Banque - bénévole oui

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 10 avril 2013

N° de pourvoi : 12-11677

ECLI:FR:CCASS:2013:SO00684

Non publié au bulletin

Rejet

M. Linden (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Gatineau et Fattaccini, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Rouen, 15 novembre 2011), que Mme X... épouse Y..., veuve Z..., a été employée du 12 octobre 1959 au 28 août 1960 par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l’Eure ; que soutenant avoir été employée à l’agence du Crédit agricole de Saint-André de l’Eure de 1950 à 1959 en qualité de guichetière avec son premier mari, directeur de cette agence, Mme Y... a saisi le 1er mars 2010 la juridiction prud’homale de demandes d’indemnités pour travail dissimulé et pour réparation du préjudice résultant de la privation de droits à retraite ;

Attendu que Mme Y... fait grief à l’arrêt d’écarter l’existence d’un contrat de travail et de la débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que l’existence d’un contrat de travail suppose l’exécution d’une prestation de travail sous la subordination d’un employeur ; qu’en l’espèce Mme Y... produisait deux attestations l’une émanant de Pierre A... dans laquelle le témoin certifiait que Mme Veuve Z... « était au guichet de la banque dans les années 1950 et plus et elle m’a reçu bien des fois à son guichet (remise des chèques ou divers paiements) » et l’autre de M. Michel B... qui indiquait « avoir été reçu à la banque du Crédit agricole de Saint-André par Mme Z... qui était au guichet pour recevoir les clients pour dépôt de chèques ou remise d’argent ou autres services les années 1951 à 1959 » d’où il résultait l’exercice indiscutable de fonctions pour le compte de la caisse du Crédit agricole ; que dès lors en déclarant que les deux témoins indiquaient « avoir vu au guichet de l’agence » Mme Y... pour décider que cette dernière n’établissait pas l’existence d’un lien de subordination, la cour d’appel a dénaturé les deux attestations selon lesquelles l’intéressée procédait « aux remises de chèques et d’espèces » et à « divers paiements », ensemble d’activités qui, au sein d’une banque, suppose et nécessite obligatoirement des instructions et une dépendance à l’égard de l’établissement et, ainsi, violé l’articles 1134 du code civil ;

2°/ qu’en présence d’un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui en invoque le caractère fictif d’en rapporter la preuve ; qu’en l’espèce, outre les deux attestations susvisées, Mme Y... produisait divers éléments dont la réunion établissait l’existence d’un contrat, que ce soit la qualité de directeur d’agence de son époux, le bénéfice du logement de fonction et, surtout, son emploi en tant que salarié de la caisse du Crédit agricole du 27 octobre 1959 au 28 août 1960 ; que dès lors en déboutant Mme Y... de ses demandes sans rechercher si la caisse du Crédit agricole, à laquelle un contrat de travail apparent était opposé, versait de quelconques éléments sur la nature de la relation l’ayant liée à l’intéressée, la cour d’appel entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard des articles L. 1221-1 et suivants du code du travail ;

3°/ que tout jugement doit être motivé ; que dès lors à supposer adoptés les motifs des premiers juges sur la prescription, la cour d’appel, qui s’est bornée à citer des textes sans dire en quoi les demandes de Mme Y... auraient été prescrites, a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que l’action en réparation du salarié au titre du préjudice résultant du non-paiement des cotisations aux régimes de base et complémentaire d’assurance vieillesse se prescrit par cinq ans en application de l’article L. 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 applicable à la cause ; qu’en vertu de l’article 26 II de cette loi, lorsqu’un délai de prescription plus long est en cours, la prescription plus courte en vertu de la loi nouvelle commence à courir à compter de l’entrée en vigueur de cette loi, pourvu que la durée totale du délai écoulé et du nouveau délai à courir n’excède pas le délai de prescription ancien ; que Mme Y..., née en 1921, a pu prétendre à la liquidation de ses droits à pension à l’âge de 65 ans, soit en 1986, année qui constituait, comme étant la date de naissance de son préjudice, le point de départ de la prescription anciennement trentenaire qui devait initialement expirer en 2016 ; qu’en application de la nouvelle prescription quinquennale qui commençait, quant à elle, à courir au jour de l’entrée en vigueur de la loi, soit le 19 juin 2008, l’action en réparation de Mme Y... devait ainsi être prescrite le 19 juin 2013 ; qu’ en déclarant néanmoins prescrite l’action en réparation à ce titre introduite par Mme Y... au mois de mars 2010, la cour d’appel a violé l’article L. 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 applicable à la cause ;

Mais attendu, d’abord, que la cour d’appel, devant laquelle étaient produites deux attestations faisant état de la présence au guichet de l’agence du Crédit agricole, dont son mari était le directeur, de Mme Y... et de sa participation à des opérations de remise de chèques ou de paiements, n’a fait qu’apprécier la valeur et la portée de ces attestations sans les dénaturer en considérant qu’il ne pouvait en être déduit qu’elle agissait sur instructions du Crédit agricole ;

Attendu, ensuite, qu’il ne résulte ni de l’arrêt, ni des pièces de la procédure que Mme Y... ait invoqué devant les juges l’existence d’un contrat de travail apparent ;

Attendu, enfin, que l’existence d’un contrat de travail n’ayant pas été établie pour la période antérieure au 12 octobre 1959, la question d’une prescription de la demande de dommages-intérêts pour réparation d’un préjudice résultant du défaut de paiement de cotisations d’assurance-vieillesse au titre de cette période est sans objet ;

D’où il suit que le moyen, irrecevable en sa deuxième branche comme nouveau et mélangé de fait et de droit, et inopérant en ses deux dernières branches, n’est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme Y... aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, déboute la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Normandie Seine de sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix avril deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour Mme Y....

Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir écarté l’existence d’un contrat de travail entre Mme Y... et la Caisse Régionale du Crédit Agricole et de l’avoir en conséquence débouté de ses demandes à titre de dommages intérêts pour le préjudice subi du fait du non versement de cotisations d’assurance vieillesse ;

Aux motifs que « Mme Y..., veuve de M. Z... a été embauchée, à compter du 12 octobre 1959, par la Caisse Régionale du Crédit Agricole Mutuel de l’Eure, et a démissionné le 25 juillet 1960 avec effet le 28 août 1960 (lettre d’embauche le 27 octobre 1959, lettre de démission du 25 juillet 1960 et attestation d’emploi du 4 décembre 1974 du directeur de la caisse régionale ; que s’agissant de la période de 1950 à 1959, Mme Y... produit les attestations de MM. A... et B... indiquant l’avoir vue pendant cette période au guichet de l’agence ; qu’il ne peut en être qu’elle agissait sur instructions du Crédit Agricole et qu’elle était donc placée sous sa subordination ; qu’elle ne peut donc prétendre à la qualité de salariée pendant la période litigieuse ; que le conseil a rejeté à bon droit ses demandes » ;

Et, à supposer les motifs des premiers juges adoptés, que Mme solange Y... n’apporte pas la preuve d’un lien de subordination à l’égard du Crédit Agricole de l’Eure ; qu’elle n’a fait aucune demande auprès du Crédit Agricole préalablement à sa mise à la retraite ; que l’ancien article 2262 du code civil dit « toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par 30 ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d’en rapporter un titre… » ; que l’ancien article 2270-1 du code civil dit « Les actions en responsabilité civile extra-contractuelles se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation » ;

Alors, d’une part, que l’existence d’un contrat de travail suppose l’exécution d’une prestation de travail sous la subordination d’un employeur ; qu’en l’espèce Mme Y... produisait deux attestations l’une émanant de Pierre A... dans laquelle le témoin certifiait que Mme Veuve Z... « était au guichet de la banque dans les années 1950 et plus et elle m’a reçu bien des fois à son guichet (remise des chèques ou divers paiements) » et l’autre de M. Michel B... qui indiquait « avoir été reçu à la banque du Crédit Agricole de St André par Mme Z... qui était au guichet pour recevoir les clients pour dépôt de chèques ou remise d’argent ou autres services les années 1951 à 1959 » d’où il résultait l’exercice indiscutable de fonctions pour le compte de la Caisse du Crédit Agricole ; que dès lors en déclarant que les deux témoins indiquaient « avoir vu au guichet de l’agence » Mme Y... pour décider que cette dernière n’établissait pas l’existence d’un lien de subordination, la Cour d’appel a dénaturé les deux attestations selon lesquelles l’intéressée procédait « aux remises de chèques et d’espèces » et à « divers paiements », ensemble d’activités qui, au sein d’une banque, suppose et nécessite obligatoirement des instructions et une dépendance à l’égard de l’établissement et, ainsi, violé l’articles 1134 du code civil ;

Alors, d’autre part, en toute hypothèse, qu’en présence d’un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui en invoque le caractère fictif d’en rapporter la preuve ; qu’en l’espèce, outre les deux attestations susvisées, Mme Y... produisait divers éléments dont la réunion établissait l’existence d’un contrat, que ce soit la qualité de directeur d’agence de son époux, le bénéfice du logement de fonction et, surtout, son emploi en tant que salarié de la Caisse du Crédit Agricole du 27 octobre 1959 au 28 août 1960 ; que dès lors en déboutant Mme Y... de ses demandes sans rechercher si la Caisse du Crédit Agricole, à laquelle un contrat de travail apparent était opposé, versait de quelconques éléments sur la nature de la relation l’ayant liée à l’intéressée, la cour d’appel entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard des articles L 1221-1 et suivants du Code du travail ;

Alors, encore, que tout jugement doit être motivé ; que dès lors à supposer adoptés les motifs des premiers juges sur la prescription, la cour d’appel, qui s’est bornée à citer des textes sans dire en quoi les demandes de Mme Y... auraient été prescrites, a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

Alors enfin que l’action en réparation du salarié au titre du préjudice résultant du non-paiement des cotisations aux régimes de base et complémentaire d’assurance vieillesse se prescrit par cinq ans en application de l’article L. 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 applicable à la cause ; qu’en vertu de l’article 26 II de cette loi, lorsqu’un délai de prescription plus long est en cours, la prescription plus courte en vertu de la loi nouvelle commence à courir à compter de l’entrée en vigueur de cette loi, pourvu que la durée totale du délai écoulé et du nouveau délai à courir n’excède pas le délai de prescription ancien ; que Mme Y..., née en 1921, a pu prétendre à la liquidation de ses droits à pension à l’âge de 65 ans, soit en 1986, année qui constituait, comme étant la date de naissance de son préjudice, le point de départ de la prescription anciennement trentenaire qui devait initialement expirer en 2016 ; qu’en application de la nouvelle prescription quinquennale qui commençait, quant à elle, à courir au jour de l’entrée en vigueur de la loi, soit le 19 juin 2008, l’action en réparation de Mme Y... devait ainsi être prescrite le 19 juin 2013 ; qu’ en déclarant néanmoins prescrite l’action en réparation à ce titre introduite par Mme Y... au mois de mars 2010, la cour d’appel a violé L. 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 applicable à la cause.

Décision attaquée : Cour d’appel de Rouen , du 15 novembre 2011