Contribution due

Cour administrative d’appel de Douai

N° 09DA00268

Inédit au recueil Lebon

3e chambre - formation à 3

M. Mortelecq, président

Mme Sylvie (AC) Appeche-Otani, rapporteur

Mme Baes Honoré, rapporteur public

SCP LEMAIRE - MORAS & GILLIARD, avocat(s)

lecture du jeudi 13 janvier 2011

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 19 février 2009 au greffe de la Cour administrative d’appel de Douai, présentée pour la SARL BIOU, représentée par son gérant en exercice, dont le siège social est situé 141 rue de Lille à Valenciennes (59300), par la SCP Lemaire, Moras et Gilliard ; elle demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0602548 du 9 janvier 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’état exécutoire émis à son encontre le 29 novembre 2005 par l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) ;

2°) d’annuler la décision du 29 novembre 2005 de l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations ;

3°) de mettre à la charge de l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations la somme de 1 525 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

"-" que l’infraction ayant donné lieu à la contribution spéciale n’est pas constituée, faute d’élément intentionnel ; qu’elle a régulièrement procédé à la déclaration d’embauche préalable sans jamais avoir été alertée sur le caractère falsifié des papiers présentés par son salarié ; qu’elle ne pouvait pas savoir que le titre de résidence et de travail espagnol présenté par son employé, M. A alias B, était faux ; que M. B a d’ailleurs été relaxé des fins de poursuite par le tribunal correctionnel ; qu’elle-même et son gérant n’ont pas été poursuivis ; que M. A était muni d’une carte de résident délivrée par l’Espagne ; que les ressortissants des pays de l’Union européenne sont assimilés à des nationaux au regard du droit du travail leur permettant ainsi d’exercer une activité dans n’importe quel pays européen ; que le tribunal administratif ne pouvait se fonder sur un procès-verbal de la direction départementale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle en date du 17 mai 2003 précisant que le gérant de la SARL BIOU avait déjà eu recours sciemment au service de salariés étrangers ; que le gérant a d’ailleurs été renvoyé des fins de poursuite par jugement du Tribunal correctionnel de Valenciennes du 1er mars 2004 ;

"-" que s’agissant du quantum, la décision est contraire aux dispositions de l’article R. 341-35 du code du travail ; qu’une majoration sur le fondement de l’alinéa 4 de l’article précité a été appliquée alors que le gérant a été relaxé des fins de poursuite pour les faits qui se sont produits en mai 2003 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l’ordonnance du 27 mars 2009 fixant la clôture de l’instruction au 28 septembre 2009 à 16 h 30 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 juin 2009, présenté pour l’Office français de l’immigration et de l’intégration, venant aux droits de l’ANAEM, dont le siège est 44 rue Bargue à Paris cedex 15 (75732), par Me Schegin, avocat ; il conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la SARL Biou d’une somme de 2 800 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; il fait valoir que l’article L. 341-6 du code du travail fait obligation à l’employeur de vérifier préalablement à l’embauche la régularité de la situation de l’étranger qu’il souhaite recruter ; que ce contrôle porte à la fois sur la nationalité et la régularité de la situation administrative de la personne à embaucher ; que la bonne foi du gérant, à la supposer établie, n’est pas de nature à entraîner une exonération de la contribution spéciale ; que la contribution spéciale peut intervenir qu’il y ait eu ou non poursuites pénales ; que l’agence a, à bon droit, retenu le taux de 2 000 fois, la SARL BIOU ayant déjà fait l’objet d’une procédure identique le 17 mai 2003 ; que cette infraction a été commise dans le délai de cinq années précédant la constatation de l’infraction prévu par le texte ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 2 juillet 2009, présenté pour la SARL BIOU, qui conclut aux mêmes fins que ses précédents écrits par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique le rapport de Mme Sylvie Appèche-Otani, président-assesseur, les conclusions de Mme Corinne Baes Honoré, rapporteur public, aucune partie n’étant présente ni représentée ;

