Travaux de secrétariat - salarié oui

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 9 novembre 2011

N° de pourvoi : 09-43545

Non publié au bulletin

Rejet

M. Linden (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

Me Foussard, SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Caen, 6 novembre 2009), que M. X... a créé en 1986 un fonds artisanal et de commerce d’électricité, isolation, plomberie, qu’il a exploité sous son nom personnel ; que dès la création de cette entreprise, son épouse, née Y..., a travaillé à ses côtés pour en assurer le secrétariat sans que lui aient été reconnus ni le statut de conjoint collaborateur, ni celui de salariée de son mari chef d’entreprise ; que par acte du 3 février 1992, M. et Mme X... ont constitué entre eux la société X... Pascal (X...), ayant pour objet la vente de fleurs, et dont M. X... a assuré la gérance ; que ce fonds de commerce a été cédé le 31 août 1993 par la société X... ; que par acte du 30 septembre 1994, M. et Mme X... ont apporté à la société X... le fonds artisanal et de commerce d’électricité, isolation et plomberie ; que Mme X..., exerçant les fonctions de secrétaire comptable pour la société X..., a été déclarée auprès des organismes sociaux avec effet au 1er octobre 1999 ; qu’elle est demeurée salariée de cette société malgré son divorce, intervenu en 2005, et a été licenciée le19 mai 2006 ; que Mme X... a saisi la juridiction prud’homale aux fins de se voir reconnaître la qualité de salariée pour la période de 1986 au 1er octobre 1999 et d’obtenir la régularisation de sa situation auprès des organismes de retraite, ainsi que le paiement d’une indemnité de licenciement et d’une indemnité pour travail dissimulé ;

Attendu que la société X... fait grief à l’arrêt d’accueillir ces demandes, alors, selon le moyen :

1°/ qu’il résulte des constatations mêmes de l’arrêt attaqué que Mme X... avait jusqu’au 1er octobre 1999 la qualité de conjointe associée non salariée, de sorte qu’elle ne pouvait éventuellement relever que d’une affiliation personnelle dans le cadre de l’article L. 622-8 du code de la sécurité sociale applicable à l’époque ; qu’en décidant cependant de façon inopérante que, pour la période allant de 1986 au 1er octobre 1999, Mme X... aurait dû avoir la qualité de conjointe associée salariée devant être obligatoirement affiliée en application de l’article L. 311-2 du code de la sécurité sociale, le salariat dont elle a bénéficié ultérieurement n’étant prétendument qu’une mise en conformité du statut antérieur, la cour d’appel qui ne constate pour la période litigieuse le versement par l’entreprise d’aucune somme correspondant à une rémunération, viole par fausse application le texte susvisé ainsi que l’article 784-1 du code du travail ;

2°/ qu’en se bornant à la condamner la SARL X... à « régulariser les cotisations sociales de Mme X... auprès des organismes de retraite compétents pour la période courant de 1986 au 30 septembre 1999 » sans même indiquer l’assiette salariale qui devrait servir de base à cette régularisation, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 242-1 et D. 242-4 du code de la sécurité sociale ;

3°/ qu’est réputé « travail dissimulé » l’exercice à but lucratif d’une activité ou d’une prestation donnant lieu à une immatriculation ou à une déclaration ; qu’en s’abstenant de caractériser l’existence de la rémunération qu’aurait perçue ou aurait dû percevoir Mme X... entre 1986 et le 1er octobre 1999, la cour d’appel a violé par fausse application les articles L. 324-10 et L. 324-11-1 du code du travail ;

4°/ qu’à supposer que Mme X..., qui collaborait habituellement au fonctionnement de l’entreprise sans percevoir de rémunération, ait relevé du statut de conjoint collaborateur, il lui appartenait éventuellement d’adhérer volontairement à l’assurance vieillesse des non-salariés en vertu de l’article L. 642-1 du code de la sécurité sociale ; qu’en imputant cependant à M. X... personnellement et à la société X... venant aux droits de ce dernier, de ne pas avoir procédé aux déclarations réglementaires, la cour d’appel a violé ensemble le texte susvisé et l’article L. 324-10 du code du travail ;

