Dpae tardive

Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 9 décembre 2020, 19-18.485, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale

N° de pourvoi : 19-18.485
ECLI:FR:CCASS:2020:SO01181
Non publié au bulletin
Solution : Cassation partielle

Audience publique du mercredi 09 décembre 2020
Décision attaquée : Cour d’appel d’Aix-en-Provence, du 22 mars 2018

Président
M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s)
SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION


Audience publique du 9 décembre 2020

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1181 F-D

Pourvoi n° K 19-18.485

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 DÉCEMBRE 2020

Mme T... F..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° K 19-18.485 contre l’arrêt rendu le 22 mars 2018 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (17e chambre), dans le litige l’opposant :

1°/ à la société [...], société civile professionnelle, dont le siège est [...] , prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Coiffure Land,

2°/ à l’AGS CGEA de Marseille, dont le siège est [...] ,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rouchayrole, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme F..., après débats en l’audience publique du 21 octobre 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rouchayrole, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 22 mars 2018), Mme F... a été engagée selon accord verbal à compter du 18 octobre 2012 en qualité de coiffeuse par la société Coiffure Land.

2. L’employeur a mis fin à la période d’essai le 26 octobre 2012 à la suite du refus de la salariée de souscrire le contrat de travail proposé la veille par l’employeur et qu’elle a estimé ne pas correspondre aux accords verbaux.

3. Elle a saisi la juridiction prud’homale le 16 novembre 2012 de demandes tendant notamment à la reconnaissance du caractère abusif de la rupture de son contrat de travail à l’initiative de l’employeur et à l’octroi d’une indemnité pour travail dissimulé.

4. La liquidation judiciaire de la société Coiffure Land a été prononcée le 10 février 2016 par jugement du tribunal de commerce de Nice et la société [...] a été désignée en qualité de liquidateur.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. La salariée fait grief à l’arrêt de la débouter de sa demande d’indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé, alors :

« 1°/ qu’en constatant que sa déclaration tardive auprès des services de l’Urssaf ’’
ne peut suffire à caractériser une intention de dissimuler l’emploi alors que la démarche, en elle-même, tend à attester du contraire’’ sans rechercher, comme la salariée l’y invitait pourtant dans ses conclusions, si la déclaration effectuée par l’employeur n’était pas intervenue postérieurement à la rupture abusive de la période d’essai, ce dont il ressort que l’employeur n’a pu valablement régulariser la situation et qu’il a délibérément omis de procéder à la déclaration préalable à l’embauche pendant la relation salariale, la cour a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 8221-5 1° et L. 8223-1 du code du travail ;

2°/ que la régularisation postérieure à la rupture de la période d’essai, à la supposer possible, est sans incidence sur le fait que l’employeur a délibérément omis de déclarer le salarié et que l’indemnité est due ; qu’en jugeant que l’employeur avait pu régulariser la situation de la salariée le 30 octobre 2012, soit douze jours après la date d’embauche, la cour a violé les articles L. 8221-5 1° et L. 8223-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1221-10, L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail :

6. Aux termes du premier de ces textes, l’embauche d’un salarié ne peut intervenir qu’après déclaration nominative accomplie par l’employeur auprès des organismes de protection sociale désignés à cet effet.

7. Selon le deuxième de ces textes, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche.

8. Selon le troisième, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

9. Pour débouter la salariée de sa demande de versement d’une telle indemnité, l’arrêt énonce, après avoir constaté que la rupture de la relation de travail au cours de la période d’essai était intervenue de manière abusive à l’initiative de l’employeur et que ce dernier n’avait procédé à la déclaration prévue par l’article L. 1221-10 susvisé que postérieurement à cette rupture, que ce retard, à lui seul, ne peut suffire à caractériser une intention de dissimuler l’emploi alors que la démarche, en elle-même, tend à attester du contraire.

10. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l’absence d’intention de dissimulation de l’employeur dans le défaut de déclaration de la salariée, préalablement à son embauche, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déboute Mme F... de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé, l’arrêt rendu le 22 mars 2018, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ;

Remet, sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne la société [...], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Coiffure Land, aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société [...], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Coiffure Land, à payer à Mme F... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour Mme F...

Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir débouté Mme F... de sa demande pour travail dissimulé,

AUX MOTIFS QUE « Sur la demande d’indemnité pour travail dissimulé

Il résulte des dispositions de l’article L. 8223-1 du code du travail que le salarié dont l’employeur a volontairement dissimulé une partie du temps de travail a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire en cas de rupture de la relation de travail. Cependant, les heures de travail qui n’ont pas été payées ne peuvent donner lieu à l’indemnité pour travail dissimulé que si l’employeur a agi intentionnellement.
En l’espèce, pour prétendre à cette indemnité, Mme F... se prévaut de ce que l’employeur n’a procédé à sa déclaration auprès des services de l’URSSAF que le 30 octobre 2012. Toutefois, même si cette déclaration est intervenue 12 jours après la date d’embauche, ce retard, à lui seul, ne peut suffire à caractériser une intention de dissimuler l’emploi alors que la démarche, en elle-même, tend à attester du contraire » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE « Sur le travail dissimulé :

Mme F... ne porte au dossier aucune preuve de la déclaration tardive à l’URSSAF.
Le Conseil ne fera pas droit à cette demande. » ;

1°) ALORS QU’en constatant, pour débouter Mme F... de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé, que sa déclaration tardive auprès des services de l’URSSAF « 
ne peut suffire à caractériser une intention de dissimuler l’emploi alors que la démarche, en elle-même, tend à attester du contraire » sans rechercher, comme l’y invitait pourtant Mme Scala dans ses conclusions, si la déclaration effectuée par l’employeur n’était pas intervenue postérieurement à la rupture abusive de la période d’essai, ce dont il ressort que l’employeur n’a pu valablement régulariser la situation et qu’il a délibérément omis de procéder à la déclaration préalable à l’embauche pendant la relation salariale, la cour a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 8221-5 1° et L. 8223-1 du code du travail.

2°) ALORS (subsidairement) QU’en tout état de cause, la régularisation postérieure à la rupture de la période d’essai, à la supposer possible, est sans incidence sur le fait que l’employeur a délibérément omis de déclarer le salarié et que l’indemnité est due ; qu’en jugeant que l’employeur avait pu régulariser la situation de Mme Scala Genesi le 30 octobre 2012, soit douze jours après la date d’embauche, la cour a violé les des articles L. 8221-5 1° et L. 8223-1 du code du travail.ECLI:FR:CCASS:2020:SO01181