Procureurs généraux
près les cours d'appel - Représentant national auprès d’EUROJUST
- Procureurs de la république près les tribunaux de grande
instance - Magistrats du parquet - Premiers présidents des
cours d’appel - Présidents des tribunaux de grande instance
___________________________________________________________________________
Politique pénale
pour la répression des infractions relatives au travail illégal
CRIM 2005-18 G4/27-07-2005
NOR : JUSDO530113C
Emploi d’étrangers en situation irrégulière
Office
central de lutte contre le travail illégal
Politique pénale
Recours au travail dissimulé
Travail
dissimulé
Travail illégal
PLAN
Introduction
I.
LES INSTRUMENTS D’UNE POLITIQUE PENALE EFFICACE
1. Les services opérationnels
1.1. Le renforcement
de l’action des COLTI
1.2. L’association des Groupes d’intervention
régionaux
1.3. La création de l’Office central de lutte contre le travail
illégal
1.3.1. Les attributions de l’OCLTI
1.3.2.
La coordination de l’office avec le
dispositif existant
2. Une conduite de l’action publique dynamique
2.1. La détermination de l’action publique
2.1.1.
L’animation et la coordination de l’action
publique
2.1.2. La prévention et le développement des
partenariats
2.2. La lisibilité de l’action publique
II.
LES AXES PRIORITAIRES DE LA LUTTE CONTRE LE TRAVAIL ILLEGAL
1. Les secteurs prioritaires de la lutte contre
le travail illégal
1.1. Le spectacle vivant et enregistré
1.2.
L’agriculture
1.3. Le BTP
1.4. Les Hôtels Cafés et Restaurant
2. Une répression accrue de certaines infractions
2.1. L’infraction de recours à une personne exerçant
un travail dissimulé
2.1.1. L’accomplissement des vérifications
obligatoires
2.1.2.
Les autres indices
2.2. L’emploi illicite de salariés étrangers
2.1.1.
Des peines aggravées
2.2.2.
Des prérogatives
de contrôle renforcées
2.3. Les fraudes transnationales
2.3.1 Les
situations de fraude
2.3.2
Le respect des règles nationales relatives aux conditions
de travail
III.
LE TRAITEMENT JUDICIAIRE DE LA LUTTE CONTRE LE TRAVAIL ILLEGAL
1. La conduite des investigations
1.1. La conduite
de la police judiciaire
1.2. Les outils procéduraux à la disposition du procureur
de la République
2. Une réponse judiciaire ferme et adaptée
2.1. Un recours limité aux mesures alternatives
aux poursuites
2.2.
Une réponse
systématique adaptée à la gravité des faits
2.2.1.
Le recours à la composition pénale
2.2.2.1.
Le choix privilégié des procédures rapides
2.2.2.2.
L’ouverture d’une information judiciaire
2.2.2.3
Le délit de blanchiment
ANNEXES
Annexe
I : cf. le décret n°2005-455 du 12 mai 2005 créant
l’OCLTI (JO du 13 mai 2005).
Annexe
II : la convention départementale de partenariat signée
le 1er mars 2005 par le préfet des
Pyrénées-Orientales, le procureur de la République près le
TGI de Perpignan et les syndicats
professionnels dans le secteur du bâtiment et des travaux
publics. (format pdf)
Annexe III :
la charte de bonne conduite élaborée
par la DILTI et la Fédération Française du Bâtiment. (format
pdf)
Selon
l’Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques,
le travail illégal représenterait 4% du produit intérieur brut
et porterait sur un montant de 60 milliards d’euros.
Au
delà de son coût financier pour l’Etat et les organismes de
protection sociale, le travail illégal crée une distorsion
de concurrence inacceptable au préjudice des entreprises qui
s’acquittent de l’ensemble de leurs obligations sociales. Il
est par ailleurs préjudiciable aux droits sociaux, actuels
et futurs, des salariés non déclarés. Enfin, il s’appuie notamment
sur le recours à des travailleurs étrangers, en situation irrégulière
ou non autorisés à travailler sur le territoire national, dont
la précarité et la vulnérabilité sont souvent exploitées.
Aussi
la lutte contre le travail illégal, condition préalable à la
réussite des politiques économiques, sociales et fiscales de
l’Etat, constitue-t-elle une priorité de l’action du Gouvernement.
Afin
de mettre en œuvre concrètement cette priorité, la Commission
nationale de lutte contre le travail illégal, réunie le 18
juin 2004, sous la présidence du ministre chargé des relations
du travail, a fixé les orientations de la lutte contre le travail
illégal.
Le
plan national d’action pour 2004-2005, qui vous a été transmis
par dépêche du 23 juillet 2004, a ainsi prévu de concentrer
les efforts des services de contrôle sur quatre secteurs d’activité :
le bâtiment et les travaux publics, l’agriculture, les hôtels
cafés restaurants et le spectacle vivant et enregistré. Il
insiste en outre sur la nécessité de renforcer la coopération
entre les services, notamment au sein des comités opérationnels
de lutte contre le travail illégal. Il souligne enfin que l’emploi
illégal de travailleurs étrangers et les fraudes transnationales
doivent faire l’objet d’un traitement prioritaire.
La
mobilisation de l’ensemble des services concernés par la lutte
contre le travail illégal, et notamment de l’institution judiciaire,
doit permettre de mettre un terme à la baisse sensible et constante
de la verbalisation et des condamnations prononcées dans ce
domaine depuis plusieurs années. Ce fléchissement est particulièrement
net s’agissant du délit d’exécution d’un travail dissimulé (4268
condamnations en 2001, 4189 en 2002 et 3820 en 2003) et du
délit lié au recours aux services d’une personne exerçant un
travail dissimulé (423 condamnations en 2001, 402 en 2002 et
334 en 2003).
Elle
doit conduire par ailleurs à une meilleure adaptation de
la lutte aux nouvelles formes de travail illégal. En effet,
par delà le travail dissimulé, par dissimulation d’activité ou
par dissimulation de salarié, les services verbalisateurs
et l’institution judiciaire sont confrontés à des mécanismes
de fraude plus subtils (sous déclaration des heures de travail,
fausse sous-traitance, recours à des faux stagiaires) et à des
structures organisées (réseaux d’introduction de main
d’œuvre étrangère en situation irrégulière, fraudes transnationales).
Afin
d’accompagner cette mobilisation, le Gouvernement a entendu
doter les acteurs de la lutte contre le travail illégal de
nouveaux instruments juridiques et opérationnels. Ainsi,
les peines réprimant certaines infractions ont été accrues.
Par ailleurs, les prérogatives de constatation des infractions
de certains services ont été renforcées. Enfin l’Office Central
de Lutte Contre Le Travail Illégal (OCLTI) a été créé au
mois de mai 2005.
Un
premier bilan de la mobilisation présenté à la Commission
nationale de lutte contre le travail illégal le 8 mars 2005
a permis de constater l’augmentation très sensible des contrôles
réalisés par l’ensemble des services concernés. Ainsi, en
2004, plus de 70.000 contrôles ont été réalisés tandis que
6.000 procès verbaux ont été rédigés dans les quatre secteurs
prioritaires contre 2.600 en 2003.
Cette
mobilisation, à laquelle l’institution judiciaire a activement
contribuée, doit être poursuivie et renforcée.
