Liens étroits non

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 19 janvier 2011

N° de pourvoi : 09-66797

Non publié au bulletin

Rejet

M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Piwnica et Molinié, SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Douai, 31 mars 2009), qu’une convention a été passée entre Northern France experts, NFX, association de la loi de 1901, et l’association de droit américain Northern France Expert Corporation, dénommée INF, ayant son siège à Chicago, pour l’exécution d’un programme de prospection-promotion de la région Nord-Pas-de-Calais sur le territoire des Etats-Unis ; que M. Z...a été engagé le 15 mars 2005 en qualité de “ managing director “ par l’association INF pour travailler à Chicago par un contrat conclu pour une durée minimale de trois ans ; qu’il a été mis fin à ce contrat par lettre du 13 janvier 2006, prévoyant le versement d’un préavis de trois mois et d’une indemnité forfaitaire de trois mois en application de l’article 4 du contrat de travail ; qu’il a saisi le conseil de prud’hommes de Lille de diverses demandes dirigées contre les deux associations ;
Attendu que M. Z...fait grief à l’arrêt de dire que la loi française n’est pas applicable au contrat de travail et de rejeter ses demandes tendant au paiement des indemnités de rupture alors, selon le moyen :
1°/ qu’à défaut de stipuler la loi applicable, le contrat de travail est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits ; que le lieu de conclusion du contrat et la nationalité de la personne l’ayant conclu sont des éléments à prendre en considération pour l’appréciation de l’étroitesse de ces liens ; que la cour d’appel ayant relevé que l’engagement de recruter M. Z...avait été pris à Lille, par une personne morale de droit français, qui avait rédigé le contrat, ne pouvait refuser de prendre en compte cet élément au motif inopérant que le contrat de travail signé ultérieurement l’avait été par la personne morale de droit américain ; qu’elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l’article 6-2 b) de la convention de Rome du 19 juin 1980 ;
2°/ que de même, le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements du subordonné ; que la cour d’appel devait donc rechercher si l’association française NFX, dont le président avait également la qualité de président de l’employeur apparent de M. Z..., ne lui donnait pas ses directives à travers celui-ci, et si les circonstances selon lesquelles M. Z...devait rendre compte à l’association française et que c’était cette association qui avait décidé de la cessation d’activité de l’association américaine et mis fin au contrat de travail, n’exerçait pas à l’endroit de M. Z...les prérogatives d’un employeur, de sorte qu’il existait entre celle-ci et le salarié un contrat de travail de droit français ; qu’en omettant cette recherche, elle a privé sa décision de base légale au regard de l’article 6-2, b) de la convention de Rome du 19 juin 1980 et L. 1221-1 du code du travail ;
Mais attendu qu’il résulte de l’article 6, paragraphe 2, de la convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles, qu’à défaut de choix d’une loi exercé par les parties, le contrat de travail est régi par la loi du pays où le travailleur, en exécution du contrat de travail, accomplit habituellement son travail, à moins qu’il ne résulte de l’ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays, auquel cas la loi de cet autre pays est applicable ;
Et attendu que la cour d’appel qui, ayant constaté que le contrat ne mentionnait pas la loi applicable et appréciant souverainement les pièces et éléments soumis à son examen, a relevé, d’une part, que le contrat de travail de M. Z...avait été signé par le président de l’association INF qui était son supérieur hiérarchique lorsqu’il a exercé les fonctions de directeur de cette association et que n’était pas établie l’existence d’un lien de subordination du salarié à l’égard de l’association française, et, d’autre part, qu’il accomplissait son travail sur le territoire des Etats-Unis d’Amérique, était payé en dollars américains par l’association INF et bénéficiait de divers avantages propres au droit américain, a pu retenir que le contrat ne présentait pas de liens plus étroits avec un autre pays que celui où il exécutait son travail et en a exactement déduit que la loi applicable était celle de l’Etat de l’Illinois ;
Que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z...aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. Z...
Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir dit que la loi française n’était pas applicable au contrat de travail de M. Z...et d’avoir en conséquence rejeté ses demandes tendant au paiement d’indemnités de rupture ;
