Caissière boucherie - salarié non

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 2 juillet 1997

N° de pourvoi : 95-43629

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. GELINEAU-LARRIVET, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par Mme Brigitte Y..., demeurant ... des Champs, 80000 Amiens, en cassation d’un arrêt rendu le 8 juin 1995 par la cour d’appel d’Amiens (5e chambre sociale), au profit de la société Boucheries amiénoises, société anonyme, dont le siège est ..., défenderesse à la cassation ;

LA COUR, en l’audience publique du 21 mai 1997, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, M. Monboisse, conseiller rapporteur, M. Finance, conseiller, MM. Richard de la Tour, Soury, conseillers référendaires, M. Chauvy, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Monboisse, conseiller, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de Mme Y..., de la SCP Rouvière et Boutet, avocat de la société Boucheries amiénoises, les conclusions de M. Chauvy, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Amiens, 8 juin 1995), que Mme Y... a saisi la juridiction prud’homale, en faisant valoir que d’août 1976 à janvier 1985, alors qu’elle était l’épouse de M. Alain X..., elle a travaillé comme caissière au sein de la société Boucheries Amiénoises, dont le capital social appartenait, pour sa plus grande partie, à M. Guy X..., père de M. Alain X... ; qu’elle a sollicité la condamnation de la société au paiement de salaires correspondant à ses cinq dernières années d’activité et à la remise d’un certificat de travail ;

Attendu que Mme Y... fait grief à l’arrêt de l’avoir déboutée de ses demandes, alors, selon le moyen, d’une part, que le contrat de travail suppose l’accomplissement d’une prestation pour le compte d’un employeur dans un lien de subordination ; que la subordination est caractérisée normalement par l’accomplissement en un lieu et suivant un horaire prescrit d’un travail sous le contrôle de l’employeur ; qu’après avoir constaté que Mme Y... exerçait en un lieu fixe, selon les mêmes horaires que l’ensemble des salariés, qu’elle exécutait certaines tâches sous les ordres de M. Alain X... et rendait compte à M. Guy X..., ce dont il résultait qu’elle exerçait son activité de manière subordonnée, la cour d’appel en affirmant pourtant que Mme Y... avait disposé d’une liberté d’action totale, n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l’article L. 121-1 du Code du travail ; alors, d’autre part, que la preuve du contrat de travail peut être rapportée par tous moyens à l’égard d’un commerçant, et qu’il ne peut être reproché à une partie de ne pas produire des éléments qui sont en possession de la partie adverse ; qu’après avoir constaté que, dans l’exercice de son travail, Mme Y... devait rendre compte au président-directeur général de la société Boucheries amiénoises, tout en imposant à Mme Y... de produire des documents tels que notes de service, tableaux d’ordre de départ en congés payés, convocations aux réunions des

responsables de caisse, documents émis par et en possession de l’employeur, la cour d’appel a violé ensemble les articles 11 du nouveau Code de procédure civile et 109 du Code de commerce ; alors, enfin, que Mme Y... faisait valoir dans ses conclusions d’appel qu’il était surprenant de dire que son activité trouvait sa cause dans la participation à une société familiale dont elle ne détenait aucune action, entraide familiale qui excluait toute notion de subordination, tout en sachant que son ex-époux, lui-même actionnaire et fils de l’actionnaire majoritaire, bénéficiait du statut de salarié ;

qu’il s’en déduisait, en raison de l’interposition de la personnalité morale de la société employeur, l’impossibilité d’appliquer les articles 212 et suivants du Code civil ; qu’en s’abstenant de répondre à ce chef péremptoire des conclusions, la cour d’appel a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail, sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ;

Et attendu que tant par motifs propres qu’adoptés, la cour d’appel, qui a répondu aux conclusions et qui a souverainement apprécié les éléments de fait et de preuve, a estimé que Mme Y... avait participé aux activités de la société dans le cadre de l’entraide familiale et en toute liberté ; qu’elle a pu en déduire que la preuve d’un lien de subordination n’était pas établie ; que le moyen ne peut donc être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme Y... aux dépens ;

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mme Y... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux juillet mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.

Décision attaquée : cour d’appel d’Amiens (5e chambre sociale) du 8 juin 1995