Période de formation

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 22 mars 2012

N° de pourvoi : 10-10960

Non publié au bulletin

Rejet

M. Blatman (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Lyon, 25 septembre 2009) que Mme X..., répondant à une offre d’emploi de la société Berlitz France du 28 mars 2007, a participé à une formation pédagogique organisée par cette entreprise à compter du 16 avril sur une période de deux semaines, avant d’être engagée en qualité de formatrice en anglais par contrat du 2 mai 2007 prévoyant une période d’essai de deux mois ; que s’étant vu notifier la rupture de son contrat par lettre du 4 mai 2007, la salariée a saisi la juridiction prud’homale d’une demande en paiement d’un rappel de salaire pour la période précédant son engagement, ainsi que de dommages-intérêts pour rupture abusive, travail dissimulé et irrégularité de la procédure de licenciement ;

Attendu que la salariée fait grief à l’arrêt de la débouter de ses demandes en paiement de rappels de salaires pour la période du 16 avril au 30 mai 2007 et de dommages-intérêts pour travail dissimulé, alors, selon le moyen, que la période d’observation à l’occasion de laquelle l’employeur confie des missions à un salarié afin de s’assurer de ses qualités professionnelles et de ses compétences préalablement à son embauche définitive s’analyse en une période de travail effectif que l’employeur doit rémunérer ; qu’en déboutant Mme Marcella X... sans répondre aux conclusions précises et détaillées de cette dernière qui faisait valoir qu’elle était astreinte aux conditions et horaires de travail imposés par la société Berlitz, soumise à une évaluation de ses connaissances théoriques mais encore tenue d’effectuer des démonstrations en présence de véritables clients de son employeur, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu’appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve et répondant aux conclusions prétendument délaissées, la cour d’appel a relevé que la salariée n’établissait ni avoir fourni une prestation de travail pendant sa formation pédagogique, ni s’être trouvée sous le contrôle et l’autorité de la société ; qu’elle a ainsi fait ressortir que l’intéressée ne justifiait pas avoir été placée dans des conditions normales d’emploi ; que le moyen n’est pas fondé ;
Et attendu que la seconde branche du moyen n’est pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mars deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté Madame Marcella X... de ses demandes en paiement de rappels de salaires pour la période du 16 avril au 30 mai 2007 et de dommages-intérêts pour travail dissimulé.

AUX MOTIFS QU’au sens de l’article L 1221-1 du Code du Travail , le contrat de travail est celui par lequel une personne accepte de fournir une prestation de travail au profit d’une autre, en se plaçant dans un état de subordination juridique vis à vis de cette dernière, moyennant une rémunération ; que la preuve de l’existence d’un tel contrat incombe, en l’absence d’écrit, à celui qui s’en prévaut ; qu’en l’espèce, le contrat de travail signé par les deux parties mentionne une prise d’effet de la relation salariale à compter du 3 mai 2007 ; qu’il appartient en conséquence à Madame X... d’établir que le contrat de travail a en réalité commencé dès le 16 avril 2007 ; que du 16 au 27 avril 2007, pendant une durée de quinze jours, Madame X... a participé à une “formation méthode” c’est à dire une formation destinée à la familiariser avec les méthode pédagogiques de la Société BERLITZ : présentation des modules de programme d’enseignement suivie de jeux de rôle et d’exercices ; que la Société BERLITZ France lui a proposé cette formation après lui avoir confirmé son accord pour la conclusion d’un contrat de travail de 90 unités de cours par mois ; qu’il ne résulte pas des termes utilisés “J’espère vous y voir “que Madame X... était contrainte d’effectuer cette formation ; qu’il lui a été d’ailleurs demandé de confirmer sa présence à ce stage ; qu’il n’a jamais été question de rémunération ; qu’il n’est nullement établi qu’au cours de cette formation qui était dispensée par des responsables pédagogiques de la Société BERLITZ, sur des sites extérieurs à son futur lieu de travail, Madame X... a effectué une quelconque prestation de travail ni qu’elle s’est trouvée sous le contrôle et l’autorité de la Société BERLITZ FRANCE ; que contrairement à ce qu’elle prétend, elle n’a pas démissionné de son précédent emploi pour participer à cette formation puisqu’il résulte de l’attestation Assedic que sa démission était antérieure à la parution de l’offre d’emploi de la Société BERLITZ France par l’ANPE ; qu’elle était donc disponible pour participer volontairement à une formation ; que le seul fait que cette formation ait été organisée et financée par la Société BERLITZ France ne suffit pas à caractériser l’existence d’un lien de subordination et par voie de conséquence l’existence d’un contrat de travail dès le 16 avril 2007 ; qu’en conséquence, les demandes de Madame X... en paiement d’un salaire pour la période ayant précédé son embauche et d’une indemnité pour travail dissimulé doivent être rejetées et la décision du Conseil des Prud’hommes sur ce point infirmée.

