Auto entrepreneur - coursier à vélo

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 28 novembre 2018

N° de pourvoi : 17-20079

ECLI:FR:CCASS:2018:SO01737

Publié au bulletin

Cassation

M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président), président

SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, SCP Piwnica et Molinié, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Donne acte à la CGT de son intervention volontaire ;

Sur le moyen unique :

Vu l’article L. 8221-6 II du code du travail ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Take Eat Easy utilisait une plate-forme web et une application afin de mettre en relation des restaurateurs partenaires, des clients passant commande de repas par le truchement de la plate-forme et des livreurs à vélo exerçant leur activité sous un statut d’indépendant ; qu’à la suite de la diffusion d’offres de collaboration sur des sites internet spécialisés, M. Y... a postulé auprès de cette société et effectué les démarches nécessaires en vue de son inscription en qualité d’auto-entrepreneur ; qu’au terme d’un processus de recrutement, les parties ont conclu le 13 janvier 2016 un contrat de prestation de services ; que M. Y... a saisi la juridiction prud’homale le 27 avril 2016 d’une demande de requalification de son contrat en un contrat de travail ; que, par jugement du 30 août 2016, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société Take Eat Easy et désigné en qualité de mandataire liquidateur Mme E... ;

Attendu que pour rejeter le contredit, dire que M. Y... n’était pas lié par un contrat de travail à la société Take Eat Easy et dire le conseil de prud’hommes incompétent pour connaître du litige, l’arrêt retient que les documents non contractuels remis à M. Y... présentent un système de bonus (le bonus “Time Bank” en fonction du temps d’attente au restaurant et le bonus “KM” lié au dépassement de la moyenne kilométrique des coursiers) et de pénalités (”strikes”) distribuées en cas de manquement du coursier à ses obligations contractuelles, un “strike” en cas de désinscription tardive d’un “shift” (inférieur à 48 heures), de connexion partielle au “shift” (en-dessous de 80 % du “shift”), d’absence de réponse à son téléphone “wiko” ou “perso” pendant le “shift”, d’incapacité de réparer une crevaison, de refus de faire une livraison et, uniquement dans la Foire aux Questions (”FAQ”), de circulation sans casque, deux “strikes” en cas de “No-show” (inscrit à un “shift” mais non connecté) et, uniquement dans la “FAQ”, de connexion en dehors de la zone de livraison ou sans inscription sur le calendrier, trois “strikes” en cas d’insulte du “support” ou d’un client, de conservation des coordonnées de client, de tout autre comportement grave et, uniquement dans la “FAQ”, de cumul de retards importants sur livraisons et de circulation avec un véhicule à moteur, que sur une période d’un mois, un “strike” ne porte à aucune conséquence, le cumul de deux “strikes” entraîne une perte de bonus, le cumul de trois “strikes” entraîne la convocation du coursier “pour discuter de la situation et de (sa) motivation à continuer à travailler comme coursier partenaire de Take Eat Easy” et le cumul de quatre “strikes” conduit à la désactivation du compte et la désinscription des “shifts” réservés, que ce système a été appliqué à M. Y..., que si, de prime abord, un tel système est évocateur du pouvoir de sanction que peut mobiliser un employeur, il ne suffit pas dans les faits à caractériser le lien de subordination allégué, alors que les pénalités considérées, qui ne sont prévues que pour des comportements objectivables du coursier constitutifs de manquements à ses obligations contractuelles, ne remettent nullement en cause la liberté de celui-ci de choisir ses horaires de travail en s’inscrivant ou non sur un “shift” proposé par la plate-forme ou de choisir de ne pas travailler pendant une période dont la durée reste à sa seule discrétion, que cette liberté totale de travailler ou non, qui permettait à M. Y..., sans avoir à en justifier, de choisir chaque semaine ses jours de travail et leur nombre sans être soumis à une quelconque durée du travail ni à un quelconque forfait horaire ou journalier mais aussi par voie de conséquence de fixer seul ses périodes d’inactivité ou de congés et leur durée, est exclusive d’une relation salariale ;

Attendu cependant que l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs ; que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ;

Qu’en statuant comme elle a fait, alors qu’elle constatait, d’une part, que l’application était dotée d’un système de géolocalisation permettant le suivi en temps réel par la société de la position du coursier et la comptabilisation du nombre total de kilomètres parcourus par celui-ci et, d’autre part, que la société Take Eat Easy disposait d’un pouvoir de sanction à l’égard du coursier, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait l’existence d’un pouvoir de direction et de contrôle de l’exécution de la prestation caractérisant un lien de subordination, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 20 avril 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Condamne Mme E..., ès qualités, aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. Y... et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit novembre deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. Y....

