Liens étroits non

Le : 24/10/2016

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 13 octobre 2016

N° de pourvoi : 15-16872

ECLI:FR:CCASS:2016:SO01788

Publié au bulletin

Cassation partielle

M. Frouin (président), président

SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Spinosi et Sureau, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X..., salariée de l’Association des parents d’élèves de l’école française de Delhi (l’association) engagée à New Delhi en qualité de « recrutée locale », a saisi la juridiction prud’homale pour obtenir la condamnation de son employeur à lui payer diverses sommes ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident de la salariée :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le moyen unique annexé à ce pourvoi, qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal de l’association, pris en sa première branche :

Vu l’article 6 § 2 de la convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles ;

Attendu qu’il résulte de l’article 6, paragraphe 2, de la convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles, qu’à défaut de choix d’une loi exercé par les parties, le contrat de travail est régi par la loi du pays où le travailleur, en exécution du contrat de travail, accomplit habituellement son travail, à moins qu’il ne résulte de l’ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays, auquel cas la loi de cet autre pays est applicable ; que, dans son arrêt du 12 septembre 2013 (CJUE, Schlecker, aff. C-64/12), la Cour de justice de l’Union européenne a jugé qu’il appartient à la juridiction de renvoi de procéder à la détermination de la loi applicable au contrat en se référant aux critères de rattachement définis à l’article 6, paragraphe 2, premier membre de phrase, de la convention de Rome, et en particulier au critère du lieu d’accomplissement habituel du travail, visé à ce paragraphe 2, sous a), que, toutefois, en vertu du dernier membre de phrase de ce même paragraphe, lorsqu’un contrat est relié de façon plus étroite à un État autre que celui de l’accomplissement habituel du travail, il convient d’écarter la loi de l’État d’accomplissement du travail et d’appliquer celle de cet autre État ; qu’à cette fin, la juridiction de renvoi doit tenir compte de l’ensemble des éléments qui caractérisent la relation de travail et apprécier celui ou ceux qui, selon elle, sont les plus significatifs, que le juge appelé à statuer sur un cas concret ne saurait cependant automatiquement déduire que la règle énoncée à l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la convention de Rome doit être écartée du seul fait que, par leur nombre, les autres circonstances pertinentes, en dehors du lieu de travail effectif, désignent un autre pays ;

Attendu que, pour déclarer la loi française applicable au contrat de travail, la cour d’appel retient que l’objet de l’association est de dispenser une instruction en français, que son mode de fonctionnement lui impose l’homologation de l’établissement par le ministère de l’éducation nationale, que la nomination du chef d’établissement est assurée par l’agence pour l’enseignement français à l’étranger, que de nombreux collègues exercent les mêmes fonctions sous le régime des expatriés ;

Qu’en statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu’elle avait constaté que la salariée, engagée directement en Inde, accomplissait exclusivement son travail à Delhi, que les contrats de travail étaient rédigés en langue française ou anglaise, qu’ils contenaient des références à la monnaie locale, que les bulletins de paie étaient établis à Delhi en roupie ou en euros et que la salariée ne démontrait pas acquitter ses impôts en France, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il soit nécessaire d’examiner les deuxième et troisième branches du premier moyen et le second moyen du pourvoi principal de l’association :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il confirme le jugement en ce qu’il condamne l’association à payer à Mme X... la somme de 2 945,22 euros au titre des primes ISOE et 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et en ce qu’il déboute la salariée de sa demande de condamnation de l’employeur au titre du travail dissimulé, l’arrêt rendu le 18 février 2015, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points restant en litige, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour l’Association des parents d’élèves de l’école française de Delhi, demanderesse au pourvoi principal.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à la décision infirmative attaquée d’AVOIR dit la loi française applicable au litige et qualifié le contrat local en contrat de travail à durée indéterminée de droit français, d’AVOIR qualifié la prise d’acte de la rupture du contrat de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’AVOIR condamné l’association des parents d’élèves de l’école française de Delhi aux dépens et au versement des sommes de 2166,19 euros au titre de l’indemnité de licenciement, 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 10 000 euros pour perte de droit à retraite et chômage, 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et d’AVOIR ordonné la remise de documents de fin de contrat rectifiés conformes ;

