Convention individuelle forfait jours nulle - texte conventionnel non conforme

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 17 janvier 2018

N° de pourvoi : 16-15124

ECLI:FR:CCASS:2018:SO00064

Publié au bulletin

Cassation partielle

Mme Goasguen (conseiller doyen faisant fonction de président), président

SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Ortscheidt, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme Y..., engagée par la société Embraer Europe en qualité d’ingénieur technico-commercial suivant contrat à durée déterminée du 15 octobre 2004 puis par contrat à durée indéterminée du 22 avril 2005, occupait en dernier lieu les fonctions de chef de service administratif et marketing, statut cadre ; que du 1er janvier au 30 novembre 2011, la salariée a été en congé sabbatique et a réintégré la société Embraer Europe le 1er décembre 2011 ; que le 5 janvier 2012, elle a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation de son contrat de travail aux torts de l’employeur ; qu’elle a été licenciée pour motif économique par lettre du 15 février 2012 ;

Sur le premier moyen ci-après annexé :

Attendu que sous couvert d’un grief de violation de la loi, le moyen ne tend qu’à contester l’appréciation souveraine par la cour d’appel de l’existence d’un préjudice et l’évaluation de celui-ci ; que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen :

Vu l‘alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l’article 151 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l’article L. 3121-45 du code du travail dans sa rédaction alors applicable, interprété à la lumière de l’article 17, §§ 1 et 4, de la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;

Attendu, d’abord, que le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles ;

Attendu, ensuite, qu’il résulte des articles susvisés des directives de l’Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur ;

Attendu, enfin, que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ;

Attendu que pour débouter la salariée de sa demande d’annulation de la convention de forfait en jours et de ses demandes en paiement d’heures supplémentaires, d’indemnité au titre du repos compensateur, d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, l’arrêt retient, après avoir rappelé les dispositions de l’article 10.3.2. de la convention collective nationale des entreprises de commission, de courtage et de commerce intra communautaire et d’importation exportation de France Métropolitaine, que la salariée ne conteste pas sa qualité de cadre pouvant bénéficier du forfait jour, que l’article 10.3.2 de la convention collective précitée prévoit l’ensemble des garanties de nature à répondre aux exigences relatives au droit à la santé et au repos de sorte que la salariée, qui ne justifie pas sur quel fondement les dispositions relatives à la convention forfait jour devraient être annulées, doit être déboutée de sa demande de ce chef et de toutes les demandes subséquentes relatives aux heures supplémentaires, à l’astreinte, au repos compensateur et au travail dissimulé ;

Qu’en statuant ainsi, alors que les dispositions de l’article 10.3.2 de l’accord RTT du 7 juin 2000 pris en application de la convention collective nationale des entreprises de commission, de courtage et de commerce intra communautaire et d’importation exportation de France métropolitaine du 18 décembre 1952 qui se bornent à prévoir que le salarié doit bénéficier d’un temps de repos quotidien d’au moins 11 heures consécutives et d’un temps de repos hebdomadaire de 24 heures auquel s’ajoute le repos quotidien de 11 heures, sauf dérogation dans les conditions fixées par les dispositions législatives et conventionnelles en vigueur, que le forfait en jours s’accompagne d’un contrôle du nombre de jours travaillés, que l’employeur est tenu d’établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées travaillées ainsi que la qualification des jours de repos en repos hebdomadaire, congés payés, congés conventionnels ou jours de repos au titre de la réduction du temps de travail, ce document pouvant être tenu par le salarié sous la responsabilité de l’employeur et, enfin, que le salarié ayant conclu une convention de forfait en jours bénéficie chaque année d’un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées l’organisation et la charge de travail de l’intéressé, l’amplitude de ses journées d’activité, ne sont, en ne permettant pas à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé, ce dont elle aurait dû déduire que la convention de forfait en jours était nulle, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le quatrième moyen, qui est recevable :

