Preuve contrat de travail fictif

Le : 19/07/2016

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 7 juillet 2016

N° de pourvoi : 14-26613

ECLI:FR:CCASS:2016:SO01380

Non publié au bulletin

Cassation partielle

M. Chollet (conseiller doyen faisant fonction de président), président

SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’après avoir établi le 18 juin 2007 une promesse d’embauche de M. X... à compter du 1er septembre 2007, la société Sotrabatim a engagé celui-ci par des contrats de travail à durée déterminée du 1er au 31 juillet 2008 et du 1er septembre au 30 novembre 2008 renouvelé le 1er décembre 2008, puis dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er mars 2009 ; que le salarié a été victime d’un accident du travail et déclaré inapte à son poste le 29 mars 2011 par le médecin du travail ; que licencié le 13 mai 2011 pour inaptitude et impossibilité de reclassement, il a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à payer au salarié une somme à titre d’indemnité pour travail dissimulé, alors, selon le moyen :

1°/ que la dissimulation d’emploi salarié suppose que le salarié ait effectivement exécuté une prestation de travail, dans les conditions de l’article L. 1221-1 du code du travail, au profit de l’employeur ; qu’en se bornant à requalifier la promesse d’embauche du 18 juin 2007 en un contrat de travail, pour retenir l’existence d’une dissimulation d’emploi salarié à compter du 1er septembre 2007, quand une telle requalification a posteriori ne permet pas de caractériser l’existence d’une dissimulation d’emploi salarié, en l’absence de démonstration d’un travail effectivement réalisé par le salarié, la cour d’appel a violé les articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail ;

2°/ qu’il appartient au salarié qui se prévaut de la dissimulation d’emploi salarié de démontrer qu’il a effectivement exécuté une prestation de travail subordonnée au profit de l’employeur, laquelle ne peut se déduire de la seule requalification de la promesse d’embauche en un contrat de travail ; qu’en jugeant alors que « l’employeur n’apporte pas la preuve qui lui incombe que M. X... n’a pas fourni de prestation de travail à compter du 1er septembre 2007 conformément à la promesse d’embauche signée par les deux parties », la cour d’appel a inversé la charge de la preuve de la dissimulation d’emploi salarié, en violation de l’article 1315 du code civil, ensemble les articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail ;

3°/ qu’en exigeant que l’employeur établisse que le salarié n’avait pas fourni de prestation de travail à compter du 1er septembre 2007 conformément à la promesse d’embauche, la cour d’appel a mis à sa charge une preuve négative, impossible à rapporter, en violation de l’article 1315 du code civil, ensemble les articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail ;

4°/ que la promesse d’embauche d’un salarié étranger ne peut valoir contrat de travail que si l’autorisation de travail a été délivrée ; qu’il s’ensuit qu’en requalifiant la promesse d’embauche du 18 juin 2007 en contrat de travail, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la promesse d’embauche n’était pas assortie d’une condition suspensive tenant à la délivrance de l’autorisation de travailler, qui ne s’est pas réalisée, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1221-1, L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail ;

5°/ que le jugement doit être motivé ; qu’en déduisant de l’exercice par l’employeur d’un recours contre la décision refusant l’autorisation de travailler la réalité des relations contractuelles engagées, la cour d’appel a statué par des motifs inopérants, en violation de l’article 455 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail ;

Mais attendu qu’ayant exactement énoncé, d’abord, que constitue un contrat de travail la promesse d’embauche signée par les deux parties et comportant la mention de l’emploi proposé, de la date d’entrée et de la rémunération, ensuite, qu’en présence d’un contrat de travail écrit, c’est à la partie qui en invoque le caractère fictif d’en apporter la preuve, la cour d’appel qui, sans méconnaître les règles de preuve, a constaté la réalité de la relation de travail pendant la période du 1er septembre 2007 au 30 juin 2008 et a souverainement apprécié le caractère intentionnel de la dissimulation d’emploi, a légalement justifié sa décision ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le troisième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexé :

Attendu que sous le couvert de griefs non fondés de manque de base légale et de violation de la loi, le moyen, qui manque en fait en sa dernière branche, ne tend qu’à remettre en cause le pouvoir souverain d’appréciation des éléments de fait par les juges du fond qui ont estimé que les avertissements successifs infligés au salarié n’étaient pas justifiés ;

Mais sur le troisième moyen pris en sa première branche :

