Contrat apparent - preuve salarié

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 8 juillet 2015

N° de pourvoi : 14-12344

ECLI:FR:CCASS:2015:SO01229

Non publié au bulletin

Rejet

M. Mallard (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Colmar, 14 mars 2013), que M. X...a été engagé par contrat à durée déterminée du 23 février 2009 au 23 mars 2009 par la société Amos concept (la société), placée en redressement judiciaire le 5 janvier 2010, puis en liquidation judiciaire le 2 mars 2010 ; que M. Y...a été désigné en qualité de liquidateur ; qu’affirmant avoir été engagé par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 23 mars 2009, le salarié a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de rappels de salaires et d’indemnités pour licenciement abusif ;
Attendu que le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de l’intégralité de ses demandes, alors, selon le moyen, qu’en présence d’un contrat écrit ou apparent, il appartient à celui qui entend en contester l’existence de rapporter la preuve de son caractère fictif en prouvant l’absence ou la disparition du lien de subordination ; qu’en l’espèce en jugeant que la seule photocopie du contrat de travail à durée indéterminée est insuffisante pour établir une présomption d’existence d’un contrat de travail et ce d’autant plus que la contradiction est suffisamment apportée par les sommes payées par des tiers, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les bulletins de salaires des mois de mai, juin et juillet 2009 pour lesquels aucun chèque de tiers n’a été versé aux débats, et si les attestations de l’employeur, d’un client et de l’URSSAF relatives à la même période travaillée et produits par le salarié, ne caractérisaient pas, ensemble avec la photocopie du contrat de travail, une présomption de contrat de travail, qu’il appartenait dès lors à l’employeur de renverser, la cour d’appel a privé de base légale sa décision au regard de l’article 1315 du code civil et de l’article 1221-1 du code du travail ;
Mais attendu qu’après avoir relevé l’absence de tout contrat de travail apparent à compter du 23 mars 2009, la cour d’appel, qui a constaté que M. X...n’apportait aucun élément qui permette l’établissement d’un lien de subordination entre lui et la société, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X...aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté M. X...de ses demandes,
AUX MOTIFS QUE M. Adem X...produit : un contrat de travail à durée déterminée du 23 février 2009 au 23 mars 2009 pour une rémunération mensuelle de 1600 euros, puis un contrat à durée indéterminée du 23 mars 2009, pour le même salaire, la SARL Amos concept étant représentée par sa gérante Madame Isabelle C..., des bulletins de salaire de mars à juillet 2009 respectivement de 1305, 14 euros, 1526, 27 euros, 1600 euros, 1398, 13 euros, 1600 euros, un procès-verbal d’audition de l’URSSAF de Belfort du 23 novembre 2009 au cours de laquelle il expose avoir eu 6 bulletins de salaire mais n’avoir été payé qu’en février, mars et avril, par un chèque de la part d’un client, une attestation de Monsieur Eric B..., architecte, qui indique que Monsieur Adem X...a bien travaillé pour la SARL Amos concept, une attestation d’embauche de Madame Isabelle C..., gérante de la société, datée du 16 février 2009, indiquant que Monsieur Adem X...prendra ses fonctions au sein de la société le 23 février 2009 pour une durée d’un mois, une attestation de Madame C...du 25 mai 2009 établissant que Monsieur Adem X...est employé depuis le 23 février 2009dans la société Amos, l’ordonnance de référé rendue le 31 décembre 2009 par le conseil de prud’hommes de Mulhouse qui a émis des doutes sérieux sur l’existence de l’activité de l’entreprise, deux chèques de 1600 euros émanant tous deux de Imoka datés du 9 avril 2009 et du 9 mai 2009 à l’ordre de Monsieur Adem X..., une copie d’attestation de l’URSSAF de déclaration préalable à l’embauche du 23 février 2009 ; qu’il en résulte que Monsieur Adem X...a incontestablement été embauché par contrat à durée déterminée du 23 février 2009 au 23 mars 2009, ce qui explique l’attestation d’embauche et celle de l’architecte ; que s’agissant du contrat à durée indéterminée, seule une photocopie est produite alors que l’original du contrat à durée déterminée est fourni ; que ce document est insuffisant pour établir une présomption d’existence d’un contrat de travail, et ce d’autant plus que la contradiction