Attendu que la cassation à intervenir sur le deuxième moyen emporte la cassation par voie de conséquence, en application de l’article 624 du code de procédure civile, du chef de l’arrêt qui déboute la salariée de sa demande de contrepartie financière pour les heures d’astreinte réalisées entre le 6 novembre 2007 et décembre 2010 ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il soit nécessaire de statuer sur le troisième moyen qui est subsidiaire :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déboute la salariée de ses demandes en paiement d’heures supplémentaires, d’indemnité au titre du repos compensateur et de contrepartie financière pour les heures d’astreintes réalisées entre le 6 novembre 2007 et décembre 2010, l’arrêt rendu le 9 décembre 2015, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Embraer Europe aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Embraer Europe à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept janvier deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour Mme Y....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt partiellement infirmatif attaqué d’AVOIR débouté Mme Y... de sa demande d’indemnité en réparation du préjudice moral subi du fait du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat faute d’avoir pris des mesures conservatrices et protectrices pour faire cesser les agissements de harcèlement moral dont elle était victime.

AUX MOTIFS QU’aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que l’article L. 1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu’en l’espèce, Mme Y... précise qu’avant de partir en congé, elle était chef de service administratif et marketing, statut cadre, de la division aviation d’affaires basée à Villepinte ; qu’elle avait à gérer une équipe de trois personnes ;qu’à cet égard, la salariée produit un organigramme de l’entreprise confirmant son statut et le nombre des salariés sous sa responsabilité ; que Mme Y... soutient qu’à son retour de congé sabbatique, elle a subi un harcèlement moral conjugué à un déclassement professionnel ; qu’elle fait ainsi état des agissements suivants de la part de son employeur qui, dès le 1er décembre 2011, auront pour effet de lui enlever toutes ses responsabilités et de la mettre à l’écart de l’entreprise : - elle expose qu’elle n’a pas été conviée à la réunion commerciale annuelle de l’entreprise qui se tenait du 30 novembre au 1er décembre 2011 à Londres alors que, du fait de son poste de chef de service, elle était conviée tous les ans à ce séminaire chargé de définir la stratégie commerciale et marketing de l’entreprise. - dès son retour dans l’entreprise, elle n’a plus été destinataire des mails de son responsable, A... B..., ce dernier ne l’incluant plus dans la liste des destinataires des mails professionnels ; qu’à cet égard, la salariée communique les attestations de Viviane D... , analyste marketing et de Patrick C..., coordinateur marketing, tous les deux salariés de la société EMBRAER et sous la responsabilité de Mme Y... ; qu’il ressort de ces témoignages que Mme Y..., “jusqu’en décembre 2010, a dirigé une équipe composée de 3, 4 personnes. Elle assurait l’interface directe entre notre vice-président A..., tous les 6/7 commerciaux et le siège social au Brésil.. .. Depuis son retour, le l er décembre 2011, notre vice-président a décidé de ne plus du tout l’impliquer dans notre organisation ... nous voyions Thaïs sans travail, exclue des listes de diffusion des différents e-mails pour toute la division.” (Mme E... ) ; qu’en outre, il est précisé que “avant son départ, je lui reportais car elle était manager de notre département marketing aviation d’affaires. Depuis son retour, nous ne lui reportions plus car elle n’a plus d’équipe à manager. En outre, elle n’est plus copiée dans les courriels échangés, ni invitée dans les réunions marketing. “(Patrick C...) ; qu’à cet égard, la salariée verse aux débats un courriel de Monsieur C... en date du 24 janvier 2012 dans lequel ce dernier lui fait suivre un message de A... B..., adressé à différents salariés, avec la mention “pour information, comme vous n’étiez pas en copie” ; - à son retour de congé, la salariée soutient ne pas avoir eu d’outil de travail et avoir été obligée de déménager son bureau sans qu’un autre lieu de travail ne lui soit attribué ; qu’elle argue du fait que pendant