Cumul possible

Cour administrative d’appel de Nancy

N° 98NC00799

Inédit au recueil Lebon

1E CHAMBRE

M. JOB, rapporteur

Mme ROUSSELLE, commissaire du gouvernement

lecture du jeudi 16 mai 2002

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

(Première Chambre)

Vu la requête et les mémoires complémentaires enregistrés au greffe de la Cour les 10 avril, 3 septembre 1998 et 8 mars 1999, présentée pour l’Office des Migrations Internationales (O.M.I) dont le siège est ... (15e) et qui est représenté par son directeur, par Me Y..., avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation ;

Il demande à la Cour :

1°/ d’annuler le jugement du 11 février 1998 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les deux états exécutoires émis par son directeur en vue du recouvrement de la contribution spéciale prévue par l’article L. 341-7 du code du travail, déchargé M. Z... des sommes réclamées à ce titre et l’a condamné à verser à M. Z... la somme de 2 000 francs au titre de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

2°/ de rejeter la demande présentée par M. Z... devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

3°/ de condamner M. Z... à lui verser la somme de 12 000 francs au titre de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le pacte international de New York relatif aux droits civils et politiques publié par le décret n° 81-76 du 29 janvier 1981 ;

Vu le code du travail ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été dûment averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 25 avril 2002 :

"-" le rapport de M. JOB, Président,

"-" et les conclusions de Mme ROUSSELLE, Commissaire du Gouvernement ;

Sur la régularité du jugement du 11 février 1998 :

Considérant qu’aux termes de l’article R.200 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives en vigueur à la date de la décision attaquée : “Les jugements et arrêts ... contiennent les noms et conclusions des parties, les visas des pièces et des dispositions législatives et réglementaires dont ils font application ( ...)” ;

Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que le jugement attaqué en date du 11 février 1998 du tribunal administratif de Strasbourg ait comporté le visa des conclusions et moyens formulés par les parties ; que, par suite l’office des migrations internationales (O.M.I) est fondé à soutenir que le jugement a été rendu à la suite d’une procédure irrégulière ; qu’ainsi, ledit jugement doit être annulé ;

Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. Jean-Paul Z... devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

Considérant qu’aux termes des stipulations du paragraphe 7 de l’article 14 du pacte international de New-York relatif aux droits civils et politiques publié par décret du 29 janvier 1981 : “Nul ne peut être poursuivi ou puni en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamnée par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de chaque pays” ; que cette stipulation ne concerne que l’impossibilité de poursuivre et condamner pénalement une personne à raison des mêmes faits ayant donné lieu à un jugement d’acquittement ou de condamnation pénale définitive ; qu’elle ne fait pas obstacle à la possibilité de cumuler une sanction pénale avec une sanction administrative telle que contribution spéciale instituée par l’article L. 3417 du code du travail au bénéfice de l’office des migrations internationales ; qu’ainsi ces dispositions du code du travail n’ont pas méconnu les stipulations susmentionnées ;

Considérant que la circonstance que le tribunal correctionnel de Colmar ait dispensé M. Z... de la peine prévue à l’article L.364-2-1 du code du travail est sans incidence sur la régularité de la sanction administrative que lui a infligé le directeur de l’O.M.I ;

Considérant que la circonstance que M. Z... aurait procédé à la vérification du titre de travail de ses deux employés lors de leur embauche, est sans incidence sur la réalité de l’infraction d’emploi d’étrangers dépourvus de l’autorisation de travailleur salarié, retenue par le tribunal correctionnel de Colmar dans son jugement du 18 mars 1993, à compter du 22 mai 1991 pour ce qui concernait M. A... et du 16 novembre 1990 pour ce qui concernait M. X..., et par le directeur de l’O.M.I à compter de ces mêmes dates ;

Considérant qu’aux termes de l’article R.341-35 du code du travail, pris pour l’application et sur le fondement des dispositions précitées de l’article L.341-7 du code du travail, le montant de la contribution spéciale due pour chaque étranger employé en infraction “est égal à mille fois le taux horaire, à la date de la constatation de l’infraction, du minimum garanti prévu à l’article L.141-8. Lorsque l’emploi de l’étranger n’a pas donné lieu à la constatation d’une infraction autre que l’infraction au premier alinéa de l’article L. 341-6, le directeur de l’Office des migrations internationales peut ( ...) réduire ce montant à cinq cents fois ( ...). Le montant de la contribution spéciale est portée à deux mille fois ( ...) lorsqu’une infraction ( ...) aura donné lieu à l’application de la contribution spéciale à l’encontre de l’employeur au cours de la période de cinq années précédant la constatation de l’infraction” ;

Considérant que lorsque le juge administratif est, comme en l’espèce, saisi de conclusions dirigées contre des états exécutoires établis sur le fondement des dispositions des articles L.341-7 et R.341-35 du code du travail, il lui appartient, après avoir contrôlé les faits invoqués et la qualification retenue par l’administration, de décider, selon le résultat de ce contrôle, soit de maintenir le taux retenu, soit de lui substituer celui des deux autres taux qu’il estime légalement justifié, soit, s’il n’est pas établi que l’employeur se serait rendu coupable des faits visés au premier alinéa de l’article L.341-6 du code du travail, de le décharger de la contribution spéciale ; que si M. Z... prétend avoir contrôlé la régularité de la situation des deux étrangers qu’il avait employés, lors de leur embauche, cette affirmation est contredite par le rapport du contrôleur du travail en date du 20 octobre 1991 au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Colmar ; qu’il n’a pas fait diligence pour répondre à la demande des titres de séjour que ce contrôleur lui avait faites ; que, dans ces circonstances, quand bien même il aurait été dispensé de peine par le tribunal correctionnel de Colmar, c’est à bon droit que le directeur de l’O.M.I qui, en application des dispositions combinées des articles L.341-7 et R.341-34 du code du travail, était tenu de lui faire acquitter la contribution spéciale prévue à l’article L.341-7, a retenu le montant égal à mille fois le taux horaire ;

Considérant que la circonstance que M. Z... a mis fin, postérieurement à l’édiction des états exécutoires, à ses activités professionnelles est sans incidence sur l’application qui lui est faite des dispositions de l’article L.341- 7 du code du travail ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. Z... n’est pas fondé à demander à être déchargé des sommes mises à sa charge par le directeur de l’office des migrations internationales en vue du recouvrement de la contribution spéciale et de la majoration pour retard ;

Sur l’application de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative qui se sont substituées à celles de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives font obstacle à ce que l’O.M.I qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante soit condamné à verser à M. Z... la somme qu’il réclame au titre desdites dispositions ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner M. Z... à verser à l’O.M.I la somme de 1 500 euros au titre des mêmes dispositions ;

Article 1er : Le jugement n° 931890 en date du 11 février 1998 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. Jean-Pierre Z... devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.

Article 3 : M. Jean-Pierre Z... est condamné à verser à l’Office des migrations internationales la somme de mille cinq cents euros (1 500) au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l’Office des migrations internationales et à M. Jean-Pierre Z....

Abstrats : 335-06-02-02 ETRANGERS - EMPLOI DES ETRANGERS - MESURES INDIVIDUELLES - CONTRIBUTION SPECIALE DUE A RAISON DE L’EMPLOI IRREGULIER D’UN TRAVAILLEUR ETRANGER

66-032-01 TRAVAIL ET EMPLOI - REGLEMENTATIONS SPECIALES A L’EMPLOI DE CERTAINES CATEGORIES DE TRAVAILLEURS - EMPLOI DES ETRANGERS (VOIR ETRANGERS)