Dissimulation d’emploi salarié - le recouvrement de cotisations sociales peut être plus large que le périmètre de la condamnation pénale

Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 18 mars 2021, 20-10.725, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 2

N° de pourvoi : 20-10.725
ECLI:FR:CCASS:2021:C200224
Non publié au bulletin
Solution : Rejet

Audience publique du jeudi 18 mars 2021
Décision attaquée : Cour d’appel de Versailles, du 14 novembre 2019

Président
M. Pireyre (président)
Avocat(s)
SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Waquet, Farge et Hazan
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION


Audience publique du 18 mars 2021

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 224 F-D

Pourvoi n° W 20-10.725

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 18 MARS 2021

La société Les Délices de Babylone, société en nom collectif, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° W 20-10.725 contre l’arrêt rendu le 14 novembre 2019 par la cour d’appel de Versailles (5e chambre), dans le litige l’opposant à l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) [...], dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rovinski, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Les Délices de Babylone, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l’URSSAF [...], et l’avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l’audience publique du 3 février 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Rovinski, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Versailles, 14 novembre 2019), la société Les Délices de Babylone (la société), a fait l’objet de plusieurs contrôles inopinés en matière de travail illégal ou dissimulé, entre février 2010 et janvier 2013, menés conjointement par les services de police et de la DIRECCTE, en présence d’un contrôleur de l’URSSAF [...] (l’URSSAF). L’URSSAF a notifié à la société une mise en demeure par courrier du 26 novembre 2014 notamment pour travail dissimulé, puis une contrainte, pour avoir paiement de sommes au titre des cotisations et des majorations de retard, afférentes à la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012. La société a formé opposition à ce titre de recouvrement qui lui a été notifié le 31 juillet 2015.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

2. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l’arrêt de confirmer le jugement du 30 avril 2018 rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Pontoise qui a validé la contrainte délivrée le 28 juillet 2015 pour une somme de 162 788 euros au titre de cotisations et une somme de 29 846 euros au titre des majorations de retard, soit un total de 192 634 euros pour les années 2010, 2011 et 2012, alors « qu’une décision rendue par la juridiction pénale a autorité de la chose jugée au civil et le juge civil ne peut la méconnaître ; que par arrêt du 29 janvier 2016, la 9e chambre des appels correctionnels de la cour d’appel de Versailles a jugé que « le délit de travail dissimulé par minoration du nombre d’heures travaillées n’est constitué que concernant les salariés S... B..., I... M... et O... V... », ce dont il s’évince que le juge pénal a constaté que seuls ces trois salariés avaient fait l’objet d’un travail dissimulé, à l’exclusion de Mme F... T..., de Mme C... W..., de M. X... D... et de Mme R... J... ; qu’en validant cependant la contrainte sur les bases de calcul retenues par L’URSSAF incluant ces quatre salariés dont la minoration du nombre d’heures travaillées a été écartée par l’arrêt pénal, la cour d’appel a violé ensemble le principe de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, l’article 1351 du code civil et les articles L. 242-1-2, R. 242-5, L. 133-4-2 et R. 133-8 du code de la sécurité sociale, en leur version alors en vigueur. »

Réponse de la Cour

4. Les décisions pénales devenues irrévocables ont au civil l’autorité de la chose jugée en ce qui concerne la qualité du fait incriminé.

5. L’arrêt relève que l’URSSAF avait établi son redressement sur des bases (amplitude d’ouverture de l’établissement, durée de fermeture annuelle de l’établissement, chiffrage forfaitaire au taux du SMIC et déduction des heures de travail déclarées pour les années considérées) que la société contestait vainement, au regard des déclarations des salariés et de son comptable au cours de la procédure pénale, et de l’absence de justificatifs probants.

6. De ces constatations et énonciations relevant de son pouvoir souverain d’appréciation de la valeur et la portée des faits et éléments de preuve soumis à son examen, la cour d’appel, qui a constaté que la société ne contestait plus l’infraction de travail dissimulé par dissimulation de salarié et défaut de mention du nombre d’heures réellement travaillées, dont son gérant avait été reconnu coupable sur la période du 11 février 2010 au 22 janvier 2013, mais seulement ses conséquences sur la détermination de l’assiette des cotisations dues, a pu en déduire, sans méconnaître le principe de l’autorité de la chose jugée au pénal sur l’action civile, que l’URSSAF était fondée, en l’absence de mention en comptabilité des rémunérations ainsi allouées, à pratiquer une taxation forfaitaire dont la société échouait à démontrer l’inexactitude et le caractère excessif.