AUX MOTIFS QU’une convention a été passée entre l’association INF et l’association NFX pour l’année 2005, s’inscrivant dans le prolongement de celle conclue pour 2004, aux termes de laquelle NFX a confié à INF l’exécution d’un programme de promotion/ prospection sur l’ensemble du territoire de l’Amérique du nord ; QUE INF devait consacrer à la réalisation de ses actions l’équivalent de deux ingénieurs et d’une assistante ainsi que les moyens spécifiques requis ; QUE l’association NFX s’engageait à fournir à INF toutes les informations et supports de documentation et techniques pouvant être utiles à la réalisation du programme, INF s’engageant de son côté à rendre compte au moyen de divers rapports, de la bonne exécution de la convention ; QU’INF devait facturer à l’association NFX la totalité des dépenses engagées par elle pour la réalisation de la convention (dont notamment coût d’intervention du personnel d’INF) ; QUE, sur la loi applicable, les intimées exposent que M. Jean-Noël Z...a fait l’objet d’une promesse d’embauche formulée par l’association NFX agissant en qualité de mandataire de l’association de droit américain INF ; QUE le contrat. de droit américain, a été signé par le président d’INF, M. A..., également président de l’association française ; QUE le contrat a été résilié en raison de la fermeture de la structure américaine ; QU’elles soutiennent que le droit applicable est le droit américain, peu important le lieu réel de signature du contrat et que M. Jean-Noël Z...travaillait sous la seule subordination d’INF ; QU’elles précisent que l’association ! NF n’ayant que trois salariés, M. Jean-Noël Z...et deux personnes sous sa subordination, elle ne comptait pas de direction des ressources humaines ; QUE c’est la direction des ressources humaines de l’association NFX, mandataire d’INF, qui a été en contact avec M. Jean-Noël Z...lors de la rupture de son contrat de travail, ses subordonnés ne pouvant être chargés de cette tâche ; QUE M. Jean-Noël Z...soutient qu’INF n’est qu’une émanation juridique de NFX sous l’autorité exclusive de laquelle elle existe, et dont la création ne répond qu’à un impératif juridique permettant son installation sur le territoire nord américain ; QU’il estime que le contrat de travail présente les liens les plus étroits avec la France dès lors qu’il a été signé à Lille, entre deux parties de nationalité française ; QUE la lettre d’embauche fait état d’une embauche par NFX et émane du délégué général de cette association, qui n’a aucune fonction au sein d’INF ; QUE la structure américaine est dirigée par le président de la structure française qui n’était même pas encore nommé au jour de l’embauche effective au 11 mars 2005 ; QU’INF avait pour objet d’exécuter une mission confiée â NFX par ses partenaires institutionnels et qu’il a travaillé sous la seule subordination de NFX ; QU’en vertu de l’article 6 de la convention de Rome, à défaut de choix par les parties de la loi applicable au contrat de travail, il est fait application de la loi du pays où le salarié exécute habituellement son travail, à moins qu’il ne résulte de l’ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays ; QUE le contrat de travail ne mentionne pas de loi applicable ; QUE M. Jean-Noël Z...exerçait habituellement son travail aux Etats Unis, peu important la participation ponctuelle à des réunions à Lille au sein de l’association NFX ; QUE contrairement à ce qu’il soutient, il n’a pas été embauché le 11 mars 2005 ; QU’à cette date le délégué général de l’association NFX lui a écrit : “ comme suite à nos discussions, et après accord sur les conditions contractuelles, j’ai le plaisir de vous confirmer votre embauche par notre filiale NFX Corp USA, en tant que managing director “ à compter du 4 avril 2005. Les conditions générales de votre emploi sont précisées dans le contrat joint au présent courrier. Ce contrat sera signé par notre président Dominique A..., dès que les formalités nécessaires à sa nomination en tant que président de NFX Corp USA auront été effectuées en principe d’ici le 18 mars “ ; QUE ce courriel ne saurait être interprété comme valant embauche de M. Jean-Noël Z...au 11 mars par l’association NFX ; QUE le 15 mars M. A... a bien été désigné président de l’association INF et a signé le contrat de travail de M. Jean-Noël Z... ; QU’il est constant qu’INF a une existence juridique et qu’elle est une association de droit américain ; QU’ainsi le contrat de travail a été signé entre une personne morale américaine valablement représentée le 15 mars par son président et un salarié de nationalité française, peu important que le président était également président de l’association française ; QUE M. Jean-Noël Z...