Elle
requiert une coopération étroite des services qui concourent à la
lutte contre le travail illégal. Si la Délégation Interministérielle à la
Lutte contre le Travail Illégal (DILTI) assure la coordination
des administrations et des corps de contrôles compétents
en matière de lutte contre le travail illégal, la coordination
de l’action des services tendant à la constatation des infractions
pénales relève en revanche bien évidemment de l’autorité judiciaire,
et principalement des magistrats du Ministère Public, notamment
dans le cadre des comités opérationnels de lutte contre le
travail illégal (COLTI).
La
présente circulaire a pour objectif de pérenniser cette dynamique
(I) et de sensibiliser les procureurs de la République sur
la nécessité de renforcer la répression de certaines infractions,
notamment l’emploi illicite de salariés étrangers et les
fraudes transnationales (II). Elle suggère enfin des pistes
pour un traitement judiciaire rapide et adapté des infractions
liées au travail illégal (III).
I.
LES INSTRUMENTS D’UNE POLITIQUE PENALE EFFICACE
La
lutte contre le travail illégal se caractérise par l’intervention
d’un grand nombre de services spécialisés. La coordination
opérationnelle de ces services s’effectue dans le cadre des
COLTI présidés au niveau départemental par le procureur de
la République du chef lieu du département.
1.
Les services opérationnels
1.1.
Le renforcement de l’action des COLTI
Le
COLTI constitue la structure centrale de la coopération opérationnelle
des services chargés de la lutte contre le travail illégal.
L’efficacité de cet instrument, dont la suppression a été un
moment envisagée, doit être soulignée. Ainsi en 2004, 21,7%
des contrôles réalisés se sont inscrits dans le cadre des
COLTI.
Il
convient de rappeler qu’il appartient aux COLTI de programmer
et de coordonner les opérations de contrôles, particulièrement
les opérations concertées entre plusieurs services, de mobiliser
les moyens nécessaires à ces actions et de s’assurer que
les organismes compétents disposent des informations nécessaires à la
mise en recouvrement des contributions éludées.
Les
COLTI se caractérisent par leur souplesse. Aux termes de
l’article 12 du décret n° 97-213 du 11 mars 1997, ils sont
en effet susceptibles de réunir l’ensemble des agents, fonctionnaires
et militaires, dont les compétences sont requises pour l’examen
des questions ou le suivi des procédures dont ils se saisissent.
Il est à ce titre loisible d’y associer, compte tenu des
opérations programmées, des représentants des ASSEDIC, de
la DGCCRF, des services vétérinaires, ou de la Direction
Régionale des Affaires Culturelles.
Outre
la réunion régulière du COLTI, indispensable à une bonne
circulation de l’information entre les services, des groupes
de travail thématiques, adaptés aux circonstances locales,
peuvent être réunis. Ces « minis COLTI » permettent
de programmer l’ensemble des opérations concernant un secteur
particulier, ou d’organiser une opération concertée avec
les seuls services concernés. Il est également loisible,
lorsque la situation s’y prête, d’organiser un mini-COLTI
au niveau d’un tribunal de grande instance afin de définir
des actions spécifiques au ressort de ce tribunal.
Afin
de mettre en œuvre le programme d’action du COLTI, il convient
de définir régulièrement des objectifs de contrôles avec
les services, notamment dans chacun des secteurs prioritaires,
puis d’effectuer un bilan de ces contrôles.
Les
opérations concertées permettent d’accroître l’efficacité des
investigations menées en bénéficiant des informations et
des prérogatives de constatation de chacun des services associés.
Elles peuvent concerner des sites de travail importants (chantiers,
sites de production, importantes exploitations agricoles)
mais également des petites structures, en adaptant le nombre
de services concernés et les effectifs à l’ampleur du contrôle.
Outre leur intérêt en terme d’enquête, de telles actions
concertées, mettant en œuvre des moyens de police ou de gendarmerie,
doivent notamment être privilégiées lorsque sont identifiées
des dangers potentiels pour les agents de contrôle (menaces,
risques d’atteintes à l’intégrité physique par exemple).
S’agissant plus particulièrement de la gendarmerie, elle
dispose d’une organisation au plan national s’appuyant sur
un réseau de Formateurs Relais Travail Illégal (FRTI) composé d’officiers
de police judiciaire spécialement formés à cette thématique
qui peuvent être utilement sollicités dans ce cadre.
Afin
de mettre à profit les informations des différents services
de contrôle, il peut être suggéré d’encourager chacun des
services à proposer des opérations concertées avant les réunions
du COLTI.
Il
convient enfin de souligner le rôle central du secrétaire
permanent du COLTI, indispensable à la cohésion et à la continuité de
l’action concertée. Il convient à cet égard de s’assurer
de sa désignation, et de vérifier qu’il soit doté de moyens
matériels adéquats afin d’assurer le suivi des réunions des
COLTI et la remontée des informations à la DILTI.
A
cet effet, il convient enfin de rappeler aux services de
contrôles dans le cadre des COLTI qu’il leur appartient de
transmettre les procès-verbaux aux secrétaires permanents
des COLTI.
La
DILTI s’apprête à diffuser au début du quatrième trimestre
2005 une circulaire relative à la transmission des procès-verbaux
de travail illégal et au renseignement de la fiche d’analyse.
La DACG assurera sans délai la transmission de cette circulaire
aux procureurs généraux et aux procureurs de la République.
1.2.
L’association des Groupes d’intervention régionaux
Les
groupes d’intervention régionaux, structures interministérielles,
rattachés à un service régional de police judiciaire (SRPJ)
de la police nationale ou à une section de recherches (SR)
de la gendarmerie nationale, ont vocation, depuis leur mise
en place le 22 mai 2002, à participer à la lutte contre l’économie
souterraine et les différentes formes de délinquance organisée.
La lutte contre le travail illégal se trouve naturellement
dans leur champ d’action.
Les
G.I.R sont composés, outre des fonctionnaires de police et
des militaires de la gendarmerie, d’agents des services fiscaux,
de la concurrence et de la répression des fraudes, des douanes
et de la direction départementale du travail et de l’emploi.
La
présence d’inspecteurs du travail dans ces structures doit
inciter les procureurs de la République, en liaison avec
les Préfets, à saisir les G.I.R, dès lors que des infractions
de travail illégal, d’emploi d’étrangers sans titre ou d’aide à l’entrée, à la
circulation et au séjour irréguliers d’étrangers révélant
un caractère organisé sont portés à leur connaissance et
sont susceptibles d’affecter durablement l’économie locale
ou régionale.
Il
serait également utile, comme le font certains procureurs
de la République, d’inviter le chef du G.I.R ou l’un de ses
représentants à siéger de manière permanente au sein du COLTI.
1.3. La
création de l’Office central de lutte contre le travail
illégal
1.3.1.
Les attributions de l’OCLTI
L’autorité judiciaire
s’appuie traditionnellement sur les compétences reconnues des
agents visés par l’article L.324-12 du code du travail, notamment
les inspecteurs du travail, disposant de prérogatives de police
judiciaire pour la recherche et la constatation des infractions
relatives au travail illégal ainsi que sur les officiers et
agents de police judiciaire habilités à constater toutes les
infraction pénales.
La
diversité des services répressifs et les multiples formes que
peut revêtir cette délinquance particulière sont cependant
de nature à freiner les investigations et l’efficacité de la
répression. Une politique pénale efficace et effective ne peut
désormais s’inscrire que dans le cadre d’une coopération interministérielle
renforcée propre à relancer efficacement la répression du travail
illégal.