Vu l’article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que pour condamner l’employeur à payer au salarié des sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et un rappel de salaire pour la période du 29 mars au 15 juin 2011 outre des congés payés, l’arrêt retient que dès lors que l’inaptitude de ce salarié résulte de la dégradation de son état de santé en lien avec le harcèlement qu’il a subi, le licenciement est nul ;

Qu’en statuant ainsi, alors que les conclusions du salarié, oralement soutenues, invoquaient le harcèlement moral à l’appui d’une demande distincte de dommages-intérêts et ne sollicitaient la nullité du licenciement qu’au visa des articles L. 1226-9, L. 1226-13 et R. 4624-31 du code du travail, la cour d’appel, qui a modifié l’objet du litige, a violé le texte susvisé ;

Et attendu que la cassation prononcée du seul chef de l’arrêt condamnant l’employeur à payer des dommages-intérêts pour licenciement nul et un rappel de salaire outre congés payés pour la période du 29 mars 2011 au 15 juin 2011 n’entraîne pas par voie de dépendance la cassation du chef de l’arrêt condamnant l’employeur à payer au salarié des dommages-intérêts distincts pour le préjudice lié au harcèlement ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne la société Sotrabatim à payer à M. X... la somme de 11 428, 62 euros pour licenciement nul et celle de 2 510, 43 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 29 mars 2011 au 15 juin 2011 outre congés payés avec compensation avec celle de 840, 62 euros, l’arrêt rendu le 16 octobre 2014, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour la société Sotrabatim.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir condamné la Sarl Sotrabatim à verser à M. X... la somme de 11 428, 62 € au titre du travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE M. X... soutient que la Sarl Sotrabatim s’était engagée le 18 juin 2007 à l’embaucher à compter du 1er septembre 2007, que consécutivement à l’assouplissement de la réglementation concernant l’embauche de polonais dans le bâtiment, l’employeur n’a pas donné suite à la promesse et l’a fait travailler sans le déclarer ; qu’il en conclut qu’outre le manquement de la société à ses obligations contractuelles en refusant de conclure le contrat de travail promis, la Sarl Sotrabatim s’est rendue coupable de l’infraction de travail dissimulée pour la période du 1er septembre 2007 au 30 juin 2008 soit pendant 10 mois ; que la Sarl Sotrabatim soutient que la promesse d’embauche délivrée avait pour objet de permettre au salarié d’obtenir une autorisation de travail dès lors que M. X... ne pouvait travailler qu’à condition d’obtenir une autorisation de la DDE, laquelle autorisation n’a jamais été donnée ; qu’elle ajoute que c’est à l’occasion de l’ouverture définitive du marché du travail le 1er juillet 2008, qu’elle a effectivement embauché M. X... et n’a plus donné suite au recours administratif engagé ; que d’après les pièces communiquées, il apparait que le 18 juin 2007, les parties ont signé un document intitulé « promesse d’embauche » ; qu’aux termes de ce document, il apparait que la société s’est engagée à établir au profit de M. X... un contrat de travail « nouvelles embauches » devant prendre effet le 1er septembre 2007, le salarié devant occuper la fonction de peintre décorateur et percevoir une rémunération mensuelle de 1 525 € bruts correspondant à 151, 67 heures de travail ; que la Sarl Sotrabatim communique aux débats la lettre de la direction départementale du travail indiquant « dans le cadre du recours contentieux présenté au tribunal administratif de Paris contre notre décision de refus d’autorisation de travail prise à l’encontre de M. X..., et après lecture de la promesse d’embauche que vous nous avez adressée, […] » ; qu’une promesse d’embauche qui comporte la mention de l’emploi proposé, de la date d’entrée et de la rémunération du salarié vaut contrat de travail ; qu’or, en présence d’un contrat de travail écrit, c’est à celle des deux parties qui invoque la fictivité dudit contrat d’apporter la preuve de l’absence de contrat de travail ; qu’il résulte des circonstances de la cause que la difficulté liée à la nécessaire autorisation de la DDE a été prise en compte par l’employeur qui a engagé un recours devant le tribunal administratif, recours objet et auquel il a renoncé lors de l’ouverture définitive du marché du travail le 1er juillet 2008 ; que cette démarche conforte en réalité la réalité des relations contractuelles engagées, l’employeur ayant engagé la procédure idoine pour la régularisation de la situation de son salarié ; qu’en tout état de cause, l’employeur n’apporte pas la preuve qui lui incombe que M. X... n’a pas fourni de prestation de travail à compter du 1er septembre 2007 conformément à la promesse d’embauche signée par les deux parties ; que par ailleurs, selon l’article L. 8221-5 du code du travail est réputé travail dissimulé, par dissimulation d’emploi salarié, le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité de déclaration préalable à l’embauche, à la délivrance de bulletin de paie ; que l’article L. 8223-1 du code du travail prévoit qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 du code du travail a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire ; que dans le cas d’espèce, le contrat de travail ayant été rompu, le salarié est fondé à obtenir l’indemnité forfaitaire qu’il réclame, l’élément intentionnel nécessaire à la condamnation de l’employeur résultant de ce que celui-ci n’ignorait pas l’impossibilité d’engager le salarié en l’absence d’autorisation de la DDE, pour la période du 1er septembre 2007 au 1er juillet 2008 ; qu’il sera fait droit à la demande formulée ; que compte tenu d’un salaire mensuel de 1 904, 77 € bruts, l’indemnité forfaitaire sera fixée à la somme de 11 428, 62 euros ; que le jugement déféré sera réformé sur ce point ;