AUX MOTIFS QUE « Mme X..., de nationalité française, a été recrutée directement par l’association des parents d’élève de l’école de Delhi. Elle a conclu 5 contrats « de droit local » successifs d’un an entre 2003 et 2008 pour exercer les fonctions de professeur de biologie SVT et de conseillère d’éducation au sein de l’école privée située à New Dehli en Inde. Elle expose que sous la dénomination « contrat local » l’association a créé des contrats sui generis qui n’étaient soumis ni au droit français, ni au droit indien ; que vis-à-vis des autorités indiennes l’employeur présentait l’école comme une French Ambassy School dans la mesure où elle était située sur un terrain diplomatique ce qui lui permettait de n’être soumise à aucune sujétion créée par le droit indien comme le paiement d’impôts locaux ou l’obligation de dispenser des cours en anglais et d’accueillir des élèves de nationalité indienne ; qu’à l’inverse vis-à-vis des organismes sociaux français, l’école feignait de faire application du droit indien alors même qu’aucune mention de la législation indienne n’a jamais été faite dans aucun contrat. Elle estime que le conseil de prud’hommes a estimé à tort que la loi indienne devait trouver à s’appliquer et sollicite sur le fondement de la convention de Rome du 19 juin 1989, l’application de la loi française. L’association répond qu’elle gère un établissement d’enseignement du français à l’étranger et doit à ce titre être homologuée par le ministère de l’Éducation nationale et signer une convention avec l’AEFE, établissement public national à caractère administratif qui a pour objet de veiller au bon fonctionnement des établissements scolaires français situés à l’étranger et classés en 3 catégories, dont celle des d’établissements scolaires privés conventionnés, à laquelle elle appartient ; que la signature de cette convention aboutit à répartir les rôles entre l’AEFE et l’APE quant à la gestion matérielle et financière de l’école, la gestion pédagogique les aides financières sous forme de prise en charge de certains salaires et divise en outre le personnel enseignant et administratif en 3 catégories dont celle des recrutés locaux qui est à distinguer de celle des expatriés et des résidents rassemblant du personnel embauché et payé directement par l’AEPE ; que les recrutés locaux concluent un contrat local soumis au droit indien. En l’absence de convention bilatérale entre la France et l’Inde, ou de convention multilatérale liant les 2 Etats, les règles de conflit permettant de déterminer la loi applicable aux contrats de travail internationaux, sont fixées par la convention de Rome du 19 juin 1980, dispositif de coordination universelle. La convention de Rome du 19 juin 1980 prévoit en cas de conflit de lois des parties sur le droit national applicable : - en son article 3 l’application de la loi choisie par les parties. Mais ce choix doit être express ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause, et en l’espèce, aucun choix express n’a été fait par les parties qui n’ont pas désigné la loi applicable. - en son article 4 l’application de la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits. Il est présumé que le contrat présente les liens les plus étroits avec le pays où la partie qui doit exécuter la prestation au moment de la conclusion du contrat a sa résidence habituelle ; que toutefois si le contrat est conclu dans l’exercice de l’activité professionnelle de cette partie, ce pays est celui où est situé son principal établissement ce qui revient à présumer applicable la loi du lieu habituel de travail soit en l’espèce l’Inde. Mais l’article 6 de la Convention, plus spécialement applicable au contrat individuel de travail précise sous 2, dans sa lecture effectuée par la cour de justice de l’Union européenne dans un arrêt du 2 septembre 2013, « … que nonobstant les dispositions de l’article 4 et à défaut de choix exercé conformément à l’article 3, le contrat est régi par la loi du pays où se trouve l’établissement qui a embauché le travailleur, à moins qu’il ne résulte de l’ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays, auquel cas la loi de cet autre pays est applicable. » Il apparaît ainsi que la recherche des circonstances permettant de démontrer que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays que celui du lieu habituel du travail doit permettre au juge d’écarter, à la demande d’une partie, la loi applicable dans ce pays au profit de la loi du pays avec lequel il existe un lien plus étroit, car l’objectif poursuivi par la convention est d’assurer une protection adéquate aux travailleurs. Pour caractériser la notion de « lien étroit » qui n’est pas définie par la convention de Rome ou le règlement européen du 17 juin 2008 , il faut tenir compte d’un ensemble de critères dégagés par la jurisprudence et notamment de la langue employée dans le contrat, du lieu de conclusion du contrat, de la nationalité des contractants, de l’implantation de l’entreprise, du lieu et de la monnaie de paiement, du tribunal choisi par les parties, du choix fait en matière de sécurité sociale, de l’exclusivité