La
création, par le décret n°2005-455 du 12 mai 2005 (annexe n°1),
de l’office central de lutte contre le travail illégal entend
apporter une réponse à cette nécessité de concertation et de
coopération.
Les
directions et services actifs de la police nationale sont associés
aux activités de cet office, par ailleurs rattaché à la sous-direction
de la police judiciaire de la direction générale de la gendarmerie
nationale (Ministère de la Défense). Il est compétent en matière
de lutte contre les infractions relatives au travail illégal
sous toutes ses formes.
L’office
peut également s’adjoindre la participation des corps de contrôle
habilités par l’article L.314-12 du code du travail (les agents
des impôts, des douanes, des organismes de sécurité sociale
et des caisses de mutualité sociale agricole et les inspecteurs
et contrôleurs du travail).
L’office
peut intervenir à la demande des autorités judiciaires, des
unités de la gendarmerie, des services de police, des directions
des autres ministères concernés ou d’initiative et il est notamment
chargé :
-d’animer et de
coordonner, à l’échelon national et au plan opérationnel, les
investigations de police judiciaire relatives aux infractions
entrant dans son domaine de compétence ;
-d’observer et
d’étudier les comportements les plus caractéristiques des délinquants ;
-de centraliser
les informations relatives à cette forme de délinquance en
favorisant leur meilleure circulation ;
-d’assister les
unités de la gendarmerie nationale et les services de la police
nationale et ceux des autres ministères concernés pour ces
infractions.
1.3.2. La coordination
de l’office avec le dispositif existant
Il
convient de souligner que les attributions de ce nouvel office
complètent utilement le dispositif actuel de la coordination
interministérielle d’une part, et la coordination opérationnelle
d’autre part.
Le
décret n°97-213 du 11 mars 1997 relatif à la coordination de
la lutte contre le travail illégal prévoit que la coordination
interministérielle s’articule autour de la Commission nationale
de lutte contre le travail illégal et de la Délégation interministérielle à la
lutte contre le travail illégal (DILTI) qui coordonne le dispositif
national et départemental. Il donne compétence à la DILTI pour
procéder à des enquêtes relevant de la police administrative,
pour apporter aux administrations et organismes l’assistance
opérationnelle qu’ils requièrent au regard de la nature et
de l’ampleur des faits dont ils ont à connaître, la formation
des agents de contrôle et pour coordonner toutes initiatives
de coopération internationale.
L’office
central pour la répression de l’immigration irrégulière et
de l’emploi d’étrangers sans titre (OCRIEST), créé par
le décret n°99-691 du 6 août 1996, a par ailleurs une vocation
strictement judiciaire puisqu’il a « pour domaine de compétence
les infractions relatives à l’aide à l’entrée, à la circulation
et au séjour irréguliers des étrangers en France, à l’emploi
des étrangers dépourvus d’autorisation de travail, ainsi qu’aux
faux et usage de faux documents destinés à favoriser ces infractions ».
L’OCRIEST,
rattaché à la sous-direction de la lutte contre l’immigration
irrégulière de la Direction centrale de la police aux frontières
(Ministère de l’Intérieur et de l’Aménagement du Territoire),
est un office à vocation transnational. Il ne dispose en effet
d’une compétence en matière de lutte contre le travail illégal
que dès lors que ces infractions sont en lien avec des étrangers
entrés sur le territoire par le biais de réseaux clandestins
fortement structurés ou organisés. Ces infractions ne recouvrent
pas, loin s’en faut, la totalité des infractions relevées en
matière de travail illégal. Le travail non déclaré, le travail
mal déclaré (la minimisation du nombre d’heures travaillées
ou le recours irrégulier à des contrats de travail précaires)
ou le recours irrégulier au détachement temporaire de travailleurs étrangers
dans le cadre d’une prestation de service constituent ainsi
d’autres catégories d’infractions non traitées par cet office.
Le
nouvel office, quant à lui, dispose d’un domaine d’attribution
beaucoup plus large et sa vocation judiciaire affirmée devrait
permettre aux magistrats de réinvestir ces contentieux techniques
et de s’inscrire résolument dans une politique pénale ambitieuse.
2.
Une conduite de l’action publique dynamique
La
mobilisation du Gouvernement trouve sa traduction concrète
dans la nouvelle organisation de l’Etat au niveau local (voir
l’article 34 du décret n°2004-374 du 29 avril 2004 et la
circulaire du Premier ministre du 19 octobre 2004 relative à la
réforme de l’administration territoriale de l’Etat publiée
au JO du 21 octobre 2004) d’une part, et les priorités régionales
qui ont été définies pour les années 2005-2006, d’autre part.
Les compétences du préfet de région ont été élargies à de
nouveaux domaines. Les services de l’Etat sont désormais
rassemblés en huit « pôles régionaux » : éducation
et formation, gestion publique et développement économique,
transport, logement et aménagement, santé publique et cohésion
sociale, économie agricole et monde rural, environnement
et développement durable, culture, développement de l’emploi
et insertion professionnelle. Les Projets d’Action Stratégique
de l’Etat en Région et les PASED (plans départementaux) ont
ainsi pour objectif de mettre en œuvre au plan local les
priorités nationales. Trois priorités sont communes aux 26
régions françaises : le développement durable, la sécurité et
la cohésion sociale.
La
cohésion sociale se caractérise notamment par la volonté de
lutter contre l’immigration clandestine et l’économie souterraine,
et l’autorité judiciaire a bien évidemment toute légitimité pour
s’inscrire dans ces orientations stratégiques.
2.1.
La détermination de l’action publique
2.1.1.
L’animation et la coordination de l’action publique
Les
procureurs généraux doivent être particulièrement vigilants
et s’impliquer dans l’animation et la cohérence de l’action
publique menée par les procureurs de la République de leur
ressort. Je ne verrai qu’avantage à ce qu’ils prennent l’initiative
de réunions thématiques au niveau du ressort de la cour d’appel,
réunissant les magistrats des parquets et les chefs de services
des administrations intéressées. Ces rencontres pourraient être
l’occasion privilégiée de dresser le tableau de la délinquance
et des activités économiques présentant un risque élevé de
recours au travail illégal, les actions menées, les résultats
judiciaires ou les besoins en formation des personnels, par
exemple.
Il
faut rappeler à cet égard que la DILTI a transmis le 17 juin
2005 aux préfets, aux procureurs généraux et aux procureurs
de la République un cd-rom documentaire contenant un certain
nombre de guides méthodologiques, de jurisprudence et de
textes destinés à faciliter la mise en œuvre des contrôles.
Ces documents seront également consultables sur le site intranet
de la DACG.
Une
coordination interrégionale, entre plusieurs cours d’appel,
pourrait s’avérer par ailleurs particulièrement utile lorsque
des chantiers de grandes infrastructures (construction de
lignes ferroviaires à grande vitesse, de réseaux autoroutiers,
de bâtiments publics par exemple) nécessitent le recours à des
entreprises nationales et à la sous-traitance de nombreuses
entreprises réparties sur plusieurs ressorts ou s’étendent
sur plusieurs départements et dans le ressort de plusieurs
cours d’appel.
2.1.2.
La prévention et le développement des partenariats
Il
resso rt des bilans dressés par plusieurs procureurs généraux
concernant la lutte contre le travail illégal et le fonctionnement
des COLTI que certains procureurs de la République développent
des partenariats avec tous les acteurs économiques concernés
(chambres consulaires, instances professionnelles représentatives,
syndicats) et les collectivités locales.