Le moyen fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’AVOIR rejeté le contredit, dit que Monsieur Y... n’était pas lié par un contrat de travail à la société Take Eat Easy et dit le conseil de prud’hommes incompétent pour connaitre du litige ;

AUX MOTIFS propres QUE aux termes de l’article L. 1411-1 du code du travail, « le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient » et « juge les litiges lorsque la conciliation n’a pas abouti » ; que le contrat de travail se définit par l’engagement d’une personne à travailler pour le compte et sous la direction d’une autre moyennant rémunération, le lien de subordination juridique ainsi exigé se caractérisant par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu’il doit encore être précisé que le fait que le travail soit effectué au sein d’un service organisé peut constituer un indice de l’existence d’un lien de subordination lorsque l’employeur en détermine unilatéralement les conditions d’exécution ; qu’enfin, l’existence dîme relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité ; que par ailleurs, ainsi qu’en dispose l’article L 8221-6.1 du code du travail, « sont présumé[e]s ne pas être lié[e]s avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription » notamment « les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d’allocations familiales » ; qu’aux termes du paragraphe II de ce texte, « l’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci » ; qu’au cas présent, il ressort des pièces communiquées et il n’est pas contesté que M. David Y... a été immatriculé en qualité d’auto-entrepreneur à compter du 12 janvier 2016 pour exercer l’activité principale répertoriée sous le code APE 5320Z : « Autres activités de poste et de courrier », étant observé qu’il n’existe en outre aucun contrat de travail apparent entre les parties ; qu’il appartient dès lors à M. David Y..., de surcroît demandeur au contredit, de renverser la présomption de non-salariat résultant des dispositions susvisées et de démontrer la réalité du contrat de travail dont il se prévaut, la circonstance qu’il ait été incité par la société TAKE EAT EASY à s’inscrire en tant qu’auto-entrepreneur étant sans incidence ; qu’il est justifié et non contesté que M. David Y... a effectué des prestations de travail pour la société TAKE EAT EASY moyennant rétribution, étant précisé à cet égard que l’auto-facturation contractuellement prévue par les parties pour des raisons d’efficacité et de simplicité, que la loi autorise précisément dans un tel cadre, ne saurait constituer un indice de la relation salariale alléguée ; que les parties s’opposent essentiellement sur l’existence ou non d’un lien de subordination ; que le contrat de prestations de services conclu par les parties est composé de conditions générales et de conditions particulières, seules les premières étant versées aux débats ; qu’il en résulte notamment que : - le prestataire choisit librement les plages horaires disponibles à l’intérieur desquelles il s’engage à effectuer une ou plusieurs livraisons et peut modifier une plage horaire au maximum 72 heures avant son commencement, - le prestataire exerce son activité de livraison en qualité d’entrepreneur indépendant et doit remettre à la société lors de la conclusion du contrat et tous les six mois jusqu’à la fin de son exécution l’attestation de déclarations sociales mentionnant le paiement des cotisations sociales et contributions de sécurité sociale lui incombant, - au plus tard 15 minutes avant le début de la prestation, le prestataire s’engage à être en possession de son propre matériel de livraison comprenant en particulier son vélo, son kit de réparation, son casque, son gilet ou brassard réfléchissant, le sac de livraison équipé d’un sac isotherme mis à sa disposition par la société pour des impératifs de qualité et d’hygiène, et son smartphone chargé avec l’application allumée, - à défaut de valider dans les cinq minutes de sa notification la proposition de livraison qui lui est faite via l’application, le prestataire est automatiquement réputé la refuser et la livraison est alors redirigée vers un autre livreur, - pour chaque plage horaire intégralement prise en charge et chaque livraison effectuée conformément à la convention, le prestataire a droit à la rémunération définie d’un commun accord dans les conditions particulières (7,5 € par course selon la facturation communiquée), - la société peut sans mise en demeure procéder à la résiliation avec effet immédiat de la convention en cas de manquement grave du prestataire à ses obligations, tel que : - ne pas effectuer de manière répétée et après acceptation les livraisons dans le délai imparti, sauf cas de force