Mais attendu, d’abord, que dès lors qu’il est établi que l’un des époux participe ou a participé effectivement à titre professionnel et habituel à l’activité de son conjoint dans des conditions ne relevant pas de l’assistance entre époux, ce dernier ne peut pour faire échec aux dispositions de l’article L. 784-1 de l’ancien code du travail opposer à son conjoint l’absence de rémunération du travail accompli à son service ;

Attendu, ensuite, que le défaut de précisions de la décision invoqué par la deuxième branche pouvant en application de l’article 461 du code de procédure civile donner lieu à une requête en interprétation, ne peut ouvrir la voie de la cassation ;

Attendu, enfin, que la cour d’appel a retenu que Mme X... avait travaillé en qualité de salariée de son mari, puis de la société X... lui ayant succédé ;

D’où il suit que le moyen, qui est irrecevable en sa deuxième branche et qui manque en fait en sa quatrième branche, n’est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société X... Pascal aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société X... Pascal.

Le pourvoi fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR dit que Madame X... a travaillé en qualité de salariée de son mari, puis de la SARL X... dirigée par lui, de manière ininterrompue entre 1986 et le 1er octobre 1999 et d’AVOIR en conséquence ordonné à la SARL X... de régulariser les cotisations sociales de Madame X... auprès des organismes de retraite compétents pour la période courant de 1986 au 30 septembre 1999, et condamné la SARL X... à payer à Madame Maryline X... 9. 258 € à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE « si Maryline X... s’est vue reconnaître le 1er octobre 1999 la qualité de salariée de la SARL X... dont Monsieur Pascal X... son époux assurait la gérance et qui, depuis le 30 septembre 1994, exploitait un fonds artisanal et de commerce d’électricité, isolation et plomberie, il n’est pas contesté que, non seulement dès cette date, elle participait à l’activité de cette entreprise mais que, depuis 1986 elle participait à cette activité sans avoir jamais eu le statut de conjoint-collaborateur ni celui de salarié de l’entreprise exploitée d’abord par son mari à titre individuel puis, à compter du 30 septembre 1994, par la SARL X... constituée entre les époux X..., seuls apporteurs de parts ; que par définition donc, Madame X... avait, dès sa création, la qualité d’associé de la SARL exploitant le fonds artisanal et de commerce ; qu’elle a perdu cette qualité à la suite de son divorce prononcé le 21 septembre 2005 et du partage subséquent de la communauté ; que nonobstant, elle a conservé le statut de salarié de la SARL X..., statut qu’elle avait acquis le 1er octobre 1999 ; que Madame X... demande à se voir reconnaître, depuis 1986 et jusqu’au 1er octobre 1999, la qualité de salariée de l’entreprise qu’exploitait son mari, d’abord à titre individuel puis, à compter du 30 septembre 1994, en la forme d’une société dont il assurait la gérance et qu’il dirigeait avec, pour conséquence, la régularisation auprès des organismes sociaux de ses cotisations de retraite pour la période qui a couru de 1986 au 30 septembre 1999 ; que cette période est donc antérieure à la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 codifiée au Code du Commerce dont l’article L 121-4 dispose : “ Le conjoint du chef d’une entreprise artisanale, commerciale ou libérale qui y exerce de manière régulière une activité professionnelle opte pour l’un des statuts suivants :- conjoint collaborateur ;- conjoint salarié ;- conjoint associé “ ; qu’il est constant que Madame X... ne jouissait avant le 1er octobre 1999 d’aucun de ces trois statuts ; que sa collaboration depuis 1986 à l’entreprise en cause est un fait reconnu par Monsieur Pascal X..., gérant de la SARL X... ; qu’il ne saurait sérieusement être soutenu, comme le fait cette dernière dans ses écritures, qu’elle ait travaillé 13 ans à titre bénévole ; que si elle était associée à son mari dans le cadre de la SARL X..., d’une part cette association n’a pris effet que le 30 septembre 1994 et, d’autre part, elle était très minoritaire, Monsieur Pascal X... détenant les 9/ 10ème des parts sociales ; que ce dernier n’a par ailleurs jamais soutenu qu’elle ait été associée à la direction d’une entreprise qu’il avait lui-même créée et exploité pendant huit ans sous son nom ; que si, entre 1986 et le 1er octobre 1999, Madame X... a travaillé dans l’entreprise, elle y a donc travaillé sous la subordination de son chef, son mari d’abord puis la SARL X... dont celui-ci était le gérant ; que du reste, lorsque le 1er octobre 1999 lui a été reconnue la qualité de salarié, cette reconnaissance n’a constitué qu’une mise en conformité de sa situation professionnelle avec la réalité juridique de celle-ci ; que c’est donc par une juste appréciation des faits de la cause que les premiers juges, dont la décision sera confirmée sur ce point, ont ordonné à la SARL X..., qui a repris en 1994 l’exploitation de Monsieur Pascal X..., de régulariser la situation de Madame Maryline X... quant à l’acquisition de ses droits à retraite de salariée entre 1986, précisément à la date du début d’exploitation de l’entreprise par Monsieur Pascal X..., et le 30 septembre 1999 ; … ; que retenant une ancienneté remontant au 1er octobre 1999, les premiers juges lui ont accordé à ce titre la somme de 1. 118, 76 € ; que si cette disposition n’a suscité aucune observation de la SARL X..., elle est contestée par Madame X... qui se prévaut d’une ancienneté remontant à 1986 ; qu’il a été dit supra qu’elle était fondée à se prévaloir depuis cette date de cette qualité ; que c’est donc une ancienneté de 20 ans et non de 7 qui doit être prise en compte dans le calcul de son indemnité légale de licenciement » ;

