Charge de la preuve des heures de travail accomplies

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 20 janvier 2010

N° de pourvoi : 08-42299 08-42665

Non publié au bulletin

Cassation partielle

M. Blatman (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Thomas-Raquin et Bénabent, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° T 08-42.299 et R 08-42.665 ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée par contrat de travail à durée indéterminée du 1er mars 1999 en qualité de consultante cadre par la société Formation FME ; que ce premier contrat a été annulé et remplacé par un autre du 4 février 2000 ; que licenciée le 26 novembre 2001, la salariée a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes ;

Sur le pourvoi de l’employeur :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le moyen, qui ne serait pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

Mais sur le pourvoi de la salariée :

Vu l’article L. 212-1-1, devenu L. 3171-4 du code du travail ;

Attendu qu’il résulte de ce texte que la preuve des heures effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties, que l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et qu’il appartient à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ;

Attendu que pour rejeter la demande de paiement d’heures supplémentaires, l’arrêt retient que la salariée verse aux débats un tableau récapitulatif indiquant le nombre d’heures supplémentaires accomplies chaque mois ainsi que des attestations émanant de deux clients faisant état de rendez-vous tenus à 19 h et 20 h, que toutefois ce tableau global dont il n’est pas démontré qu’il ait été en son temps soumis à l’employeur, a été rempli par la salariée a posteriori pour les besoins de la procédure et ne mentionne ni le nombre d’heures supplémentaires effectuées par semaine, ni les horaires journaliers de la salariée, ni les jours où auraient eu lieu les rendez-vous dont attestent les deux clients ni non plus les absences et congés pris par la salariée, que ce faisant Mme X... n’étaye pas sa demande ;

Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui a fait peser la charge de la preuve des horaires effectués sur la seule salariée, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE et ANNULE, mais seulement en ses dispositions déboutant Mme X... de sa demande en paiement des heures supplémentaires effectuées pour le compte de la société, et en conséquence de ses demandes d’indemnité pour travail dissimulé, l’arrêt rendu le 19 mars 2008, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles ;

Condamne la société Formation FME (FMI) aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt janvier deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi T 08-42.299 de la SCP Thomas-Raquin et Bénabent, avocat aux conseils pour la société Formation FME (FMI) ;

MOYEN UNIQUE DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné la SA FORMATION FME à rembourser à Mademoiselle X... les sommes de 2.014,43 euros à titre de rappel de salaire et 201,44 euros à titre de congés payés incidents ;

AUX MOTIFS QUE « SUR UN RAPPEL DE SALAIRE

Qu’à l’appui de sa demande en remboursement de la somme de 2 014,43 euros outre les congés payés incidents, formée au titre d’un rappel de salaire Mademoiselle X... fait valoir que sur ces 6 derniers bulletins de salaire, l’employeur a déduit les acomptes sur sa partie variable de sa rémunération versée à la salariée depuis juin 2001 ;

Que l’examen de ces bulletins de paie fait apparaître un net à payer « négatif » suite à la déduction par l’employeur d’acomptes sur commissions chaque mois de sorte que Mademoiselle X... est fondée en sa demande dont le montant n’est pas contesté, au titre du rappel de salaire outre les congés payés ;

ALORS QUE D’UNE PART aux termes de l’article 4 du Code de procédure civile l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu’en l’espèce, tant les écritures échangées entre les parties, que le rappel par la juridiction du second degré des prétentions de ces dernières démontraient que la Cour d’appel de PARIS était saisie d’un certain nombre de demandes émanant de Madame X... au nombre desquelles ne figurait aucune demande concernant un rappel de salaire pour un montant de 2 014,43 francs ou euros - les juges du fond se référant à l’une et l’autre de ces monnaies - ; qu’en condamnant néanmoins la société FME à verser à Mademoiselle X... la somme de 2 014,43 euros outre les congés payés y afférents à titre de rappel de salaire, la Cour d’appel a méconnu les termes du litige en violation de l’article 4 du Code de procédure civile ;

ALORS QUE D’AUTRE PART et en tout état de cause, il découle de l’article 455 du Code de procédure civile que le jugement doit être motivé et qu’une motivation inintelligible équivaut à une absence de motivation ; qu’en l’espèce, pour faire droit à la prétendue demande de Mademoiselle X... en remboursement de salaire à l’encontre de la société FME la Cour d’appel a retenu que l’examen des six derniers bulletins de salaire faisait apparaître un net à payer « négatif » suite à la déduction par l’employeur d’acomptes sur commissions chaque mois , pour en conclure que l’ex-salariée était fondée en sa demande ; qu’en statuant ainsi par un motif ne mettant en lumière aucune déduction de cause à effet, la Cour d’appel a statué par un motif inintelligible équivalant à un défaut de motif et n’a donc pas satisfait aux exigences de l’article 455 du Code de procédure civile.

Moyen produit au pourvoi R 08-42.665 par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux conseils pour Mme X... ;

MOYEN UNIQUE DE CASSATION

Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir débouté Mlle X... de sa demande en paiement des heures supplémentaires effectuées pour le compte de la Société, et en conséquence de ses demandes d’indemnité pour travail dissimulé

Aux motifs que, la circonstance que la salariée ne produise pas lettres et courriels qu’elle prétend avoir adressés à l’employeur pour réclamer le paiement d’heures supplémentaires ne saurait faire obstacle à sa demande ; Il résulte l’article L. 212-1-1 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties et que l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarie, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature a étayer sa demande ; En l’espèce Mlle X... demande le paiement d’heures supplémentaires qu’elle aurait effectuées au nombre de 70 en 1999, 80 en 2000 et 54 en 2001 à l’occasion notamment des entretiens avec les candidats, le soir après 19 H ; Elle verse aux débats un tableau récapitulatif indiquant le nombre d’heures supplémentaires effectuées chaque mois ainsi que des attestations émanant de 2 clients faisant état de rendez-vous tenus à 19 H et 20 H ; toutefois ce tableau global dont il n’est pas démontré qu’il ait été en son temps soumis à l’employeur, a été rempli par la salariée a posteriori pour les besoins de la procédure et ne mentionne ni le nombre d’heures supplémentaires effectuées par semaine, ni les horaires journaliers de la salariée, ni les jours où auraient eu lieu les rendez-vous dont attestent les 2 clients, ni non plus les absences et congés pris par la salariée ; Ce faisant Mlle X... n’étaye pas sa demande ».

ALORS QUE, en matière d’heures supplémentaires, la preuve des heures effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties ; qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu’en imposant à la salariée d’étayer sa demande alors qu’elle devait simplement produire des éléments de faits de nature à étayer sa demande, ce qui était le cas en l’espèce, la Cour d’appel a violé l’article L. 3171-4 du Code du travail.

ALORS ENCORE QU’en affirmant qu’il n’était pas démontré que le tableau fourni ait été soumis à l’employeur, qu’il ne mentionnait ni le nombre d’heures supplémentaires effectuées par semaine, ni les horaires journaliers de la salariée, ni les jours où auraient eu lieu les rendez-vous dont attestent les 2 clients, ni non plus les absences et congés pris par la salariée, la Cour d’appel a de nouveau imposé à la salariée qu’elle apporte la preuve de ses allégations, violant derechef les dispositions précitée.
Décision attaquée : Cour d’appel de Paris du 19 mars 2008