majeure, - ne pas disposer du matériel requis pour le service de livraison ou disposer d’un matériel qui ne répond pas aux normes légales et réglementaires, notamment en matière de sécurité, - avoir, de manière avérée, adopté un comportement irrespectueux ou impoli à l’égard des partenaires de la société, de leurs dirigeants ou membres du personnel ou à l’égard d’un client, - avoir, de manière avérée, adopté un comportement dangereux (non-respect des règles de circulation routière, ébriété...), - ne pas être en ordre au regard des obligations sociales ou fiscales qui s’imposent au prestataire, - ne pas avoir respecté l’une des stipulations de l’article 10 concernant les obligations fiscales, - ne pas disposer d’une assurance couvrant les risques liés à l’exécution de la convention ainsi que les dommages causés ou subis par le prestataire, - abandonner l’exécution de ses obligations issues des présentes à un tiers ou céder, à titre onéreux ou non, les droits qui découlent de la convention, sauf le cas échéant à faire réaliser la prestation par ses propres salariés, - hormis ces cas, chacune des parties peut mettre fin à la convention moyennant le même préavis dont la durée augmente en fonction de celle du contrat, lequel est conclu pour six mois et tacitement reconduit à l’issue pour une durée indéterminée, - l’application est dotée d’un système de géolocalisation permettant le suivi en temps réel tant par la société que par le client de la position du prestataire et la comptabilisation du nombre total de kilomètres parcourus par celui-ci dans le cadre de l’exécution de la convention, - le prestataire est libre de conclure avec toute autre entreprise un contrat similaire ou équivalent, la société TAKE EAT EASY ne disposant d’aucune exclusivité ; que ces stipulations ne sont pas en soi révélatrices du lien de subordination allégué ni même d’une dépendance économique du prestataire, dans la mesure où il n’est lié à la société TAKE EAT EASY par aucune clause d’exclusivité ou de non-concurrence et reste libre chaque semaine de déterminer lui-même les plages horaires au cours desquelles il souhaite travailler, ou de n’en sélectionner aucune s’il ne souhaite pas travailler ; qu’à cet égard, il doit être relevé que M. David Y... exerçait par ailleurs des fonctions salariées de régisseur au sein de la société A LA FOLIE THEATRE, ce qui le conduit dans le cadre de la procédure qu’il a initiée à solliciter la requalification de la convention en cause en contrat de travail à temps partiel ; que cependant, par-delà les prévisions contractuelles, la cour doit s’attacher aux conditions effectives dans lesquelles M. David Y... a exercé son activité de coursier à vélo ; que pour caractériser l’existence du lien de subordination qu’il allègue, M. David Y... invoque l’existence d’une formation préalable et obligatoire, d’un service entièrement organisé par TAKE EAT EASY, d’une intégration des livreurs à l’équipe des salariés de TAKE EAT EASY, de prescriptions très précises sur le matériel ainsi que sur l’attitude et les bonnes pratiques à adopter, d’un véritable pouvoir de sanction à la disposition de la société et d’un mécanisme d’intéressement ; que la formation dont fait état M. David Y... s’insère uniquement dans un processus rapide de sélection des prestataires livreurs (remise d’une documentation, comte formation, vérification du vélo utilisé par le candidat et organisation d’un « shift » d’essai) qui est antérieur à la conclusion du contrat et ne présage pas dès lors de ses conditions d’exécution ; que si dans le cadre d’une relation tripartite entre le restaurateur, le coursier à vélo et le client, le service de livraison de repas est nécessairement organisé, pour autant la société TAKE EAT EASY ne détermine pas unilatéralement les conditions d’exécution du travail du livreur puisque celui-ci choisit librement ses plages horaires d’activité ; que c’est également de façon dénuée de pertinence que le demandeur au contredit invoque une intégration des livreurs à l’équipe support des salariés de la société TAKE EAT EASY, alors que les rares contacts entre les premiers et les seconds sont exclusivement téléphoniques et que les « drinks » mensuels et événements divers organisés par la société TAKE EAT EASY pour justifier de l’existence de « [sa] communauté de coursiers » (page 24 du « petit guide du coursier Take Eat Easy ») ne revêtent aucun caractère obligatoire ; qu’il doit encore être relevé que le prestataire travaille avec son propre matériel, la société ne fournissant contre caution que le sac de livraison équipé d’un sac isotherme et si nécessaire le smartphone ; que le 13 janvier 2016, M. David Y... a ainsi reçu moyennant caution