1°) ALORS QUE la dissimulation d’emploi salarié suppose que le salarié ait effectivement exécuté une prestation de travail, dans les conditions de l’article L. 1221-1 du code du travail, au profit de l’employeur ; qu’en se bornant à requalifier la promesse d’embauche du 18 juin 2007 en un contrat de travail, pour retenir l’existence d’une dissimulation d’emploi salarié à compter du 1er septembre 2007, quand une telle requalification a posteriori ne permet pas de caractériser l’existence d’une dissimulation d’emploi salarié, en l’absence de démonstration d’un travail effectivement réalisé par le salarié, la cour d’appel a violé les articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail ;

2°) ALORS QU’il appartient au salarié qui se prévaut de la dissimulation d’emploi salarié de démontrer qu’il a effectivement exécuté une prestation de travail subordonnée au profit de l’employeur, laquelle ne peut se déduire de la seule requalification de la promesse d’embauche en un contrat de travail ; qu’en jugeant alors que « l’employeur n’apporte pas la preuve qui lui incombe que M. X... n’a pas fourni de prestation de travail à compter du 1er septembre 2007 conformément à la promesse d’embauche signée par les deux parties », la cour d’appel a inversé la charge de la preuve de la dissimulation d’emploi salarié, en violation de l’article 1315 du code civil, ensemble les articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail ;

3°) ALORS QU’en exigeant que l’employeur établisse que le salarié n’avait pas fourni de prestation de travail à compter du 1er septembre 2007 conformément à la promesse d’embauche, la cour d’appel a mis à sa charge une preuve négative, impossible à rapporter, en violation de l’article 1315 du code civil, ensemble les articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail ;

4°) ALORS QUE la promesse d’embauche d’un salarié étranger ne peut valoir contrat de travail que si l’autorisation de travail a été délivrée ; qu’il s’ensuit qu’en requalifiant la promesse d’embauche du 18 juin 2007 en contrat de travail, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la promesse d’embauche n’était pas assortie d’une condition suspensive tenant à la délivrance de l’autorisation de travailler, qui ne s’est pas réalisée, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1221-1, L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail ;

5°) ALORS QUE le jugement doit être motivé ; qu’en déduisant de l’exercice par l’employeur d’un recours contre la décision refusant l’autorisation de travailler la réalité des relations contractuelles engagées, la cour d’appel a statué par des motifs inopérants, en violation de l’article 455 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail ;

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir condamné la Sarl Sotrabatim à verser à M. X... la somme de 16, 90 € à titre de prime de panier ;

AUX MOTIFS QUE se fondant sur les dispositions de la convention collective régionale des ouvriers du bâtiment et de l’avenant 19 du 3 février 2009, selon lesquelles les salariés ont droit à des indemnités de repas dont le montant journalier s’élevait à la somme de 8, 45 € à compter du 1er février 2009 puis de 8, 50 € à compter du 1er février 2010 et enfin de 8, 65 € à compter du 1er janvier 2011, M. X... estime que la Sarl Sotrabatim lui doit encore la somme de 19, 60 € à titre de rappel de la prime de panier compte tenu du versement effectué à hauteur de 48, 40 € le 13 janvier 2012 ; que si la Sarl Sotrabatim a effectivement régularisé le paiement des primes de panier pour les années 2009 et 2011, elle n’a pas satisfait à l’obligation lui incombant de payer les primes de panier pour les deux jours ouvrables du mois d’août 2010, indûment retenus ; qu’il sera fait droit à la demande en paiement de la somme de 16, 90 € ; que le jugement sera réformé ;

