Identité de faits matériels - cumul possible de deux qualifications pénales

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 27 juin 2012

N° de pourvoi : 11-86679

Publié au bulletin

Rejet

M. Louvel, président

M. Rognon, conseiller apporteur

M. Boccon-Gibod, avocat général

SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

 M. Marco X...,

contre l’arrêt de la cour d’appel de FORT-DE-FRANCE, chambre détachée de CAYENNE, en date du 23 août 2011, qui, pour infractions à la législation sur les stupéfiants et contrebande de marchandises prohibées, l’a condamné à quatre ans d’emprisonnement, à une amende douanière, et a prononcé une mesure de confiscation ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, 14 § 3 d) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 6 § 3 c) de la Convention européenne des droits de l’homme, 397-4, 417 du code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense et du droit à un procès équitable ;

”en ce que l’arrêt attaqué, après avoir rejeté la demande de renvoi présenté par M. X..., non assisté d’un avocat le jour de l’audience, l’a condamné à une peine de 4 ans d’emprisonnement pour importation, acquisition, détention et transport non autorisés de stupéfiants ainsi que pour détention et transport de marchandises réputées importées en contrebande ;

”aux motifs que l’avocat du prévenu a bien été convoqué pour l’audience de la cour, laquelle ne peut être tenue pour responsable de son absence ; il convient de rappeler qu’un renvoi du dossier à une audience ultérieure n’est pas possible dans la mesure où le code de procédure pénale fait obligation de statuer dans un délai de quatre mois et où le rôle de la cour pour les deux prochaines audiences est trop chargé pour permettre un renvoi ;

”1°/ alors que l’exercice de la faculté reconnue au prévenu qui comparaît devant la juridiction correctionnelle de se faire assister d’un avocat implique, pour être effectif, y compris en cause d’appel, que le président l’ait préalablement informé de la faculté d’obtenir l’assistance d’un avocat, même désigné d’office ; qu’en condamnant M. X... à une peine de quatre années d’emprisonnement ferme, sans qu’il ait été informé de son droit à l’assistance d’un avocat commis d’office en remplacement de son avocat qui ne s’était pas présenté, la cour d’appel a violé les textes et principes susvisés ;

”2°/ alors que la seule constatation que l’avocat du prévenu a bien été convoqué ne permet pas de s’assurer que l’intéressé détenu, qui en première instance a été jugé sans avocat, a été véritablement en mesure de bénéficier de l’assistance d’un avocat en cause d’appel ; que l’arrêt attaqué est ainsi insuffisamment motivé ;

”3°/ alors enfin que le délai de comparution prévue par l’article 397-2 du code de procédure pénale, n’est pas prescrit à peine de nullité et le jugement de première instance datant du 13 mai, l’affaire appelée le 23 août devant la cour d’appel pouvait encore faite l’objet d’un renvoi ; qu’en refusant néanmoins ce renvoi qui pouvait permettre au prévenu, condamné en première instance sans avocat, de bénéficier au moins en cause d’appel de l’assistance d’un avocat, la cour d’appel a violé les textes visés au moyen” ;

Attendu que, pour rejeter la demande, formée par le prévenu, de renvoi de l’affaire à une audience ultérieure, l’arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, d’où il résulte que le demandeur avait fait le choix, avant l’audience, d’un défenseur qui ne s’y est pas présenté, la cour d’appel a fait l’exacte application de l’article 417 du code de procédure pénale ;

Que, dès lors, le moyen ne peut qu’être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, 222-36 al. 1, 222-41, 222-44, 222-45, 222-47, 222-48, 222-49, 222-50 et 222-51 du code pénal, L. 5132-7, L. 5132-8 al.1, R. 5132-74, R. 5132-77, R. 5132-78 du code de la santé publique, 1er de l’arrêté ministériel du 22/02/1990, 38 § 4, 215, 215 bis, 215 ter, 414, 419, 432 bis § 1, 437, alinéa 1, 438 du code des douanes, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation du principe non bis in idem ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable d’importation, acquisition, détention et transport de stupéfiants ainsi que de détention et transport de marchandises réputées importées en contrebande et en répression l’a condamné à une peine de quatre années d’emprisonnement ferme et 16 400 euros d’amende douanière ;

”aux motifs que malgré les dénégations du prévenu, les faits sont établis à son encontre avec suffisamment de certitude ; en effet, ses mensonges sur son emploi du temps au cours de son séjour en Guyane, l’absence d’explication sur la motivation de celui-ci de la part d’un citoyen néerlandais, qui ne parle pas le français et qui disposait d’un vol direct entre les Pays-Bas et le Surinam, le fait de ne pas avoir remarqué le poids anormal du sac de voyage sont autant d’éléments qui permettent de retenir la mauvaise foi de M. X... ;