ALORS, D’UNE PART, QU’il résulte des constatations mêmes de l’arrêt attaqué que Mme X... avait jusqu’au 1er octobre 1999 la qualité de conjointe associée non salariée, de sorte qu’elle ne pouvait éventuellement relever que d’une affiliation personnelle dans le cadre de l’article L. 622-8 du Code de la Sécurité Sociale applicable à l’époque ; qu’en décidant cependant de façon inopérante que, pour la période allant de 1986 au 1er octobre 1999, Mme X... aurait dû avoir la qualité de conjointe associée salariée devant être obligatoirement affiliée en application de l’article L. 311-2 du Code de la Sécurité Sociale, le salariat dont elle a bénéficié ultérieurement n’étant prétendument qu’une mise en conformité du statut antérieur, la cour d’appel qui ne constate pour la période litigieuse le versement par l’entreprise d’aucune somme correspondant à une rémunération, viole par fausse application le texte susvisé ainsi que l’article 784-1 du Code du Travail ;

ALORS, D’AUTRE PART, QU’en se bornant à la condamner la SARL X... à « régulariser les cotisations sociales de Mme X... auprès des organismes de retraite compétents pour la période courant de 1986 au 30 septembre 1999 » sans même indiquer l’assiette salariale qui devrait servir de base à cette régularisation, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 242-1 et D. 242-4 du Code de la Sécurité Sociale ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QU’est réputé « travail dissimulé » l’exercice à but lucratif d’une activité ou d’une prestation donnant lieu à une immatriculation ou à une déclaration ; qu’en s’abstenant de caractériser l’existence de la rémunération qu’aurait perçue ou aurait dû percevoir Mme X... entre 1986 et le 1er octobre 1999, la cour d’appel a violé par fausse application les articles L. 324-10 et L. 324-11-1 du Code du Travail ;

ALORS, ENFIN, QU’à supposer que Mme X..., qui collaborait habituellement au fonctionnement de l’entreprise sans percevoir de rémunération, ait relevé du statut de conjoint collaborateur, il lui appartenait éventuellement d’adhérer volontairement à l’assurance vieillesse des nonsalariés en vertu de l’article L. 642-1 du Code de la Sécurité Sociale ; qu’en imputant cependant à M. X... personnellement et à la société X... venant aux droits de ce dernier, de ne pas avoir procédé aux déclarations réglementaires, la cour d’appel a violé ensemble le texte susvisé et l’article L. 324-10 du Code du Travail.
Décision attaquée : Cour d’appel de Caen du 6 novembre 2009