Contrat de travail oui

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 18 juillet 2000

N° de pourvoi : 97-45010

Publié au bulletin

Cassation partielle.

Président : M. Gélineau-Larrivet ., président

Rapporteur : M. Merlin., conseiller apporteur

Avocat général : M. Lyon-Caen., avocat général

Avocat : la SCP Gatineau., avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu que, par convention conclue le 3 juillet 1990, la société Labruyère distribution, devenue la société Participation pétrolière de Bourgogne, a mis à la disposition de M. et Mme X... un logement situé dans un dépôt de carburants, avec fourniture de l’eau, de l’électricité et du chauffage ; qu’en contrepartie, les époux X... devaient assurer une surveillance du dépôt en dehors des heures d’ouverture ; qu’à la suite de la fermeture définitive du dépôt, la société, par lettre du 19 octobre 1995, a invité les époux X... à quitter les lieux à la fin de l’année 1995 ; que les époux X..., se prévalant de l’existence d’un contrat de travail, ont saisi la juridiction prud’homale en réclamant le paiement de diverses sommes, rappel de salaire, indemnités de rupture et dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident de la société qui est préalable :

Attendu que la société fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit que les parties étaient liées par un contrat de travail et de l’avoir condamnée à payer des indemnités de licenciement et de congés payés ainsi que des dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que 1° l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs ; que le lien de subordination suppose que le salarié effectue une prestation de travail sous la direction et le contrôle de l’employeur ; qu’en se fondant uniquement sur les termes de la convention des parties et sur les bulletins de salaires pour qualifier la convention des parties de contrat de travail sans établir que les époux X... effectuaient réellement une prestation de travail sous le contrôle et la direction de la société, la cour d’appel a violé l’article L. 121-1 du Code du travail ; 2° la cour d’appel a relevé que “ les heures dont les époux X... sollicitent la rémunération concernent celles où ils étaient présents à leur domicile dans l’enceinte de l’entreprise et pouvaient vaquer à leurs occupations habituelles sans avoir toutefois à accomplir une tâche déterminée ni à exercer une surveillance effective en l’absence par exemple de l’organisation de rondes “ ; qu’elle n’a pu alors, sans se contredire, affirmer qu’ils devaient appliquer à la lettre les consignes énumérées, et notamment assurer une présence permanente en dehors des heures d’ouverture de l’établissement, aviser la société en cas d’absence prolongée afin qu’un remplacement puisse être organisé, ne laisser pénétrer aucune personne non autorisée dans l’établissement en dehors des heures ouvrables, prévenir en cas de sinistre ou d’événement grave les autorités et services déterminés, ouvrir les accès de l’établissement ; qu’il s’évince de ces constatations que les époux X... exécutaient bien une prestation de travail sous le contrôle et la direction de l’employeur ; qu’en statuant ainsi, elle a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d’appel a relevé que les époux X... assuraient, moyennant une rémunération en nature constituée par la mise à disposition d’un logement, la surveillance du dépôt de carburants de la société lors des heures de fermeture de l’établissement, qu’ils devaient aviser la société en cas d’absence prolongée, interdire l’entrée à toute personne non autorisée, prévenir en cas de sinistre ou d’événements graves les autorités et services de sécurité et leur ouvrir les accès de l’établissement ; que, sans se contredire, elle a pu décider que les intéressés, qui accomplissaient une prestation de travail sous l’autorité de la société qui avait le pouvoir de leur donner des ordres et des directives, étaient soumis à un lien de subordination caractérisant l’existence d’un contrat de travail ; que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal des époux X... :

Vu l’article L. 212-4 du Code du travail, dans sa rédaction alors en vigueur ;

Attendu que constitue un travail effectif, au sens de l’article L. 212-4 du Code du travail, le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles ; que constitue, par contre, une astreinte et non un travail effectif une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, a l’obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d’être en mesure d’intervenir pour effectuer un travail au service de l’entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif ;

Attendu que, pour rejeter la demande des époux X... en paiement de rappel de salaires, la cour d’appel énonce que les salariés sollicitent la rémunération des heures où ils étaient présents à leur domicile, dans l’enceinte de l’entreprise et pouvaient vaquer à leurs occupations habituelles, sans avoir toutefois à accomplir une tâche déterminée ni à exercer une surveillance effective en l’absence par exemple de l’organisation de rondes, si ce n’est de procéder aux mesures prescrites en cas de survenance d’un incident ou d’un événement grave, que ces heures correspondaient donc à un temps d’astreinte ne pouvant être assimilé à une période de travail effectif et que les salariés ont été remplis de leurs droits du fait de la rémunération en nature reçue, à raison de la mise à disposition d’un logement ;

Qu’en statuant ainsi, sans rechercher si les salariés ont été amenés, pendant leur temps d’astreinte, à effectuer des interventions constitutives d’un temps de travail effectif qui devait être rémunéré comme tel, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions rejetant les demandes des salariés en paiement de rappel de salaire, l’arrêt rendu le 18 septembre 1997, entre les parties, par la cour d’appel de Dijon ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Lyon.

Publication : Bulletin 2000 V N° 289 p. 228

Décision attaquée : Cour d’appel de Dijon , du 18 septembre 1997

Titrages et résumés : CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Salaire - Cause - Travail du salarié - Travail effectif - Salarié restant en permanence à la disposition de l’employeur - Recherche nécessaire . Constitue un travail effectif, au sens de l’article L. 212-4 du Code du travail, le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles ; constitue, en revanche, une astreinte et non un travail effectif une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, a l’obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d’être en mesure d’intervenir pour effectuer un travail au service de l’entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif. Ne donne pas de base légale à sa décision, une cour d’appel qui ne recherche pas si des salariés ont été amenés pendant leur temps d’astreinte, à effectuer des interventions constitutives d’un temps de travail effectif qui devait être rémunéré comme tel.

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Salaire - Cause - Travail du salarié - Travail effectif - Astreinte - Distinction

Précédents jurisprudentiels : A RAPPROCHER : Chambre sociale, 1993-11-24, Bulletin 1993, V, n° 285, p. 193 (rejet), et l’arrêt cité ; Chambre sociale, 1998-06-03, Bulletin 1998, V, n° 292, p. 221 (rejet), et l’arrêt cité.

Textes appliqués :
• Code du travail L212-4