deux semaines, elle a été sans ordinateur ni téléphone et qu’après avoir obtenu un ordinateur, elle a appris que toutes ses données informatiques avaient été supprimées ; qu’au soutien de ses allégations, Mme Y... communique le mail envoyé à A... B... le 6 décembre 2011 dans lequel elle alerte ce dernier sur l’absence d’ordinateur depuis son retour ainsi que trois mails adressés au service informatique de la société le 8 décembre 2011, le 14 décembre 2011 et le 9 janvier 2012 pour pouvoir récupérer ses archives informatiques et la réponse de celui-ci précisant que “il s’avère que nous n’avons pas d’archives vous concernant. A l’époque de votre départ, nous n’avions reçu aucune consigne spécifique au sujet de votre ordinateur. Cet ordinateur a depuis été re-configuré et livré à un autre utilisateur.” ; qu’il est également versé aux débats l’échange de mail de la salariée avec Mathieu F... pour que celle-ci quitte son bureau pour permettre à une autre division de s’y installer ; qu’il en ressort qu’à l’issue de ce déménagement, aucun autre bureau n’était attribué à la salariée ; que la salariée expose qu’à son retour de congés, elle a d’une part été démise de ses fonctions managériales, son équipe dépendant désormais directement de son supérieur, Monsieur B... et d’autre part, été sans travail, son employeur lui exposant qu’il réfléchissait à une nouvelle organisation : que Mme Y... verse aux débats deux échanges de mails avec A... B... dans lesquels elle demande à ce dernier s’il a déjà déterminé “ses nouvelles activités et responsabilités” et la réponse de son supérieur lui indiquant “j’apporterai quelques modifications à la répartition des tâches de l’équipe donc l’organisation sera différente ; je vous préciserai cela en temps utile.” (Mail du 7 décembre 2011) puis “pas encore, je rentre tout juste du Brésil et essaierai de boucler cela dès que possible” (mail du 19 décembre 2011) ; qu’en outre, Mme Y... communique le courrier recommandé daté du 24 décembre 2011, adressé à A... B... dans lequel elle fait état de la nette dégradation de ses fonctions depuis son retour au sein de la société Embraer, énumère les différentes responsabilités qui lui ont été retirées depuis le 1er décembre 2011 et sollicite que lui soit confié “un poste identique ou similaire à celui occupé avant le congé sabbatique et de m’affecter une équipe identique ou similaire” ; qu’il est en outre produit le mail de réponse de Monsieur B... qui, le 23 janvier 2012, conteste toute rétrogradation de la salariée tout en confirmant que l’équipe de Mme Y... doit continuer à lui rendre compte directement comme “ils l’ont fait durant l’année précédente” ; que pour étayer la perte de ses fonctions managériales, Mme Y... se réfère aux attestations de Mme E... et Monsieur C... qui font état d’une “mise au placard évidente sans explication et moralement injuste pour elle” ainsi que de l’absence “d’équipe à manager” depuis son retour de congé sabbatique ; que la salariée mentionne également que le 15 décembre 2011, elle a été informée par courrier daté du même jour du projet de la société Embraer de transférer la direction aviations d’affaires en Angleterre, le corollaire étant le transfert de son contrat de travail à compter du 1er février 2012. Mme Y... indique que suite à cette reposition, et eu égard à l’absence de précisions quant aux fonctions et rémunérations afférentes à ce transfert de contrat, elle a décliné l’offre par courrier du 11 janvier 2012 ; que le même jour, la salariée indique avoir reçu de son employeur le descriptif du poste envisagé et dont les missions étaient les suivantes : “ est chargé de l’envoi par DHL de l’ensemble des courriers et plis DHL depuis le bureau du Royaume Uni, - est chargé de l’ensemble des courriers locaux, collecte et envoi depuis le Royaume Uni, - est chargé du bail, de la documentation, du photocopieur, des lignes téléphoniques, d’internet et des communications locales ; - est chargé de la documentation et de l’ensemble des badges de sécurité de l’aéroport qu’il s’agisse des salariés d’Embraer comme des visiteurs” ; que pour Mme Y..., ces nouvelles fonctions concrétisaient le déclassement dont elle était déjà victime puisque le poste proposé en Angleterre supprimait toute fonction d’encadrement et se réduisait à du secrétariat administratif. – qu’enfin, Mme Y... indique que la dégradation