Absence d’autorité du pénal - composition pénale

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 13 janvier 2009

N° de pourvoi : 07-44718

Publié au bulletin

Rejet

Mme Collomp, président

M. Rovinski, conseiller apporteur

M. Duplat (premier avocat général), avocat général

SCP Boullez, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Montpellier, 22 novembre 2006), que Mme X..., infirmière d’Etat diplômée, a saisi la juridiction prud’homale pour faire juger qu’un contrat de travail dissimulé l’avait liée à M. Y... du 1er mai au 30 novembre 2004 et réclamer le paiement de diverses sommes à ce titre ; qu’auparavant et à la suite d’une proposition de composition pénale du 26 mai 2005 acceptée par M. Y..., pour des faits de travail dissimulé concernant Mme X..., prévoyant le versement d’une amende de composition au Trésor public de 1500 euros, une ordonnance en validation de la composition pénale a été rendue le 2 juin 2005 par le président du tribunal de grande instance de Narbonne ;

Attendu que Mme X... fait grief à l’arrêt d’avoir confirmé le jugement sur l’absence d’existence d’un contrat de travail la liant à M. Y... et de l’avoir déboutée de ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que les décisions de la juridiction pénale ont, au civil, autorité de chose jugée à l’égard de tous et il n’est pas permis au juge civil de méconnaître ce qui a été jugé par le tribunal répressif ; qu’en déniant l’autorité de chose jugée à l’ordonnance rendue par la juridiction pénale validant la composition pénale proposée à M. Y... qui reconnaissait avoir commis l’infraction de travail dissimulé, décision irrévocable qui implique l’existence d’un contrat de travail entre lui et elle, seule personne concernée par cette infraction, la cour d’appel a violé ensemble les articles 4 et 41-2 du code de procédure pénale et 1351 du code civil ;

2°/ que la qualification du contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination de leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles la prestation de travail est fournie ; qu’en l’espèce, n’ayant aucune clientèle propre, elle a travaillé pendant près de trois ans pour le compte uniquement de M. Y... auprès de la clientèle appartenant exclusivement à ce dernier, sans avoir le choix des malades, en contrepartie d’une rémunération hebdomadaire forfaitaire fixe qu constituait son seul revenu, sans commune mesure avec les honoraires perçus par M. Y..., près de quatre fois supérieurs ; qu’elle a exécuté ses fonctions, sans pouvoir suspendre et arrêter son travail à son gré, en alternance avec M. Y..., qui l’a engagée précisément pour travailler, selon une périodicité, des horaires et des patients à visiter, décidés et imposés par lui seul ; que dès lors faute, de rechercher si ces conditions de travail n’établissaient pas l’existence d’un lien de subordination, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 121-1 du code du travail ;

Mais attendu que l’ordonnance aux fins de validation de la composition pénale rendue par le président du tribunal en application de l’article 41-2 du code de procédure pénale, sans débat contradictoire à seule fin de réparer le dommage, l’action publique étant seulement suspendue, n’a pas autorité de chose jugée au pénal sur le civil ;

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur la seconde branche du moyen qui ne serait pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l’article 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize janvier deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils pour Mme X...