du lieu d’exécution du contrat, du pouvoir de direction, de la provenance des lettres adressées au salarié pendant l’exécution de son contrat. Par ailleurs la cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt du 12 septembre 2013 a précisé que devaient également être pris en compte pour déterminer la loi applicable, le pays dans lequel le salarié s’acquitte des impôts et des taxes afférents aux revenus de son activité, celui dans lequel il est affilié à la sécurité sociale et aux divers régimes de retraite, d’assurance-maladie et d’invalidité et des circonstances de l’affaire, tel que notamment, les paramètres liés à la fixation du salaire ou des autres conditions de travail. Au regard de ces critères il convient de constater : -qu’un certain nombre des critères susvisés qui avaient motivé les inquiétudes des salariés quant au flou de la situation entourant leurs obligations fiscales et leur affiliation aux caisses d’assurance-chômage et de retraite ne sont pas renseignés. Ainsi si l’association invoque la souscription d’une assurance auprès d’une compagnie d’assurance indienne qui est mentionnée sur le contrat de travail de la salariée, elle n’apporte aucun commencement de preuve permettant de démontrer que ce contrat a bien été conclu et a pour conséquence de permettre l’affiliation du salarié à la sécurité sociale ou au régime de retraite d’assurance-maladie ou d’invalidité en Inde. Par ailleurs la salariée qui prétend payer ses impôts en France, ne justifie pas plus qu’elle se serait acquittée dans l’un ou l’autre pays des impôts et des taxes afférents aux revenus de son activité et du paiement des impôts. -que certains critères se rattachent aux 2 pays. Ainsi les contrats sont rédigés en langue française et d’autres en langue anglaise et contiennent des références à la monnaie locale. Les bulletins de salaire sont établis à Delhi et prévoient une rémunération en euros et en roupies. De même si l’établissement privé est à Delhi en Inde, il occupe des locaux loués, dans le cadre de convention d’occupation précaire et dans son enceinte, par l’ambassade de France. -qu’en revanche le rattachent exclusivement à la France : *un contexte particulier privilégié dans le cadre duquel s’exerce le contrat puisque : . l’objet même de l’association est de donner la possibilité aux enfants de langue française résidant en Inde de recevoir une instruction conforme aux programmes de l’éducation nationale française, . son mode de fonctionnement lui impose l’homologation de l’établissement par le ministère français de l’éducation nationale, . la nomination et la rémunération du chef de cet établissement privé qui a signé le contrat de la salariée sont assurées par l’agence pour l’enseignement français à l’étranger en application de la signature d’une convention, . de nombreux collègues exerçant les mêmes fonctions bénéficient du régime français dans le cadre de la convention précitée en qualité, d’expatriés et de résidents, agents titulaires de la fonction publique recrutés hors du pays d’affectation par le directeur de l’agence pour l’enseignement français à l’étranger, établissement public national à caractère administratif et rémunérés directement par celle-ci. *la nationalité des parties au contrat. Ainsi l’association de parents d’élèves de l’école française de DELHI est une association à but non lucratif régie par la loi du 1er juillet 1901, dont le siège social est fixé 28 rue de Châteaudun à 75 009 Paris. Mme X... est française selon son profil de poste transmis lors de sa candidature spontanée du 14 avril 2003, « titulaires d’un BAFA, licencié en géographie, et travaillait depuis 4 ans dans un collège à Toulouse comme surveillante d’externat ». *les voies de recours en cas de contentieux n’impliquant que des organismes français, établissement public administratif, ministères des Affaires étrangères ou de l’Éducation nationale française. Ainsi le contrat prévoit une intervention du conseiller de coopération et d’action culturelle à titre de médiateur, le comité de gestion de l’école française de Delhi et en dernier recours le conseil d’administration de l’établissement dont il est rappelé que le directeur est nommé et rémunéré par l’AEFE. En conséquence ayant relevé que les parties n’avaient pas fait choix d’une loi pour régir leur rapport, considérant que les contrats de travail successifs de la salariée avaient été conclus entre des personnes de nationalité française, que la salariée exerçait ses fonctions à l’étranger dans un établissement dont le mode de fonctionnement supposait l’homologation d’un ministre français et la signature d’une convention avec un organisme français, et que ceux-ci disposaient d’un pouvoir de contrôle et de nomination, et considérant par ailleurs qu’aucun indice exclusif, si ce n’est le lieu d’exécution de la prestation, ne permettait de rattacher le contrat au droit indien, il apparaît que sous la dénomination « contrat local », a été conclu un contrat de travail soumis à la loi française. Il y a donc lieu d’infirmer la décision déférée en ce qu’elle a considéré que s’appliquait la loi indienne » ;