à déduire des factures à venir un téléphone « Wilco Goa » et un sac « HPA » ; que par ailleurs, la société TAKE EAT EASY remet au livreur divers documents non-contractuels intitulés « le petit guide du coursier Take Eat Easy », « les meilleures pratiques » et « FAQ » (foire aux questions) (pièces n° 23, 6 et 5 de M. David Y...) ; que ces documents contiennent des informations, des recommandations en matière de sécurité et d’hygiène et des conseils de bon sens quant au déroulement des missions et à l’attitude à adopter vis à vis de la clientèle, qui tant dans la forme que sur le fond ne peuvent s’analyser comme des ordres ou directives, étant précisé que les trajets sont suggérés via l’application mais non imposés ; que le petit guide précité et la « FAQ » présentent en outre un système de bonus (le bonus « Time Bank » en fonction du temps d’attente au restaurant et le bonus « KM » lié au dépassement de la moyenne kilométrique des coursiers) et de pénalités (« strike s ») distribuées en cas de manquement du coursier à ses obligations contractuelles : - un « strike » en cas de désinscription tardive d’un « shift » (< 48 h), de connexion partielle au « shift » (en dessous de 80 % du « shift »), d’absence de réponse à son téléphone « wiko » ou « perso » pendant le « shift », d’incapacité de réparer une crevaison, de refus de faire une livraison et, uniquement dans la « FAQ », de circulation sans casque, - deux « strikes » en cas de « No-show » (inscrit à un « shift » mais non connecté) et, uniquement dans la « FAQ », de connexion en dehors de la zone de livraison ou sans inscription sur le calendrier, - trois « strikes » en cas d’insulte du « support » ou d’un client, de conservation des coordonnées de client, de tout autre comportement grave et, uniquement dans la « FAQ », de cumul de retards importants sur livraisons et de circulation avec un véhicule à moteur ; que sur une période d’un mois (ou de quinze jours selon la « FAQ »), un « strike » ne porte à aucune conséquence, le cumul de deux « strikes » entraîne une perte de bonus, le cumul de trois « strikes » entraîne la convocation du coursier « pour discuter de la situation et de [sa] motivation à continuer à travailler comme coursier partenaire de TAKE EAT EASY » et le cumul de quatre « strikes » conduit à la désactivation du compte et la désinscription des « shifts » réservés ; que ce système gradué d’incitation à une fiabilité optimale dont il n’est dit mot dans les conditions générales du contrat de prestations de services a bien été appliqué à M. David Y... ainsi qu’il ressort de ses statistiques de février qui font état de l’attribution d’un « strike » (pièce n° 8) et de la facture de la période du 15 au 29 février 2016 sur laquelle figure un bonus livraison de 9,30 € (pièce n° 7), étant observé qu’il n’a eu aucune incidence sur la rupture de la relation contractuelle ; que si de prime abord un tel système est évocateur du pouvoir de sanction que peut mobiliser un employeur, il ne suffit pas dans les faits à caractériser le lien de subordination allégué, alors que les pénalités considérées, qui ne sont prévues que pour des comportements objectivables du coursier constitutifs de manquements à ses obligations contractuelles, ne remettent nullement en cause la liberté de celui-ci de choisir ses horaires de travail en s’inscrivant ou non sur un « shift » proposé par la plate-forme ou de choisir de ne pas travailler pendant une période dont la durée reste à sa seule discrétion, voire de choisir la zone géographique dans laquelle il propose ses services comme le rappelle page 8 de la « FAQ » la société TAKE EAT EASY qui était présente dans plusieurs villes de France, de Belgique, d’Espagne et à Londres ; qu’en effet, aucune pénalité n’était prévue en cas de non-inscription sur un « shift », ni même en cas de désinscription dans un délai de prévenance raisonnable d’au moins 48 heures ; que cette liberté totale de travailler ou non dont a bénéficié M. David Y..., qui lui permettait, sans avoir à en justifier, de choisir chaque semaine ses jours de travail et leur nombre sans être soumis à une quelconque durée du travail ni à un quelconque forfait horaire ou journalier mais aussi par voie de conséquence de fixer seul ses périodes d’inactivité ou de congés et leur durée, est exclusive d’une relation salariale ; qu’il s’ensuit que M. David Y... manque à rapporter la preuve qu’il fournissait des prestations à la société TAKE EAT EASY dans des conditions le plaçant dans un lien de subordination à l’égard de celle-ci, et spécialement dans un lien de subordination juridique permanent ; qu’il n’est donc nullement établi que les parties étaient liées par un contrat de travail ;

