Cumul d’emplois interdit oui

Cour de cassation

chambre commerciale

Audience publique du 30 janvier 1996

N° de pourvoi : 94-10233

Publié au bulletin

Rejet.

Président : M. Bézard ., président

Rapporteur : M. Lacan., conseiller apporteur

Avocat général : M. Lafortune., avocat général

Avocats : M. Cossa, la SCP Boré et Xavier., avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le moyen unique, pris en ses six branches :

Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt confirmatif attaqué (Paris, 5 octobre 1993) que, par acte des 18 et 19 juin 1986, la société Restaurant de l’Abbaye a donné en location-gérance un fonds de commerce à M. Elie Y... et à son épouse, Mme Colette Y... ; que M. Y... ayant été mis en liquidation judiciaire, la société loueuse a assigné Mme Y... en paiement de diverses dettes afférentes à l’exploitation du fonds ;

Attendu que Mme Y... reproche à l’arrêt d’avoir accueilli cette demande, alors, selon le pourvoi, d’une part, qu’en l’état de la contestation élevée par Mme Y... de la qualité de gérante de la société Restaurant de l’Abbaye de Mme X... à la date de l’assignation du 22 janvier 1990, la cour d’appel, en se bornant à affirmer pour dire régulière l’assignation que Mme X... était effectivement gérante, sans autrement indiquer de quel élément du dossier ou de la procédure elle déduisait une telle affirmation, a entaché sa décision d’un défaut de motifs, en violation de l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d’autre part, qu’il résulte de l’article 2 de la loi du 20 mars 1956, que le locataire-gérant a la qualité de commerçant et de l’article 11 de la même loi, que tout contrat de location-gérance ne remplissant pas les conditions prévues par cette loi est nul, de nullité absolue ; qu’il résulte par ailleurs des dispositions des articles 1er et suivants du décret-loi du 29 octobre 1936 et de l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant statut général de la fonction publique qu’un fonctionnaire de l’Etat ne peut avoir la qualité de commerçant et donc être locataire-gérant d’un fonds de commerce ; que, dès lors, en laissant sans réponse le moyen des conclusions de Mme Y..., tiré de la nullité absolue du contrat du fait de sa qualité de fonctionnaire du ministère de l’Industrie, laquelle était établie et non contestée, la cour d’appel a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, encore, qu’en refusant de déclarer nul le contrat de location-gérance auquel est intervenue Mme Y..., fonctionnaire du ministère de l’Industrie, la cour d’appel a violé les articles 2 et 11 de la loi du 20 mars 1956, ensemble les articles 1er et suivants du décret-loi du 29 octobre 1936 et l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant statut général de la fonction publique ; alors, au surplus, qu’il résulte de l’article 49 de la loi du 24 juillet 1966 que seul le gérant d’une société à responsabilité limitée, qui peut être choisi en dehors des associés, a qualité pour engager la société à l’égard des tiers ; que, dès lors, en décidant que le contrat de location-gérance ne pouvait être annulé au motif qu’il avait été signé par chacun des associés, la cour d’appel s’est déterminée par une considération inopérante, faute d’avoir constaté que le contrat avait été signé par le gérant ou que celui-ci fût l’un des associés ; qu’elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ; alors, de surcroît, que le contrat de location-gérance dans lequel le locataire-gérant ne peut légalement avoir la qualité de commerçant, ce qui est le cas d’un fonctionnaire de l’Etat, est entaché d’une nullité absolue qui ne peut être couverte ; que, dès lors, en retenant, pour dire valable le contrat de location-gérance litigieux, que Mme Y... l’avait exécuté sans réserve, la cour d’appel a violé les articles 2 et 11 de la loi du 29 mars 1956 ; alors, enfin, que la dette contractée par les époux communs en biens n’est réputée entrée en communauté du chef des deux époux qu’à la condition qu’elle ait été contractée solidairement ; qu’en l’espèce, en condamnant l’épouse commune en biens à payer au propriétaire du fonds de commerce les loyers de l’immeuble et la redevance de gérance au seul motif que le contrat de location-gérance a été conclu au nom de M. et Mme Y..., sans constater que les deux époux s’étaient engagés solidairement, la

cour d’appel a violé l’article 1418 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu’après avoir examiné et analysé les éléments de preuve qui lui étaient soumis, le Tribunal a décidé que Mme X... avait la qualité de gérante de la société Restaurant de l’Abbaye à la date de l’assignation ; que Mme Y... s’étant bornée, dans ses conclusions, à affirmer le contraire, sans invoquer d’autres moyens ni produire d’autres pièces que ceux qui avaient été présentés devant les premiers juges, la cour d’appel a motivé sa décision en adoptant sur ce point les motifs du jugement entrepris ;

Attendu, en deuxième lieu, que, par motifs adoptés, la cour d’appel a décidé à bon droit que, si la qualité de fonctionnaire est incompatible avec celle de commerçant, cette incompatibilité ne peut être invoquée par un fonctionnaire, qui a pris un fonds de commerce en location-gérance, pour se soustraire à ses obligations contractuelles ;

Attendu, en troisième lieu, que, par motifs adoptés, la cour d’appel a retenu que la société Restaurant de l’Abbaye était représentée par sa gérante, Mme X..., lors de la conclusion du contrat litigieux ; qu’elle a ainsi légalement justifié sa décision ;

Attendu, en quatrième lieu, que la cour d’appel n’a pas condamné Mme Y... en sa qualité d’épouse commune en biens mais sur le fondement de son engagement personnel, en qualité de preneur du fonds donné en location-gérance ; que le moyen manque en fait ;

D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

Publication : Bulletin 1996 IV N° 30 p. 22

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris , du 5 octobre 1993