Certains
secteurs économiques, notamment le bâtiment et les travaux
publics, par l’intermédiaire de la Fédération Française du
Bâtiment, coopèrent étroitement avec les pouvoirs publics
pour prévenir les infractions.
Ces
partenariats permettent d’élaborer des conventions signées
par le préfet, le procureur de la République et les instances
professionnelles afin de mobiliser et de sensibiliser les
acteurs économiques à la lutte contre le travail illégal.
Les acteurs économiques s’engagent notamment à informer leurs
adhérents des dispositions légales applicables, à participer à des
actions de formation auprès des consommateurs et à signaler
toute situation de travail illégal au secrétariat du COLTI.
Dans le même temps, le secrétariat du COLTI s’engage à les
informer des affaires poursuivies devant le tribunal correctionnel
afin de leur permettre de se constituer partie civile (pour
un exemple : la convention départementale de partenariat
signée le 1er mars 2005 par le préfet des Pyrénées-Orientales,
le procureur de la République près le TGI de Perpignan et
les syndicats professionnels dans le secteur du bâtiment
et des travaux publics, annexe n°2).
L’engagement
de l’autorité judiciaire dans de telles actions ne peut qu’être
encouragé car il permet au procureur de la République de
mener une politique pénale cohérente, transparente et finalement
mieux comprise par nos concitoyens.
2.2.
La lisibilité de l’action publique
Comme
la Chancellerie le suggère systématiquement pour le traitement
des contentieux techniques dans lesquels interviennent des
administrations hautement qualifiées, il revient aux procureurs
généraux de proposer la désignation au sein de chaque parquet
de son ressort d=un
magistrat chargé du traitement du contentieux du travail illégal.
Cette
désignation présente en effet un double avantage. Elle permet
d’une part la mise en oeuvre de réponses pénales équilibrées
au sein d=une
même juridiction et, d’autre part, lorsque l’identité du magistrat
est portée à la connaissance des services déconcentrés de l’Etat,
de faciliter les échanges d’information, de créer des synergies
inter-services et de développer un travail en réseau de qualité.
A
ce titre, il convient de fixer des réunions régulières
avec les services spécialisés chargés de la lutte contre
le travail illégal afin de faire le point sur les procédures
qu’ils ont initiées, les suites judiciaires qui leur ont été réservées
et d’envisager d’éventuelles opérations de police judiciaire
(voir les réunions du mini-COLTI, A-1 supra).
La
présence à l’audience des représentants des administrations
et des agents ayant constaté les infractions ne peut qu’être
bénéfique, tant en ce qui concerne le rappel du contexte économique
et social dans lequel s’inscrit l’infraction et des éléments
caractérisant la prévention que pour soutenir le choix de peines
complémentaires. A cet effet, vous veillerez à informer
les services concernés des dates d’audiences par les moyens
que vous jugerez les plus appropriés.
Il
serait également utile de prévoir, dans la mesure du possible,
un audiencement régulier et spécialisé dédié à ces dossiers
afin de rendre plus lisible la politique pénale mise en œuvre
par le parquet et une meilleure information des services verbalisateurs.
Les
procureurs de la République veilleront en outre à la stricte
application des dispositions de l’article 13 du décret n° 97-213
du 11 mars 1997 relatif à la coordination de la lutte contre
le travail illégal en transmettant systématiquement au secrétaire
du COLTI les décisions rendues en la matière.
Le
secrétaire permanent est en effet chargé d’informer les services
du suivi judiciaire des procédures et d’assurer le traitement
statistique des procès-verbaux d’enquête.
II.
LES AXES PRIORITAIRES DE LA LUTTE CONTRE LE TRAVAIL ILLEGAL
Afin
de concentrer l’intervention des services de l’Etat et d’en
accroître l’efficacité, la Commission nationale de lutte
contre le travail illégal a déterminé des axes prioritaires
d’action. Elle a ainsi désigné quatre secteurs d’activité économiques
particulièrement touchés par le travail illégal, qui doivent
faire l’objet d’une politique de contrôle soutenu (A), ainsi
que certaines infractions dont la recherche et la constatation
doivent être privilégiées (B).
Ces
axes prioritaires doivent à ce titre constituer le socle
de l’action répressive notamment de l’action concertée dans
le cadre des COLTI.
Il
est bien évidemment loisible aux magistrats du ministère
public, compte tenu des spécificités locales, de déterminer
d’autres secteurs qui pourront faire l’objet d’actions coordonnées
organisées dans le cadre des COLTI. Pourront par exemple
faire l’objet de contrôles le secteur de la confection, du
gardiennage et de la sécurité, du déménagement, de la réparation
automobile, du travail temporaire, des antiquaires et brocanteurs
ou des ventes ambulantes.
1. Les
secteurs prioritaires de la lutte contre le travail illégal
1.1. Le spectacle vivant et enregistré
Les
orientations définies par le plan national d’action présenté au
Conseil national des professions du spectacle le 3 septembre
2003, conformément à la circulaire du Premier Ministre en
date du 6 août 2003 (voir ma dépêche circulaire du 11 août
2003), ont été mises en œuvre notamment dans le cadre des
COLTI.
L’action
menée dans ce secteur a conduit à la réalisation de 3.342
contrôles en 2004. Les infractions les plus souvent relevées
ont trait au travail dissimulé par dissimulation totale de
salarié ou par dissimulation de certaines heures, par dissimulation
d’activité, au recours abusif aux contrats à durée déterminée
et aux fraudes aux allocations chômage.
Ont
ainsi fait l’objet de contrôles renforcés en 2004, les employeurs
importants d’intermittents du spectacle, les grandes tournées
d’artistes et les employeurs occasionnels exerçant dans le
cadre des hôtels, cafés, des restaurants et de l’animation
socioculturelle.
Il
convient de poursuivre ces contrôles et de renforcer les
actions concertées concernant les parcs de loisirs, et les
officines et intermédiaires de recrutement qui, sous couvert
d’offre de gestion sociale, se comportent comme des entreprises
de travail temporaire en mettant des artistes et des techniciens à la
disposition d’entreprises utilisatrices.
Par
ailleurs, les spectacles qui s’inscrivent dans le cadre de
festivals pourront faire l’objet d’opérations programmées
dans le cadre des COLTI. Les agents verbalisateurs pourront être
invités à rencontrer les organisateurs en amont afin d’effectuer
un travail de prévention et de repérage préalable des difficultés.
Il
est particulièrement important que les spectacles ou tournées
itinérantes qui sont réalisés dans des conditions illicites
au regard de la réglementation relative au travail illégal
ne puissent pas se poursuivre impunément après une première
intervention des services d’enquête. A cet égard, il vous
appartient, le cas échéant de faire procéder à la vérification
de la régularisation de la situation. Si la situation s’y
prête, il convient en outre d’avoir recours à des modes de
poursuite autorisant le placement sous contrôle judiciaire
des contrevenants, assorti de l’interdiction de se livrer à l’activité professionnelle
ou de se rendre dans certains lieux déterminés.
D’autre
part, afin de permettre le suivi de l’action menée en la
matière, et d’éviter les opérations redondantes, les contrôles
concernant les tournées itinérantes importantes doivent systématiquement être
signalées à la Direction des Affaires Criminelles et des
Grâces sous le timbre du Bureau de la Santé Publique, du
Droit Social et de l’Environnement.
