Salon de coiffure oui

Cour administrative d’appel de Bordeaux

N° 11BX03395

Inédit au recueil Lebon

6ème chambre (formation à 3)

M. CHEMIN, président

Mme Florence REY-GABRIAC, rapporteur

M. BENTOLILA, rapporteur public

LECOMTE, avocat(s)

lecture du mardi 5 février 2013

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête enregistrée le 26 décembre 2011, présentée pour la Société Ecole supérieure de coiffure, société à responsabilité limitée dont le siège social est situé 14 place Roguet à Toulouse (31300) par Me Lecomte ;

La Société Ecole supérieure de coiffure demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0803114 en date du 20 octobre 2011, par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’état exécutoire émis à son encontre le 14 janvier 2008, pour un montant de 9 180 euros, par l’agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) au titre de la contribution spéciale prévue par l’article L. 341-7 du code du travail, ensemble la décision du 15 mai 2008 rejetant son recours gracieux, ainsi que sa demande tendant à la condamnation de l’ANAEM à lui rembourser une somme de 9 181 euros ;

2°) d’annuler l’état exécutoire précité émis à son encontre le 14 janvier 2008 par l’ANAEM, pour un montant de 9 180 euros, ensemble la décision du 15 mai 2008 rejetant son recours gracieux, et de condamner l’ANAEM à lui rembourser une somme de 9 181 euros ;

3°) de mettre à la charge de l’ANAEM une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 8 janvier 2013 :

"-" le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller ;

"-" les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public ;

1. Considérant que la société Ecole supérieure de coiffure exerce une activité de “ formation générale des travailleurs de la coiffure “ ; que lors d’un contrôle effectué le 23 décembre 2004, dans le cadre de la lutte contre le travail illégal et l’emploi d’étrangers en situation irrégulière, des contrôleurs du travail ont constaté dans les locaux de la société la présence de trois ressortissantes de nationalité étrangère démunies de titre de travail, occupées à des travaux de coiffure sous le couvert de conventions de stage de très courte durée ; que, le 12 décembre 2005, la direction départementale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle de Haute-Garonne a informé le directeur de l’école supérieure de coiffure qu’elle maintenait sa décision de dresser un procès-verbal pour délit de travail dissimulé et délit d’emploi d’étrangers non munis d’un titre des autorisant à travailler ; que, le 14 janvier 2008, un état exécutoire d’un montant de 9 180 euros a été émis à l’encontre de l’employeur par l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) au titre de la contribution spéciale due au titre de l’article L. 341-7 du code du travail ; que la société Ecole supérieure de coiffure fait appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 20 octobre 2011 qui a rejeté sa demande tendant, d’une part, à l’annulation de l’état exécutoire et de la décision du 15 mai 2008 rejetant son recours gracieux, et, d’autre part, à la condamnation de l’ANAEM, devenue l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), à lui rembourser la somme de 9 180 euros ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 8253-1 du code du travail, repris de l’ancien article L. 341-6 du même code : “ Nul ne peut, directement ou par personne interposée, engager, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) “ ; que l’article L. 8253-2 de ce même code, repris de l’ancien article L. 341-7, dispose : “ Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être intentées à son encontre, l’employeur qui aura occupé un travailleur étranger en méconnaissance du premier alinéa de l’article L. 8251-1 acquitte une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat (...). “ ; que selon l’article L. 8113-7 du même code, repris de l’ancien article L. 611-10 : “ Les inspecteurs du travail, les contrôleurs du travail et les fonctionnaires de contrôle assimilés constatent les infractions par des procès-verbaux qui font foi jusqu’à preuve du contraire./ (...). “ ; qu’enfin, aux termes de l’article R. 341-7 du code du travail applicable au présent litige : “ Un exemplaire des procès-verbaux établis par les fonctionnaires chargés du contrôle de l’application du droit du travail (...) et constatant les infractions aux dispositions du premier alinéa de l’article L. 341-6 du présent code est transmis au directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle du département dans lequel l’infraction a été constatée (...). Le directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (...) indique à l’employeur, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, que les dispositions de l’article L. 341-7 lui sont applicables et qu’il peut lui présenter ses observations dans un délai de quinze jours. (...) “.

3. Considérant, en premier lieu, que les dispositions précitées de l’article R. 341-7 du code du travail ne font pas obligation de transmettre à l’employeur les procès-verbaux constatant les infractions prévues à l’article L. 341-6 du même code ; que par une lettre recommandée du 24 janvier 2006, la société Ecole supérieure de coiffure a été informée de l’application à son encontre des dispositions des articles L. 341-6 et L. 341-7 du code du travail et de ce qu’elle disposait d’un délai de quinze jours pour présenter ses observations ; que cette lettre, qui faisait suite à de précédents courriers échangés avec l’employeur et à un rendez-vous accordé à celui-ci le 19 janvier 2006, et qui n’avait pas à reprendre le contenu précis du procès-verbal du 14 décembre 2005 dont il était fait état, comportait des précisions suffisantes pour permettre à la société de présenter utilement ses observations, ce qu’elle a d’ailleurs fait par courrier du 6 février 2006 ; qu’ainsi, le moyen tiré de l’irrégularité de la procédure suivie doit être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que si les faits constatés par le juge pénal et qui commandent nécessairement le dispositif d’un jugement ayant acquis force de chose jugée s’imposent à l’administration comme au juge administratif, la même autorité ne saurait s’attacher aux motifs d’un jugement de relaxe tiré de ce que les faits reprochés à l’accusé ne sont pas établis ou qu’un doute subsiste sur leur réalité ; qu’il appartient, dans ce cas, à l’autorité administrative d’apprécier si la matérialité de ces faits est avérée et, dans l’affirmative, s’ils justifient l’application d’une sanction administrative ; qu’il appartient également au juge du fond, saisi d’un recours contre un état exécutoire dressé en application de l’article L. 341-6 du code du travail, de vérifier la matérialité des faits reprochés à l’employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions ;

