Réquisitions par opj - agent des services fiscaux

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 22 février 1996

N° de pourvoi : 95-85861

Publié au bulletin

Cassation

M. Le Gunehec (président), président

M. de Mordant de Massiac, conseiller apporteur

M. Amiel, avocat général

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
"-" X... Roland,
"-" X... Pierre-Alexis,
contre l’arrêt de la chambre d’accusation de la cour d’appel de Lyon, en date du 17 octobre 1995, qui, dans la procédure suivie contre eux des chefs de travail clandestin, escroqueries et publicité mensongère, a rejeté leur requête tendant à l’annulation d’actes de la procédure.
Vu l’ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 18 décembre 1995, prescrivant l’examen immédiat du pourvoi ;
Vu les mémoires personnels produits ;
Sur les faits :
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué qu’après avoir constaté la publication dans un hebdomadaire, paru les 12, 19, 26 juin 1995, d’encarts publicitaires proposant d’entrer en relation avec des milliers de jeunes filles slaves, un officier de police judiciaire, en fonction à la Direction interrégionale du contrôle de l’immigration et de lutte contre l’emploi clandestin, a procédé, les 26 et 27 juin 1995, à des vérifications faisant apparaître que ces publications émanaient d’un club de rencontre, constitué sous forme d’une association régulièrement déclarée, employant 8 personnes, et aux droits d’entrée élevés ;
Qu’estimant être en présence de l’infraction de travail clandestin prévu à l’article L. 324-10, alinéa 1- 1o, le policier a entrepris, les 27 et 28 juin 1995, une enquête de flagrance qui l’a notamment conduit, au visa des articles 56 et 60 du Code de procédure pénale, à procéder à des perquisitions et saisies avec l’assistance de fonctionnaires des Impôts requis à cet effet, et à l’interpellation des animateurs de cette association ;
Que Roland et Pierre-Alexis X..., mis en examen le 30 juin 1995 des chefs de travail clandestin, de publicité mensongère et d’escroqueries et placés en détention provisoire, ont saisi la chambre d’accusation d’une requête en annulation d’actes de la procédure que celle-ci a rejetée ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation présenté par Roland et Pierre-Alexis X..., pris de la violation des articles L. 324-10, L. 611-13 du Code du travail, 53 et 593 du Code de procédure pénale :
Vu lesdits articles ;
Attendu que, pour pouvoir agir en flagrant délit, les officiers de police judiciaire doivent avoir eu connaissance, au préalable, d’indices apparents d’un comportement révélant l’existence d’une infraction en train de se commettre ou qui vient d’être commise ;
Attendu que l’article L. 324-10 du Code du travail répute “ travail clandestin “ notamment l’exercice à but lucratif d’une activité de prestation de service par toute personne physique ou morale qui s’est intentionnellement soustraite à l’obligation de requérir son immatriculation au registre du commerce et des sociétés, lorsque celle-ci est obligatoire ;
Attendu que pour rejeter la requête des inculpés tendant à l’annulation de la perquisition effectuée en l’absence d’infraction flagrante, les juges énoncent que si, au départ, l’enquêteur avait analysé les faits comme constitutifs du seul délit de travail clandestin, par défaut d’inscription au registre du commerce et des sociétés, la seule lecture de la dernière annonce, en date du 26 juin 1995, qui vantait les mérites d’un organisme revendiquant “ sa troisième année de réussite “ alors que la semaine précédente il n’en était qu’à “ sa deuxième année de succès “, permettait de mettre en évidence, également, des indices de tentative d’escroquerie et de publicité mensongère ; qu’ainsi étaient réunies les conditions d’une enquête de flagrant délit, autorisant perquisition et saisies au siège de l’association ;
Mais attendu qu’en prononçant ainsi, alors qu’en l’absence de dispositions légales imposant à ladite association de requérir son immatriculation au registre du commerce, le fait constaté ne présentait pas le caractère d’une infraction flagrante, et alors que, pour justifier la mise en oeuvre des pouvoirs prévus aux articles 53 et suivants du Code de procédure pénale, les juges ne pouvaient substituer leurs propres déductions aux constatations initiales de l’officier de police judiciaire, la chambre d’accusation n’a pas donné de base légale a sa décision ;
D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Sur le second moyen de cassation présenté par les demandeurs, pris de la violation des articles 56, alinéa 2, 60, 593 du Code de procédure pénale :
Vu lesdits articles ;
Attendu qu’il résulte des dispositions combinées des articles 56 et 60 du Code de procédure pénale qu’à peine de nullité de la procédure, l’officier de police judiciaire a seul le droit, lors d’une perquisition, de prendre connaissance des papiers ou documents trouvés sur place, avant de procéder à leur saisie ; que s’il y a lieu, cependant, de procéder à des constatations ou à des examens techniques qui ne peuvent être différés, il peut avoir recours, dans les conditions prévues à l’alinéa 2 de l’article 60 précité, à toutes personnes qualifiées ;
Attendu que, pour écarter les conclusions des inculpés tendant à l’annulation des pièces relatives à la perquisition en raison de ce qu’elle avait été effectuée avec l’assistance d’agents des Impôts irrégulièrement requis à cet effet, les juges énoncent que l’appréciation de l’urgence d’avoir à requérir le concours de techniciens, liée à la nécessité d’opérer des saisies pertinentes, n’appartenait qu’au seul officier de police judiciaire ; que l’assistance de contrôleurs des Impôts, à l’occasion d’une perquisition au siège d’une entreprise susceptible de pratiquer un travail clandestin, est justifiée dans son principe, ces fonctionnaires, aisément requis dans le bref délai de l’enquête flagrante, disposant d’une expérience de l’organisation des entreprises et de la tenue des comptes qui leur permet d’apporter un utile concours aux opérations de l’officier de police judiciaire ; qu’ils ajoutent que rien ne permet d’affirmer que cette façon de faire dissimule la volonté de commettre un détournement de procédure, pour éluder les dispositions légales relatives aux visites domiciliaires, et que, si lesdits fonctionnaires, n’ayant pas la qualité d’experts, auraient dû prêter serment, rien ne permet de dire que l’omission de cette formalité a préjudicié aux droits de la défense ;
Mais attendu qu’en prononçant ainsi, alors qu’en application de l’article 60 susvisé, le recours à des fonctionnaires des Impôts, à titre de personnes qualifiées, était subordonné, d’une part, à la constatation que la mission qu’entendait leur confier l’officier de police judiciaire ne pouvaient être différée, et, d’autre part, à leur prestation de serment préalable d’apporter leur concours à la justice en leur honneur et conscience, la chambre d’accusation a méconnu le sens et la portée des textes et principes susvisés ;
Que dès lors la cassation est de nouveau encourue ;
Et attendu que l’intérêt d’une bonne administration de la justice commande que la présente décision ait effet à l’égard de Anne-Marie Y..., qui ne s’est pas pourvue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l’arrêt de la chambre d’accusation de la cour d’appel de Lyon, en date du 17 octobre 1995, en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à annulation de la perquisition et des actes qui en découlaient ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d’accusation de la cour d’appel de Lyon, pour qu’il soit procédé conformément aux articles 206 et suivants du Code de procédure pénale ;
DIT, en application de l’article 612-1 du Code de procédure pénale, que l’annulation prononcée aura effet tant à l’égard des demandeurs aux pourvois qu’à celui de Anne-Marie Y..., qui ne s’est pas pourvue.
Publication : Bulletin criminel 1996 N° 87 p 248