est suffisamment apportée par les sommes payées par des tiers qui feraient office de salaire, aucun paiement n’ayant été effectué directement par la société au bénéfice de M. Adem X... ; que quant aux attestations elles ne sont pas conformes aux prescriptions de l’article 202 du code de procédure civile ; que de surcroît, M. Adem X...n’apporte aucun élément qui permette l’établissement d’un lien de subordination entre lui et la SARL AMOS ; qu’en conséquence, le jugement de première instance mérite confirmation et M. Adem X...doit être débouté de l’ensemble de ses fins et conclusions ; qu’il supportera les entiers dépens ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE la production des contrats de travail et de fiche de paie ne constitue pas la preuve d’une activité salariale ; qu’il y a lieu de relever que les deux attestations ne sont pas conformes aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile ; que lors des débats il a été relevé que le salarié n’ayant pas perçu de salaire a été payé directement par le client de la société ; ¿ que le demandeur admet avoir participé à du travail dissimulé en percevant des sommes occultes ;
1°) ALORS QUE les conditions de forme des attestations prévues à l’article 202 du code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité, de sorte que les juges du fond ne peuvent refuser d’apprécier la portée probante d’une attestation au seul motif qu’elle n’est pas conforme à ces prescriptions ; qu’il leur appartient au contraire d’apprécier si les attestations non conformes présentent des garanties suffisantes pour emporter leur conviction ; qu’en se bornant à relever que les attestations produites par le salarié de nature à établir l’existence d’un contrat de travail à durée indéterminée ne respectaient pas les prescriptions de l’article 202 du code de procédure civile, sans à aucun moment apprécier la force probante de ces attestations quant à l’existence du contrat de travail, la cour d’appel a violé les articles 114 et 202 du code de procédure civile, ensemble l’article 1315 du code civil ;
2°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; qu’en déclarant que « Monsieur X...a incontestablement été embauché par contrat à durée déterminée du 23 février 2009 au 23 mars 2009, ce qui explique l’attestation d’embauche et celle de l’architecte » quand cette dernière attestation visait expressément une période postérieure au terme du contrat de travail à durée déterminée, la cour d’appel a dénaturé l’attestation précitée, et violé le principe faisant interdiction au juge de dénaturer les documents de la cause, ensemble l’article 1134 du code civil ;
3°) ALORS QU’en présence d’un contrat écrit ou apparent, il appartient à celui qui entend en contester l’existence de rapporter la preuve de son caractère fictif en prouvant l’absence ou la disparition du lien de subordination ; qu’en l’espèce en jugeant que la seule photocopie du contrat de travail à durée indéterminée est insuffisante pour établir une présomption d’existence d’un contrat de travail et ce d’autant plus que la contradiction est suffisamment apportée par les sommes payées par des tiers, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les bulletins de salaires des mois de mai, juin et juillet 2009 pour lesquels aucun chèque de tiers n’a été versé aux débats, et si les attestations de l’employeur, d’un client et de l’URSSAF relatives à la même période travaillée et produits par le salarié, ne caractérisaient pas, ensemble avec la photocopie du contrat de travail, une présomption de contrat de travail, qu’il appartenait dès lors à l’employeur de renverser, la cour d’appel a privé de base légale sa décision au regard de l’article 1315 du code civil et de l’article 1221-1 du code du travail ;
4°) ALORS QU’enfin et en tout état de cause, le contrat de travail suppose un engagement de travail pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération ; que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que la preuve du contrat de travail peut être rapportée librement ; qu’en se bornant à affirmer que Monsieur X...n’apporte aucun élément qui permettent l’établissement d’un lien de subordination entre lui et la société Amos Concept, sans examiner les conditions de fait dans lesquelles le salarié exerçait son activité, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail et de l’article 1353 du code civil.

Décision attaquée : Cour d’appel de Colmar , du 14 mars 2013