Demande à l’employeur de régulariser le versement des cotisations et dommages et intérêts oui

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 3 juillet 2019

N° de pourvoi : 17-20116

ECLI:FR:CCASS:2019:SO01088

Non publié au bulletin

Cassation partielle

M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président), président

SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. Y..., a été engagé en qualité d’agent de sécurité, par la société Vigie Kal sécurité privée par avenant du 22 mai 2010 ; qu’une liquidation de la société a été ouverte le 9 janvier 2012 et que M. O... a été désigné liquidateur judiciaire ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen :

Vu l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l’article R. 351-11 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable ;

Attendu que le paiement des cotisations sociales obligatoires afférentes à la rémunération des salariés, qu’elles soient d’origine légale ou conventionnelle, est pour l’employeur une obligation résultant de l’exécution du contrat de travail ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de régularisation du paiement des cotisations sociales afférentes aux salaires versés en 2011, de sa demande de transmission à l’URSSAF, à destination de la CNAV des déclarations annuelles des données sociales et de sa demande de dommages-intérêts pour défaut de paiement des cotisations, l’arrêt retient qu’en vertu de l’article R. 351-11 du code de la sécurité sociale, les cotisations précomptées qui figurent sur les bulletins de paie sont prises en considération pour le calcul des pensions de retraite, qu’ainsi la prétention du salarié, de même que celle, corrélative, tendant à la communication des déclarations annuelles des données sociales, sont sans objet et ne peuvent qu’être rejetées, qu’enfin la demande de dommages-intérêts pour défaut de paiement des cotisations est sans fondement, aucun préjudice n’étant établi ;

Qu’en statuant ainsi, alors que la validation par présomption des périodes non cotisées instituée par l’article R. 351-11 du code de la sécurité sociale, ne vaut, pour le calcul des pensions, que pour la part salariale des cotisations au régime d’assurance vieillesse obligatoire, à hauteur des cotisations précomptées sur le salaire de l’assuré, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette les demandes de M. Y... de fixer au passif de la liquidation de la société Vigie Kal sécurité privée certaines sommes au titre des parts salariales brutes du régime général de retraite de l’année 2011, au titre des part salariales brutes du régime complémentaire de retraite de l’année 2011 et au titre du préjudice pour défaut de paiement des cotisations aux deux régimes de retraite, d’ordonner à M. O..., ès qualités, de payer à l’URSSAF, à destination de la CNAV, une fois l’avance correspondante faite par l’AGS, une certaine somme, de lui remettre une fiche de paye récapitulative indiquant la régularisation des parts salariales brutes, de transmettre à l’URSSAF, à destination de la CNAV la DADS de l’année, l’arrêt rendu le 5 juillet 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne M. O..., ès qualités, aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne M. O..., ès qualités à payer la somme de 3 000 euros à la SCP Bouzidi et Bouhanna ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois juillet deux mille dix-neuf. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour M. Y....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

LE POURVOI REPROCHE A L’ARRÊT CONFIRMATIF ATTAQUÉ D’AVOIR débouté l’exposant de ses demandes tendant notamment à voir fixer sa créance au passif de la société VIGIE KAL SECURITE PRIVEE à titre d’indemnité pour travail dissimulé et voir ordonnée la garantie de l’AGS ;

AUX MOTIFS QUE sur l’indemnité pour travail dissimulé ; qu’il ressort des pièces aux dossiers et n’est pas contesté par l’appelant que le contrat de travail liant celui-ci à la société VIGIE KAL SECURITE PRIVEE – dont la preuve de la rupture n’est pas rapportée - a été repris en réalité par une société EVENT SECURITE ; qu’or, en cas de reprise du contrat de travail, l’indemnité pour travail dissimulé n’est due qu’une seule fois, par l’employeur qui rompt le contrat ; que dans ces conditions l’indemnité requise ne saurait être mise à la charge de la société VIGIE KAL SECURITE PRIVEE et la demande formée de ce chef sera rejetée ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le caractère intentionnel du délit de travail dissimulé doit être caractérisé, qu’en l’occurrence aux vues des pièces remises au Conseil par les parties et des plaidoiries lors du bureau de jugement le délit intentionnel de travail dissimulé est caractérisé ; que cependant en cas de reprise de contrat, l’indemnité accordée au titre du travail dissimulé n’est due qu’une seule fois en application de l’article L 8223-1 du code du travail qui indique que : en cas de rupture de la relation de travail le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L 8223-1

a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire, qu’en l’espèce il appartient à la société EVENTS SECURITE dernière entreprise à avoir repris le contrat de travail de régler éventuellement la réclamation du salarié ; qu’en conséquence, M. Y... sera débouté de sa demande au titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;