ET QUE « l’association a souscrit une assurance auprès d’une compagnie d’assurance locale pour les frais liés à la maladie et à l’accident et qu’elle en paye des primes ainsi que prévu à l’article 13 du contrat de travail, qu’il n’est pas établi qu’elle aurait refusé de rembourser, en partie ou totalement sur le risque couvert, les cotisations versées par le salarié recruté local, si celui-ci avait décidé de s’affilier à la caisse des français de l’étranger » ;

1) ALORS QUE selon l’article 6, paragraphe 2, de la Convention de Rome du 19 juin 1980, à défaut de choix exercé conformément à l’article 3, le contrat de travail est régi, a) par la loi du pays où le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail, même s’il est détaché à titre temporaire dans un autre pays, b) si le travailleur n’accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, par la loi du pays où se trouve l’établissement qui a embauché le travailleur, à moins qu’il ne résulte de l’ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays, auquel cas la loi de cet autre pays est applicable ; que la loi du pays où le travailleur accomplit habituellement son travail ne saurait être automatiquement écartée du seul fait qu’un nombre certain de circonstances établissent un lien avec un autre pays, les éléments tenant au lieu de paiement des impôts et d’affiliation à des organismes sociaux étant particulièrement significatifs, ainsi que les modalités de fixation des conditions de travail et de rémunération ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que les contrats de travail litigieux avaient été conclus et exécutés en Inde, qu’ils contenaient des références à la monnaie locale, que la salariée n’était affiliée à aucun organisme français de protection sociale et qu’elle n’établissait pas avoir payé des impôts en France ; qu’en retenant cependant l’application du droit français au prétexte que les parties étaient de nationalité française et qu’il ressortait de certaines circonstances, ne tenant pas aux modalités de détermination des conditions de travail de la salariée, que le mode de fonctionnement et l’objet de l’établissement supposaient l’homologation d’un ministre français et la signature d’une convention avec un organisme français qui disposaient d’un pouvoir de contrôle et de nomination, la cour d’appel, qui a statué par des motifs insusceptibles de justifier que soit écartée la règle énoncée à l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la convention de Rome, a privé sa décision de base légale au regard de cet article 6 ;

2) ALORS QUE s’agissant de rechercher, par application de l’article 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 relative aux obligations contractuelles, la loi applicable à défaut de choix exercé en application de l’article 3, c’est à celui qui prétend écarter la loi du lieu d’accomplissement habituel du travail de rapporter la preuve que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays ; qu’en retenant en l’espèce que le droit français devait s’appliquer à un contrat exécuté en Inde au prétexte que l’employeur ne montrait pas avoir souscrit une assurance auprès d’une compagnie indienne permettant l’affiliation de la salariée à la sécurité sociale ou au régime de retraite d’assurance maladie ou d’invalidité en Inde, la cour d’appel a violé l’article 1315 du Code civil, ensemble l’article 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 ;

3) ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a cru pouvoir retenir que le droit français devait s’appliquer au prétexte que l’employeur ne montrait pas avoir souscrit une assurance auprès d’une compagnie indienne permettant l’affiliation de la salariée à la sécurité sociale ou au régime de retraite d’assurance maladie ou d’invalidité en Inde ; que cependant, elle a expressément retenu par ailleurs que cette affiliation était établie en affirmant que « l’association a souscrit une assurance auprès d’une compagnie d’assurance locale pour les frais liés à la maladie et à l’accident et qu’elle en paye des primes ainsi que prévu à l’article 13 du contrat de travail » (arrêt page 8, avant dernier §) ; que cette contradiction de motifs justifie la cassation par application de l’article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à la décision infirmative attaquée d’AVOIR condamné l’association des parents d’élèves de l’école française de Delhi aux dépens et au versement des sommes 10 000 euros pour perte de droit à retraite et chômage, et 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la demande de dommages et intérêts pour perte de droit au chômage et à la retraite : Mme X... demande la somme de 25 994,28 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de droits à retraite et chômage correspondant à douze mois de salaire. En l’espèce il n’est ni démontré ni même allégué que Mme X... bénéficie du statut de détachée puisque, puisqu’elle a été embauchée directement en Inde pour y travailler de manière exclusive. Elle relève donc en principe du statut d’expatriée de sorte qu’elle n’aurait pas bénéficié de plein droit du régime français de sécurité sociale et de retraites. Mais ce régime aurait pu lui être accordé sous certaines conditions si elle l’avait expressément demandé. Aussi en refusant de soumettre son contrat de travail à la législation française, l’employeur lui a fait perdre la chance de pouvoir prétendre à ces dispositions protectrices.