Enfin,
lorsque les faits révèlent l’existence de fausses déclarations
ou de fraudes aux allocations chômage, il convient de poursuivre
les contrevenants sous les qualifications prévues à l’article
L. 365-1 du code du travail.
1.2. L’agriculture
Du
1er janvier au 30 septembre 2004, 3558 contrôles
ont été effectués dans le secteur de l’agriculture. Plus
de 30% de ces contrôles ont été réalisés dans le cadre des
COLTI.
Une
part significative des infractions est liée à l’emploi de
main d’œuvre étrangère en situation irrégulière ou dépourvue
de titre de travail. On observe également des opérations
illicites de mise à disposition de salarié par des sociétés étrangères
dans le cadre de fraudes transnationales.
Il
convient en conséquence d’organiser dans le cadre des COLTI
des opérations coordonnées de contrôle des exploitations
notamment lors des périodes sensibles (récoltes, vendange).
1.3.
Le BTP
Le
secteur du bâtiment et des travaux publics représente, avec
un chiffre d’affaires annuel de 129 milliards d’euros, plus
de 8% du PIB national et employait 1.280.000 personnes en
2003.
Avec
19% des infractions, il constitue le secteur le plus verbalisé.
Tous les types de fraudes sont relevées par les agents :
dissimulation d’activité, dissimulation d’emploi, faux statuts,
fausse sous-traitance, emploi de main d’œuvre étrangère sans
titre de travail.
On
note néanmoins que la taille des entreprises a une incidence
sur les infractions commises. Ainsi les infractions commises
par des entreprises importantes concernent principalement
la fausse sous-traitance ou le recours à du travail dissimulé.
En revanche les infractions commises par les entreprises
artisanales portent le plus souvent sur la dissimulation
d’activité ou de salariés.
Outre
la réalisation d’opérations coordonnées concernant les chantiers
importants, les chantiers de dimension modeste doivent également
faire l’objet de contrôles réguliers, mettant en œuvre si
nécessaire plusieurs services, en fonction d’objectifs fixés
définis à l’avance. Il convient en effet d’éviter que se
développe un sentiment d’impunité tant chez les entrepreneurs
qui effectuent ce type de travaux, que chez les personnes,
notamment des particuliers qui ont recours à leurs services.
La multiplication de petits chantiers effectués par des entreprises
occultes pour le compte de particuliers pèse en effet lourdement
dans la dégradation des comptes sociaux. En outre, ces chantiers
sont souvent réalisés sans aucun respect des normes d’hygiène
et de sécurité au travail. Enfin, certains entrepreneurs
qui exercent ainsi illégalement bénéficient par ailleurs
indûment de prestations sociales.
1.4. Les
Hôtels Cafés et Restaurant
25.168
contrôles ont été effectués en 2004 dans ce secteur et 2211
procédures pénales ont été établies. Les infractions principalement
constatées sont le travail dissimulé par dissimulation de
salarié (83,6%) ou par dissimulation d’activité (7,1%), et
l’emploi irrégulier de travailleurs étrangers (5,7%).
La
plupart des grandes actions de contrôle menées en 2004 pendant
la période touristique ont été précédées de campagnes d’information
qui prennent la forme de diffusion de plaquettes, d’information
aux professionnels et aux salariés, de création de sites
internet spécialisés, et de notices adressées aux entreprises.
Définies dans le cadre des COLTI, elles ont mobilisé principalement
les services de police et de gendarmerie, l’inspection
du travail, et les services de contrôle de l’URSSAF.
De
tels contrôles doivent continuer à être programmés, sur l’ensemble
du territoire, y compris en dehors des périodes touristiques.
Les services de la DGCCRF peuvent en outre utilement être
associés à ces opérations afin de vérifier la conformité de
la situation des établissements contrôlés au regard des obligations
fixées par le code de la consommation.
2. Une
répression accrue de certaines infractions
La
priorité donnée par le Gouvernement à la lutte contre le travail
illégal a conduit à l’aggravation des peines concernant certaines
infractions relevant du travail illégal et à l’accroissement
des prérogatives conférées aux services chargés de leur constatation.
Ainsi
la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure a accru
les peines principales prévues à l’article L. 362-3 du code
du travail pour réprimer le travail dissimulé et le recours
au travail dissimulé pour les porter à trois ans d’emprisonnement
et à 45.000 euros d’amende. Par ailleurs, la loi n° 2004-810
du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie a modifié l’article
L. 324-12 du code du travail afin de conférer à l’ensemble
des agents spécialisés chargés de constater l’infraction de
travail dissimulé la possibilité de demander tant aux employeurs,
qu’aux travailleurs indépendants et aux salariés de justifier
de leur identité.
La
jurisprudence a d’autre part précisé les conditions de mise
en œuvre de l’infraction de recours aux services d’une personne
exerçant un travail dissimulé (1).
Enfin,
conformément aux orientations données par la Commission nationale
de lutte contre le travail illégal, doivent être tout particulièrement
recherchées et poursuivies les infractions concernant l’emploi
irrégulier de personnes de nationalité étrangère (2) ainsi
que les fraudes transnationales (3).
2.1. L’infraction de recours à une personne exerçant un travail
dissimulé
Les
articles L.324-9, L.324-10 et L. 362-3 à L. 362-6 du code
du travail prévoient et répriment le fait d’avoir recours,
sciemment, directement ou par personne interposée, aux services
de celui qui exerce un travail dissimulé.
La
caractérisation de l’élément matériel de cette infraction ne
pose pas de difficulté particulière, dès lors que le donneur
d’ordre a recours à un sous-traitant qui effectue un travail
dissimulé par dissimulation d’activité ou par dissimulation
de salariés.
En
revanche la preuve de l’existence de l’élément intentionnel
est parfois plus difficile à rapporter. La jurisprudence considère
que cette preuve peut non seulement résulter de l’omission
par le donneur d’ordre de se soumettre aux vérifications légales
auxquelles il est tenu de procéder, mais également de l’existence
d’autres indices tendant à établir qu’il ne pouvait ignorer
l’irrégularité de la situation de son contractant.
2.1.1. L’accomplissement
des vérifications prévues à l’article L. 324-14 du code du
travail.
Il
appartient au donneur d’ordre de vérifier la régularité de
la situation de son cocontractant au regard des dispositions
gouvernant le travail illégal.
Le
respect de cette obligation s’apprécie notamment au regard
des dispositions des articles L. 324-14 et R.324-4 du code
du travail. Aux termes de ces dispositions, lorsque le donneur
d’ordre n’a pas procédé à certaines vérifications définies
aux articles R. 324-2 et suivants, il est tenu solidairement
des dettes administratives, fiscales et sociales de son sous-traitant
qui exerce un travail dissimulé.
La
loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie
et modifiant le code du travail a accru cette obligation
en prévoyant que le donneur d’ordre devrait procéder à ces
vérifications non seulement lors de la conclusion du contrat,
mais également tous les six mois.
La jurisprudence
considère qu’outre les sanctions administratives prévues par
ces articles, le fait par le donneur d’ordre de s’abstenir
de procéder aux diligences prévues par les articles L.324-14
et R.324-4 du Code du travail permet de caractériser le délit
de recours à travail dissimulé (Crim 10 octobre 2000 n° 99-86.341,
Crim 2 octobre 2001 n° 01-81.145, Crim 03 décembre 2002 n° 01-88.778).