ALORS QUE il résulte de la combinaison de l’article 5 du chapitre III du titre III de la convention collective régionale des ouvriers du bâtiment de la région parisienne du 28 juin 1993 et de l’avenant n° 19 du 3 février 2009 relatif à l’indemnité de repas que les ouvriers perçoivent une indemnité de repas, d’un montant de 8, 45 € à compter du 1er février 2009, pour chaque journée de travail ; que cette indemnité a pour objet d’indemniser le supplément des frais occasionnés par la prise du déjeuner en dehors de la résidence habituelle de l’ouvrier ; que la prime de panier, qui a ainsi vocation à rembourser des frais liés à la prestation de travail, n’est pas due lorsque le salarié ne travaillait pas et partant ne les a pas exposés ; d’où il suit qu’en condamnant l’employeur à verser à son salarié la somme de 16, 90 € au titre des primes de panier pour les deux jours ouvrables du mois d’août 2010 indûment retenus par l’employeur, cependant qu’elle constatait que ces deux jours n’avaient pas été travaillés par le salarié, la cour d’appel a violé les textes susvisés, ensemble l’article L. 3211-1 du code du travail ;

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir condamné la Sarl Sotrabatim à verser à M. X... la somme de 11 428, 62 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, la somme de 1 500 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice distinct lié au harcèlement et la somme de 2 510, 43 € à titre de rappel de salaire pour la période du 29 mars au 15 juin 2011, outre les congés payés afférents avec compensation avec la somme de 840, 62 € déjà versée ;

