Présomptions oui - réparation automobile

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 11 janvier 2001

N° de pourvoi : 00-82004

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. COTTE, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze janvier deux mille un, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SOULARD, les observations de Me GARAUD, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

"-" A... Didier, partie civile,

contre l’arrêt de la cour d’appel de POITIERS, chambre correctionnelle, en date du 3 mars 2000, qui l’a débouté de sa demande après relaxe de Guy BRILLANT des chefs de vol et de travail clandestin ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 311-1 et 311-3 du Code pénal, ensemble violation de l’article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a relaxé Guy Brillant, prévenu de vol ;

”aux motifs qu’ “il résulte des éléments du dossier et des débats que, le 22 juillet 1999, Didier A..., garagiste à Saint-Rogatien, déposait plainte pour vols contre son salarié, Guy Brillant, et pour des réparations de véhicules que celui-ci faisait au garage, sans les facturer, ou à son domicile ; - qu’il précisait qu’il avait laissé la responsabilité du garage à Guy Brillant pendant son absence, du 3 au 10 mai 1999, et qu’il avait été avisé par sa secrétaire et des employés que des véhicules étaient réparés au garage par des salariés et repartaient sans que ces travaux ne soient facturés ; - que ses employés l’avaient avisé de ce que Guy B... prenait régulièrement des pièces pour faire des travaux de mécanique automobile chez lui et que des pièces mécaniques avaient disparu en magasin au garage - qu’il indiquait par la suite qu’en son absence, Guy B... était venu le 23 juillet 1999 déposer au garage deux courroies de distribution et deux tendeurs qu’il lui avait dérobés au garage le 20 juillet, en fait le 19 ;

”que Damien D..., Ludovic I... et Lilian H..., tous trois apprentis chez Didier A..., étaient entendus au cours de l’enquête et déclaraient que Guy B... faisait ou leur faisait faire des travaux de mécanique sur des véhicules, au garage à l’insu de Didier A..., sans que ces travaux ne fassent l’objet de facturation, et dérobait des pièces automobile ou de l’huile pour l’exécution de ceux-ci ; - que Ludovic I... et Lilian H... indiquaient aussi que Guy B... avait emporté diverses pièces du garage dans la semaine du 19 juillet 1999, notamment de l’huile et des courroies de distribution ; - que Mme Z..., secrétaire comptable du garage, confirmait que 5 véhicules à sa connaissance avaient été ainsi réparés au garage par les apprentis, à la demande de Guy Brillant, sans faire l’objet de facturation et que, d’après la liste des pièces manquantes faite à sa demande le 19 juillet 1999, Guy B... avait dérobé diverses pièces au garage, notamment de l’huile, des tendeurs et des courroies de distribution ;

”qu’enfin, outre M. E..., vendeur itinérant de pièces automobiles pour un garage Ford, trois amis de Guy B... ont été entendus au cours de l’enquête : - M. F..., propriétaire d’un véhicule Seat immatriculé sous le n° 7252 SK 17, qui a indiqué qu’il l’avait amené à plusieurs reprises à Guy Brillant à son domicile depuis plusieurs années pour des vidanges ou changement de plaquettes de frein, une fois pour un problème de suspension, les pièces nécessaires étant achetées par lui ; - Mme X..., propriétaire d’un véhicule Ford, qui avait été vu en stationnement devant le domicile de Guy Brillant le 19 juillet 1999, qui a déclaré qu’elle l’avait amené à celui-ci car elle avait un problème mécanique et qu’elle lui avait remis la somme de 1 000 francs pour l’achat de pièces mécaniques ; - M. G..., propriétaire d’un véhicule immatriculé sous le n° 2142 TK 17, ami de Guy Brillant depuis 17 ans, qui a déclaré lui avoir amené son véhicule à deux ou trois reprises au garage Billon, pour des vidanges, payées en espèces, sans facture ; - que Guy B... a contesté devant les premiers juges avoir commis les délits qui lui sont reprochés et il maintient ses dénégations devant la Cour ; - que, cités comme témoins devant le tribunal correctionnel, Damien C... et Ludovic I... ont maintenu leurs déclarations antérieures et leur mise en cause de Guy Brillant pour des vols commis par ce dernier au préjudice de son employeur, et des travaux faits à l’insu de ce dernier sur des véhicules automobiles au garage ;