En
effet, « commet sciemment le délit prévu par l’article
L. 324-9 du code du travail celui qui ne vérifie pas, alors
qu’il y est tenu tant par ledit article que par l’article L.324-14
du même code, la régularité, au regard de l’article L. 324-10,
de la situation de l’entrepreneur dont il utilise les services » (Crim.
04 novembre 1997, n° 96-86.211, Crim. 24 mai 2005 04-86.813).
Les
pièces fournies à ce titre par le sous-traitant doivent être
probantes, tel n’est pas le cas de déclarations sociales et
fiscales dépourvues de toute authentification, ou de déclarations
sur l’honneur fournies par un ancien gérant ( Crim. 30 septembre
2003 n° 02-83.183).
2.1.2.
Les autres indices
Le
seul respect formel des obligations prévues par les articles
L. 324-14 et R. 324-4 du code du travail ne suffit bien évidemment
pas à exonérer le donneur d’ordre de sa responsabilité pénale.
Les
donneurs d’ordre qui ont procédé aux vérifications prévues
aux articles L. 324-14 et R.324-4 du code du travail, peuvent
en effet être condamnés dès lors qu’il est établi qu’ils connaissaient,
ou qu’ils ne pouvaient prétendre ignorer l’irrégularité de
la situation de leur cocontractant (Crim 22 mai 2001 n° 00-87.725,.
Crim. 5 novembre 2002 n° 01-88.779).
Afin
d’établir cet élément intentionnel, les juridictions prennent
notamment en considération les indices suivants :
- l’existence d’une
différence entre le nombre des salariés travaillant sur un
chantier et celui figurant sur les déclarations transmises
au donneur d’ordre (Crim. 05 novembre 2002 01-88.779),
- l’existence d’une
différence entre le nombre des salariés mentionnés sur les
documents fournis au donneur d’ordre et l’importance des travaux
et les délais imposés ( Crim. 18 avril 2000, Crim. 30 octobre
2001, n° 01-80.507),
- des prix trop
bas pour permettre au sous-traitant de faire face aux charges
sociales (Crim 18 avril 2000 n° 99-86.048),
- la réticence
suspecte manifestée par le sous-traitant pour communiquer des
pièces, le caractère fictif, connu du donneur d’ordre, des
fonctions du gérant de droit de la société sous traitante et
l’occurrence d’enquêtes antérieures la concernant ( Crim 30
septembre 2003 n° 02-83.183),
- L’absence de
vérification, à partir des déclarations reçues, que la masse
salariale déclarée correspond à la réalité de l’effectif employé (Crim.
22 juin 2004, 03-87.752).
Sous
réserve de l’interprétation souveraine des tribunaux, les vérifications
auxquelles le donneur d’ordre est amené à procéder concernant
la régularité de la situation du sous-traitant au regard des
règles concernant le travail illégal, ne paraissent pas, par
elles mêmes, susceptibles de modifier la nature du lien de
droit unissant les deux contractants. En particulier, elles
n’ont pas pour effet de placer le sous-traitant dans une situation
de subordination à l’égard du donneur d’ordre, les deux parties
restant en principe dans une situation d’indépendance l’une à l’égard
de l’autre.
Afin de permettre à ses
adhérents d’être informés de l’étendue de leurs obligations
en cette matière, la Fédération Française du Bâtiment va éditer,
en concertation avec la DILTI, une brochure leur rappelant
les dispositions légales et leur proposant de respecter certaines
règles pratiques dans le cadre des contrats de sous-traitance
(annexe n°3).
2.2. L’emploi illicite de salariés étrangers
La
lutte contre l’emploi illicite d’étrangers est une condition
indispensable à la poursuite d’une politique d’immigration
choisie. Afin de lutter efficacement contre cette délinquance,
caractérisée par le développement ces dernières années de
véritables filières d’introduction en France de travailleurs étrangers
en situation irrégulière, le législateur a aggravé les peines
encourues et accru les moyens procéduraux des services de
contrôle.
2.2.1.
Des peines aggravées
Les
peines encourues au titre de l’infraction la plus couramment
retenue par les parquets en la matière, l’emploi d’étranger
sans titre de travail (articles L.341-4, L.341-6 al.1,
L.364-3 al.1, L.364-8, L.364-9 du code du travail) ont été portées
par la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 à 5 ans d’emprisonnement
et à 15.000 euros d’amende. Ces peines atteignent 10 ans d’emprisonnement
et 100.000 euros d’amende lorsque l’infraction est commise
en bande organisée, une peine complémentaire de confiscation
des biens étant en outre encourue en ce cas.
Est également
susceptible d’être relevée l’infraction de travail dissimulé par
dissimulation d’activité notamment lorsqu’un étranger non autorisé à travailler,
travaille pour son propre compte ( articles L. 324-9 et L.
362-3 et suivants du code du travail).
Enfin
l’emploi d’un étranger en situation irrégulière, de même que
la mise à disposition de telles personnes et leur hébergement
peuvent caractériser l’infraction d’aide au séjour irrégulier
(articles L. 622-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour
des étrangers et du droit d'asile). Ces peines sont portées à 10
ans d’emprisonnement et à 750.000 euros d’amende lorsque l’infraction
est commise en bande organisée ou qu’elle a pour effet de soumettre
la personne de nationalité étrangère à des conditions de vie,
de transport, de travail ou d’hébergement contraires à la dignité humaine.
Une peine de confiscation de l’ensemble des biens est alors
encourue.
Il
convient enfin de rappeler que la loi n° 2005-32 du 18 janvier
2005 de programmation pour la cohésion sociale ayant mis fin
au monopole de l’Office des Migrations Internationales, remplacé par
l’Agence Nationale de l’Accueil et des Migrations, les infractions
réprimant la violation du monopole de l’OMI et l’exercice habituelle
d’une activité de recrutement de travailleurs étrangers ont été abrogées.
Ces infractions donnaient lieu à un nombre très faible de poursuites.
2.2.2. Des prérogatives
de contrôle renforcées
La
loi du 26 novembre 2003 précitée permet aux inspecteurs du
travail de relever l’infraction d’aide au séjour d’étrangers
en situation irrégulière. Aux termes de l’article L.611-8 du
code du travail, ils sont habilités pour la constatation de
ces infractions, à demander également aux employeurs et aux
personnes occupées à un travail de justifier de leur identité.
La
loi n°2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice
aux évolutions de la criminalité a accru l’efficacité de la
lutte contre l’emploi d’étrangers démunis de titre de travail
et d’aide au séjours irréguliers lorsque ces infractions sont
commises dans le cadre de réseaux organisés, en permettant
le traitement de ces affaires par des juridictions interrégionales
spécialisées.
Enfin,
l’infraction d’aide à l’entrée ou au séjour d’étranger figure
au nombre de celles prévues à l’article 706-73 du code de procédure
pénale [1] ,
et permet en conséquence la mise en œuvre des prérogatives
renforcées de recherches et de constatations liées à la criminalité organisée.
En présence de réseaux organisés de trafic de main d’œuvre étrangère
en situation irrégulière, cette qualification devra être systématiquement
retenue, afin d’assurer un démantèlement rapide et efficace
de ces réseaux.
2.3. Les fraudes transnationales
Le
détachement temporaire de salariés en France par des entreprises étrangères
dans le cadre de prestations de services transnationales
est en augmentation.
En
soi cette situation n’a bien évidemment rien d’illégal dès
lors qu’elle ne recouvre pas des situations de fraude tendant
exclusivement à éluder le paiement des cotisations fiscales
et sociales en France, et que les entreprises concernées
respectent certaines règles nationales concernant les conditions
de travail de leur salariés.