de ses conditions de travail et la perte de ses fonctions managériales ont eu une incidence sur sa santé et ont été la cause d’un état dépressif justifiant un arrêt de travail qui a été prolongé et d’une prise en charge médicale ; que la salariée verse à ce propos les justificatifs médicaux relatifs à ses arrêts de travail et à des prescriptions médicamenteuses ; qu’au regard de l’ensemble des éléments développés et versés par Mme Y..., cette dernière établit l’existence matérielle de faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral résultant d’un déclassement à son encontre ; qu’en réponse, la société Embraer conteste tout déclassement de Mme Y... dont le retour dans l’entreprise a été annoncé à l’ensemble des salariés de la société ; que si l’employeur ne conteste pas les problèmes matériels rencontrés par la salariée, il explique que le contexte était particulier puisque Mme Y... réintégrait son service alors que celui-ci était en pleine réorganisation ; que la société Embraer indique également que la salariée revenant d’un congé sabbatique de 11 mois, il était légitime que s’écoule un temps minimal d’adaptation pour que tant Mme Y... que l’employeur reprennent une relation de travail standard ; que de ce fait, la société Embraer explique que la salariée n’a pas été conviée à certaines réunions stratégiques soit parce qu’elle débutait le dernier jour de son congé soit parce qu’il importait que la salariée reprenne ses marques dans ses fonctions : qu’enfin, l’employeur soutient que la salariée avait toujours une équipe à gérer et qu’elle avait reçu pour mission de travailler sur un programme P3E ; qu’au soutien de ses allégations, la société EMBRAER produit notamment le mail adressé aux salariés de l’entreprise et daté du 1er décembre 2011 pour annoncer le retour de Mme Y... ainsi qu’un mail de Patrick C... daté du 19 février 2012 qui informe la salariée de son absence ; qu’en outre, il est communiqué les documents relatifs au programme P3E confié à la salariée et l’échange de courriers entre la DRH et Mme Y... ; qu’il ressort de ces pièces que si la salariée s’était vu confiée ce programme, elle n’a pour autant pas été associée au séminaire dédié au P3E le 16 janvier 2012 ; qu’enfin, la société Embraer produit les documents relatifs au projet de transfert de certaines divisions au Royaume Uni, projet qui au final ne se concrétisera pas ; que la cour relève que la société Embraer n’apporte aucune explication sur la suppression du nom de Mme Y... des listes de diffusion tant des mails professionnels que des mails de voeux de bonne année ; que l’employeur ne fournit pas davantage d’explication sur la disparition alléguée par la salariée de ces fonctions managériales ou sur le contenu de la proposition de poste au Royaume Uni, manifestement inadapté aux fonctions exercées par Mme Y... ; que la cour constate en outre que la société EMBRAER ne justifie d’aucun contact spontané avec la salariée au cours du mois de décembre 2011, les seuls mails produits ayant été émis en réponse à des sollicitations de Mme Y... qui s’étonnait de l’absence de travail ou de mauvaises conditions de travail : que cette absence de relation au mois de décembre 2011 ne peut valablement s’expliquer par un “temps d’adaptation normal” entre les parties ou encore le souci de la société que Mme Y... reprenne “ses marques”, cette dernière n’étant plus ni informée de l’avancée de projets initialement suivis par elle ni destinataire des mails professionnels ; qu’à cet égard, il apparait plus qu’étonnant, au regard de la nature du poste occupé précédemment par Mme Y... et de la structure de la société Embraer que celle-ci n’ait pas anticipé le retour de la salariée ; qu’en revanche, il est établi que depuis son retour, Mme Y... n’avait plus d’équipe à gérer et s’est vu retirer des missions ; qu’il est également démontré qu’à compter du 15 décembre 2011, cette dernière s’est vu proposer un transfert de contrat au Royaume Uni pour un poste dont le contenu correspond manifestement à un déclassement puisqu’il consiste en des missions de secrétariat ; que par conséquence, la cour constate qu’à son retour de congé sabbatique, Mme Y... a été victime de harcèlement moral caractérisé par une diminution importante de ses responsabilités et un déclassement qui ont pour conséquence une dégradation de sa santé physique et mentale

