Délocalisation après radiation

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 24 avril 2001

N° de pourvoi : 00-86281

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. COTTE, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre avril deux mille un, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BEYER, les observations de Me RICARD, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

 EITEL Z...,

contre l’arrêt de la cour d’appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 13 septembre 2000, qui pour travail dissimulé, l’a condamné à 3 mois d’emprisonnement avec sursis et à 50 000 francs d’amende, et a ordonné la publication de la décision ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 324-9 et L. 324-10 du Code du travail, de l’article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Kurt X... coupable du délit de travail dissimulé par dissimulation d’activité et l’a condamné à la peine de 3 mois d’emprisonnement avec sursis ainsi qu’à une amende de 50 000 francs ;

”aux motifs qu’il ressort du constat des enquêteurs par l’importance de l’installation parfaitement équipée pour un atelier de réparations mécaniques et par la permanence de l’utilisation de personnel sur ce site, par l’importance même de l’investissement reconnu par le prévenu (500 000 DM), qu’il s’agit là d’un établissement dont l’activité commerciale est soumise à immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ; que l’enquête a fait apparaître qu’il existe, immatriculée n° 402 873 806 au registre du commerce et des sociétés de Sarreguemines, une SARL Z... X... au capital de 200 000 francs, dont le siège social est sis 1 A rue principale à Dorst, dont le gérant est Kurt X..., et dont l’activité de vente et de location de véhicules de moins de 3,5 tonnes telle que mentionnée au registre comporte celle de “réparations, entretien et carrosserie” ; que, cependant, il est constant, Kurt X... étant formel sur ce point, que l’atelier en cause est juridiquement rattaché à la firme allemande et ne dépend aucunement de cette SARL française ; que, dès lors, cet établissement, rattaché certes à la firme allemande, mais disposant d’une autonomie pour l’activité commerciale développée en France se devait d’être immatriculé en France, conformément aux règles françaises du registre du commerce et des sociétés ou du répertoire des métiers ; que le défaut d’inscription résulte d’une omission sciemment commise par Kurt X..., qui entretient délibérément l’ambiguïté entre la société allemande et la société française telle que précédemment décrite implantée sur le même site ; qu’en effet l’établissement “allemand” et le siège de la société française se situent dans un immeuble dont les pièces du dossier (transcription au livre foncier, déclaration fiscale souscrite pour un bien à usage professionnel) montrent que l’immeuble est la propriété personnelle de Kurt X... ; qu’il est à noter que ce n’est

que postérieurement à l’enquête que Kurt X... a, par le biais de son notaire, régularisé la situation immobilière ; que la SARL française à l’époque de l’enquête n’employait aucun salarié, aucun ouvrier, effectivement n’étant déclaré à l’URSSAF et le compte d’exploitation de cette société pour l’exercice clos au 31 décembre 1996 ne mentionnant d’ailleurs aucun poste de salaires ou de charges sociales ; que, pourtant, tirant les enseignements du contrôle pour régulariser la situation, le prévenu a fait souscrire le 1er novembre 1998 à Frank B..., qui, selon lui, dépendait antérieurement de la firme allemande pour l’atelier français, un contrat de travail en qualité de mécanicien chauffeur avec la SARL Z... X... au même numéro d’immatriculation n° 402 873 806, ce qui confirme pour le moins le maintien d’un certain flou entre les différentes sociétés ; qu’en conséquence, le délit de travail dissimulé, pour exercice d’une activité commerciale, est établi à la charge de Kurt X... ;

”alors qu’il appartient aux juges du fond de caractériser l’élément intentionnel du délit ; que Kurt X... a expliqué, ainsi que l’a relevé la cour d’appel, qu’il n’avait pas fait procéder à une immatriculation propre de l’atelier en cause sur les renseignements de son conseiller fiscal dans la mesure où les travaux se faisaient en interne à l’entreprise allemande ; que la cour d’appel s’est bornée à déduire l’intention délictuelle de Kurt Y... du seul fait qu’il aurait entretenu une ambiguïté entre la société allemande et la société française, sans caractériser s’il avait vraiment conscience de la nécessité d’immatriculer de façon autonome cet atelier juridiquement rattaché à la firme allemande ; qu’en statuant de la sorte, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale, en violation des textes susvisés” ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 324-9 et L. 324-10 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Kurt X... coupable du délit de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié et l’a condamné à la peine de trois mois d’emprisonnement avec sursis ainsi qu’à une amende de 50 000 francs ;

”aux motifs qu’il ressort de l’enquête qu’aucun salarié n’était déclaré à l’URSSAF ; que ni Bernard A..., ni Frank B..., ni Eckhard C... n’ont fait l’objet d’une déclaration préalable à l’embauche ;

”que Bernard A... a décrit précisément son activité sous les ordres du chef d’atelier Frank B... au sein de l’atelier de Dorst, ouvert du lundi au vendredi, qui depuis cinq ans emploie “le plus clair de son temps” ;

”qu’il doit être considéré comme salarié de l’établissement français ; que son employeur se devait à ce titre, pour une activité salariée exercée habituellement en France de façon constante et non occasionnelle, d’accomplir les formalités exigées par les articles L. 143-3 et L. 320 du Code du travail, spécialement procéder à sa déclaration à l’embauche ;

