Entraide non

Le : 10/10/2011

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 9 novembre 2004

N° de pourvoi : 03-86990

Publié au bulletin

Rejet

M. Cotte, président

M. Pometan., conseiller apporteur

M. Fréchède., avocat général

Me Foussard., avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le neuf novembre deux mille quatre, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller POMETAN, les observations de Me FOUSSARD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

"-" X... DE Y... Arnaud,

contre l’arrêt de la cour d’appel d’ANGERS, chambre correctionnelle, en date du 16 octobre 2003, qui, pour travail dissimulé, l’a condamné à 1 500 euros d’amende ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 362-3, L. 362-4 et L. 362-5 du Code du travail, ensemble les articles 18, 171, 802, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a rejeté l’exception de nullité présentée in limine litis par Arnaud X... de Y... et tendant à voir annuler le procès-verbal d’audition de Sébastien Z... ;

”aux motifs que, “le tribunal a justement rejeté comme irrecevable l’exception de nullité soulevée par le prévenu dès lors qu’en application des dispositions combinées des articles 171 et 802 du Code de procédure pénale, seule la partie concernée par la méconnaissance d’une formalité peut l’invoquer ; qu’en l’espèce l’audition de la victime par les militaires de la brigade de gendarmerie de Saint Suzanne est bien intervenue, d’une part, en exécution d’une réquisition du procureur de la République de Laval délivrée sur le fondement de l’article 18, quatrième alinéa, du Code de procédure pénale et, d’autre part, après avis de l’officier de police judiciaire compétent de sorte que la Cour est à même de vérifier que les règles d’ordre public relatives à la compétence territoriale ont bien été respectées ; que le défaut d’assistance effective par officier de police judiciaire territorialement compétent pour l’audition d’un témoin ne constitue pas une nullité textuelle permettant au prévenu d’en tirer argument quant à la validité de l’acte et de la procédure ultérieure ; que la nullité qui découle du défaut d’assistance ne peut en conséquence être invoquée que lorsque la méconnaissance de la formalité substantielle a porté atteinte aux intérêts de la personne qu’elle concerne ; que le prévenu n’étant pas concerné par la formalité devant accompagner l’audition de la victime n’est pas recevable à se prévaloir de l’absence d’accomplissement de cette formalité” (arrêt attaqué, p. 4, dernier et p. 5 in limine) ;

”alors que l’article 802 du Code de procédure pénale ne saurait trouver application lorsqu’il s’agit d’appliquer une disposition d’ordre public ; que les règles touchant à la compétence des officiers de police judiciaire sont d’ordre public ; que, partant, en déclarant irrecevable l’exception de nullité soulevée par Arnaud X... de Y... et touchant à l’incompétence des officiers de police judiciaire ayant interrogé Sébastien Z... dès lors que, conformément à l’article 18, quatrième alinéa, du Code de procédure pénale, ils n’étaient pas assistés par un officier de police judiciaire territorialement compétent, les juges du fond ont violé les textes susvisés” ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure qu’au cours d’une enquête préliminaire ouverte pour des faits de travail dissimulé qu’aurait commis Arnaud X... de Y..., le procureur de la République de Laval a délivré une réquisition à un officier de police judiciaire de la gendarmerie étendant la compétence de celui-ci en application de l’article 18, alinéa 3, du Code de procédure pénale, afin qu’il se transporte dans le ressort du tribunal du Mans pour y procéder à l’audition d’un témoin ; que la réquisition prescrivait l’assistance d’un officier de police judiciaire territorialement compétent ;

Attendu que, poursuivi pour travail dissimulé, Arnaud X... de Y..., avant toute défense au fond, a excipé de la nullité de l’audition de ce témoin au motif qu’il avait été procédé à cet acte sans l’assistance d’un officier de police judiciaire territorialement compétent ;

Attendu que, pour écarter cette exception, l’arrêt attaqué retient que le prévenu est sans qualité pour invoquer la nullité d’un acte qui ne le concerne pas ;

Attendu qu’en prononçant ainsi, la cour d’appel a fait l’exacte application des articles 171 et 802 du Code de procédure pénale ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 362-3, L. 362-4 et L. 362-5 du Code du travail, de l’article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Arnaud X... de Y... coupable des faits qui lui étaient reprochés et, en répression, l’a condamné à une amende de 1 500 euros ;