ALORS QUE la période d’observation à l’occasion de laquelle l’employeur confie des missions à un salarié afin de s’assurer de ses qualités professionnelles et de ses compétences préalablement à son embauche définitive s’analyse en une période de travail effectif que l’employeur doit rémunérer ; qu’en déboutant Madame Marcella X... sans répondre aux conclusions précises et détaillées de cette dernière qui faisait valoir qu’elle était astreinte aux conditions et horaires de travail imposés par la société BERLITZ, soumise à une évaluation de ses connaissances théoriques mais encore tenue d’effectuer des démonstrations en présence de véritables clients de son employeur, la Cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article 1134 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté Madame Marcella X... de ses demandes en paiement d’une indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement et d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et abusif.

AUX MOTIFS QU’en application des dispositions de l’article L 1231-1 du Code du Travail, les règles relatives à la rupture du contrat de travail à durée indéterminée ne s’appliquent pas lorsque la rupture intervient pendant la période d’essai ; qu’en l’espèce, le contrat de travail prévoyait une période d’essai de deux mois, conforme aux dispositions de l’article 7 de la Convention Collective des Organismes de Formation concernant les Techniciens ; qu’il a été rompu deux jours après l’embauche de Madame X..., pendant la période d’essai ; que la Société BERLITZ n’avait pas l’obligation de motiver la lettre de rupture de sorte que la demande de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier ne peut qu’être rejetée ; que la période d’essai est destinée à permettre à l’employeur d’apprécier la valeur professionnelle du salarié et au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent ; que la rupture du contrat par l’employeur pendant la période d’essai peut être déclarée abusive si elle intervient pour des motifs qui ne sont pas inhérents à la personne du salarié ; que dans le cadre de cette instance, l’employeur justifie sa décision par le comportement de la salariée qui dès sa prise de fonction, n’a eu de cesse de développer un climat de défiance à son égard et de contester le montant de son salaire ainsi que la durée de la période d’essai alors qu’elle avait signé le contrat de travail sans réserve ; que Madame X... prétend que l’employeur a manqué à ses obligations lors de la conclusion du contrat de travail non seulement en ce qui concerne le point de départ de la relation salariale, grief qui ne peut être retenu, mais aussi en ce qui concerne le montant du salaire ; que le salaire horaire mentionné dans l’annonce diffusée par l’ANPE était compris dans une fourchette (12 à 12,50 euros de l’heure) et donné à titre indicatif ; qu’il correspond à celui indiqué dans le contrat de travail rapporté à l’unité de cours (45 mn) ; qu’en tout état de cause. Madame X... avait accepté ces modalités et ne pouvait les remettre en cause immédiatement après avoir signé le contrat du travail ; que le caractère abusif de la rupture du contrat de travail n’est pas démontré ; qu’il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté les demandes de dommages et intérêts présentées au titre de la rupture.

ALORS QUE la période d’observation précédant la conclusion d’un contrat à durée indéterminée incluant une période d’essai, qui n’a pour autre objet que de prolonger la durée de la période d’essai prévue par la convention collective, constitue une fraude à la loi ; qu’en jugeant néanmoins que la société BERLITZ pouvait imposer à sa salariée une telle période d’observation et de formation et lui imposer ensuite une période d’essai, la Cour d’appel a violé l’article L.1231-1 du Code du travail.
Décision attaquée : Cour d’appel de Lyon du 25 septembre 2009