ET AUX MOTIFS QUE Sur les dommages et intérêts pour harcèlement moral et préjudice moral ; que Mme Y... ayant été victime de harcèlement moral, la cour fixera à la somme de 15.000 euros le montant de l’indemnité en réparation du préjudice de ce chef ; que la salariée sollicite également l’indemnisation de son préjudice moral lié au manquement de son employeur à son obligation de sécurité-résultat ; qu’en l’espèce, Mme Y... ne justifie pas de ce préjudice de sorte qu’elle sera déboutée de ce chef.

ALORS QUE manque à son obligation de sécurité de résultat en matière de harcèlement moral l’employeur qui ne justifie pas avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, n’a pas pris les mesures immédiates propres à le faire cesser ; que l’absence de prévention par l’employeur des faits de harcèlement moral ou son absence de mesures immédiates propres à faire cesser le harcèlement moral dénoncé par le salarié cause à ce dernier un préjudice moral distinct de celui résultant du harcèlement moral proprement dit justifiant une indemnisation distincte ; qu’en l’espèce la cour d’appel a constaté qu’à son retour de congé sabbatique, la salariée avait été victime de harcèlement moral caractérisé par une diminution importante de ses responsabilités et un déclassement qui avaient eu pour conséquence une dégradation de sa santé physique et mentale ; qu’elle a encore relevé que la salariée s’était plainte de cette situation auprès de son responsable, M. B..., vice-président de la société, par lettre du 24 décembre 2011 mais que ce dernier avait contesté toute rétrogradation par mail du 23 janvier suivant et que l’employeur contestait également tout déclassement ; qu’en déboutant la salariée de sa demande d’indemnisation du préjudice moral résultant du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat, faute de justifier d’un tel préjudice, lorsque le refus de l’employeur de prendre les mesures immédiates propres à faire cesser les agissements de harcèlement moral dénoncés par la salariée lui avait causé un préjudice moral distinct de celui résultant du harcèlement effectivement subi, la cour d’appel a violé les articles L. 1152-1, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt partiellement infirmatif attaqué d’AVOIR débouté Mme Y... de sa demande d’annulation de la convention de forfait en jours et de l’AVOIR en conséquence déboutée de ses demandes en paiement d’heures supplémentaires, d’indemnité au titre du repos compensateur et d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

AUX MOTIFS QUE Sur l’annulation de la convention forfait jours ; que Mme Y... sollicite l’annulation de la convention forfait jour auquelle elle était astreinte de par son contrat de travail ; qu’elle vise à cet effet la jurisprudence de la cour de cassation qui prévoit que si les stipulations conventionnelles ne sont pas de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, la convention de forfait prévue dans le contrat de travail du salarié est frappée de nullité ; qu’en réponse, la société Embraer fait valoir que la salariée a été rémunérée en tant que cadre au forfait sur une base de salaire conséquente, tenant compte de ses responsabilités et de son autonomie ; qu’il est établi que le temps de travail de la salariée s’inscrivait dans le cadre d’un forfait cadre de 209 jours mentionné dans ses bulletins de paie et que les relations contractuelles entre les parties étaient régies par la convention collective nationale des entreprises de commission, de courtage et de commerce intra communautaire et d’importation exportation de France Métropolitaine ; que celle-ci dispose en son article 10.3.2. que : “-les salariés concernés par la convention de forfait jours sont les personnes visées sont les cadres qui, compte tenu du niveau de leur responsabilité et de la latitude dont ils disposent dans l’organisation de leur travail, bénéficient de la plus large autonomie. En conséquence, leur salaire représente la contrepartie de leur mission et de la responsabilité y afférente. Les salariés visés par le point 10.3 ne sont pas concernés par l’article 7 du présent accord (relatif aux heures supplémentaires) -les salariés concernés par les présentes dispositions ne pourront dépasser le plafond de 214 jours travaillés. Ces journées de repos supplémentaires pourront être prises isolément ou regroupées dans les conditions suivantes : - pour la moitié des jours à l’initiative du salarié sous réserve de l’acceptation du chef d’entreprise ; - pour les jours restants, à l’initiative du chef d’entreprise. Ces journées de repos pourront être affectées, pour moitié, à un compte épargne-temps. Le temps de travail peut être réparti sur certains ou sur tous les jours ouvrables de la semaine. Le jour de repos hebdomadaire est en principe le dimanche, sauf dérogation dans les conditions fixées par les dispositions législatives et conventionnelles en vigueur. Le contrat de travail peut prévoir des périodes de présence nécessaires au bon fonctionnement de l’entreprise. Le salarié doit bénéficier d’un temps de repos quotidien d’au moins 11 heures consécutives, sauf dérogation dans les conditions fixées par les dispositions législatives et conventionnelles en vigueur. Le salarié doit également bénéficier d’un temps de repos hebdomadaire de 24 heures, auquel s’ajoute le repos quotidien de 11 heures, sauf dérogation dans les conditions fixées par les dispositions législatives et conventionnelles en vigueur. Le forfait en jours s’accompagne d’un contrôle du nombre de jours travaillés. L’employeur est tenu d’établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées travaillées, ainsi que la qualification des jours de repos en repos hebdomadaire, congés payés, congés conventionnels ou jours de repos au titre de la réduction du temps de travail. Ce document peut être tenu par le salarié sous la responsabilité de l’employeur. En outre, le salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours bénéficie, chaque année, d’un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées l’organisation et la charge de travail de l’intéressé, l’amplitude de ses journées d’activité.” ; qu’en l’espèce, la cour relève que Mme Y... ne conteste pas sa qualité de cadre pouvant bénéficier du forfait jour ; que d’autre part, s’il est constant que doivent être annulées les dispositions collectives qui ne précisent pas les garanties mises en place pour s’assurer de la santé et de la sécurité des travailleurs soumis au forfait jours, il a été jugé qu’étaient de nature à répondre aux exigences relatives au droit à la santé et au repos, les stipulations suivantes : - le forfait en jours s’accompagne d’un contrôle du nombre de jours travaillés afin de décompter le nombre de journées de travail, ainsi que les journées de repos prises ; - l’employeur est tenu d’établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées travaillées ainsi que le positionnement et la qualification des jours de repos (repos hebdomadaire, jours de congés payés, jours RTT) ; - le document de contrôle du temps de travail peut être tenu par le salarié sous la responsabilité de l’employeur ; - le supérieur hiérarchique assure le suivi régulier de l’organisation du travail du salarié et de sa charge de travail ; -le salarié bénéficie, chaque année, d’un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel sont évoquées l’organisation de son travail et sa charge de travail ainsi que l’amplitude de ses journées de travail ; qu’or l’article 10-3-2 de la convention collective précitée prévoit l’ensemble de ses garanties de sorte que la salariée, qui ne justifie pas sur quel fondement les dispositions relatives à la convention forfait jour devraient être annulées, sera déboutée de sa demande de ce chef et de toutes les demandes subséquentes relatives aux heures supplémentaires, à l’astreinte, au repos compensateur et au travail dissimulé.