1°) ALORS QU’en cas de rupture de la relation de travail, quel qu’en soit l’auteur, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L.8221-3 du Code du travail ou en commettant les faits prévus à l’article L.8221-5 dudit Code, a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire à l’encontre de cet employeur ; qu’en cas de reprise conventionnelle du contrat de travail, le salarié retrouve son droit à indemnité forfaitaire pour travail dissimulé à l’encontre de son ancien employeur, auteur du travail dissimulé, lorsque son contrat de travail est rompu par son nouvel employeur ; qu’ayant relevé qu’en l’espèce, les conditions d’un travail dissimulé imputable à la société VIGIE KAL SECURITE PRIVEE étaient réunies, la Cour d’appel qui, pour débouter l’exposant de sa demande en paiement d’une indemnité pour travail dissimulé à l’encontre de cet employeur, se borne à constater que le contrat de travail avait été repris par la société EVENTS SECURITE nouveau titulaire du marché, en exécution d’un accord de maintien des emplois, et retient que l’indemnité pour travail dissimulé n’est due qu’une seule fois, par l’employeur qui rompt le contrat, ajoutant même par motifs adoptés qu’il appartient à la société EVENTS SECURITE, dernière entreprise à avoir repris le contrat de travail, de régler éventuellement la réclamation du salarié, la Cour d’appel a violé les articles L 1221-1, L 1234-9 et L.8223-1 du Code du travail ;

SECOND MOYEN DE CASSATION

LE POURVOI REPROCHE A L’ARRÊT CONFIRMATIF ATTAQUÉ D’AVOIR débouté l’exposant de toutes ses demandes à l’exclusion de celles relatives au rappel d’heures supplémentaires et de la prime conventionnelle d’ancienneté ;

AUX MOTIFS QUE, Sur le défaut de paiement des cotisations sociales et le préjudice subséquent invoqué ; que M. Y... sollicite que la cour ordonne à Me O... ès qualités, de verser aux organismes sociaux compétents le paiement des cotisations patronales et salariales qui ont été éludées par la société VIGIE KAL SECURITE PRIVEE ; que, cependant, Me O... ès qualités, rappelle à bon droit qu’en vertu de l’article R 351-11 du code de sécurité sociale, les cotisations précomptées qui figurent sur les bulletins de salaire de l’appelant sont prises en considération pour le calcul des pensions de retraite ; qu’ainsi cette prétention de l’appelant, de même que celle, corrélative, tendant à voir communiquer les « DADS » aux organismes sociaux sont sans objet et ne peuvent qu’être rejetées ; qu’il s’ensuit également que la demande de dommages et intérêts formée par l’appelant à raison du défaut de paiement des cotisations est sans fondement, aucun préjudice n’étant établi par l’appelant ; qu’enfin, la demande tendant à voir inscrit au passif de la liquidation, le montant des cotisations sociales impayées, sans objet au regard des motifs qui précèdent, est aussi irrecevable pour défaut de qualité de l’appelant à former une telle prétention, en application des articles L 212-3 et suivants du code de la sécurité sociale, selon lesquels seules les URSSAF ont qualité pour agir en cas de non-paiement des cotisations sociales par l’employeur ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Sur la demande de fixation de créances à MALAKOFF MEDERIC ; que selon les dispositions de la règlementation AGIRC ARRCO au point VII.1.3, services accomplis dans des entreprises en situation irrégulière : « Des points de retraite sont inscrits au compte des participants en contrepartie des cotisations effectivement versées par l’employeur : auprès d’une institution membre de l’AGIRC, pour les services effectués par les participants concernés, à compter du 1er avril 1947 ou de la date d’application du régime de retraite des cadres faisant suite à une extension professionnelle ou à la mise en oeuvre de la loi de généralisation de la retraite complémentaire, auprès d’une institution membre de l’ARRCO pour les services effectués par les participants concernés, à compter du 1er janvier 1976 ; que cette date correspond, pour les départements d’outre-mer, au 1er juillet 1976, hormis le cas des salariés employés au service des particuliers dans l’un de ces départements, pour lesquels l’affiliation au régime ARRCO est devenu obligatoire à compter du 1er juillet 2001, sans validation de services passés. Dans le cadre d’entreprises en situation irrégulière, ces services ne sont validés au titre de l’AGIRC et/ou de l’ARRCO que si les deux conditions suivantes sont satisfaites : avoir donné lieu au versement des cotisations vieillesse de sécurité sociale, et avoir fait l’objet du précompte correspondant à la part salariale des cotisations » ; qu’en l’espèce, les droits de M. Y... B... concernant l’octroi de ces points de retraite complémentaire sont préservés, même si l’employeur n’a pas versé les cotisations à la Caisse de retraite complémentaire MALAKOFF MEDERIC, qu’il appartient à M. Y... B... d’effectuer les diligences nécessaires au succès de sa prétention auprès du Groupe MALAKOFF MEDERIC ; qu’en conséquence, M. Y... B... sera débouté de sa demande au titre du Groupe MALAKOFF MEDERIC ;

