Cours de piano - prestation de services oui

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 8 décembre 1992

N° de pourvoi : 91-86745

Publié au bulletin

Rejet

Président :M. Le Gunehec, président

Rapporteur :M. Dumont, conseiller apporteur

Avocat général :M. Amiel, avocat général

Avocat :M. Parmentier, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

REJET du pourvoi formé par X... Michel, contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris, 11e chambre, en date du 18 octobre 1991, qui, pour travail clandestin, l’a condamné à 5 000 francs d’amende et à des réparations civiles.

LA COUR,.

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles L. 324-9, L. 324-10 et L. 362-3 du Code du travail et de l’article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Michel X... coupable d’infraction aux dispositions réprimant le travail clandestin ;

” aux motifs que Michel X..., qui dispense, à titre de profession libérale, sous l’enseigne EAP (Enseignement accéléré du piano) des cours privés de piano dans l’immeuble où il habite, ... (15e), alléguant la collaboration de M. Y... à titre indépendant jusqu’en septembre 1989, n’a satisfait jusqu’à cette date à aucune des obligations visées aux 2° et 3° de l’article L. 324-10 du Code du travail ; qu’il s’agissait en réalité d’un travail salarié, comme le démontrent l’indication d’un salaire mensuel ou horaire sur l’offre d’emploi, le paiement par chèque au moins à compter du 29 mars 1989, sans établissement de notes d’honoraires et le lien de subordination qu’impliquait l’enseignement dispensé selon la méthode Poisson ; que les dispositions des articles L. 324-9 et L. 324-10 du Code du travail ne concernent pas exclusivement les professions soumises à une inscription au répertoire des métiers ou au registre du commerce ; que les prestations de services sont expressément visées par l’article L. 324-10 ; qu’il suffit, pour que le délit de travail clandestin soit constitué, dans son élément matériel, que l’une quelconque des obligations énumérées à l’article L. 324-10 du Code du travail ait été méconnue ; que la mauvaise foi de Poisson est caractérisée (cf. arrêt p. 5) ;

” 1°) alors que seuls l’accomplissement d’actes de commerce ou l’exercice, par une personne qui se soustrait à l’une des obligations mentionnées par l’article L. 324-10 du Code du travail, d’une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services peuvent être regardés comme un travail clandestin prohibé par l’article L. 324-9 de ce Code ; qu’en déclarant Michel X..., dont l’activité d’enseignant de piano est étrangère à la création de toute valeur économique et ne peut donc être regardée ni comme une activité de prestation de services au sens des dispositions légales ni comme aucune des autres activités prévues par ce texte, coupable d’infraction aux dispositions réprimant le travail clandestin, la cour d’appel a violé les textes visés au moyen ;

” 2°) alors que seul l’exercice dans un but lucratif de l’une des activités mentionnées par l’article L. 324-10 du Code du travail peut être regardé comme un travail clandestin prohibé par la loi ; qu’en déclarant Michel X... coupable de ce délit sans constater que celui-ci avait porté un préjudice aux personnes qu’il avait employées et qu’il avait réalisé un profit illicite à leurs dépens, la cour d’appel, qui a énoncé à tort que, dans son élément matériel, l’infraction n’exigeait pas d’autre condition que le fait de se soustraire à l’une quelconque des obligations visées par le texte, a, pour cette raison encore, violé les textes visés au moyen “ ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et du procès-verbal de l’inspecteur du Travail, base de la poursuite, que Michel X... qui dispense des cours privés de piano, a employé deux pianistes salariés sans remplir les formalités prévues par l’article L. 324-10.3° du Code du travail, et qu’il a été poursuivi pour avoir exercé à titre lucratif un travail clandestin ;

Attendu que, pour rejeter l’argumentation du prévenu qui soutenait que sa profession ne l’obligeait pas à s’inscrire au registre du commerce ou au répertoire des métiers et que l’article L. 324-10 précité ne lui était dès lors pas applicable, la juridiction du second degré énonce notamment que les dispositions dudit article et celles de l’article L. 324-9 ne concernent pas seulement les professions soumises à une inscription auxdits registre et répertoire, mais s’appliquent aussi aux activités de prestation de services et que l’infraction est constituée lorsque, comme en l’espèce, une des obligations prévues par l’article L. 324-10 est méconnue ;

Attendu qu’en l’état de ces motifs, la cour d’appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ; qu’elle a considéré à bon droit que ceux qui exercent une activité de prestation de services, même à titre libéral, sont astreints aux obligations prévues, en cas d’emploi de salariés, par l’article L. 324-10.3° du Code du travail ; que la loi n’exige pas qu’un profit illicite soit réalisé au préjudice des salariés mais seulement que l’activité exercée ait un but lucratif ; qu’à cet égard, le caractère lucratif de l’activité du prévenu étant visé par la prévention et n’ayant pas été contesté devant elle, la cour d’appel n’avait pas à s’en expliquer ;

D’où il suit que le moyen ne peut être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi

Publication : Bulletin criminel 1992 N° 411 p. 1161

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris, du 18 octobre 1991

Titrages et résumés : 1° TRAVAIL - Travail clandestin - Activités professionnelles visées par l’article L. 324-10 du Code du travail - Etablissement de cours privés de piano

1° Relèvent des dispositions de l’article L. 324-10 du Code du travail ceux qui exercent une activité de prestation de service à but lucratif, même s’ils ne sont pas astreints à s’inscrire au registre du commerce ou au répertoire des métiers. Est dès lors à bon droit déclaré coupable de travail clandestin l’exploitant de cours privés de piano qui emploie deux pianistes salariés et se soustrait à l’obligation prévue par l’article L. 324-10.3° du Code du travail en cas d’emploi de salariés

2° TRAVAIL - Travail clandestin - Activités professionnelles visées par l’article L. 324-10 du Code du travail - Profit illicite - Nécessité (non)

2° La loi exige seulement que les activités qu’elle vise soient exercées à but lucratif mais non qu’un profit illicite ait été effectivement réalisé au préjudice des salariés

2° TRAVAIL - Travail clandestin - Activités professionnelles visées par l’articleL 324-10 du Code du travail - But lucratif - Définition

Textes appliqués :
* Code du travail L324-9, L324-10, L362-3