AUX MOTIFS adoptés QUE le Conseil rappelle que l’article L.8221-6 du Code du travail dispose que sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre, en l’espèce, la société Take Eat Easy, par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou à inscription, les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des la sociétés, en l’espèce, Monsieur David Y... ; que Monsieur David Y..., qui, en effet, s’est inscrit le 12 janvier 2016, librement et en toute connaissance de cause, au registre du commerce et des sociétés en qualité d’auto entrepreneur pour une activité de poste et de courrier ne peut donc pas être lié avec la société Take Eat Easy par un contrat de travail et donc en être le salarié ; que, d’ailleurs, Monsieur David Y... signait, le 12 janvier 2016, avec la société Take Eat Easy un contrat non exclusif de prestation de service de livraison ; que le Conseil rappelle que l’article 9 du Code de procédure civile dispose qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ; que la jurisprudence énonce qu’une preuve recevable est réelle, exacte, objective et matériellement vérifiable ; que la jurisprudence de la Cour de Cassation énonce que c’est à celui qui se prévaut de l’existence d’un contrat de travail d’en apporter la preuve ; qu’en l’espèce Monsieur David Y..., disposant de la plus totale liberté dans l’organisation de son travail, de ses horaires, de ses trajets, du choix de son matériel qui, au demeurant, lui appartenait, de ses conditions de travail sans exclusivité aucune, en toute indépendance, n’a rapporté aucun élément de preuve recevable de l’existence d’un contrat de travail et du moindre lien de subordination entre lui et la société Take Eat Easy qui n’étaient, en fait, liés que par le contrat de prestation de service de livraison qu’ils avaient signé le 12 janvier 2016 ; que le Conseil considère que, dans ces conditions, en l’absence de tout lien de subordination et de contrat de travail entre Monsieur David Y... et la société Take Eat Easy, Monsieur David Y... ne peut se prévaloir du statut de salarié de la société Take Eat Easy ;

