Contrepartie exclusive en nature oui

Le : 15/07/2015

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 9 juin 2015

N° de pourvoi : 14-10802 14-10803

ECLI:FR:CCASS:2015:SO00951

Non publié au bulletin

Rejet

Mme Vallée (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Vu la connexité, joint les pourvois n° F 14-10. 802 et H 14-10. 803 ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 novembre 2013), que M. et Mme X... ont eu recours aux services de M. Y... et de Mme Z... d’octobre 2008 à juillet 2009 pour assurer le gardiennage et l’entretien de leur propriété en contrepartie de la mise à disposition d’un logement ; que M. Y... et Mme Z... ont saisi la juridiction prud’homale pour revendiquer l’existence d’un contrat de travail et demander le paiement de diverses sommes tant au titre de l’exécution que de la rupture de ce contrat ;
Attendu que M. et Mme X... font grief à l’arrêt de reconnaître l’existence d’un contrat de travail avec M. Y... et Mme Z... et de les condamner à payer à chacun d’eux diverses sommes, alors, selon le moyen :
1°/ qu’en l’absence de contrat apparent, c’est à celui qui invoque l’existence d’un contrat de travail de démontrer qu’il aurait exécuté, moyennant rémunération, un travail sous l’autorité d’un employeur qui aurait eu le pouvoir de lui donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner ses manquements ; que la cour d’appel a retenu en l’espèce, pour conclure à l’existence d’un tel contrat les liant à M. Y... et à Mme Z... d’octobre 2008 à octobre 2009, que M. X... aurait évoqué dans un courrier du 23 octobre 2008 l’exécution par M. Y... de travaux dans le jardin au cours des mois d’octobre à décembre 2009, la remise en état par Mme Z... de la maison avant leur arrivée, que par annonce publicitaire du 19 janvier 2008, la villa aurait été proposée à la location avec mention de la présence de deux gardiens et de 12 heures de travail hebdomadaires et qu’à la fin de l’été 2009 les époux X... lui avaient demandé de quitter immédiatement la dépendance ; qu’en concluant de la sorte quand M. Y... et Mme Z... n’avaient démontré ni que les époux X... auraient exercé sur eux leur autorité en leur donnant des ordres relatifs à l’exécution de leurs tâches, en en contrôlant l’accomplissement et en en vérifiant les résultats, ni qu’ils auraient exercé à leur égard leur pouvoir disciplinaire, la cour d’appel qui n’a pas caractérisé l’existence d’un lien de subordination, élément déterminant de la relation contractuelle, a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail ;
2°/ qu’en se bornant à énoncer que M. Y... et Mme Z... auraient été engagés comme gardiens et employés de maison pour assurer une mission de gardiennage et effectuer tous travaux ménagers, d’entretien et de jardinage au gré de la convenance des propriétaires « selon leur directive et sous leur contrôle » sans indiquer, en l’absence du moindre élément produit par l’intéressé, ce qui lui permettait de conclure à l’exercice par les époux X... d’un pouvoir de direction et de sanction à leur égard, la cour d’appel a une nouvelle fois privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail ;
3°/ qu’en se bornant à retenir, pour conclure à l’existence d’un contrat de travail, que par courrier du 23 octobre 2008 M. X... avait proposé à M. Y... d’effectuer quelques travaux dans le jardin pour 300 euros par mois en octobre, novembre et décembre 2008 et d’indemniser Mme Z... pour la remise en état de la maison avant leur arrivée, sans rechercher, ainsi qu’elle y était pourtant invitée, si M. Y... et Mme Z... démontraient avoir accepté l’activité qui leur aurait été proposée ainsi que ses conditions financières, la cour d’appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail ;
4°/ qu’en concluant à l’existence d’une relation salariée entre M. Y... et Mme Z... et les époux X... quand les intéressés n’avaient été en mesure d’établir ni la nature, ni l’étendue ni la fréquence des tâches qu’il leur aurait été demandé d’effectuer dans une propriété inoccupée dix mois sur douze dans l’année, ni la rémunération perçue en contrepartie, la cour d’appel a violé l’article L. 1221-1 du code du travail ;
Mais attendu qu’ayant fait ressortir que la lettre adressée par M. X... à M. Y... et Mme Z... le 23 octobre 2008 et l’annonce de location diffusée par internet caractérisaient la fourniture d’un travail dans un lien de subordination, la cour d’appel en a exactement déduit que les parties étaient liées par un contrat de travail ; que le moyen, inopérant en ses deux dernières branches, n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit aux pourvois par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....
Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir reconnu l’existence d’un contrat de travail entre Monsieur Y... et les époux X... et d’avoir condamné ces derniers à lui verser les sommes de 10. 080 € à titre de rappel de salaire d’octobre 2008 à octobre 2009, de 1. 008 € à titre d’indemnité compensatrice des congés payés afférents, de 840 € à titre d’indemnité de préavis, de 400 € à titre d’indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, de 840 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 5. 040 € à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
AUX MOTIFS QUE selon les pièces produites, suivant contrat écrit par acte sous seing privé du 2 octobre 2008, les époux X..., domiciliés à PARIS, ont mis à disposition de Monsieur Hervé Y... et de sa concubine, Madame Muriel Z..., la maison attenante à la villa leur appartenant, avenue de Malpagne au RAYOL CANADEL (VAR), villa de 450 m ² située en front de mer comprenant 9 pièces principales, un jardin arboré de 1. 000 m ² « de style anglais, composé d’une terrasse recouverte de pelouse » et une piscine ; que selon leurs écritures, les époux X... auraient ainsi agi à seul fin que leur bien immobilier à usage de résidence secondaire « soit habité toute l’année afin d’éviter un cambriolage ou des dégradations » ; que pourtant Monsieur Y... produit la lettre que Monsieur X... lui a adressé ainsi qu’à sa concubine dès le 23 octobre 2008 ainsi libellée : « vous n’êtes pas sans savoir que l’économie va mal dans le monde et nous, les X..., ne sommes pas épargnés (...) Nous investissons pour le jardin 300 € par mois jusqu’à notre arrivée prochaine à la Malpagne, ce qui fait en tout 900 € pour octobre, novembre et décembre, qu’Hervé Y... aura la gentillesse de nous détailler. Sachant qu’il aura peut-être l’occasion de travailler plus un mois que l’autre, mais que la somme totale n’excédera pas 900 € sur ces trois mois. Par ailleurs pour Muriel Z..., nous lui réglons la remise en état de la maison. Mais maintenant je propose que la maison soit fermée jusqu’à notre arrivée fin décembre. En revanche nous serons très heureux que vous puissiez travailler dans la maison quand nous serons à la Malpagne. Voilà ce que je souhaite pour les questions financières » ; qu’il est également produit la photocopie d’une annonce publicitaire diffusée par internet à partir du 19 janvier 2008 sur le site « Homelidays N° 1 des locations de vacances entre particuliers » relative à l’offre de location de la villa litigieuse de 5. 000 à 11. 000 € la semaine, selon l’époque de l’année jusqu’en avril 2010, avec une description du bien immobilier comportant notamment la mention suivante : « les plus : villa (...) les pieds dans l’eau (...) deux gardiens (un homme et une femme), 12 heures de travail fournies par semaine, les gardiens sont disposés à faire plus contre rémunération » ; que lors des débats à l’audience du 22 octobre 2013 devant la Cour, Monsieur X... comparant personnellement a certes déclaré sur interpellation « ne pas approuver entièrement cette annonce », mais en termes vagues et sans produire aucun élément démontrant que ladite annonce, diffusée à son initiative et durant plusieurs mois sur internet aurait fait l’objet de sa part ou sur sa demande d’une quelconque rectification, ce à quoi il aurait pourtant été aisé techniquement de procéder à tout moment si tel avait été le cas ; qu’il ressort par ailleurs des communes déclarations des parties qu’à la demande verbale des époux X..., Monsieur Y... et sa concubine ont dû interrompre leurs activités et quitter les lieux mis à leur disposition à la fin de l’été 2009 ; que ces éléments sont suffisants pour, comme l’affirme Monsieur Y..., considérer que celui-ci a bien été embauché comme gardien et employé de maison avec sa concubine pour le compte des époux X... d’octobre 2008 à octobre 2009, à charge pour lui, d’une part, d’être présent sur place pour assurer une mission de gardiennage de l’importante et luxueuse villa leur appartenant, d’autre part y effectuer tous travaux ménagers, d’entretien et de jardinage au gré de la convenance des propriétaires, selon leur directive et sous leur contrôle ; que l’existence d’un contrat de travail entre les parties est donc avérée ; qu’en application de l’article L. 1242-12 du Code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit ; qu’à défaut il est réputé conclu pour une durée indéterminée ; qu’en application de l’article L. 3123-14 du même Code, le contrat de travail à temps partiel est un contrat écrit ; qu’en l’absence d’un tel écrit, le contrat est présumé à temps complet, ce qui est conforme en l’espèce à la nature de l’emploi de Monsieur Y... en considération et de la permanence attendue de son activité de gardiennage, et - proportionnellement à l’importance de la villa avec dépendance concernée - au volume des travaux ménagers, d’entretien et de jardinage rendus nécessaires ; qu’il s’ensuit que par référence légitime et justifiée à un travail à temps complet de 151, 67 heures mensuelles rémunéré sur la base du salaire horaire minimum garanti de 8, 82 € au 1er juillet 2009 et 8, 86 € au 1er janvier 2010, il y a lieu de dire Monsieur Y... - dans les limites de sa demande - bien fondée à solliciter un rappel de salaire de 840 € bruts mensuels, soit d’octobre 2008 à octobre 2009 la somme globale de 10. 