”que le prévenu fournit tardivement à hauteur de Cour un certificat de détachement concernant Bernard A... qui, bien que daté du 12 février 1998, n’a pu à aucun moment de l’enquête être fourni aux enquêteurs ; qu’il concerne certes la période du 1er février au 31 décembre 1998, pour partie la période visée à la prévention ; que, cependant, un tel certificat ne peut être admis que pour un détachement occasionnel d’un salarié ; que les caractéristiques de permanence de l’emploi de Bernard A... dans l’établissement français ôtent tout aspect ponctuel ou occasionnel au prétendu “détachement” ; qu’il s’en suit que l’emploi de Bernard A... a bien été dissimulé ; que Frank B... exerce les fonctions de responsable de l’atelier et occupe un emploi présentant de même que pour Bernard A..., son subordonné, des caractéristiques de permanence sur le site de Dorst, alors même que l’intéressé fait état d’horaires d’ouverture moins larges que ceux indiqués par A... ;

”que, d’ailleurs, l’établissement du contrat de travail évoqué précédemment démontre bien l’importance que revêt pour le prévenu la place occupée par Frank B... dans l’atelier de mécanique ;

”que Frank B... doit être également considéré comme salarié de l’établissement français ; que son employeur se devait à ce titre, pour une activité salariée exercée habituellement en France de façon constante et non occasionnelle, d’accomplir les formalités exigées par les articles L. 143-3 et L. 320 du Code du travail, spécialement procéder à sa déclaration à l’embauche ;

”que, pour les mêmes motifs que précédemment indiqué pour Bernard A..., le certificat de détachement concernant Frank B... daté du 12 février 1998 pour la période du 1er février au 31 décembre 1998 produit à hauteur de Cour sera écarté ;

”qu’il s’en suit que l’emploi de Frank B... a bien été dissimulé ;

”que Eckhard C... travaillait dans l’atelier français depuis six mois selon ses propres déclarations, depuis huit semaines selon celles de Frank B... que la durée de cette présence même ramenée à huit semaines, et la régularité de sa venue à raison de 3 ou 4 heures une ou deux fois par semaine, sont incompatibles avec la notion “d’aide” mentionnée tant par Eckhard C... que par le prévenu ; que les enquêteurs ont relevé lors d’un des deux constats opérés sur le site que Eckhard C... était occupé à réparer une dameuse à moteur de l’entreprise Z... X... ;

”qu’ainsi, Eckhard C... travaillait bien dans cet atelier sous la responsabilité du chef d’atelier Frank B... ; que si l’intéressé prétend ne pas être rémunéré, cette partie de ses explications doit être prise avec les plus grandes réserves compte tenu des allocations chômage que signale percevoir en Allemagne Eckhard C... ;

”qu’en conséquence, en fonction de l’ensemble de ces éléments, Eckhard C... doit être également considéré comme salarié de l’établissement français que son employeur se devait à ce titre, pour une activité salariée exercée habituellement en France de façon constante et non occasionnelle, d’accomplir les formalités exigées par les articles L. 143-3 et L. 320 du Code du travail, spécialement procéder à sa déclaration à l’embauche ;

”qu’il s’en suit que l’emploi de Eckhard C... a bien été dissimulé ;

”ainsi qu’il a été précédemment démontré en ce qui concerne le défaut d’immatriculation de l’établissement, que l’absence de déclaration préalable à l’embauche de ces trois salariés résulte d’une omission sciemment commise par Kurt X... qui entretient délibérément l’ambiguïté entre la société allemande et la société française implantée sur le même site ;

”en conséquence, que le délit de travail dissimulé, pour dissimulation de trois salariés, est établi à la charge de Kurt X...” ;

(cf. arrêt pages 6 et 7) ;

”alors qu’il appartient aux juges du fond de caractériser l’élément intentionnel du délit ; que Kurt X... a expliqué, ainsi que l’a relevé la cour d’appel, qu’il n’avait pas fait procéder à une immatriculation propre de l’atelier en cause sur les renseignements de son conseiller fiscal dans la mesure où les travaux se faisaient en interne à l’entreprise allemande ; que la cour d’appel s’est bornée à déduire l’intention délictuelle de Kurt X..., dans l’absence de déclaration préalable à l’embauche des trois salariés, du seul fait qu’il aurait entretenu une ambiguïté entre la société allemande et la société française, sans caractériser s’il avait vraiment conscience de la nécessité de procéder à une déclaration autonome préalable à l’embauche des trois salariés dans cet atelier juridiquement rattaché à la firme allemande ; qu’en statuant de la sorte, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale, en violation des textes susvisés” ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu, responsable de droit de la société Z... X..., dont le siège social est en Allemagne, coupable de travail dissimulé effectué dans un atelier situé en France, les juges relèvent que cet établissement disposait d’un matériel et de personnel permettant une activité autonome d’entretien et de réparation de véhicules, depuis plusieurs années, et que Kurt X... a omis, sciemment, d’une part, de requérir son immatriculation au registre du commerce ou au répertoire des métiers, d’autre part, de procéder aux formalités exigées en cas d’emploi de salariés et, notamment, celle de la déclaration préalable à l’embauche ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, qui répondent aux conclusions du prévenu, les juges ont caractérisé en tous ses élements constitutifs, tant matériels qu’intentionnel, le délit visé aux poursuites et ainsi justifié leur décision ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Beyer conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Avocat général : Mme Commaret ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel de METZ, chambre correctionnelle du 13 septembre 2000