Ferme auberge - salarié oui

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 26 octobre 2004

N° de pourvoi : 03-87916

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. COTTE, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six octobre deux mille quatre, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller GUIRIMAND, les observations de la société civile professionnelle PEIGNOT et GARREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général FINIELZ ;

Statuant sur les pourvois formés par :

"-" X... Dominique,

"-" Y... Bernadette, épouse X...,

contre l’arrêt de la cour d’appel de DIJON, chambre correctionnelle, en date du 26 novembre 2003, qui a condamné le premier, pour infraction à interdiction de gérer et travail dissimulé, à 6 mois d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve, la seconde, pour travail dissimulé, à 2 mois d’emprisonnement avec sursis et 3 000 euros d’amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 362-3 , L. 324-9, L. 324-10 du code du travail, 121-3 du code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut et insuffisance de motifs, manque de base légale, violation de la loi ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Bernadette Y..., épouse X..., et Dominique X... coupables de travail dissimulé par dissimulation de salariés ;

”aux motifs propres que par une motivation que la Cour fait sienne, la décision entreprise sera confirmée quant à l’infraction de travail illégal par dissimulation de salariés ; que la Cour estime nécessaire de réformer le jugement frappé d’appel compte tenu de la nature des faits perpétrés par Dominique X... des circonstances entourant la commission de ceux-ci par le susnommé ainsi que de la personnalité de celui-ci, lequel sera équitablement sanctionné par la peine spécifiée ci-dessous dans le dispositif ; que le tribunal a exactement analysé et qualifié les faits dont sont prévenus Dominique X... et Bernadette Y..., épouse X... ; que le jugement mérite dès lors confirmation sur la déclaration de culpabilité des susnommés ; que les premiers juges ont équitablement sanctionné Bernadette Y..., épouse X..., en la condamnant ainsi qu’il a été rappelé ci-dessus, sanction qui apparaît justifiée compte tenu de la nature des faits, des circonstances dans lesquelles ceux-ci ont été commis et de la personnalité de l’intéressée ; qu’en raison des éléments de la cause, la Cour n’estime pas devoir ordonner l’affichage de l’arrêt ;

”et aux motifs adoptés que les déclarations recueillies dans le cadre de l’enquête sont nombreuses et concordantes et aucun des arguments avancés par les prévenus n’est de nature à faire douter de la sincérité de leurs auteurs ; qu’il en ressort que Dominique et Bernadette X... n’ont pas eu recours au sein de la ferme auberge à des personnes autres que Mme Z... pour des “coups de main ponctuels” ainsi qu’ils le soutiennent, mais que ces interventions de par leur nature à la fois différente et complémentaire ont constitué un mode régulier de fonctionnement de l’exploitation qui excluait toute idée de bénévolat ;

que Dominique et Bernadette X... n’ignoraient pas l’obligation positive qui leur incombait tant en ce qui concerne les déclarations préalable à l’embauche, que la remise de bulletins de salaires, pour y avoir satisfait en ce qui concerne Mme Z... ; que l’intention de se soustraire à ces obligations est donc suffisamment démontrée ; que les éléments constitutifs de l’infraction de travail illégal par dissimulation de salarié sont donc réunis ;

”alors, d’une part, que, si les juges du fond sont en mesure de redonner aux faits litigieux leur exacte qualification en matière de travail dissimulé, il leur appartient, pour écarter l’existence du bénévolat invoqué, de mettre en évidence une relation de travail salariée, de sorte qu’en écartant l’existence du bénévolat invoqué par Dominique et Bernadette X... en se bornant à énoncer que les interventions des personnes autres que Mme Z... auraient constitué de par leur nature à la fois différente et complémentaire un mode régulier de fonctionnement de l’exploitation sans relever l’existence d’un lien de subordination ou l’absence de toute autonomie dans l’aide apportée, la cour d’appel n’a pas justifié légalement sa décision ;

”alors, d’autre part, que la mention sur le bulletin de salaire d’un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué constitue une dissimulation d’emploi salarié à moins que cette mention résulte d’une convention ou d’un accord collectif, de sorte qu’en omettant de préciser les conditions dans lesquelles certains bulletins de salaires n’auraient pas comporté le nombre d’heures réellement effectuées et de rechercher si cette circonstance ne résultait pas d’une convention, la cour d’appel n’a pas justifié légalement sa décision” ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit de travail dissimulé dont elle a déclaré les prévenus coupables, et a ainsi justifié l’allocation, au profit des parties civiles, des indemnités propres à réparer le préjudice en découlant ;

D’où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 627-4, L. 625-2, L. 625-8 du Code de commerce, 121-3 du Code pénal, 591 du Code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, défaut et insuffisance de motifs, manque de base légale, violation de la loi ;

”en ce que l’arrêt attaqué a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Dijon du 15 avril 2003 ayant déclaré Dominique X... coupable d’avoir exercé une activité de gestion et de direction de l’EARL Ferme de Dragny en dépit d’une condamnation de faillite personnelle ;