Décision attaquée : la cour d’appel de LYON du 17 octobre 1995

Titrages et résumés : CRIMES ET DELITS FLAGRANTS - Flagrance - Définition - Indice apparent d’un comportement délictueux révélant l’existence d’infractions répondant à la définition de l’article 53 du code de procédure pénale - Constatation préalable par l’officier de police judiciaire - Nécessité - Justification à posteriori par les juges (non)

Pour pouvoir agir dans le cadre de la procédure de flagrant délit, et mettre en oeuvre les pouvoirs prévus aux articles 53 et suivants du Code de procédure pénale, un officier de police judiciaire doit avoir eu, au préalable, connaissance d’indices apparents d’un comportement révélant l’existence d’une infraction en train ou venant de se commettre Les juges, auxquels il est demandé d’apprécier les conditions de mise en oeuvre d’une telle procédure, ne sauraient la justifier en substituant leurs propres déductions aux constatations initiales de l’officier de police judiciaire

CRIMES ET DELITS FLAGRANTS - Perquisition - Officier de police judiciaire - Réquisition - Personne qualifiée - Conditions

Il résulte des dispositions combinées des articles 56 et 60 du Code de procédure pénale, à peine de nullité de la procédure, que l’officier de police judiciaire a seul le droit, lors d’une perquisition, de prendre connaissance des papiers ou documents trouvés sur place, avant de procéder à leur saisie, et qu’il ne peut, à cette occasion, se faire assister de tiers, en qualité de “personnes qualifiées” qu’à la condition que ceux-ci aient fait l’objet d’une réquisition régulière

OFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE - Pouvoirs - Crimes et délits flagrants - Perquisition - Réquisition - Personne qualifiée - Conditions

Textes appliqués :
* 1° :
* 2° :
* Code de procédure pénale 53
* Code de procédure pénale 56, 60