AUX MOTIFS QUE Sur le licenciement M. X... soutient que la visite médicale du 9 mars 2011 ne peut être considérée comme une visite médicale de reprise au cours de laquelle le médecin pouvait conclure à son inaptitude à reprendre son poste dès lors que cette visite avait été unilatéralement sollicitée par lui et non par l’employeur ; qu’il considère que par suite le licenciement prononcé postérieurement sur la base de cet avis d’inaptitude est nul comme ayant été notifié pendant la suspension de son contrat de travail à défaut de visite de reprise après l’accident du travail dont il a été victime le 21 juillet 2010 ; que la Sarl Sotrabatim soutient avoir sollicité la visite de reprise en connaissance du fait que le terme de l’arrêt maladie était fixé au 28 mars 2011 ; que s’il est exact que le salarié avait adressé une lettre au médecin du travail dès le 21 février 2011 pour lui adresser une demande d’examen, la Sarl Sotrabatim verse aux débats une lettre du docteur Z..., médecin du travail, qui confirme avoir examiné M. X... le 29 mars 2011 en visite de reprise alors que l’arrêt de travail signé par le médecin de famille se terminait le 28 mars ; que dans ces conditions, cet examen doit recevoir la qualification de visite de reprise, en sorte que le licenciement prononcé ultérieurement n’est pas intervenu alors que le contrat était suspendu ; que le moyen tiré de la nullité du contrat pour notification du licenciement au cours d’une suspension du contrat de travail consécutif à un accident du travail est inopérant ; que par ailleurs, M. X... soutient avait été victime de harcèlement de la part de son employeur ; qu’aux termes de l’article L. 1152-1 et L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que selon l’article L. 1154-1 du même code, en cas de litige, le salarié concerné établit les faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que M. X... considère que le harcèlement était caractérisé selon lui par des insultes permanentes en français et en portugais, des gestes grossiers et déplacés, l’envoi de nombreuses lettres recommandées en vue de multiplier les sanctions, l’interdiction faite à un autre salarié de le conduire à la gare ou de l’y prendre lorsque le chantier était éloigné de plusieurs kilomètres, des sanctions pécuniaires lorsqu’il refusait de travailler le samedi en heures non payées en heures supplémentaires, la nécessité pour lui de réclamer des équipements de protection ; qu’il évoque aussi le fait que M. A...l’a heurté volontairement avec le camion de l’entreprise et a d’abord refusé de déclarer un accident du travail ; que s’agissant de la multiplication des sanctions, M. X... explique que :- l’avertissement du 10 septembre 2009 avait vocation à le sanctionner pour avoir volontairement souillé les murs du couloir d’une cave d’un chantier alors qu’il n’est ni carreleur ni peintre, qu’il conteste être l’auteur de ces souillures ;- que l’avertissement du 8 février 2010 lui faisait grief d’avoir généré un court-circuit sur un chantier malgré les avertissements de son collègue et d’avoir volontairement sectionné au raz du plafond le câble de l’interphone ce qu’il conteste fermement ; qu’il dénonce au contraire la défaillance de la société qui n’a pas fait intervenir un électricien afin d’éviter toute mise en danger des salariés ;- la mise à pied du 21 octobre 2010 est nulle pour avoir été notifiée alors que le contrat de travail était suspendu ; que le salarié explique avoir dû, consécutivement à l’interdiction faite à un autre salarié de le conduire sur les chantiers avec le camion de l’entreprise, marcher près de 8 km dans la neige, le 31 janvier 2011 pour se rendre sur le chantier de la société Lafarge ; qu’il dénonce aussi l’absence d’achats par l’employeur de matériels de protection ; que M. X... soutient avoir été sanctionné financièrement consécutivement à son refus de travailler un samedi et explique avoir reçu une prime de marteau-piqueur de 38, 04 € pour le mois de janvier 2011 alors qu’il avait pourtant travaillé pendant 20 jours sur des travaux de marteau-piqueur et que l’employeur s’était engagé à lui verser une prime de 250 € à cet égard ; que toutefois aucun document ne justifie le prétendu engagement de l’employeur à lui verser une prime de 250 € pour l’utilisation du marteau-piqueur au cours du mois de janvier 2011 ; que M. X... considère que M. A...lui-même l’a heurté volontairement le 20 juillet 2010 avec le camion de l’entreprise qu’au surplus, tout reproche sur le prétendu envoi tardif de l’arrêt de travail révèle la parfaite mauvaise foi de l’entreprise qui ne pouvait pas ignorer la difficulté ; que le salarié fait enfin état des problèmes de santé rencontrés et invoque l’arrêt maladie de février 2011 ayant pour cause un syndrome anxio-dépressif ; que l’employeur soutient que les sanctions notifiées au salarié étaient justifiées ; que s’agissant du premier avertissement, il est exact que la lettre adressée par l’agence Loiselet et Daigremont n’établit pas la responsabilité du salarié dans la dégradation relevée au mois de juillet 2009, M. B...faisant état de souillures réalisées à l’occasion des travaux de carrelage et de peinture du local vide-ordure ; que ce témoignage ne met donc pas en cause directement la personne même de M. X... ; qu’il y a lieu de relever que celui-ci n’était ni carreleur ni peintre ; que les souillures ont été réalisées lors de ce type de travaux ; qu’il s’en déduit que l’employeur n’apporte pas la preuve du caractère fondé de la sanction prononcée à son encontre ; que s’agissant de l’avertissement du 8 février 2010, l’employeur communique au débat l’attestation de M. C...qui déclare avoir réalisé une remise en état de l’alimentation interphone ainsi que de l’alimentation EDF sur un palier du deuxième étage consécutive à des travaux effectués par un des employés de la Sarl Sotrabatim ; qu’une fois encore, ce témoignage ne suffit pas à établir que M. X... est à l’origine des dégâts constatés ; que la Sarl Sotrabatim communique les deux témoignages de Messieurs D...et Courtois selon lesquels M. X... s’est présenté le matin du 7 février 2011 sur un chantier puis est reparti quelques minutes après sans raison apparente ; que toutefois, il est acquis que le salarié a été placé en arrêt maladie et présentait un syndrome anxio-dépressif ; qu’il a été relevé que la mise à pied disciplinaire du 21 octobre 2010 est intervenue alors que le contrat de travail était suspendu et par suite qu’elle est nulle ; qu’il a été constaté au surplus que le salarié avait été convoqué à un entretien préalable à un horaire donné alors qu’il était accaparé sur un chantier, ce qui l’a empêché de présenter ses observations ; que pour s’opposer au grief en lien avec les équipements, la société communique une note de Lafarge béton en date du 5 avril 2010 qui l’interpellait sur le fait que le personnel présent sur son site ne respectait pas les consignes de sécurité à défaut de porter les EPI, déposés sur le sol ; que l’employeur communique la feuille d’un agenda d’avril 2010 sur laquelle il est indiqué que M. X... reconnait avoir reçu une paire de lunettes chez Lafarge ; que s’agissant d’une photocopie la cour ne peut vérifier si la mention « 3eme » a fait ou non l’objet d’un ajout ainsi que le soutient le salarié ; que par ailleurs, d’après le relevé météo pour le mois de janvier 2011, aucune chute de neige n’est intervenue au cours de ce mois sur Paris et la région parisienne, ce qui est de nature à combattre l’affirmation du salarié, telle que précédemment relatée ; que toutefois, il se déduit de cette communication que la Sarl Sotrabatim ne conteste pas avoir laissé le salarié se rendre sur le chantier à pied, soit parcourir 8 km, ce matin du 31 janvier 2011 ; qu’enfin, l’employeur conteste avoir volontairement heurté M. X... le 20 juillet 2010 et avoir refusé de déclarer l’accident du travail expliquant simplement n’avoir pas été en possession sur le chantier du formulaire de déclaration, lequel a été remis le lendemain ; que l’attestation du docteur E..., psychiatre, expose que M. X... a bénéficié à partir de février 2011 d’une prise en charge spécialisée, régulière pour un trouble anxio-dépressif sévère survenu dans un contexte de grandes difficultés professionnelles ; que le médecin du travail le 29 mars 2011 a rendu un avis d’inaptitude au poste avant danger immédiat et ajouté que le salarié serait « apte à un poste sans stress » ; que ces éléments pris dans leur ensemble s’agissant de plusieurs sanctions successives en quelques mois, dont le caractère justifié n’est pas établi, de la fixation d’un rendez-vous d’entretien à un horaire alors que le salarié était retenu sur un chantier, de l’absence de visite de reprise à l’issue de l’accident du travail du 20 juillet 2010 dont l’employeur était directement à l’origine, même si le caractère délibéré n’en est pas établi, des éléments médicaux confirmant la réalité d’un syndrome dépressif que le médecin du travail a expressément relié à l’activité du salarié au sein de l’entreprise pour avoir évoqué un « poste sans stress » et constaté l’existence d’un « danger imminent » à la reprise du travail dans l’entreprise révèlent un management partial et inadapté de la part de l’employeur et par suite un harcèlement au sens des dispositions de l’article 1152 et suivants du code du travail ; que dans ces conditions, dès lors que l’inaptitude résulte de la dégradation de l’état de santé en lien avec un harcèlement, le licenciement est nul ; Sur les conséquences financières du harcèlement et du licenciement nul que le harcèlement relevé est à l’origine d’un préjudice moral distinct de la rupture justifiant l’allocation d’une somme de 1 500 € ; que par ailleurs, compte tenu de l’effectif de l’entreprise inférieur à 11 salariés, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié (1 904, 77 €), de son âge, de son ancienneté (3 années), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure d’allouer à M. X... une indemnité de 11 428, 62 € ; que de même, le salarié est fondé en sa demande de rappel de salaire pour la période du 29 mars 2011 au 15 juin 2011 à hauteur de la somme de 2 510, 43 € outre les congés payés afférents, qui se compenseront avec la somme de 840, 62 € déjà versée ;