1°) ALORS D’UNE PART QUE le manquement de l’employeur à son obligation de s’acquitter du paiement des cotisations patronales aux régimes d’assurance vieillesse général et complémentaire cause un préjudice au salarié dès lors que les dispositions des articles R 351-11 IV et L 351-2 du code de la sécurité sociale ne concernent que la prise en compte, pour le calcul des pensions, de la part salariale des cotisations d’assurance vieillesse précomptée sur le salaire de l’assuré ; qu’en se fondant sur les dispositions de l’article R 351-11 IV pour débouter l’exposant de sa demande au titre du préjudice subi à raison du défaut de paiement par l’employeur des cotisations patronales des deux régimes de retraite, la Cour d’appel a violé les textes susvisés, ensemble l’article 1147 du Code civil dans sa version applicable à l’espèce ;

2°) ALORS D’AUTRE PART QUE les dispositions de l’article R 351-11 IV du code de la sécurité sociale sont exclusivement relatives au régime général de retraite et non aux régimes complémentaires de retraite ; qu’en retenant qu’en vertu de ce texte, les cotisations précomptées qui figurent sur les bulletins de salaire sont prises en considération pour le calcul des pensions de retraite, pour débouter l’exposant de toutes ses demandes au titre du régime complémentaire de retraite, la Cour d’appel a violé les dispositions du texte susvisé, ensemble l’article L 351-2 du code de la sécurité sociale ;

3°) ALORS DE TROISIEME PART, et à titre subsidiaire, QU’à supposer qu’elle ait retenu, par motifs adoptés des premiers juges, au soutien du rejet des demandes de l’exposant relatives au régime complémentaire de retraite que « selon les dispositions de la réglementation AGIRC/ARRCO au point VII.1.3 Services accomplis dans des entreprises en situation irrégulière :

« dans le cas d’entreprises en situation irrégulière ces services ne sont validés au titre de l’AGIRC et/ou de l’ARRCO que si les deux conditions suivantes sont satisfaites : avoir donné lieu au versement des cotisations vieillesse de sécurité sociale et avoir fait l’objet du précompte correspondant à la part salariale des cotisations », de sorte que les droits de Monsieur Y... concernant l’octroi de ces points de retraite complémentaire sont préservés, même si l’employeur n’a pas versé les cotisations à la caisse de retraite complémentaire MALAKOFF MEDERIC et qu’il appartient à Monsieur Y... d’effectuer les diligences nécessaires au succès de sa prétention auprès du Groupe MALAKOFF MEDERIC, la Cour d’appel qui n’a nullement constaté que la situation de l’exposant avait donné lieu au versement des cotisations vieillesse de Sécurité sociale, n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’accord ARRCO du 8 décembre 1961 et de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 ;

Décision attaquée : Cour d’appel de Versailles , du 5 juillet 2016