d’identité des membres d’un orchestre qui a été pratiqué dans les couloirs et lieux de passage séparant la salle de spectacle de la loge des artistes et constituant les annexes de ladite salle. N’est pas légalement justifiée, en revanche, la décision de la même juridiction qui annule le contrôle effectué dans la loge du chef d’orchestre, également gérant de la société à l’initiative de laquelle a eu lieu le spectacle, en retenant que ce lieu d’intimité constitue un domicile, alors qu’en l’état des seules constatations et énonciations de l’arrêt, ne pouvait être qualifiée de domicile la loge mise provisoirement, le temps d’un spectacle à la disposition de son organisateur, fût-il chef d’orchestre

Textes appliqués :
• 1° :
• Code de procédure pénale 59, 76, 78-2-1, 593
• 2° :
• Code de procédure pénale 173-1
• Code du travail L. 324-9, L. 341-6