1° ALORS QUE le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que l’arrêt attaqué a constaté qu’au plus tard 15 minutes avant le début de sa prestation, le coursier s’engage à être en possession de son propre matériel, le sac de livraison équipé d’un sac isotherme mis à sa disposition par la société et son smartphone chargé avec l’application allumée, qu’à défaut de valider dans les cinq minutes de sa notification la proposition de livraison faite via l’application, le coursier est réputé la refuser, que pour chaque plage horaire intégralement prise en charge et chaque livraison effectuée conformément à la convention, le coursier a droit à la rémunération définie au contrat, que la société a la faculté d’adresser des pénalités (strike) au coursier en cas de manquement de celui-ci à ses obligations contractuelles et que la société peut sans mise en demeure procéder à la résiliation immédiate de la convention en cas de manquement grave du coursier tel que ne pas livrer dans le délai imparti, ne pas disposer du matériel requis, avoir eu un comportement dangereux, irrespectueux ou impoli ; qu’en disant les parties non liées par un contrat de travail quand il résultait de ces constatations un état de subordination caractérisant l’existence d’un contrat de travail, la cour d’appel a violé l’article L.8221-6 II du code du travail ;

2° ALORS QUE le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail ; qu’en considérant que la société ne détermine pas unilatéralement les conditions d’exécution du travail au seul motif que le livreur choisit librement ses plages horaires d’activité quand l’intéressé établissait l’existence d’une procédure de recrutement et de formation dispensée par la société ainsi que des prescriptions sur le matériel et le comportement des livreurs et un « shift » d’essai et quand elle a constaté qu’au plus tard 15 minutes avant le début de sa prestation, le prestataire s’engage à être en possession de son propre matériel, le sac de livraison équipé d’un sac isotherme mis à sa disposition par la société et son smartphone chargé avec l’application allumée, qu’à défaut de valider dans les cinq minutes de sa notification la proposition de livraison faite via l’application, le prestataire est réputé la refuser, et que pour chaque plage horaire intégralement prise en charge et chaque livraison effectuée conformément à la convention, le prestataire a droit à la rémunération définie au contrat, la cour d’appel a violé l’article L.8221-6 II du code du travail ;

3° ALORS QUE le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que l’arrêt attaqué a constaté que le « guide » et la « FAQ » présentent un système de pénalités (« strike ») distribuées en cas de manquement du coursier à ses obligations contractuelles et que sur une période d’un mois (ou de quinze jours selon la « FAQ »), un « strike » ne porte à aucune conséquence, le cumul de deux « strikes » entraîne une perte de bonus, le cumul de trois « strikes » entraîne la convocation du coursier « pour discuter de la situation et de [sa] motivation à continuer à travailler comme coursier partenaire de » la société et le cumul de quatre « strikes » conduit à la désactivation du compte et la désinscription des « shifts » réservés ; qu’elle a également constaté que ce système a « bien été appliqué » à l’intéressé ; qu’en disant les parties non liées par un contrat de travail pour la raison qu’il s’agit d’un « système gradué d’incitation à une fiabilité optimale » et que lesdites pénalités ne sont prévues que pour des comportements objectivables du coursier constitutifs de manquement à ses obligations contractuelles, quand il résultait de ces constatations un pouvoir de sanction caractérisant l’existence d’un contrat de travail, la cour d’appel a violé l’article L.8221-6 II du code du travail ;

4° ALORS QUE le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu’en disant les parties non liées par un contrat de travail pour la raison que les instructions quant au déroulement des missions et à l’attitude à adopter vis-à-vis de la clientèle sont des « conseils de bon sens » qui ne peuvent « s’analyser comme des ordres et des directives », la cour d’appel a violé l’article L.8221-6 II du code du travail ;

5° ALORS QUE le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu’en retenant que la circonstance que l’intéressé « ait été incité par la société à s’inscrire en tant qu’auto-entrepreneur » est « sans incidence sur l’existence du contrat de travail » quand cette circonstance constitue au contraire un indice du lien de subordination, la cour d’appel a violé l’article L.8221-6 II du code du travail ;

6° ALORS QUE le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu’en retenant que « l’auto-facturation contractuellement prévue par les parties pour des raisons d’efficacité et de simplicité (

) ne saurait constituer un indice de la relation salariale alléguée » quand cette circonstance constitue au contraire un indice du lien de subordination, la cour d’appel a violé l’article L.8221-6 II du code du travail ;

7° ALORS QUE le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu’en disant les parties non liées par un contrat de travail aux motifs inopérants que l’intéressé n’était lié par aucune clause d’exclusivité ni de non-concurrence et exerçait par ailleurs des fonctions salariées, la cour d’appel a violé l’article L.8221-6 II du code du travail ;

8° ALORS QUE le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail ; qu’en disant les parties non liées par un contrat de travail au seul motif que l’intéressé était libre de choisir ses plages de travail ou de choisir de ne pas travailler pendant une période, quand ce motif était, à lui seul, insuffisant à écarter tout lien de subordination eu égard à l’ensemble des constatations dont il résultait que la société déterminait unilatéralement les conditions d’exécution du travail et imposait des directives dont elle sanctionnait la méconnaissance, la cour d’appel a violé l’article L.8221-6 II du code du travail. Publication :

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris , du 20 avril 2017