”alors que les mêmes faits ne peuvent faire l’objet de plusieurs qualifications lorsqu’une ou plusieurs d’entre elles apparaissent comme la conséquence logique d’une autre avec laquelle elle se confond ; qu’ainsi, M. X... ne pouvait pas être à la fois déclaré coupable d’importation non autorisée de stupéfiants puis de transport et détention non autorisés de stupéfiants pour ces mêmes faits” ;

Attendu que M. X... est sans intérêt à reprocher à la cour d’appel de l’avoir déclaré coupable des mêmes faits sous plusieurs qualifications pénales, dès lors qu’elles comportent des éléments constitutifs différents, qu’une seule peine d’emprisonnement a été prononcée conformément à l’article 132-3 du code pénal et que les amendes douanières échappent, en raison de leur caractère mixte, répressif et indemnitaire, à la règle du non-cumul des peines ;

D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-19, 132-19-1, 132-24 en sa rédaction issue de la loi du 24 novembre 2009, 132-25 à 132-28 du code pénal, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a condamné M. X... à une peine de quatre années d’emprisonnement ferme ;

”aux motifs que les faits sont graves, tant en matière de santé publique que de délinquance induite par la consommation de produits stupéfiants ; il convient de les réprimer avec fermeté, l’attitude du prévenu, qui a refusé de s’expliquer à la barre de la cour, étant un élément supplémentaire à retenir à son encontre ; il apparaît que les premiers juges ont justement estimé la peine à infliger à M. X... et que leur décision sera confirmée ;

”1°) alors qu’en matière correctionnelle, en dehors des condamnations en récidive légale prononcées en application de l’article 132-19-1 du code pénal, une peine d’emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu’en dernier recours si la gravité de l’infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; qu’en prononçant à l’encontre de M. X..., qui n’était pas poursuivi en état de récidive légale, une peine de quatre années d’emprisonnement ferme, sans préciser en quoi la gravité de l’infraction et la personnalité de son auteur rendaient cette peine nécessaire en dernier recours, ni en quoi toute autre sanction aurait été manifestement inadéquate, la cour d’appel a méconnu l’article 132-24 du code pénal en sa rédaction issue de la loi du 24 novembre 2009 ;

”2°) alors que lorsqu’une peine d’emprisonnement sans sursis est prononcée en matière correctionnelle à l’encontre d’un prévenu ne comparaissant pas en récidive légale, cette peine doit, si la personnalité et la situation du condamné le permettent et sauf impossibilité matérielle, faire l’objet d’une des mesures d’aménagement prévues aux articles 132-25 à 132-28 du code pénal ; qu’en prononçant à l’encontre de M. X... une peine de quatre ans d’emprisonnement ferme, sans justifier au préalable de l’impossibilité de prononcer des mesures d’aménagement au regard de la personnalité et de la situation du prévenu ou d’une impossibilité matérielle, la cour d’appel a méconnu l’article 132-24 du code pénal en sa rédaction issue de la loi du 24 novembre 2009” ;

Attendu qu’en prononçant à l’encontre de M. X... une peine d’emprisonnement sans sursis, par les motifs repris au moyen, la cour d’appel a fait l’exacte application des textes invoqués ;

Que, d’une part, les énonciations de l’arrêt établissent que toute autre sanction est manifestement inadéquate ;

Que, d’autre part, les mesures d’aménagement prévues aux articles 132-25 et 132-26 du code pénal ne sont pas applicables aux peines d’emprisonnement d’une durée supérieure à deux ans ;

Qu’ainsi le moyen ne saurait être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Rognon conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Téplier ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Publication : Bulletin criminel 2012, n° 162

Décision attaquée : Cour d’appel de Fort-de-France , du 23 août 2011

Titrages et résumés : JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES - Débats - Prévenu - Comparution - Absence du défenseur choisi - Renvoi de l’affaire - Nécessité (non)

Fait l’exacte application de l’article 417 du code de procédure pénale, la cour d’appel qui, pour écarter la demande de renvoi de l’affaire à une audience ultérieure, retient que le prévenu, demandeur, a fait le choix, avant l’audience, d’un défenseur qui ne s’y est pas présenté

DROITS DE LA DEFENSE - Juridictions correctionnelles - Débats - Prévenu - Comparution - Absence du défenseur choisi - Renvoi de l’affaire - Nécessité (non)

Précédents jurisprudentiels : Sur l’absence d’obligation pour la juridiction correctionnelle de renvoyer l’affaire à une audience ultérieure en cas de non-présentation de l’avocat choisi par le défendeur, à rapprocher :Crim., 17 janvier 1996, pourvoi n° 95-82.114, Bull. crim. 1996, n° 29 (1) (rejet), et les arrêts cités. Sur l’absence d’obligation pour la juridiction correctionnelle de désigner un avocat commis d’office en cas de non-présentation de l’avocat choisi par le défendeur, à rapprocher :Crim., 4 janvier 2006, pourvoi n° 05-83.096, Bull. crim. 2006, n° 7 (1) (cassation partielle), et l’arrêt cité

Textes appliqués :
• article 417 du code de procédure pénale