7. Le moyen n’est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Les Délices de Babylone aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Les Délices de Babylone et la condamne à payer à l’URSSAF [...] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Les Délices de Babylone

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR confirmé le jugement du 30 avril 2018 rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale du Val d’Oise qui a validé la contrainte délivrée le 28 juillet 2015 à la SNC Les délices de Babylone pour une somme de 162 788 euros au titre de cotisations et une somme de 29 846 euros au titre des majorations de retard, soit un total de 192 634 euros pour les années 2010, 2011 et 2012 ;

ALORS QU’en se fondant sur les conclusions et pièces déposées et soutenues à l’audience sans constater que les pièces avaient été préalablement communiquées entre les parties et en particulier celles de l’Urssaf à la société Les délices de Babylone, la cour d’appel a violé les articles 15 et 16 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR confirmé le jugement du 30 avril 2018 rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale du Val d’Oise qui a validé la contrainte délivrée le 28 juillet 2015 à la SNC Les délices de Babylone pour une somme de 162 788 euros au titre de cotisations et une somme de 29 846 euros au titre des majorations de retard, soit un total de 192 634 euros pour les années 2010, 2011 et 2012

AUX MOTIFS QUE sur la taxation forfaitaire
(
) la cour constate que la société ne critique plus la réalité du travail dissimulé mais ses conséquences sur la détermination de l’assiette de cotisations éventuellement dues.
Sur la régularité du recours à la taxation forfaitaire
(
) en l’espèce, il ressort tant des éléments issus de la procédure de contrôle de l’Urssaf que de la procédure pénale et des éléments produits à l’audience que :
 sur la période du redressement, la Société, ce qu’elle ne conteste pas, s’est abstenue d’effectuer ou de mettre à jour les formalités administratives obligatoires, notamment la tenue du registre unique du personnel ou encore la DADS pour 2010 ; qu’elle s’est abstenue de procéder aux déclarations obligatoires à l’Urssaf pour les années 2010 et 2012 puisque sept salariés n’ont pas fait l’objet d’une DPAE et que 19 autres ont été faites en retard ; qu’elle n’a pas déclaré l’ensemble des heures supplémentaires réalisées par son personnel ; qu’elle n’a pas tenu de comptabilité s’agissant de la rémunération des barmen et enfin qu’elle n’a pas déclaré les périodes d’essai des nouveaux salariés procédant, les concernant, à des règlements en espèces ;
 s’agissant du nombre de salariés dont la DPAE n’a pas été effectuée ou a été effectuée tardivement, la cour, comme le tribunal avant elle, rappelle que l’Urssaf ne s’est pas reposée uniquement sur les procès-verbaux établis par la police ou ceux transmis au Parquet mais également sur ses propres constatations, sur les documents administratifs de la Société et sur ceux qui lui ont été remis par la Société elle-même (tels que les plannings) ;
 s’agissant de l’amplitude horaire et des heures de travail, la cour relève qu’aucun des documents produits par la Société à l’Urssaf n’était suffisamment probant et que leur manque de fidélité ne pouvait à l’évidence servir de base à un redressement.
L’arrêt pénal relève d’ailleurs que « la rédaction à l’identique des feuilles de paie de ces différents employés, mentionnant, y compris pour des périodes antérieures à celle de la prévention, leurs heures supplémentaires, ne saurait correspondre à la réalité du travail effectué, ce que les explications fournies par le comptable de l’entreprise ont corroborée [qu’il s’en déduit] une absence de valeur probante desdites feuilles de paie ».
De même, aucune comptabilité ou pièces financières produite par la Société n’aurait pu permettre à l’Urssaf de se passer d’une taxation forfaitaire puisque, comme le relevaient les juges correctionnels, le comptable avait admis « que depuis le 1er avril 2010 il établissait les déclarations uniques d’embauche et des déclarations annuelles de salaire sur la base des éléments communiqués par M. E... ; qu’il en était de même pour les heures supplémentaires (..) ; qu’il n’avait aucun élément lui permettant de savoir que les barmen avaient connaissance des recettes journalières admettant n’avoir jamais vu de carnet de répartition obligatoire à cette fin dans cet établissement ; qu’il reconnaissait également qu’il ressortait des fiches de paie que certains salariés étaient en congés alors qu’ils travaillaient et étaient présents dans l’établissement ; (..) ; qu’il n’avait eu les éléments permettant de déclarer Mme A que deux ans plus tard ».