Il
convient à titre liminaire de rappeler que, dans le cadre
d’une prestation de service, les salariés étrangers ressortissants
d’un Etat membre de l’espace économique européen [2] et de Suisse peuvent travailler en France sans
titre de travail [3] .
En
revanche, les salariés originaires des autres pays doivent
demander et obtenir un titre les autorisant à travailler,
sauf s’ils sont habituellement et régulièrement embauchés
par une entreprise établie dans un pays de l’Union Européenne.
2.3.1. Les
situations de fraude
Les
fraudes observées tendent le plus souvent à éluder le règlement
des cotisations fiscales et sociales françaises en s’inscrivant
abusivement dans le cadre d’une prestation de service transnationale.
Les
contrôles doivent à ce titre vérifier en premier lieu quel
est l’employeur réel des salariés concernés. Lorsque les
salariés détachés sont en réalité placés sous la subordination
directe du donneur d’ordre installé en France, ce dernier
est susceptible de commettre l’infraction de travail dissimulé et
l’entreprise qui lui fournit du personnel, dans des conditions
de nature à conduire à éluder leurs droits, de commettre
l’infraction de marchandage.
Il
convient en outre de vérifier la réalité de l’immatriculation
de l’entreprise qui assure la prestation de service dans
le pays étranger, l’effectivité de son activité dans ce pays,
et le caractère temporaire de ses activités en France. A
défaut, elle est tenue de s’immatriculer en France sauf à commettre
l’infraction de travail dissimulé.
De
telles investigations peuvent être menées dans un premier
temps sur le territoire national, notamment par la vérification
de certains fichiers, et l’audition des salariés de l’entreprise.
Par ailleurs des arrangements bilatéraux de coopération administrative
conclus avec l’Allemagne et la Belgique permettent un échange
d’information avec les services de contrôle de ces pays.
La Délégation Interministérielle à la Lutte contre le Travail
Illégal, dispose par ailleurs d’un réseau de correspondants
dans plusieurs pays étrangers, susceptibles d’être contactés.
Enfin, lorsque des investigations approfondies doivent être
entreprises, il convient de procéder à l’ouverture d’une
information judiciaire et de requérir des commissions rogatoires
internationales.
Il
convient enfin de s’assurer de la réalité de la prestation
de service. Lorsque l’opération tend uniquement à fournir
de la main d’œuvre dans un but lucratif, elle peut, sauf à s’inscrire
dans le cadre du travail temporaire, être qualifiée de travail
dissimulé et de la mise à disposition illicite de personnel.
La
prestation de service doit par ailleurs conserver un caractère
temporaire. A défaut, le salarié exerce en réalité un travail
permanent en France soumis à l’ensemble des règles de déclaration
et de paiement des cotisations. Un détachement permanent
est susceptible de constituer l’infraction de mise à disposition
illicite de personnel et de travail dissimulé.
2.3.2. Le
respect des règles nationales relatives aux conditions de
travail
Les
entreprises étrangères qui interviennent sur le territoire
français doivent se déclarer à l’inspection du travail avant
le début de la prestation. L’omission de cette formalité est
sanctionné de l’amende prévue pour les contravention de la
4ème classe (articles L.364-11, L.341-5, D.341-5,
D.341-5-7 du code du travail).
Les
entreprises qui procèdent à des détachements sont tenues,
quelle que soit la durée de la prestation, de respecter certaines
dispositions du droit du travail et de la sécurité sociale
français afin d’éviter des disparités de traitement injustifiées
entre les salariés.
Plusieurs
dispositions européennes et nationales fixent les conditions
d’emploi des personnes détachées (notamment les articles
L. 341-5 et D.341-5 et suivants du code du travail, qui
transposent en droit interne la directive 96-71 du 16 décembre
1996 [4] ).
Sont
notamment applicables, dès le premier jour de la prestation,
les dispositions relatives à la durée du travail, aux congés
payés et au repos, ainsi qu’à l’hygiène et à la sécurité au
travail.
Afin
de faciliter le contrôle par les services de ces situations,
la Délégation Interministérielle à la Lutte contre le Travail
Illégal éditera prochainement un guide méthodologique de
contrôle de l’emploi détaché.
III.
LE TRAITEMENT JUDICIAIRE DE LA LUTTE CONTRE LE TRAVAIL ILLEGAL
La
lutte contre le travail illégal et les autres infractions
liées à l’emploi irrégulier de salariés suppose une forte
réactivité des parquets qui doit être encouragée. La Direction
des Affaires Criminelles et des Grâces a, pour sa part, adopté avec
la DILTI un protocole très souple destiné à faciliter la
transmission directe des dénonciations aux procureurs de
la République territorialement compétents. Dans le même temps,
la DACG invite les procureurs généraux de l’informer en temps
réel de l’évolution de ces procédures signalées.
Les
procureurs de la République doivent s’attacher à conduire
avec célérité les procédures (A) et privilégier la mise en œuvre
de réponses pénales fermes et adaptées (B)
1.
La conduite des investigations
1.1. La
conduite de la police judiciaire
La
conduite de la police judiciaire doit associer en amont les
principaux services déconcentrés de l’Etat (inspection du
travail, services fiscaux, URSSAF) afin de mener de véritables
enquêtes inter-services lorsque des opérations ciblées sont
envisagées.
Outre
son efficacité sur le plan judiciaire, ce mode opératoire
permet aux administrations concernées de se communiquer réciproquement
et sans retard « tous renseignements et tous documents
nécessaires à l’accomplissement de leur mission » (article
L.324-13 du code du travail [5] )
et de recouvrer rapidement la dette sociale ou fiscale éludée
par l’auteur de l’infraction.
Le
traitement des saisines par le parquet doit s’opérer, dans
la mesure du possible, en temps réel, lorsqu’une qualification
simple de l’infraction peut être retenue. Les prescriptions
d’enquête et les comptes rendus par la voie téléphonique
doivent être encouragés, et le traitement par la voie du
courrier n’être réservé qu’aux infractions complexes.
Il
convient de souligner que les officiers de police judiciaire,
outre leurs pouvoirs traditionnels d’investigation conférés
par le code de procédure pénale, se voient également
confiés le droit d’obtenir communication et copie de tout
support documentaire en lien avec l’activité.
Il
faut aussi rappeler que l’article L.324-12 du code du travail
habilite l’ensemble des agents énumérés au 1er alinéa à entendre,
avec son consentement, « toute personne rémunérée, ayant été rémunérée
ou présumée être ou avoir été rémunérée par l’employeur ou
par un travailleur indépendant » pour connaître la nature
de ses activités et déterminer ses conditions d’emploi.
Les
agents peuvent en outre demander aux employeurs, aux travailleurs
indépendants, aux personnes occupées dans l’entreprise ou
sur le lieu de travail ainsi qu’à toute personne dont ils
sont amenés à recueillir les déclarations dans l’exercice
de leur mission de justifier de leur identité et de leur
adresse.
L’article
L.324-12 précité accorde enfin une force probante renforcée
aux procès-verbaux établis par ces agents qui font foi jusqu’à preuve
contraire.