”que, toutefois, force est de constater en ce qui concerne la première période dénoncée qui, aux termes de la plainte déposée par Didier A..., se situe au mois de mai 1999, que les déclarations des salariés de Didier A..., et les siennes, sont d’une totale imprécision ; - qu’il n’y est fait état d’aucun fait particulier et aucun élément n’y figure concernant les dates ou les véhicules en cause, les intervenants sur ceux-ci ou les vols qui auraient été commis à ces occasions ; - qu’aucun élément ne figure à cet égard au dossier ; - que force est aussi de constater qu’aucune pièce d’origine délictueuse en provenance du garage de son employeur n’a été découverte au domicile de Guy Brillant au cours de la perquisition qui y a été faite ; - que le relevé des pièces manquantes établi par Didier A... d’après un inventaire qui aurait été fait pour l’exercice 1998/99 est totalement insuffisant pour établir, d’une part, que les pièces manquantes proviennent de vols, d’autre part, à les supposer établis, qu’ils puissent être imputés en totalité ou en partie à Guy B... ; - qu’enfin, si Guy B... a reconnu avoir réparé à titre amical dans le garage Billon quatre véhicules d’amis au cours de la première quinzaine du mois de mai 1999, il a toutefois précisé que, pour chaque réparation, ses amis étaient venus avec leurs pièces ; - que la preuve de vols commis par Guy Brillant au préjudice de Didier A... entre le mois de mai et le 18 juillet 1999 n’est donc pas rapportée ;

”que Didier A... a, en deuxième lieu, dénoncé un vol de différentes pièces de mécanique automobile commis le 19 juillet 1999 ; - que Guy B... a toutefois toujours contesté avoir commis un vol en emportant ces diverses pièces de mécanique du garage, précisant en garde à vue qu’il était prévu avec Didier A... qu’il les ramènerait et le maintenant devant les premiers juges ; - qu’il résulte, d’autre part, des déclarations de Lilian H... sur ces faits que c’est lui qui a remis les pièces automobile à sa demande à Guy Brillant, ce qui exclut une volonté de se cacher de la part de ce dernier ; - que s’y ajoutent les déclarations concordantes de Guy B... et de Didier A... sur une explication qui avait eu lieu entre eux, avant les faits du 19 juillet 1999 et le dépôt de plainte, au sujet des vols dont le second accusait le premier, à la suite de laquelle Didier A... a retiré la clé du garage à Guy B... ; - qu’il en résulte que, dans ce contexte, Guy B... n’a pu emporter les pièces qu’avec l’accord de son employeur et le délit de vol qui lui est reproché à ce titre n’est pas constitué ;

”alors que, dans ses conclusions régulièrement versées aux débats, Didier A... faisait valoir : “ainsi que l’a relevé le tribunal correctionnel, les trois apprentis, Damien D..., Ludovic I... et Lilian H..., qui travaillaient au garage de Didier A... avec Guy B... ont confirmé que Guy B... “dérobait des pièces au garage en l’absence du patron” - déclaration de Damien D... ; - Ludovic I... de son côté a déclaré :