 enfin, s’agissant des pièces ayant été prises en compte par l’Urssaf pour procéder au redressement, il résulte de la lettre d’observations que l’organisme a procédé, le 23 janvier 2013, à un contrôle inopiné, qu’elle a procédé à ses propres constatations, qu’elle a eu connaissance de l’ensemble de la procédure pénale établie par les services de police d’Ermont, qu’elle a pris connaissance des informations portées dans le fichier national des DPAE et des extraits CIL ainsi que des documents produits par la Société. L’Urssaf ne s’est donc pas fondée sur des éléments opaques et/ou non contradictoires pour relever l’infraction et procéder à une taxation forfaitaire.
Les nombreuses irrégularités relevées dans la comptabilité de la Société, l’absence de DADS et l’absence de force probante des mentions portées sur les fiches de paie, ne permettaient pas d’établir le chiffre exact des rémunérations devant servir de base au calcul des cotisations dues. Dès lors, le recours, par l’organisme, à la taxation forfaitaire, était parfaitement justifié.
La lecture de la lettre d’observations est enfin suffisamment précise et motivée pour permettre à la Société de connaître les éléments pris en compte par l’Urssaf pour procéder au redressement, ce que confirme le fait qu’elle ait pu, tant au cours de la procédure gracieuse que de la procédure contentieuse, en contester chacun des éléments.
En tout état de cause, il sera relevé que la contestation de la Société sur certains éléments retenus pour établir la taxation forfaitaire ou sur la méthode de calcul ne saurait faire la démonstration du parti pris du contrôleur ou de sa volonté de nuire à l’établissement.
Ce faisant, aucun élément ne vient démontrer l’intention malveillante du contrôleur de l’Urssaf de sorte que cet argument est infondé et ne peut être retenu pour annuler la procédure de redressement ».
Sur le montant du redressement
Il sera rappelé que le forfait est établi en tenant compte des conventions collectives en vigueur ou, à défaut, des salaires pratiqués dans la profession ou la région considérée. La durée de l’emploi est déterminée d’après les déclarations des intéressés ou par tout autre moyen de preuve.
Il sera également rappelé que la durée de l’emploi à retenir pour le redressement est celle déterminée, notamment, d’après les déclarations des intéressés ou par tout autre moyen de preuve que l’organisme aurait recueilli (PV de police, auditions de témoins
), étant précisé que dès lors que l’agent assermenté constate que des salaires versés ne figurent pas dans la comptabilité, celle-ci ne peut plus être considérée comme probante et c’est donc à l’employeur qu’il appartient d’apporter la preuve de l’ inexactitude ou du caractère excessif de la taxation forfaitaire. Il résulte des pièces non contestées de la société que l’Urssaf a établi son redressement en retenant :
 que l’établissement était ouvert de 6h30 à 20h30 du lundi au vendredi, de 7h30 à 20h30 le samedi et de 7h30 à 15h le dimanche, représentant une amplitude de travail hebdomadaire de 90 heures nécessitant un nombre d’heures de présence des salariés à minima de 380 heures hebdomadaires de travail sur 50 semaines annuelles (fermeture annuelle de 2 semaines en août soit 19 000 heures de travail annuelles.
 un chiffrage forfaitaire au taux du smic en vigueur sans retenir les majorations dues au titre des heures supplémentaires,
 et en déduisant des heures de travail retenues celles ayant déjà été déclarées à l’Urssaf pour les années considérées.
Cela a donné lieu à la taxation suivante :
. 20 674 euros au titre de l’année 2010
. 32 862 euros au titre de l’année 2011
. 35 211 euros au titre de l’année 2012,
soit un total de 95 747 euros.
La société conteste l’ensemble des bases de calcul retenues par l’Urssaf pour opérer le redressement. Il convient donc de les analyser.
S’agissant de la période d’ouverture de la Société sur laquelle l’Urssaf s’est fondée pour établir la taxation forfaitaire, si l’appelante la conteste, elle n’apporte pour autant aucun document probant pour démontrer l’erreur d’appréciation de l’organisme.
La Société estime en effet que les pièces produites à l’Urssaf permettent objectivement de retenir que le temps de travail hebdomadaire nécessaire au fonctionnement de l’établissement était de 176 heures (au lieu des 190 heures retenues) sur 47 semaines. Pour le justifier, la Société indique que l’établissement n’était ouvert que jusqu’à 20 heures et que les contrats et les fiches de paie établissent que :
 M. G... I. A, barman, Mme F... J.C sont employés à temps complet selon un horaire hebdomadaire de 39 heures par semaine heures supplémentaires incluses,