”aux motifs propres que par motifs adoptés la Cour estime que Dominique X... s’est comporté en gérant de fait pour la période visée à la prévention, soit entre 1998 et 2001 aux côtés de son épouse malgré la décision du tribunal de commerce de Créteil prononçant la faillite personnelle pour une durée de 15 ans, décision qui lui a été signifiée par acte du 19 juillet 1993 dans les formes prévues à l’article 659 du nouveau Code de procédure civile ;

”et aux motifs adoptés qu’au travers des déclarations recueillies dans le cadre de l’enquête, Dominique X... est présenté comme ayant participé activement à l’exploitation de l’EARL Ferme de Dragny, aux côtés de son épouse, gérante de droit ; que c’est ainsi que Anthony A... dont les révélations sont à l’origine de cette enquête, indique avoir négocié le montant de son salaire avec Dominique X..., qui selon lui est le gérant de la ferme auberge ; que Marie-Thérèse B... estime que Dominique X... est le patron au même titre que son épouse, car elle a débattu avec lui de ses conditions d’embauche, a reçu de ses mains, son salaire en espèces, a constaté qu’il s’occupait de la comptabilité de la ferme, et l’a vu traiter un marché avec un vendeur de vaisselle ; que Liévin C... indique qu’il a négocié les conditions de son embauche avec Dominique X... ;

que celui-ci a signé les chèques de sa paye (chèque du 19 août 1999 de 5 389,41 francs, versé au dossier) et qu’il s’occupait de la comptabilité ; que Mme D... déclare que Dominique X... s’occupait des fiches de salaire et du règlement de ses heures travaillées non déclarées ; que Catherine E... expose avoir été payée soit par Dominique X... soit par son épouse ;

qu’Augustin F... a constaté que Dominique X... s’occupait de la comptabilité, de la charcuterie, des porcs et des travaux manuels au sein de la ferme ; que Mme Z... a indiqué qu’elle avait conclu son contrat de travail avec Dominique X..., qui selon elle s’occupait de la gestion de l’EARL ; que Dominique X... a en outre confirmé lors de son audition qu’en plus de l’élevage des porcs, il s’occupait de toute la partie administrative de la société, les gestion financière, les relations avec les banques, les fournisseurs, l’abattoir de Beaune et a ajouté que les décisions, concernant la ferme auberge étaient prises conjointement par son épouse et lui-même et qu’il avait d’ailleurs procuration sur les comptes de la société ;

qu’il ressort de l’ensemble de ces déclarations, que Dominique X... a exercé régulièrement et en toute indépendance des activités de gestion et de direction, disposant ainsi des pouvoirs qui excédaient ceux attachés à la qualité de conjoint d’exploitant, qu’il revendique, sans toutefois l’avoir officialisé pour la période concernée, le tout faisant de lui un gérant de fait ; qu’aux termes de deux décisions rendues par le tribunal de commerce de Créteil le 10 mars 1993 et le 10 juin 1993, la faillite personnelle de Dominique X... a été prononcée, respectivement pour une durée de 15 ans et de 20 ans ; que si la preuve de la signification de la dernière décision n’est pas rapportée, il en est différemment de la première décision ; qu’en effet, ce jugement a été signifié, par acte du 19 juillet 1993, dans les formes prévues à l’article 659 du nouveau Code de procédure civile ;

qu’à la date de l’audience, Dominique X... n’avait pas fait établir la nullité de l’acte de signification par les voies de droit appropriées alors qu’il reconnaît lui-même avoir eu connaissance de cette décision, par un ami en 1994 ou 1995 et en avoir eu confirmation juste après, à la suite de recherches personnelles ; qu’il s’ensuit qu’entre 1998 et 2001 Dominique X... a géré de fait aux côtés de son épouse, l’exploitation malgré l’interdiction dont il faisait l’objet ; que l’infraction qui lui est reprochée à ce titre est donc constituée ;

”alors que le droit à un procès équitable implique que le prévenu ait été informé de la faillite personnelle prononcée à son encontre dont la violation lui est reprochée, de sorte qu’en se bornant à relever que le jugement du 10 mars 1993 prononçant la faillite de Dominique X... lui aurait été signifié par acte du 19 juillet 1993 dans les formes de l’article 659 du nouveau Code de procédure civile ce dont il résulte que Dominique X... ignorait l’existence de cette mesure et que ce mode de signification ne pouvait fonder l’infraction en question, la cour d’appel a violé les articles L. 627-4 du Code de commerce et 6 1 de la Convention européenne des droits de l’homme” ;

Attendu qu’il ne résulte d’aucune mention de l’arrêt attaqué ni d’aucunes conclusions déposées que Dominique X... ait soutenu n’avoir pas été informé de la faillite personnelle prononcée contre lui ;

D’où il suit que le moyen, mélangé de fait, est nouveau et comme tel irrecevable ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Guirimand conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel de Dijon chambre correctionnelle , du 26 novembre 2003