”Lorsque le patron part, soit pour des congés, chercher des pièces ou pour un contrôle technique, Guy B... en profite pour nous demander de remplir des bidons d’huile et se sert en filtres à huile, filtres à air, courroies de distribution, alternateurs etc...” ; - Lilian H... a déclaré de son côté : “au début de la semaine Guy (Brillant) m’a demandé d’aller chercher au magasin de l’atelier une courroie de distribution, deux filtres à huile, un bidon d’huile moteur, un bidon de liquide de refroidissement 4 saisons, et de déposer ce matériel dans sa voiture. Pour l’huile et le bidon de refroidissement, Guy devait faire sa vidange pour lui, sur son véhicule personnel. Concernant la courroie, je n’ai pas eu d’explications” ; - en outre, Mme Y..., secrétaire comptable entendue par les gendarmes enquêteurs, a déclaré : “nous avons pu constater que le matériel suivant avait été dérobé : - courroies de distribution, des bidons d’huile, du liquide 4 saisons, deux kits de soufflets, des tendeurs, lave-glace etc...” ; - Guy Brillant lui-même a reconnu devant les gendarmes avoir pris des pièces au garage de Didier A... mais a nié les avoir dérobées en précisant “j’avais l’intention de remettre ces pièces par la suite au garage” ;

”que, de ces faits, témoignages et déclarations, il résultait que Guy B... s’était rendu effectivement coupable de vols en s’appropriant définitivement de l’huile à l’insu de Didier A... et en s’emparant de pièces avec l’intention évidente de se comporter momentanément en propriétaire, également à l’insu de Didier A... ; que, dès lors, en se déterminant comme elle l’a fait en distinguant là où il n’y avait pas à distinguer, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision en violation des textes susvisés” ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 362-3, L. 324-9, L. 324-10, L. 324-11, L. 320, L. 143-3 du Code du travail, ensemble violation de l’article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a relaxé Guy Brillant, prévenu d’avoir exercé un travail dissimulé en exerçant à titre lucratif l’activité de mécanicien sans avoir requis son immatriculation au répertoire des métiers ou au registre du commerce ;

”aux motifs que Guy B... a reconnu avoir réparé à titre amical dans le garage Billon quatre véhicules d’amis au cours de la première quinzaine du mois de mai 1999 ; aucune date du dossier ne permettant d’indiquer que l’une des vidanges dont a fait état G... ait été commise pendant la période de la prévention ; - qu’il n’apparaît d’ailleurs pas que ces travaux ne soient pas restés extrêmement limités comme le soutient Guy B... et il n’est pas indifférent de constater à cet égard qu’il était employé par Didier A... depuis 1985 ; qu’une activité de réparations occultes qui se seraient répétées à l’insu de son employeur n’aurait pas manqué d’attirer l’attention de celui-ci, ce qui n’a pas été le cas ; - que force est de constater à cet égard que ces faits n’ont été dénoncés qu’en juillet 1999 alors que Guy B... ne travaillait plus au garage depuis plus d’un mois pour être en congé maladie depuis le 31 mai 1999 ;

”que les mêmes observations relatives au nombre extrêmement limité de ces travaux doivent être faites en ce qui concerne ceux qui ont été exécutés au domicile de Guy Brillant à son profit personnel ou à celui d’amis en nombre très réduit. Seuls deux de ces amis apparaissent dans la procédure, dont l’une pour une seule réparation. Les achats de pièces à M. E... de l’ordre de 2 ou 3 sur une période de 10 ans, livrées au domicile de Guy Brillant, confirment le caractère particulièrement limité de ces réparations ;

”que le petit nombre de ces réparations faites au profit de proches, dont aucun élément du dossier ne fait apparaître qu’elles avaient un caractère régulier ou habituel, est insuffisant, nonobstant la remise d’une “pièce” à Guy Brillant pour certaines d’entre elles, pour caractériser l’exercice à but lucratif d’une activité de réparation ou de prestation de services visée à l’article L. 324-10 du Code du travail ;

”alors qu’en se déterminant par ces motifs d’où il résulte que la cour d’appel excuse au lieu de réprimer le travail clandestin dont elle constate l’existence en tous ses éléments, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles susvisés” ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, exposé les motifs pour lesquels elle a estimé que la preuve des infractions reprochées n’était pas rapportée à la charge du prévenu, en l’état des éléments soumis à son examen, et a ainsi justifié sa décision déboutant la partie civile de ses prétentions ;

D’où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Soulard conseiller rapporteur, M. Martin conseiller de la chambre ;

Avocat général : Mme Commaret ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel de Poitiers, chambre correctionnelle du 3 mars 2000