1° - ALORS QUE toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; qu’à défaut, la convention de forfait en jours est nulle ; que les dispositions de l’article 10.3.2 de l’accord ARTT du 7 juin 2000 pris en application de la convention collective nationale des entreprises de commission, de courtage et de commerce intra communautaire et d’importation exportation de France métropolitaine, qui dans le cas de forfait en jours, se limitent à prévoir, s’agissant du suivi de la charge et de l’amplitude de travail du salarié concerné, un entretien annuel avec son supérieur hiérarchique, ne sont pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé, et donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié ; qu’en jugeant que de telles dispositions étaient de nature à répondre aux exigences relatives au droit à la santé et au repos et en refusant d’annuler la convention de forfait en jours conclue par la salariée, la cour d’appel a violé l’alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l’article 151 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l’article L. 3121-39 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige interprété à la lumière de l’article 17, paragraphes 1 et 4 de la directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, les articles 17, paragraphe 1, et 19 de la directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

2° - ALORS QUE les juge ne peuvent dénaturer les conclusions des parties ; que dans ses conclusions d’appel soutenues oralement à l’audience, la salariée soutenait que la convention de forfait en jours devait être annulée car les stipulations de l’accord collectif du 7 juin 2000 qui se limitaient à prévoir, s’agissant de la charge et de l’amplitude de travail du salarié, un entretien annuel avec son supérieur hiérarchique, n’étaient pas de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, comme l’avait déjà admis la Cour de cassation dans son arrêt du 26 septembre 2012 (pourvoi n°11-14540) (cf. ses conclusions d’appel, p.45, § 9 et 10 et p. 46, § 1 et 2) ; qu’en affirmant que la salariée ne justifiait pas sur quel fondement les dispositions relatives à la convention forfait jour devraient être annulées, la cour d’appel a dénaturé ses conclusions et violé l’article 4 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l’arrêt partiellement infirmatif attaqué d’AVOIR débouté Mme Y... de ses demandes en paiement d’heures supplémentaires, d’indemnité au titre du repos compensateur et d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