 Mme C... F. est employée à temps partiel sur la base d’un horaire de travail mensuel de 130 heures et effectue des heures supplémentaires entre de 2 et 10 heures, ce qui représente une durée moyenne de travail de 30 heures par semaine,
 Mme R... A. est employée à temps complet selon un horaire hebdomadaire de 38 heures par semaine, heures supplémentaires incluses ;
 et Mme C... M. est employée à temps partiel selon un horaire de travail mensuel de 30 heures par semaine.
Or, la cour ne peut pas suivre la Société dans cette argumentation.
En effet, une lecture minutieuse des auditions des salariés au cours de la procédure pénale permet de constater que, de manière unanime, ils ont déclaré que l’établissement fermait à 20 heures pour la clientèle mais qu’ils étaient tenus de travailler jusqu’à 20 heures 30 pour faire le ménage et préparer la journée du lendemain. (Pour exemples non exhaustifs : C... M., C... F., F... J.C.).
Il sera également rappelé, qu’entendu dans le cadre de l’enquête pénale, le comptable a indiqué que toutes les mentions qu’il avait portées en comptabilité sur les heures travaillées et les périodes de fermeture de la Société lui avaient été fournies par M. E... sans qu’il n’ait lui-même vérifié leur conformité. De même, il reconnaissait que les bulletins de salaire portaient mention de périodes de congés payés qui n’étaient en réalité pas prises.
La Société ne peut donc exciper ces pièces insincères pour justifier ses allégations et ce n’est pas l’attestation de son nouveau comptable, établie plusieurs années après la période litigieuse, indiquant « qu’il n’a pas constaté d’erreurs ou d’irrégularité sur la période redressée » qui peut sérieusement remettre en cause les constatations de l’Urssaf.
De même, si la Société estime que l’Urssaf a retenu des heures de travail pour certains salariés alors qu’ils ne travaillaient pas pour être malades ou absents, elle ne verse aucun document en ce sens.
Enfin, il ne pourra pas davantage être donnée une quelconque valeur aux tableaux d’horaires d’ouverture et d’heures de travail des personnels produits par la Société puisqu’il n’est pas contesté qu’elle les a établis pour les besoins de la procédure et qu’elle ne verse aucun autre élément objectif pour les corroborer.
Aucun élément ne vient par ailleurs démontrer que l’établissement fermait cinq semaines par an et non deux comme retenu par l’Urssaf.
En effet, aucune des déclarations des salariés devant les services de police ou l’Urssaf n’évoque une fermeture de cinq semaines et lorsqu’elle est évoquée, ces salariés ne visent que le seul bar, et non la restauration ni les jeux qui demeuraient donc ouverts.
Enfin, pour les raisons précédemment analysées, ni les bulletins de salaire ni la comptabilité produits par la Société à l’Urssaf ne peuvent établir une fermeture annuelle de cinq semaines, ces documents n’étant pas conformes à la réalité.
De même, s’agissant de la période à retenir pour la taxation, le tribunal correctionnel puis la chambre des appels correctionnels de la cour d’appel n’étaient saisis que de la période débutant le 11 février 2010 et se terminant le 22 janvier 2013 alors que l’Urssaf a effectué un contrôle d’assiette puis un redressement sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012. La Société ne peut donc pas se référer exclusivement aux décisions pénales pour démontrer que l’Urssaf aurait commis des erreurs dans le nombre d’heures à retenir, la cour relevant au demeurant que les juridictions pénales n’ont pas prononcé de relaxe sur la période du redressement et que celle-ci n’est pas prescrite au regard des règles du code de la sécurité sociale.
S’agissant du nombre des salariés concernés par la minoration du nombre d’heures de travail effectuées, s’il résulte de l’arrêt précité qu’une relaxe est intervenue pour M. X... N. et Mme R... M., il doit être relevé que cette dernière n’a pas été concernée par le redressement, de sorte que les calculs de l’Urssaf se sont pas remis en cause.
Enfin, sur les irrégularités relevées dans les DPAE, la cour ne peut que relever que la Société ne démontre pas que l’Urssaf aurait commis une erreur d’appréciation sur ce point, étant rappelé que le nombre d’omission n’a pas de conséquence sur le chiffrage du redressement mais uniquement sur la qualification de l’infraction de travail dissimulé laquelle n’est pas contestée.
En l’absence de production d’éléments de preuve nouveaux susceptibles de démontrer le caractère excessif de la taxation forfaitaire et de remettre en cause le calcul de l’Urssaf, il convient de dire que le redressement qui a été opéré est justifié dans son entier montant.
En conséquence la contrainte signifiée le 31 juillet 2015 pour une somme de 162 788 euros de cotisations et une somme de 29 846 euros de majorations de retard pour les années 2010, 2011 et 2012 sera validée.