Considérant que la requête de la SARL BIOU est dirigée contre un jugement en date du 9 janvier 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’état exécutoire émis à son encontre le 29 novembre 2005 par l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations ;

Sur le bien-fondé du titre exécutoire :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 341-6 du code du travail, alors en vigueur : Nul ne peut directement ou par personne interposée, engager, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France ; qu’aux termes de l’article L. 341-7 du même code : Sans préjudice des poursuites judicaires qui pourraient être intentées à son encontre, l’employeur qui aura occupé un travailleur étranger en violation des dispositions de l’article L. 341-6, premier alinéa, sera tenu d’acquitter une contribution spéciale au bénéfice de l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations. Le montant de cette contribution spéciale ne saurait être inférieur à 500 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l’article L. 141-8. / Un décret en Conseil d’Etat fixera les modalités d’application du présent article ; qu’aux termes de l’article R. 341-35 du même code : La contribution spéciale créée par l’article L. 341-7 est due pour chaque étranger employé en infraction au premier alinéa de l’article L. 341-6. / Son montant est égal à mille fois le taux horaire, à la date de la constatation de l’infraction, du minimum garanti prévu à l’article L. 141-8. / Lorsque l’emploi de l’étranger n’a pas donné lieu à la constatation d’une infraction autre que l’infraction au premier alinéa de l’article L. 341-6, le directeur de l’Office des migrations internationales peut, sur proposition du directeur départemental du travail et de l’emploi du département dans lequel l’infraction a été constatée, réduire ce montant à cinq cents fois le taux horaire du minimum garanti. / Le montant de la contribution spéciale est porté à deux mille fois le taux horaire du minimum garanti lorsqu’une infraction au premier alinéa de l’article L. 341-6 aura donné lieu à l’application de la contribution spéciale à l’encontre de l’employeur au cours de la période de cinq années précédant la constatation de l’infraction. / Une majoration de 10 p. 100 est ajoutée au montant de la contribution spéciale due par l’employeur, lorsque celui-ci n’aura pas acquitté cette contribution dans les deux mois suivant la date de la notification du titre de recouvrement ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’à la suite d’un procès-verbal d’infraction dressé le 6 avril 2004 par les services de la direction départementale du travail à l’occasion d’un contrôle effectué dans l’établissement de restauration rapide exploité par la SARL BIOU à Valenciennes, et ayant permis de constater que le serveur du restaurant, M. A alias B, ressortissant pakistanais, était dépourvu d’un titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France, l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations a émis le 29 novembre 2005, sur le fondement des articles L. 341-6 et L. 341-7 du code du travail, un état exécutoire à l’encontre de la SARL BIOU mettant à la charge de celle-ci une somme de 6 000 euros ; que la SARL BIOU a formé un recours gracieux qui a été rejeté par décision implicite de rejet le 24 mars 2006 ;

Considérant que l’infraction aux dispositions de l’article L. 341-6 du code du travail est constituée du seul fait de l’emploi de travailleurs étrangers démunis de titre les autorisant à exercer une activité salariée sur le territoire français ; que les circonstances, d’une part, que la SARL BIOU n’aurait pas été en mesure de vérifier l’authenticité des papiers produits par son employé, d’autre part, qu’elle a régulièrement procédé à la formalité de déclaration unique d’embauche, sont sans incidence sur le fait d’emploi d’un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France, dont la seule matérialité, établie par le procès-verbal du 6 avril 2004 de la direction départementale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, suffit à justifier l’assujettissement à la contribution spéciale ; que l’absence d’élément intentionnel, dont se prévaut la requérante, est, à la supposer établie, également sans influence sur le bien-fondé de l’état exécutoire ; que la SARL BIOU ne peut utilement soutenir que le procès-verbal en date du 6 avril 2004 n’a pas été suivi de poursuites pénales à son encontre et que M. A alias B a fait l’objet d’une relaxe par jugement du tribunal correctionnel, au demeurant pour cause de nullité de la procédure du contrôle d’identité ; que, dans ces conditions, l’infraction aux dispositions de l’article L. 341-6 du code du travail précité est établie et justifiait l’obligation faite à la SARL BIOU de s’acquitter de la contribution spéciale prévue à l’article L. 341-7 du code du travail ;