”aux motifs que, “les faits ont été exactement rapportés, analysés et qualifiés par les premiers juges ; qu’il résulte en effet du dossier que le 23 juillet 1999 Sébastien Z..., salarié pour la saison comme deuxième chauffeur de moissonneuse-batteuse par l’entreprise Jean-Yves A... était victime d’un accident de la circulation ; qu’il expliquait alors que travaillant sur l’exploitation d’Arnaud X... de Y... à Durtal, il lui avait été demandé par ce dernier, sans que son patron soit au courant, de conduire les tracteurs de ramassage de l’exploitation afin de rentrer les moissons et qu’il n’avait pas osé refuser s’agissant du plus gros client de son patron ; qu’il précisait encore n’avoir pas reçu de salaire pour cette tâche ; que Jean-François B..., l’autre salarié de l’entreprise A... qui indique avoir effectué 5 saisons de moisson confirme qu’il arrivait à Sébastien Z... comme à lui de conduire les tracteurs d’Arnaud X... de Y... pour transporter le grain et qu’il arrivait à ce dernier d’ordonner à Sébastien ou à lui-même de prendre un de ses tracteurs pour faire des rotations entre le champ et les hangars de stockage ; que la réalité et l’ampleur de la prestation de travail fournie par Sébastien Z... sur instructions du prévenu est ainsi démontrée par les faits de la cause ; que, devant la Cour, le prévenu soutient que la partie civile n’a pas travaillé pour son compte dans les créneaux horaires visés à la prévention ; qu’il admet toutefois que Sébastien Z... ait pu effectuer quelques rotations soit de sa propre initiative soit à la demande de son employeur ou de Jean-François B... ; qu’il est toutefois constant que, comme l’ont retenu les premiers juges, la démonstration faite pour tenter de sérier les horaires de ces rotations n’est pas convaincante alors que Sébastien Z... a précisé qu’il y avait des attentes qui constituent des temps de travail, que le prévenu ne démontre pas qu’il était effectivement lui- même présent dans les conditions horaires qu’il indique pour assurer les rotations entre le champ et le lieu de stockage et qu’au contraire des affirmations non étayées du prévenu ; qu’il ne résulte pas de la procédure que Jean-Yves A... ait demandé à ses salariés de conduire les engins agricoles du prévenu ;

que le prévenu ne peut davantage invoquer un usage du monde agricole selon lequel l’entrepreneur qui effectuerait la moisson apporte une aide occasionnelle à l’agriculteur dans le transport de la récolte alors que Jean-Yves A... indique pour sa part que la mise à disposition des chauffeurs présents pour le battage de la moisson pour conduire les tracteurs d’Arnaud de Y... n’était pas prévue dans leur relation contractuelle ; que le prévenu ne peut par ailleurs prétendre que la conduite par Sébastien Z... de ses tracteurs ait eu un caractère occasionnel et exceptionnel en raison de sa répétition trois jours consécutifs et de la fréquence des rotations ; que la décision sur la culpabilité doit en conséquence être confirmée, le travail de Sébastien Z... pour le compte et à la demande d’Arnaud X... de Y... étant suffisamment établi de même que le défaut de déclaration préalable à l’embauche et de délivrance de bulletin de salaire ; que le tribunal condamnant le prévenu à une peine d’amende de 1 500 euros a également fait exacte application de la gravité de l’infraction au regard de la personnalité du prévenu et de l’absence de condamnation antérieure ; que sa décision sera en conséquence également confirmée en ce qui concerne la peine ; que la publication non obligatoire n’apparaît pas nécessaire” (arrêt attaqué, p. 5 et 6) ;

”alors que, dans ses conclusions d’appel Arnaud X... de Y... avait fait valoir que les rotations effectuées par Sébastien Z... avaient été effectuées à titre bénévole et d’entraide (conclusions p.5, antépénultième, avant dernier et dernier , p. 7 et 8) ; qu’il produisait à cet effet une attestation de Jean-Yves A..., lequel soulignait que le nombre de rotations effectuées par Sébastien Z... était resté limité et faisait partie de l’aide occasionnelle apportée habituellement pour le transport de la moisson par son entreprise, afin de ne pas retarder le travail ; qu’en statuant comme ils l’ont fait, sans rechercher si les rotations effectuées par Sébastien Z... n’avaient pas été faites à titre bénévole et à titre d’entraide, ce qui excluait l’existence d’un contrat de travail, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des textes susvisés” ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments tant matériels qu’intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D’où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

ET attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Pometan conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Publication : Bulletin criminel 2004 N° 276 p. 1039

Décision attaquée : Cour d’appel d’Angers, du 16 octobre 2003

Titrages et résumés : JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES - Exceptions - Exception de nullité - Prétendue irrégularité affectant l’audition d’un témoin - Présentation - Qualité. Un prévenu est sans qualité pour exciper de la nullité de l’audition d’un témoin effectuée, au cours de l’enquête préliminaire, hors ressort, sans l’assistance d’un officier de police judiciaire territorialement compétent, alors que le procureur de la République ayant délivré la réquisition aux fins d’extension de compétence en application de l’article 18 du Code de procédure pénale, avait prescrit une telle assistance.

DROITS DE LA DEFENSE - Juridictions correctionnelles - Nullités - Exceptions - Présentation - Qualité JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES - Droits de la défense - Nullités - Exceptions - Présentation - Qualité

Précédents jurisprudentiels : A rapprocher : Chambre criminelle, 2000-04-18, Bulletin criminel, n° 150, p. 446 (cassation), et l’arrêt cité.

Textes appliqués :
* Code de procédure pénale 18, 171, 802