Sur l’annulation des réductions Fillon et TEPA
Aux termes de l’article L. 133-4-2 et R. 133-8 du code de la sécurité sociale, le bénéfice de toute mesure de réduction et d’exonération de cotisations de sécurité sociale ou de contributions est subordonné au respect par l’employeur, ou le travailleur indépendant, des dispositions de l’article L. 8221-1 du code du travail.
En cas de constat de travail dissimulé, l’organisme de recouvrement procède, dans les limites de la prescription, à l’annulation de ces réductions ou exonérations pratiquées au cours d’un mois civil, lorsque les rémunérations versées ou dues à un ou des salariés dissimulés au cours de ce mois sont au moins égales à la rémunération mensuelle minimale définie à l’article L. 3232-3 du code du travail. Dans le cas contraire l’annulation est réduite à due proportion en appliquant aux réductions ou exonérations de cotisations ou contributions pratiquées un coefficient égal au rapport entre les rémunérations dues ou versées en contrepartie du travail dissimulé et la rémunération mensuelle minimale.
Pour autant, l’annulation demeure plafonnée à 45 000 euros pour les périodes d’annulation antérieures au 1er janvier 2012, la modification de l’article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 du 21 décembre 2011 ayant pris effet au 1er janvier 2012.
Les pièces versées aux débats démontrent que l’Urssaf a annulé les allégements Fillon et Tepa sur la période au cours de laquelle le travail dissimulé a été constaté de sorte que c’est par une exacte application des textes ci-dessus rappelé qu’elle a fixé ce montant aux sommes respectives de 63 231 euros et 3 810 euros » ;

ALORS QU’une décision rendue par la juridiction pénale a autorité de la chose jugée au civil et le juge civil ne peut la méconnaître ; que par arrêt du 29 janvier 2016, la 9ème chambre des appels correctionnels de la cour d’appel de Versailles a jugé que « le délit de travail dissimulé par minoration du nombre d’heures travaillées n’est constitué que concernant les salariés S... B..., I... M... et O... V... », ce dont il s’évince que le juge pénal a constaté que seuls ces trois salariés avaient fait l’objet d’un travail dissimulé, à l’exclusion de Mme F... T..., de Mme C... W..., de M. X... D..., et de Mme R... J... ; qu’en validant cependant la contrainte sur les bases de calcul retenues par l’Urssaf incluant ces quatre salariés dont la minoration du nombre d’heures travaillées a été écartée par l’arrêt pénal, la cour d’appel a violé ensemble le principe de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, l’article 1351 du code civil et les articles L. 242-1-2, R. 242-5, L. 133-4-2 et R. 133-8 du code de la sécurité sociale, en leur version alors en vigueur.ECLI:FR:CCASS:2021:C200224