Sur le montant de la contribution spéciale :

Considérant qu’aux termes de l’article R. 341-35 du code du travail : La contribution spéciale créée par l’article L. 341-7 est due pour chaque étranger employé en infraction au premier alinéa de l’article L. 341-6. Son montant est égal à mille fois le taux horaire, à la date de la constatation de l’infraction, du minimum garanti prévu à l’article L. 141-8. Lorsque l’emploi de l’étranger n’a pas donné lieu à la constatation d’une infraction autre que l’infraction au premier alinéa de l’article L. 341-6, le directeur de l’Office des migrations internationales peut, sur proposition du directeur départemental du travail et de l’emploi du département dans lequel l’infraction a été constatée, réduire ce montant à cinq cents fois le taux horaire du minimum garanti. Le montant de la contribution spéciale est porté à deux mille fois le taux horaire du minimum garanti lorsqu’une infraction au premier alinéa de l’article L. 341-6 aura donné lieu à l’application de la contribution spéciale à l’encontre de l’employeur au cours de la période de cinq années précédant la constatation de l’infraction ;

Considérant que, lorsque le juge administratif est saisi de conclusions dirigées contre un état exécutoire établi sur le fondement des dispositions des articles L. 347-7 et R. 341-35 du code du travail, il lui appartient, après avoir contrôlé la matérialité des faits invoqués et la qualification retenue par l’administration, de décider, selon le résultat de ce contrôle, soit de maintenir le taux retenu, soit de lui substituer celui des deux autres taux qu’il estime légalement justifié, soit s’il n’est pas établi que l’employeur se serait rendu coupable des faits visés au premier alinéa de l’article L. 341-6 du code du travail, de le décharger de la contribution spéciale ; qu’il résulte de ce qui a été dit précédemment, que la SARL BIOU a méconnu les dispositions de l’article L. 341-6 du code du travail ; qu’en outre, il résulte de l’instruction que le directeur de l’Agence nationale pour l’accueil des étrangers et des migrations a émis le 8 octobre 2003, un état exécutoire à l’encontre de la requérante aux fins de recouvrer la contribution spéciale prévue à l’article L. 341-7 du code du travail suite à une infraction constatée par procès-verbal en date du 17 mai 2003 établi par la direction départementale du travail de l’emploi et de la formation professionnelle ; que, dès lors, le directeur de l’Agence nationale pour l’accueil des étrangers et des migrations a pu porter dans le titre émis le 29 novembre 2005, le montant de la contribution spéciale à deux mille fois le taux horaire du minimum garanti ; que si la SARL BIOU soutient que la majoration n’est pas applicable au motif que le gérant de la SARL BIOU a été relaxé des fins de poursuite par jugement du Tribunal de grande instance de Valenciennes le 1er mars 2004, cette circonstance est sans incidence sur le montant de la contribution ainsi émise ; qu’il s’ensuit que la SARL BIOU n’est pas fondée à demander la réduction du montant de la contribution mise à sa charge ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SARL BIOU n’est pas fondée à soutenir que, c’est à tort que les premiers juges ont rejeté sa requête tendant l’annulation du titre exécutoire du 29 novembre 2005 ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Office français de l’immigration et de l’intégration, venant aux droits de l’ANAEM qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à la SARL BIOU la somme qu’elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Considérant qu’il y a lieu dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la SARL BIOU la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l’Office français de l’immigration et de l’intégration ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL BIOU est rejetée.

Article 2 : La SARL BIOU versera la somme de 1 500 euros à l’Office français de l’immigration et de l’intégration au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL BIOU ainsi qu’à l’Office français de l’immigration et de l’intégration, venant aux droits de l’Agence nationale pour l’accueil des étrangers et des migrations (ANAEM).

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N°09DA00268