080 € bruts, et celle de 1. 008 € bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés y afférente ; que la rupture du contrat de travail étant intervenue à l’initiative de l’employeur sans observation de la procédure légale et sans cause réelle et sérieuse, Monsieur Y... est en outre fondé à solliciter le paiement de 840 € bruts d’indemnité de préavis, selon l’article L. 1234-1 du Code du travail, 400 € pour non respect de la procédure de licenciement selon l’article L. 1235-2 du même Code, 840 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif selon l’article L. 1235-3 du même Code ; que par ailleurs, en l’absence de toute déclaration d’embauche de la salariée comme de délivrance de bulletins de paie, Monsieur Y... est fondé à solliciter le paiement d’une indemnité forfaitaire de 5. 040 € sur le fondement de l’article L. 8223-1 du Code du travail ;
ALORS, D’UNE PART, QU’en l’absence de contrat apparent, c’est à celui qui invoque l’existence d’un contrat de travail de démontrer qu’il aurait exécuté, moyennant rémunération, un travail sous l’autorité d’un employeur qui aurait eu le pouvoir de lui donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner ses manquements ; que la Cour d’appel a retenu en l’espèce, pour conclure à l’existence d’un tel contrat liant Monsieur Y... à Monsieur et Madame X... d’octobre 2008 à octobre 2009, que Monsieur X... aurait évoqué dans un courrier du 23 octobre 2008 l’exécution par l’intéressé de travaux dans le jardin au cours des mois d’octobre à décembre 2009, que par annonce publicitaire du 19 janvier 2008, la villa aurait été proposée à la location avec mention de la présence de deux gardiens et de 12 heures de travail hebdomadaires et qu’à la fin de l’été 2009 les époux X... lui avait demandé de quitter immédiatement la dépendance ; qu’en concluant de la sorte quand Monsieur Y... n’avait démontré ni que les époux X... auraient exercé sur lui leur autorité en lui donnant des ordres relatifs à l’exécution de ses tâches, en en contrôlant l’accomplissement et en en vérifiant les résultats, ni qu’ils auraient exercé à son égard leur pouvoir disciplinaire, la Cour d’appel qui n’a pas caractérisé l’existence d’un lien de subordination, élément déterminant de la relation contractuelle, a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du Code du travail ;
ALORS, D’AUTRE PART, QU’en se bornant à énoncer que Monsieur Y... aurait été engagé comme gardien et employé de maison pour assurer une mission de gardiennage et effectuer tous travaux ménagers, d’entretien et de jardinage au gré de la convenance des propriétaires « selon leur directive et sous leur contrôle » sans indiquer, en l’absence du moindre élément produit par l’intéressé, ce qui lui permettait de conclure à l’exercice par les époux X... d’un pouvoir de direction et de sanction à son égard, la Cour d’appel a une nouvelle fois privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du Code du travail ;
ALORS, ENSUITE, QU’en se bornant à retenir, pour conclure à l’existence d’un contrat de travail, que par courrier du 23 octobre 2008 Monsieur X... avait proposé à Monsieur Y... d’effectuer quelques travaux dans le jardin pour 300 ¿ par mois en octobre, novembre et décembre 2008 et d’indemniser Madame Z... pour la remise en état de la maison avant leur arrivée, sans rechercher, ainsi qu’elle y était pourtant invitée, si Monsieur Y... et Madame Z... démontraient avoir accepté l’activité qui leur aurait été proposée ainsi que ses conditions financières, la Cour d’appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du Code du travail ;
ET ALORS, ENFIN, QU’en concluant à l’existence d’une relation salariée entre Monsieur Y... et les époux X... quand l’intéressé n’avait été en mesure d’établir ni la nature, ni l’étendue ni la fréquence des tâches qu’il lui aurait été demandé d’effectuer dans une propriété inoccupée 10 mois sur 12 dans l’année, ni la rémunération perçue en contrepartie, la Cour d’appel a violé l’article L. 1221-1 du Code du travail.

Décision attaquée : Cour d’appel d’Aix-en-Provence , du 19 novembre 2013