Par ailleurs l’annexe IX du règlement, annexé à la convention d’assurance-chômage du 6 mai 2011, prévoit que sauf dans les cas prévus à l’article L 5424 -1 du code du travail, dans lesquels l’employeur assure lui-même la charge de la gestion de l’allocation d’assurance, tout employeur assure contre les risques de privation d’emploi tout salarié, y compris les travailleurs salariés français expatriés de sorte que son absence d’affiliation de Mme Z... l’a privée de son droit à l’assurance chômage. En conséquence, considérant notamment ces éléments, la durée du contrat de travail, et la rémunération moyenne mensuelle, la cour trouve dans le dossier les éléments pour fixer le préjudice de la salariée à ce titre à la somme de 9000 € » ;

ET QUE « l’association a souscrit une assurance auprès d’une compagnie d’assurance locale pour les frais liés à la maladie et à l’accident et qu’elle en paye des primes ainsi que prévu à l’article 13 du contrat de travail, qu’il n’est pas établi qu’elle aurait refusé de rembourser, en partie ou totalement sur le risque couvert, les cotisations versées par le salarié recruté local, si celui-ci avait décidé de s’affilier à la caisse des français de l’étranger » ;

1) ALORS QUE, quelle que soit la loi applicable à leur contrat de travail, les salariés de nationalité française, qui exercent leur activité dans un pays étranger et qui ne sont pas soumis à la législation française de sécurité sociale, ont la même faculté de s’assurer volontairement contre les risques de maladie et d’invalidité et les charges de la maternité, et les risques d’accidents du travail et de maladie professionnelle ; qu’ils peuvent encore adhérer à l’assurance volontaire contre le risque vieillesse ; qu’en affirmant qu’en refusant de soumettre le contrat de travail à la législation française, l’employeur avait fait perdre à la salariée la chance de pouvoir prétendre à ces dispositions protectrices, après avoir pourtant elle-même relevé que ce régime aurait pu être accordé à la salariée si elle l’avait expressément demandé, tel que le rappelait d’ailleurs ses contrats de travail qui visaient la possibilité de cotiser volontairement à la caisse des français de l’étranger, la cour d’appel a violé les articles L.762-1 du Code de la sécurité sociale, ensemble l’article 1147 du Code civil ;

2) ALORS QUE le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu’en appliquant en l’espèce l’annexe IX du règlement, annexé à la convention d’assurance-chômage du 6 mai 2011 à un contrat de travail rompu en 2008, la cour d’appel a violé l’article 12 du code de procédure civile ;

3) ALORS QUE n’est pas un salarié expatrié au sens de l’article L.5422-13 du code du travail et de l’annexe IX de la convention d’assurance chômage du 6 mai 2011 le salarié embauché directement à l’étranger, pour exercer définitivement et exclusivement son activité à l’étranger, sans possibilité que la relation de travail se poursuive par la suite en France où son employeur n’a aucune activité ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a elle-même constaté que la salariée a été embauchée directement en Inde pour y travailler de manière exclusive ; qu’il était en outre constat que l’association des parents d’élèves de l’école française de Delhi ne gérait aucun établissement scolaire ailleurs qu’à Delhi, en Inde, si bien qu’il était impossible que la salariée puisse un jour être employée par elle en France ; qu’en affirmant cependant que la salariée relevait en principe du statut d’expatrié pour en déduire qu’elle aurait pu bénéficier d’une affiliation à l’assurance chômage si la législation française avait été appliquée, la cour d’appel a violé les textes susvisés, ensemble l’article 1147 du Code civil ;

4) ALORS QUE la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à une absence de motifs ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a retenu dans ses motifs que le préjudice de la salariée devait être fixé à la somme de 9000 € au titre de la perte de droit au chômage et à la retraite ; que dans son dispositif elle a cependant condamné l’employeur à payer une somme de « 10 000 euros pour perte de droit à la retraite et chômage » ; qu’il en résulte que la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.

Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour Mme X..., demanderesse au pourvoi incident.