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR confirmé le jugement sur l’absence d’existence d’un contrat de travail entre Monsieur Y... et Madame Z... et d’avoir débouté celle-ci de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE Madame Z... ne rapporte pas la preuve d’un contrat de travail ; que cette dernière invoque, à ce titre, le rapport des conseillers prud’homaux, le procès-verbal de travail dissimulé établi le 9 décembre 2004 par les services de l’URSSAF et ses annexes, l’enquête pénale et la procédure de composition pénale dont Alain Y... a fait l’objet, les pièces versées au débat par le défendeur, qui viendraient corroborer, selon elle, l’existence du lien de subordination ; qu’au vu des pièces versées au débat, l’existence d’une activité d’infirmière exercée par Lucille Z... de mars 2002 à novembre 2004 en remplacement d’Alain Y... une semaine sur deux ainsi que le versement par ce dernier à Lucille Z... de sommes de 18.803 pour l’année 2002, 28.775 pour l’année 2003 et 27.040 pour l’année 2004 n’est ni contesté ni contestable ; que, toutefois, il s’avère que rien ne permet de démontrer ni même de laisser présumer que lesdits versements l’auraient été à titre de salaire dissimulé ; que bien au contraire, et ainsi que le reconnaît Lucille Z... dans un courrier (non daté) écrit de sa main (ce qui n’est pas contesté) qu’elle a adressé à Alain Y..., il s’agissait bien d’honoraires rétrocédés, étant observé que, dans la même lettre, elle précise « que son comptable lui a conseillé de ne pas se déclarer… » ; que ceci est corroboré par les reçus que Lucille Z... établissait tous les mois lors de la rétrocession des honoraires faite par Alain Y... pour le règlement des vacations effectuées ; que, d’ailleurs, l’ensemble des honoraires rétrocédés pour la période concernée a bien été déclaré par Alain Y... au fisc, ainsi qu’il en est justifié ; que, d’autre part, il apparaît que l’exercice de l’activité susvisée l’a été en qualité d’infirmière libérale et non de salarié ; qu’en effet, le lien de subordination, qui se caractérise par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner le manquement de son subordonné, n’est pas établi par Lucille Z..., qui est débitrice de la preuve ; qu’en l’état, il ne peut être considéré que Lucille Z..., remplaçante travaillant dans un service organisé ou sous la dépendance structurelle et économique d’Alain Y... dans la mesure où les parties, infirmiers de soins à domicile, ne travaillaient jamais ensemble mais à tour de rôle une semaine sur deux en alternance, que Lucille Z... n’était soumise à aucune contrainte d’horaires ou de directives ni ne bénéficiait d’aucune fourniture de matériel, réglant ses propres frais ; qu’en outre, et contrairement à l’argumentation de la demanderesse, la procédure de composition pénale qui a été appliquée à Alain Y... suite au procès-verbal établi par le contrôleur de l’URSSAF, procédure qui est diligentée en dehors de la mise en oeuvre de l’action publique, ne peut bénéficier de l’autorité de chose jugée ni valoir aveu judiciaire d’Alain Y... ; qu’elle ne peut dès lors s’imposer à la présente juridiction ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QU’en matière de recherche d’existence ou non d’un contrat de travail et de règlement de conflits issus du travail, seul le juge prud’homal est compétent, et qu’il ne peut lui être opposé de procédure pénale, sauf à vider de toute leur substance les articles L.511-1 et suivants du Code du travail, qui consacrent cette compétence exclusive ; que quand bien même cela serait, ce qui s’est passé dans une composition pénale ne peut être opposé au juge prud’homal, la composition pénale ayant pour effet d’arrêter l’action publique, d’éviter un jugement et, par là même, ne peut avoir autorité de la chose jugée ; que Monsieur Y... expose sur audience qu’il reconnaît avoir accepté la composition pénale car, seul, sans conseil, il a été effrayé par toute cette procédure et par la tournure que prenaient les choses et qu’au regard des énormes sanctions encourues (emprisonnement, forte amende, interdiction d’exercer, affichage…), il a préféré composer, sans toutefois se sentir fautif, afin de mettre un terme à cette histoire qui commençait à le dépasser ; qu’au travers même des notes de l’URSSAF versées au dossier au sujet des critères d’assujettissement des infirmiers et infirmières, il est précisé « qu’il est des cas où il est nécessaire de faire dire le droit par les tribunaux » ; que c’est ce que va s’employeur à faire le Conseil ; que, de son côté, Monsieur Y... apporte au Conseil des éléments permettant de constater que :

1. Madame Z... était parfaitement au courant de son mode de rémunération, à savoir rétrocession d’honoraires, puisqu’elle signait un reçu à chaque remise de chèque ;

2. qu’en presque trois ans, elle n’a jamais demandé de bulletins de salaire, ne serait-ce que pour établir sa feuille d’impôts ;

3. qu’elle dispose d’un comptable qui lui a lui-même conseillé de ne pas s’assujettir ; qu’il est rare qu’un salarié s’adjoigne les services d’un comptable ;

4. que Madame Z... percevait une rétrocession d’honoraires sans commune mesure avec un salaire de la profession (jusqu’à 3.000 par mois pour deux semaines de travail) ;