AUX MOTIFS visés au deuxième moyen

1° - ALORS QUE toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; que le non-respect par l’employeur de ces stipulations destinées à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié prive d’effet la convention de forfait et permet au salarié d’obtenir le paiement des heures supplémentaires ; que les dispositions de l’article 10.3.2 de l’accord ARTT du 7 juin 2000 pris en application de la convention collective nationale des entreprises de commission, de courtage et de commerce intra communautaire et d’importation exportation de France métropolitaine prévoient que le salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours bénéficie, chaque année, d’un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoqués l’organisation et la charge de travail de l’intéressé, l’amplitude de ses journées d’activité ; qu’en l’espèce, à l’appui de ses demandes en paiement d’heures supplémentaires, d’indemnité pour repos compensateur et d’indemnité pour travail dissimulé, la salariée soutenait sans être contestée que l’employeur n’avait pas respecté ces dispositions conventionnelles en n’ayant jamais mis en place le moindre entretien de nature à contrôler sa charge de travail de sorte que la convention de forfait devait être privée d’effet (cf. ses conclusions d’appel, p. 46, § 2 et 5) ; qu’en se bornant à relever, pour la débouter de ses demandes, que les dispositions de l’article 10.3.2 prévoyaient les garanties nécessaires pour s’assurer de la santé et de la sécurité des travailleurs sans rechercher, comme elle y était invitée, si l’employeur avait effectivement respecté les obligations de suivi et de contrôle mises à sa charge par l’article 10.3.2 de l’accord ARTT du 7 juin 2000, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, de l’article 151 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, de l’article L. 3121-39 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige interprété à la lumière de l’article 17, paragraphes 1 et 4 de la directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, les articles 17, paragraphe 1, et 19 de la directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

2° - ALORS QUE la méconnaissance par l’employeur de son obligation légale d’organiser un entretien annuel individuel avec le salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l’année, mesure destinée à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié , prive d’effet la convention de forfait et permet au salarié d’obtenir le paiement des heures supplémentaires ; qu’en l’espèce, à l’appui de ses demandes en paiement d’heures supplémentaires, d’indemnité pour repos compensateur et d’indemnité pour travail dissimulé, la salariée soutenait, sans être contestée, que l’employeur n’avait pas respecté les dispositions légales de l’article L. 3121-46 du code du travail, faute d’avoir organisé cet entretien annuel individuel, de sorte que la convention de forfait devait être privée d’effet (cf. ses conclusions d’appel, p. 46 § 2 et 5 et p. 47, § 3 et 4) ; qu’en se bornant à relever, pour la débouter de ses demandes, que les dispositions de l’article 10.3.2 prévoyaient les garanties nécessaires pour s’assurer de la santé et de la sécurité des travailleurs sans rechercher, comme elle y était invitée, si l’employeur avait effectivement respecté les obligations légales mises à sa charge par l’article L. 3121-46 du code du travail, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de cet article, de l’alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, de l’article 151 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, de l’article L. 3121-39 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige interprété à la lumière de l’article 17, paragraphes 1 et 4 de la directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, les articles 17, paragraphe 1, et 19 de la directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt partiellement infirmatif attaqué d’AVOIR débouté Mme Y... de sa demande de contrepartie financière pour les heures d’astreintes réalisées entre le 6 novembre 2007 et décembre 2010.

AUX MOTIFS visés au deuxième moyen.

1° - ALORS QUE le temps d’astreinte n’étant pas du temps de travail effectif pris en compte dans la durée du travail, le droit du salarié d’obtenir le paiement de ses astreintes est indépendant de la validité de la convention de forfait fixant seulement un nombre de jours travaillés ; qu’en déboutant la salariée de sa demande d’indemnisation de ses heures d’astreinte imposées par l’employeur, lequel se bornait à contester leur réalité, au prétexte inopérant que la salariée était déboutée de sa demande d’annulation de la convention de forfait jours, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-5 et L. 3121-7 du code du travail.

2° - ALORS subsidiairement QUE la cassation à intervenir de l’arrêt déboutant la salariée de sa demande d’annulation de la convention de forfait jours entraînera par voie de conséquences la censure de l’arrêt la déboutant de sa demande en paiement des heures d’astreintes, en application de l’article 624 du code de procédure civile. Publication :

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris , du 9 décembre 2015