Abattoir clandestin

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 24 février 2010

N° de pourvoi : 09-88023

Non publié au bulletin

Rejet

M. Louvel (président), président

SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

"-" X... Khalifa,

contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE, en date du 4 novembre 2009, qui, dans l’information suivie contre lui des chefs, notamment, d’abattage illicite, mise en danger d’autrui, tromperie aggravée, travail dissimulé, a confirmé partiellement l’ordonnance du juge d’instruction ordonnant sa mise en liberté et le plaçant sous contrôle judiciaire ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 5, 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, 138, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

”en ce que la chambre de l’instruction a confirmé l’ordonnance entreprise sur le principe du cautionnement et son montant et la réformant sur les modalités, a dit que la somme de 50 000 euros sera payée en un seul versement au plus tard le 31 janvier 2010 et qu’elle sera affectée, à hauteur de 10 000 euros à la représentation à tous les actes de la procédure, l’exécution éventuelle du jugement et les autres obligations de l’ordonnance et à hauteur de 40 000 euros au paiement, dans l’ordre, d’une part, de la réparation des dommages causés par l’infraction et des restitutions et, d’autre part, des amendes ;

”aux motifs qu’il ne saurait être fait le reproche au juge d’instruction de ne pas avoir fait rechercher quelles étaient les ressources et les charges de Khalifa X..., alors que, précisément, il suffit de prendre connaissance de la procédure pour constater que bien au contraire ces éléments ont été recherchés de façon détaillée ; que les charges afférentes à l’éducation des enfants vivant encore au foyer et le remboursement, à hauteur d’environ 320 euros par mois, d’un emprunt contracté pour l’achat de sa résidence familiale sont indiscutables ; que, néanmoins, il y a lieu de souligner que Khalifa X... a pu acquérir au moins un appartement le 29 mai 2000, et un garage le 13 juin 2005, cette dernière transaction pour une somme de 7 500 euros ; que le prix payé pour l’appartement demeure en l’état inconnu, la somme de 38 587 euros avancée par les enquêteurs ne concernant absolument pas cette transaction ( D 1566) ; qu’il est insolite de se voir donner des leçons de jurisprudence fondée sur l’examen des ressources officielles, déclarations fiscales à l’appui, alors que précisément il ressort de la procédure, et des déclarations de Khalifa X..., lequel a reconnu a minima les infractions, que l’essentiel des revenus de ce dernier sont occultes et par définition non déclarés ; qu’il suffit de relever, entre autres éléments, et en l’état des investigations :

"-" qu’à raison de 70 euros par abattage et de près de 300 abattages par an, selon Georges Y..., et non 80 comme Khalifa X... le soutient, pendant sept ans, l’enrichissement est d’environ 140 000 euros au total ;

"-" que Khalifa X... a reconnu être propriétaire de cinq maisons au Maroc ;

"-" qu’il a acquis sans difficulté et sans emprunt un garage, pour une somme de 7 500 euros, en 2005 ;

"-" qu’il a été contrôlé par la douane le 14 avril 2009, soit environ un mois avant son interpellation, et trouvé porteur de 22 500 euros en espèces ;

"-" qu’il a apporté en 2007 la somme de 22 000 euros pour la construction d’un abattoir en partie clandestin ;

"-" que la perquisition effectuée à son domicile a permis de découvrir une somme de 10 000 euros en espèces ; qu’il est impudent et inopérant, dans ces conditions, de pleurer misère ; que le montant de 50 000 euros paraît donc particulièrement raisonnable et pondéré eu égard aux ressources occultes et au patrimoine immobilier de l’appelant ; qu’en conséquence, l’ordonnance de placement sous contrôle judiciaire déférée sur la seule obligation de verser un cautionnement sera confirmée quant à cette obligation et quant à son montant ; qu’en revanche, en raison des éléments ci-dessus exposés, il convient de réformer l’ordonnance déférée sur les modalités du cautionnement ; que la somme de 50 000 euros sera à payer en un seul versement au plus tard le 31 janvier 2010 ; qu’elle sera affectée :

"-" à hauteur de 10 000 euros à la représentation à tous les actes de la procédure, l’exécution éventuelle du jugement et les autres obligations de la présente ordonnance,

"-" à hauteur de 40 000 euros au paiement, dans l’ordre : de la réparation des dommages causés par l’infraction et des restitutions des amendes ;

”1°) alors que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ; que le demandeur qui fait appel d’une ordonnance fixant le montant d’une caution pénale peut légitimement citer dans son mémoire des arrêts rendus par la Cour de cassation et soutenir que le montant de la caution est disproportionné par rapport à ses ressources ; que, dès lors, les motifs par lesquels la chambre de l’instruction affirme qu’il est insolite de se voir donner des leçons de jurisprudence et qu’il est impudent et inopérant, dans ces conditions, de pleurer misère témoignent d’un parti pris hostile au demandeur incompatible avec l’obligation d’impartialité des juges ; que la chambre de l’instruction a donc excédé ses pouvoirs et violé les textes susvisés ;

”2°) alors que le droit fondamental à la liberté, garanti par l’article 5 de la Convention européenne, exige que les autorités apprécient le montant du cautionnement par rapport aux ressources de l’intéressé et vouent autant de soin à fixer un cautionnement approprié qu’à décider si le maintien d’une personne accusée en détention demeure ou non indispensable ; que Khalifa X... faisait valoir, dans son mémoire, qu’il était au chômage et percevait l’allocation d’aide au retour à l’emploi d’un montant de 882,60 euros par mois et qu’il avait à charge une famille de sept enfants dont quatre encore scolarisés ainsi que les dépenses liées à sa résidence principale et que pendant ses quatre mois de détention provisoire, sa famille s’était retrouvée dépourvue de toute ressource ; qu’en confirmant l’ordonnance ayant fixé le montant du cautionnement à la somme de 50 000 euros tout en ajoutant que cette somme devait être payée en une seule fois avant le 31 janvier 2010 sans s’assurer que le montant et les délais de paiement du cautionnement ne le mettaient pas dans l’impossibilité de bénéficier de son droit à la liberté tout en subvenant aux besoins de sa famille, la chambre de l’instruction a violé les textes et principes susvisés” ;

Attendu que, par ordonnance du 3 septembre 2009, le juge d’instruction a mis en liberté Khalifa X... et l’a placé sous contrôle judiciaire avec l’obligation de verser un cautionnement de 50 000 euros en vingt versements mensuels de 2 500 euros chacun ;

Attendu que, pour réformer partiellement cette ordonnance et dire que la somme de 50 000 euros devra être payée, en un seul versement, au plus tard le 31 janvier 2010, l’arrêt attaqué, après avoir rappelé les faits reprochés à l’intéressé et les indices de culpabilité relevés contre lui, retient, notamment, que les charges du mis en examen, afférentes à l’éducation des enfants vivant au foyer et au remboursement d’un emprunt, sont incontestables, que néanmoins l’essentiel de ses revenus est occulte, que les faits reprochés lui ont procuré un enrichissement conséquent, qu’il a pu acquérir des biens immobiliers et est propriétaire de maisons à l’étranger, qu’il a investi dans la construction d’un établissement industriel, qu’il a été trouvé à deux reprises en possession de fortes sommes d’argent en espèces et qu’ainsi, le montant du cautionnement fixé paraît particulièrement raisonnable et pondéré eu égard à ces éléments ;

Attendu qu’en l’état de ces seuls motifs, abstraction faite de considérations surabondantes mais inopérantes, les juges ont justifié leur décision, sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Bloch conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
Décision attaquée : Chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-En-Provence du 4 novembre 2009