était rémunéré en dollars par l’association INF, peu important qu’in fine le coût de son intervention était supporté par l’association NFX, dès lors qu’INF n’avait pas d’activité rémunératrice et que cette prise en charge était la contrepartie des missions effectuées aux Etats Unis pour NFX ; QUE le contrat de travail prévoit des avantages, payés par INF propres au droit américain, tels que la prise en charge de la sécurité sociale, de la couverture santé, des impôts fédéraux et de l’Etat de l’Illinois, de l’assurance chômage ; QUE par courriel du 4 octobre 2005 M. Jean-Noël Z...a demandé à la directrice du personnel et au délégué général de NFX à être la seule personne avec délégation de signature au sein d’INF et a indiqué qu’il signerait les chèques de remboursement des frais de ses subordonnés ; QU’il a obtenu un pouvoir sur le compte de l’association INF le 8 octobre ; QU’ainsi M. Jean-Noël Z...était décisionnaire au sein de l’association INF s’agissant de ses fonctions de directeur et n’avait comme supérieur que M A... en tant que président de l’association INF, peu important que ce dernier exerce ses fonctions essentiellement en France ; QUE les comptes qui pouvaient être rendus à l’association NFX l’étaient en vertu de la convention liant les deux associations et non du fait d’un lien de subordination entre M. Jean-Noël Z...et l’association NFX ; QUE de même le contrat de travail prévoyait l’organisation d’un “ reporting “’régulier à destination de NFX et que le salarié devait servir les intérêts de celle-ci en tant que manager d’INF, ces missions découlaient de la convention susvisée ; QU’enfin le fait que l’association NFX ait décidé de la fermeture de ce qu’elle appelle improprement son bureau ou sa filiale et que le paiement des indemnités de rupture soit intervenu via NFX ne sauraient avoir pour conséquence de considérer que l’association INF n’était pas l’employeur de M Jean-Noël Z..., alors que la lettre de rupture est signée de M. A... en qualité de directeur d’INF ; QU’il convient d’en déduire que l’employeur de M. Jean-Noël Z...était INF, dès lors qu’aucun élément de nature a établir un lieu de subordination entre lui et NFX n’est caractérisé ; QU’en toute hypothèse le contrat de travail ne présentait pas de lien plus étroits avec la France et que la loi applicable est celle de l’Etat de l’Illinois, étant observé qu’après la rupture de son contrat de travail M. Jean-Noël Z...a sollicité la communication de son dossier personnel conformément à la loi de cet Etat et que son avocat américain a rappelé à M. A... qu’en vertu de la loi de l’Illinois, un fait non inclus dans un dossier personnel ne pouvait être utilisé dans des poursuites ultérieures ; QU’en conséquence M. Jean-Noël Z...doit être débouté de ses demandes, fondées sur la loi française ;
1- ALORS QU’à défaut de stipuler la loi applicable, le contrat de travail est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits ; que le lieu de conclusion du contrat et la nationalité de la personne l’ayant conclu sont des éléments à prendre en considération pour l’appréciation de l’étroitesse de ces liens ; que la cour d’appel ayant relevé que l’engagement de recruter M. Z...avait été pris à Lille, par une personne morale de droit français, qui avait rédigé le contrat, ne pouvait refuser de prendre en compte cet élément au motif inopérant que le contrat de travail signé ultérieurement l’avait été par la personne morale de droit américain ; qu’elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l’article 6-2 b) de la Convention de Rome du 19 juin 1980 ;
2- ALORS QUE de même, le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements du subordonné ; que la cour d’appel devait donc rechercher si l’association française NFX, dont le président avait également la qualité de président de l’employeur apparent de M. Z..., ne lui donnait pas ses directives à travers celui-ci, et si les circonstances selon lesquelles M. Z...devait rendre compte à l’association française et que c’était cette association qui avait décidé de la cessation d’activité de l’association américaine et mis fin au contrat de travail, n’exerçait pas à l’endroit de M. Z...les prérogatives d’un employeur, de sorte qu’il existait entre celle-ci et le salarié un contrat de travail de droit français ; qu’en omettant cette recherche, elle a privé sa décision de base légale au regard de l’article 6-2, b) de la Convention de Rome du 19 juin 1980 et L. 1221-1 du code du travail.
Décision attaquée : Cour d’appel de Douai du 31 mars 2009