5. Considérant que par un jugement du 23 septembre 2008 devenu définitif, le tribunal de grande instance de Toulouse a relaxé le gérant de la société requérante des fins des poursuites engagées pour emploi d’étrangers non munis d’une autorisation de travail après avoir relevé “ que les personnes travaillant le jour du contrôle dans le salon d’application du prévenu disposaient de contrats de stage, qu’elles se trouvaient pour une courte période de quelques jours en position d’évaluation de leurs capacités professionnelles et qu’il n’est pas formellement établi ni qu’elles aient accompli un service professionnel ordinaire ni qu’elles n’aient pas reçu pendant cette période d’évaluation une formation professionnelle “ ; qu’il résulte de ce qui a été dit ci-dessus, et ainsi que l’a relevé à bon droit le premier juge, que si le juge administratif est lié par la constatation faite par le juge pénal de l’existence de conventions de stages et d’une courte période d’évaluation des capacités professionnelles des intéressées, il n’en est pas de même en ce qui concerne les autres faits et la question de la qualification des faits au regard des dispositions de l’article de L. 341-6 du code du travail ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu’il résulte de l’instruction, et notamment du procès-verbal établi par les contrôleurs du travail que, le 23 décembre 2004, ces derniers ont constaté la présence, dans le locaux de la société, de trois ressortissantes étrangères occupées à des travaux de coiffure dans le salon où étaient reçus de nombreux clients ; que si des conventions de stage ont été présentées postérieurement au contrôle, ces conventions portaient exclusivement sur des périodes très brèves, du 22 au 24 décembre 2004 pour deux entre elles, et du 21 au 31 décembre 2004 pour la troisième, coïncidant avec le surcroit de travail lié aux fêtes de fin d’année du salon de coiffure ; que ces documents, qui n’ont pas été transmis à la direction départementale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, se bornent à indiquer “ stage personnalisé “ pour deux des stagiaires qui poursuivaient des études sans rapport avec la coiffure et “ évaluation offerte “ pour la troisième qui était dépourvue de titre de séjour, et ne comportent aucune précision sur les objectifs et le contenu de la formation ; qu’il ressort également du procès-verbal de l’inspection du travail que la société employait en moyenne une vingtaine de personnes encadrées par un seul responsable de salon, et que les trois personnes en cause occupaient un poste de travail productif qu’elles étaient en capacité d’exercer ; qu’en outre, ces dernières étaient exclusivement affectées aux tâches normales d’un emploi de coiffeuse dans l’entreprise, laquelle ne se bornait pas à organiser des formations mais gérait une clientèle ; que la société requérante n’apporte pas d’éléments pertinents de nature à remettre en cause ces observations ; qu’il doit être ainsi tenu pour établi que les personnes intéressées n’ont pas bénéficié d’une formation pendant les courtes périodes en cause, bien qu’elles étaient en position d’évaluation de leurs capacités professionnelles ; qu’elles doivent, dès lors, être regardées comme n’ayant pas été en situation de stage, mais comme ayant été employées sur un poste de travail impliquant un lien de subordination avec la société, alors même qu’aucun contrat de travail n’a été établi et qu’elles n’ont pas été rémunérées, sans qu’un titre les autorisent à exercer une activité salariée en France ; que, par suite, c’est à bon droit, ainsi que l’ont estimé les premiers juge, que la contribution spéciale prévue par l’article L. 341-7 du code du travail a été mise à la charge de la société requérante ;

7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société Ecole supérieure de coiffure n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l’annulation du titre exécutoire contestée ainsi que de la décision de rejet de son recours gracieux, et au remboursement de la somme en litige ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’il soit mis à la charge de l’OFII, qui n’est pas, dans la présente instance la partie perdante, la somme que la société Ecole supérieure de coiffure demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société Ecole supérieure de coiffure la somme de 1 500 euros à verser à l’OFII sur le fondement des mêmes dispositions ;

DECIDE

Article 1er : La requête de la société Ecole supérieure de coiffure est rejetée.

Article 2 : La société Ecole supérieure de coiffure versera à l’Office français de l’immigration la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

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No 11BX03395

Abstrats : 335-06-02-02 Étrangers. Emploi des étrangers. Mesures individuelles. Contribution spéciale due à raison de l’emploi irrégulier d’un travailleur étranger.