5. que Madame Z... était libre de s’organiser comme elle le souhaitait ; qu’il n’y avait ni direction ni contrôle de la part de Monsieur Y... et que seuls des échanges de plannings établis par l’un et l’autre organisait le travail de la semaine suivante ;

6. que Madame Z... fournissait son propre matériel et pourvoyait à ses propres frais ;

que tous ces éléments ne correspondent pas à un statut de salarié ; qu’aucun lien de subordination n’est établi ; que Madame Z... a exercé en tant que libérale de 1993 à 1999 avant de partir en Suisse et qu’elle aurait à cette époque-là eu des difficultés avec les divers organismes sociaux de la profession et qu’elle n’a pas soutenu le contraire ; que Madame Z..., de son propre aveu, reconnaît elle-même, au travers d’écrits, avoir différé, sur les conseils de son comptable, les formalités d’inscription auprès des caisses et organismes d’affiliation ; qu’à la suite de la rupture de la relation par Monsieur Y..., Madame Z... s’est contentée de demander une indemnité compensatrice et non, comme il est d’usage pour un salarié, un préavis, des congés payés et des indemnités de licenciement, ce qui renforce le fait d’admettre que Madame Z... était bien au courant de son statut libéral ; que le Conseil constate qu’il n’y a jamais eu de contrat de travail entre Madame Z... et Monsieur Y..., que Madame Z... exerçait sous forme libérale et que c’est elle qui a failli à ses obligations d’enregistrement et d’affiliation auprès des caisses et organismes ;

ALORS, D’UNE PART, QUE les décisions de la juridiction pénale ont, au civil, autorité de chose jugée à l’égard de tous, et il n’est pas permis au juge civil de méconnaître ce qui a été jugé par le Tribunal répressif ; qu’en déniant l’autorité de chose jugée à l’ordonnance rendue par la juridiction pénale validant la composition pénale proposée à Monsieur Y... qui reconnaissait voir commis l’infraction de travail dissimulé, décision irrévocable et qui implique l’existence d’un contrat de travail entre lui et Madame Z..., seule personne concernée par cette infraction, la Cour d’appel a violé ensemble les articles 4 et 41-2 du Code de procédure pénale et 1351 du Code civil ;

ALORS, D’AUTRE PART, QUE la qualification du contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination de leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles la prestation de travail est fournie ; qu’en l’espèce, Madame Z..., qui n’avait aucune clientèle propre, a travaillé pendant près de trois ans pour le compte uniquement de Monsieur Y... auprès de la clientèle appartenant exclusivement à ce dernier, sans avoir le choix des malades, en contrepartie d’une rémunération hebdomadaire forfaitaire fixe qui constituait son seul revenu, sans commune mesure avec les honoraires perçus par Monsieur M. Y..., près de quatre fois supérieurs ; qu’elle a exécuté ses fonctions, sans pouvoir suspendre et arrêter son travail à son gré, en alternance avec Monsieur Y..., qui l’a engagée précisément pour travailler, selon une périodicité, des horaires et des patients à visiter, décidés et imposés par lui seul ; que dès lors, faute de rechercher si ces conditions de travail n’établissaient pas l’existence d’un lien de subordination, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 121-1 du Code du travail.
Publication : Bulletin 2009, V, n° 1

Décision attaquée : Cour d’appel de Montpellier , du 22 novembre 2006

Titrages et résumés : CHOSE JUGEE - Autorité pénale - Décisions auxquelles elle s’attache - Définition - Exclusion - Cas - Ordonnance validant une composition pénale

N’a pas autorité de chose jugée au pénal sur le civil l’ordonnance aux fins de validation de la composition pénale rendue par le président du tribunal en application de l’article 41-2 du code de procédure pénale, rendue sans débat contradictoire à seule fin de réparer le dommage et l’action publique étant seulement suspendue

Précédents jurisprudentiels : Sur l’absence d’autorité de chose jugée du rappel à la loi, à rapprocher : Soc., 21 mai 2008, pourvoi n° 06-44.948, Bull. 2008, V, n° 107 (rejet) Sur l’absence implicite d’autorité de chose jugée à la composition pénale, à rapprocher : Crim., 24 juin 2008, pourvoi n° 07-87.511, Bull. crim. 2008, n° 162 (rejet)

Textes appliqués :
• articles 4 et 41-2 du code de procédure pénale