1°) ALORS QUE l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que ces prétentions sont fixées par l’acte introductif d’instance et par les écritures des parties ; qu’en l’espèce, l’arrêt mentionne que le salarié a soutenu oralement ses conclusions qui invoquaient la nullité de son licenciement intervenu pendant la suspension de son contrat de travail à défaut de visite de reprise ; qu’il s’ensuit qu’en prononçant la nullité du licenciement, motifs pris que l’inaptitude du salarié résultait de la dégradation de son état de santé, en lien avec un harcèlement moral, cependant que le salarié sollicitait seulement l’allocation de dommages et intérêts pour le préjudice distinct subi par les faits de harcèlement moral dont il s’estimait victime, la cour d’appel a manifestement dénaturé les termes du litige en violation de l’article 4 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE le harcèlement moral consiste en des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral et, dans l’affirmative, le juge doit vérifier si la décision de l’employeur était justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu’en retenant que la multiplication des sanctions disciplinaires injustifiées prononcées à l’encontre du salarié était constitutive de harcèlement moral, après avoir relevé que les documents versés aux débats par l’employeur ne mentionnaient par M. X... comme étant l’auteur des dégâts constatés, sans rechercher si la très petite taille de la Sarl Sotrabatim ne permettait pas de désigner avec certitude M. X... comme étant fautif, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

3°) ALORS QUE la convocation du salarié à un entretien préalable à une sanction disciplinaire pendant le temps de travail n’est pas constitutif de harcèlement moral ; qu’en jugeant le contraire, la cour d’appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris , du 16 octobre 2014