1.2. Les
outils procéduraux à la disposition du procureur de la
République
Dans
le cadre des enquêtes préliminaires, le procureur de la République
peut requérir du président du tribunal de grande instance
ou du juge délégué, en pratique le juge des libertés et de
la détention, une ordonnance aux fins d’autoriser les officiers
de police judiciaire à procéder à des visites domiciliaires,
des perquisitions et saisies de pièces à conviction dans
les lieux de travail, y compris dans ceux n’abritant pas
de salariés, même s’il s’agit de locaux habités, en application
de l’article L.611-13 du code du travail.
Ces
pouvoirs ne peuvent être mis en œuvre qu’entre 6 heures et
21 heures.
Dans
le cadre de l'application de cet article, il faut souligner
que les enquêteurs ont la faculté, après avoir procédé à la
notification de l'article L.611-13 du Code du travail et à la
perquisition en préliminaire, de poursuivre les investigations
sous le régime de l'enquête de flagrance dès lors que des
indices apparents de travail illégal ont été constatés.
La
présence, le cas échéant, sur réquisition, des agents d’autres
services permet aussi une exploitation rapide et pertinente
des documents éventuellement saisis.
Le
procureur de la République peut également recourir soit à l’article
78-2 du code de procédure pénale dans les zones frontalières
pour contrôler l’identité des travailleurs traversant la
frontière, soit à l’article 78-2-1 du CPP.
L’article
78-2-1 du CPP permet en effet, sur réquisitions du procureur
de la République d’autoriser les officiers de police judiciaire
de pénétrer dans des lieux à usage professionnel, annexes
et dépendances, sauf s’ils constituent un domicile, lorsque
des activités sont en cours, à toute heure.
Ces
réquisitions sont destinées à contrôler l’activité et l’identité des « personnes
occupées » et sont prises pour une durée maximale d’un
mois.
2.
Une réponse judiciaire ferme et adaptée
Il
appartient aux procureurs généraux de préconiser la mise
en oeuvre d=une réponse pénale systématique et adaptée à la gravité des
infractions relatives au travail illégal.
2.1.
Un recours limité aux mesures alternatives aux poursuites
Dans
le cadre de la politique volontariste menée par les pouvoirs
publics en matière d’emploi et de lutte contre le travail illégal,
les classements sans suite en opportunité, même accompagnés
d=une
mesure d=avertissement
ou de rappel à la loi, ne peuvent être décidés que de manière
tout à fait exceptionnelle.
Les
mesures alternatives aux poursuites, principalement les mesures
de classement sans suite sous condition de régularisation ou
de médiation pénale, doivent être mises en oeuvre de manière
limitée et, en tout état de cause, pour des faits de faible
gravité.
Les
infractions de dissimulation de salariés, lorsqu’elles sont
circonscrites par le petit nombre de salariés concernés et
par leur développement limité dans le temps sont ainsi traitées
par certaines juridictions par le recours aux délégués du procureur
en vue de faire régulariser les cotisations sociales et les
salaires éludés, en accord avec les corps de contrôle et l’union
de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et des
allocations familiales.
2.2. Une réponse
systématique adaptée à la gravité des faits
2.2.1. Le
recours à la composition pénale
L’article
41-2 du code de procédure pénale, modifié par la loi n°2004-204
du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions
de la criminalité, permet désormais au procureur de la République
de proposer une composition pénale à l’auteur qui reconnaît
la commission d’une infraction punie d’une peine d’emprisonnement
inférieure ou égale à cinq ans.
Avec
le relèvement du seuil de l’emprisonnement, la totalité des
infractions liées au travail illégal peut, dans ces conditions,
faire l’objet d’une telle mesure.
Outre
l’amende de composition, la remise du véhicule ou du permis
de conduire pour une période maximale de six mois peuvent
en effet constituer des mesures fortement dissuasives.
2.2.2.
Les poursuites
2.2.2.1.
Le choix privilégié des procédures rapides
Les
faits réitérés ou d’une importance significative, eu égard
aux avantages qu’ils procurent à leur auteur, devront faire
l’objet de poursuites systématiques devant les juridictions
pénales.
Les
procédures rapides (convocation par officier de police judiciaire,
comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité et
comparution immédiate) devront être privilégiées.
Ces
modes de poursuites supposent bien évidemment un suivi très
attentif des procédures et le rôle dynamique du parquet pour
diriger la police judiciaire en temps réel. Ils ne peuvent
par ailleurs être décidés que si la procédure, préliminaire
ou en flagrance, a permis un traitement complet de la procédure.
Il serait, dans ces conditions, opportun d’inciter les officiers
de police judiciaire à solliciter le concours des agents
des administrations spécialisées dans le temps de l’enquête
lorsque ces derniers ne sont pas à l’origine de la constatation
de l’infraction pour recueillir leur avis technique sur la
procédure lorsque sa complexité le justifie.
Il
conviendra de retenir, dans le cadre des procédures rapides,
les qualifications les plus simples à caractériser et de
requérir systématiquement une ou plusieurs des peines complémentaires
prévues par l’article L.362-4 du code du travail (affichage
ou diffusion du jugement, confiscation des objets ayant servi
directement ou indirectement à commettre l’infraction ou
ceux qui en sont le produit et qui appartiennent au condamné voire
l’interdiction d’exercice de l’activité professionnelle par
exemple).
Le
procureur de la République devra par ailleurs veiller à interjeter
appel des décisions lorsque les peines prononcées ne correspondent
ni à la gravité de l’infraction reprochée à l’auteur ni à sa
personnalité ou ne prennent pas assez en considération les
conséquences économiques et sociales de l’infraction.
2.2.2.2.
L’ouverture d’une information judiciaire
L’ouverture
d’une information judiciaire doit être réservée aux seuls cas
de réseaux organisés ou de procédures particulièrement complexes
(investigations nombreuses devant être menées sur l’ensemble
du territoire, voire à l’étranger, grand nombre d’entreprises
susceptibles d’être concernées par les faits, difficulté d’identifier
la chaîne des responsabilités éventuelles).
La
nécessité de saisine du G.I.R ou des offices centraux peut à ce
titre constituer un bon indicateur de l’ampleur des fraudes
constatées ou susceptibles d’être révélées à l’occasion de
l’enquête, de l’importance des investigations qui devront être
menées et de l’opportunité de requérir l’ouverture d’une
information judiciaire.
Les échanges
d’information entre procureurs de la République d’un même
ressort de cour d’appel et la concertation des procureurs
généraux au niveau interrégional devraient permettre une
analyse fine de l’opération de police judiciaire envisagée
ou de la procédure déjà initiée, et guider le choix de l’orientation
pénale la plus pertinente.
2.2.2.3 Le
délit de blanchiment
Le
travail illégal peut générer des gains très importants et
réclamer divers intermédiaires pour donner à ces gains une
apparence légale. Il peut être judicieux, dans les cas les
plus significatifs, de retenir la qualification de blanchiment
afin d'identifier et de rechercher le ou les bénéficiaires
finaux, en application de l'article 324-1 du code pénal.
Des
réquisitions de confiscation des gains illégalement acquis
seront bien évidemment opportunes pour empêcher la reconstitution
de l’activité illicite.
Vous
voudrez bien assurer la mise en œuvre rapide des orientations
de la présente circulaire et me transmettre chaque année votre évaluation
qualitative et quantitative la plus complète possible de la
politique pénale menée dans votre ressort.
Vous voudrez bien également
me rendre compte de toute difficulté relative à son application,
sous le timbre du bureau de la santé publique, du droit social
et de l=environnement.
Pour
le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice
par
délégation
Le
Directeur des affaires criminelles et des grâces
Jean-Marie
HUET