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir débouté Mme X... de sa demande tendant à obtenir la condamnation de l’Association des Parents d’Elèves de l’Ecole Française de Delhi à lui verser une indemnité pour travail dissimulé ;

Aux motifs que « considérant que l’association a souscrit une assurance auprès d’une compagnie d’assurance locale pour les frais liés à la maladie et à l’accident et qu’elle en paye des primes ainsi que prévu à l’article 13 du contrat de travail ; il n’est pas établi qu’elle aurait refusé de rembourser, en partie ou totalement sur le risque couvert, les cotisations versées par le salarié recruté local, si celui-ci avait décidé de s’affilier à la caisse des Français à l’étranger et considérant qu’elle a pu, à tort, mais de bonne foi, estimer qu’elle relevait de la seule législation indienne, la preuve d’une intention frauduleuse n’est pas établie.

En conséquence, la salariée est déboutée de sa demande à ce titre » ;

Et aux motifs que « En l’espèce il n’est ni démontré ni même allégué que Mme X... bénéficie du statut de détachée puisqu’elle a été embauchée directement en Inde pour y travailler de manière exclusive. Elle relève donc en principe du statut d’expatriée de sorte qu’elle n’aurait pas bénéficié de plein droit du régime français de sécurité sociale et de retraites.

Mais ce régime aurait pu lui être accordé sous certaines conditions si elle l’avait expressément demandé.

Aussi en refusant de soumettre son contrat de travail à la législation française, l’employeur a fait perdre la chance de pouvoir prétendre à ces dispositions protectrices » ;

Alors qu’il résulte de l’article L.8221-5 du code du travail que la dissimulation d’emploi salarié est caractérisée lorsque l’employeur s’est soustrait intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales ; qu’en se bornant à constater, en l’espèce, que l’employeur a souscrit une assurance auprès d’une compagnie indienne pour les frais liés à la maladie et à l’accident de son salarié, pour en déduire que ce dernier ne peut prétendre à une indemnité pour travail dissimulé, la Cour d’appel, qui s’est prononcée par un motif inopérant à caractériser l’absence d’intention de l’employeur de se soustraire à ses obligations légales, a violé le texte susvisé ;

Alors, en outre, que la Cour d’appel a retenu que l’employeur s’était abstenu d’informer la salariée exerçant son activité dans un pays étranger sur la possibilité qu’elle avait de s’assurer volontairement auprès d’un organisme de sécurité social de droit français en application des dispositions de l’article L.762-1 du code de sécurité sociale, causant ainsi à celle-ci un préjudice de perte de chance de bénéficier de ce régime ; qu’en considérant ensuite qu’il n’est pas établi que l’employeur n’aurait pas remboursé à la salariée les cotisations qu’elle aurait versées dans le cadre de ce dispositif, pour la débouter de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé, sans rechercher si l’employeur ne s’était pas intentionnellement abstenu de lui délivrer cette information lui permettant de bénéficier du régime de sécurité sociale de droit français, la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article L.8221-5 du code du travail ;

Alors, encore, qu’en considérant qu’il n’est pas établi que l’employeur n’aurait pas remboursé à la salariée les cotisations qu’elle aurait versées si elle avait opté pour le bénéfice des dispositions de l’article L.762-1 du code de sécurité sociale, quand il lui appartenait de rechercher si l’employeur n’avait pas intentionnellement dissimulé à la salariée l’information qu’il était tenu de lui délivrer quant au régime de sécurité sociale prévu par ce texte, la Cour d’appel s’est prononcée par un motif inopérant, en violation de l’article L.8221-5 du code du travail ;

Alors, en tout état de cause, que la contradiction de motifs équivaut au défaut de motifs ; qu’en retenant, d’une part, que l’employeur n’a pas informé la salariée quant à la possibilité qu’elle avait de s’assurer volontairement auprès d’un organisme de sécurité social de droit français en application des dispositions de l’article L.762-1 du code de sécurité sociale, ce dont il résultait qu’il s’était intentionnellement soustrait à ses obligations en matière de cotisations sociales, et, d’autre part, que son intention frauduleuse n’est pas démontrée, dans la mesure où il n’est pas établi qu’il n’aurait pas remboursé à la salariée les cotisations qu’elle aurait versées si elle avait opté pour le bénéfice des dispositions de l’article L.762-1 du code de sécurité sociale, la Cour d’appel, qui s’est prononcée au prix d’une contradiction de motifs, a méconnu les dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
Publication :

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris , du 18 février 2015