Application de la règle "ne bis in idem"

Cour Administrative d’Appel de Versailles

N° 10VE00488

Inédit au recueil Lebon

4ème Chambre

M. BROTONS, président

Mme Sophie COLRAT, rapporteur

Mme JARREAU, rapporteur public

SELARL GRYNER-LEVY ASSOCIÉS, avocat(s)

lecture du mardi 8 février 2011

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 15 février 2010 au greffe de la Cour administrative d’appel de Versailles, présentée pour la société LE ROYAL D’OR, dont le siège est 82 boulevard Charles de Gaulle à Sannois (95110), par la Selarl Gryner-Levy associés, demande à la Cour :

1°) d’annuler l’ordonnance n° 0912017 en date du 15 décembre 2009 par laquelle la présidente de la 7ème chambre du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté en date du 14 août 2009 par lequel le préfet du Val-d’Oise a mis à sa charge la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement des étrangers dans leur pays d’origine prévue à l’article L. 626-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

2°) d’annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;

3°) de condamner l’Etat à lui verser 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que l’arrêté litigieux n’est pas motivé ; qu’il est contraire au principe non bis in idem et à l’article 4 du protocole n° 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales de cumuler la sanction prévue à l’article L. 626-1 et des sanctions pénales ; que l’administration ne pouvait la sanctionner alors qu’elle n’avait pas été condamnée par une juridiction pénale ; que l’administration ne justifie pas avoir effectivement réacheminé les travailleurs en situation irrégulière qu’elle employait ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 25 janvier 2011 :

"-" le rapport de Mme Colrat, premier conseiller,

"-" et les conclusions de Mme Jarreau, rapporteur public ;

Sur la régularité de l’ordonnance attaquée :

Considérant qu’aux termes de l’article R. 222-1 du code de justice administrative : Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d’appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : (...) 7º Rejeter, après l’expiration du délai de recours ou, lorsqu’un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé ; que l’unique moyen de la demande tiré de ce que le préfet du Val-d’Oise n’a pas justifié du réacheminement effectif des deux travailleurs étrangers en situation irrégulière employés par la société LE ROYAL D’OR étant inopérant, la présidente de la 7ème chambre du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a pu à bon droit, en application des dispositions précitées du code de justice administrative, rejeter la demande par ordonnance ;

Sur le fond du litige :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 626-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale au bénéfice de l’Office français de l’immigration et de l’intégration prévue à l’article L. 341-7 du code du travail, l’employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l’étranger dans son pays d’origine. Le montant total des sanctions pécuniaires pour l’emploi d’un étranger en situation de séjour irrégulier ne peut excéder le montant des sanctions pénales prévues par les deux premiers alinéas de l’article L. 364-3 et par l’article L. 364-10 du code du travail ou, si l’employeur entre dans le champ d’application de ces articles, le montant des sanctions pénales prévues par le chapitre II du présent titre. Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’Etat. ;

Considérant que, après avoir constaté la présence en position de travail au sein de la société LE ROYAL D’OR de deux étrangers dépourvus d’autorisations de séjour et de travail, le préfet du Val-d’Oise a mis à la charge de cette société la contribution forfaitaire prévue par les dispositions précitées à hauteur de 4 618 euros ; que par une ordonnance en date du 15 décembre 2009, la présidente de la 7ème chambre du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de la société LE ROYAL D’OR tendant à l’annulation de cette sanction ;

Considérant que la société LE ROYAL D’OR n’a soulevé devant le tribunal administratif qu’un moyen de légalité interne ; que, par suite, le moyen tiré de l’insuffisante motivation de l’arrêté litigieux qui procède d’une cause juridique distincte est irrecevable et doit être écarté ;

Considérant que le principe selon lequel nul ne peut être condamné deux fois pour les mêmes faits ne reçoit pas application au cas de cumul entre sanctions pénales et sanctions administratives ; que par suite la possibilité de prononcer une sanction administrative pour des faits susceptibles d’être pénalement sanctionnés n’est pas contraire aux stipulations de l’article 4 du protocole n°7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu’il résulte des dispositions de l’article L. 626-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile que la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement est applicable sans préjudice des poursuites judiciaires susceptibles d’être engagées à l’encontre de l’employeur d’un étranger en situation de séjour irrégulier ; que le moyen tiré de ce que l’autorité administrative et le tribunal administratif auraient dû attendre une décision du juge pénal doit par suite être écarté ;

Considérant, enfin, que les dispositions de l’article L. 626-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ne subordonnent pas la mise à la charge de l’employeur de la contribution représentative des frais de réacheminement des étrangers dans leur pays d’origine à la justification par l’administration du caractère effectif de ce réacheminement ; que par suite, le moyen tiré de ce que l’administration n’a pas justifié du réacheminement des deux travailleurs en situation irrégulière employés par la requérante est sans influence sur la légalité de la sanction litigieuse ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société LE ROYAL D’OR n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par l’ordonnance attaquée, la présidente de la 7ème chambre du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que, par suite, ses conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société LE ROYAL D’OR est rejetée.

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