Repreneur débiteur si L.1224-1 du code du travail applicable

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 11 mai 2016

N° de pourvoi : 14-17496

ECLI:FR:CCASS:2016:SO00938

Publié au bulletin

Cassation partielle

M. Frouin (président), président

SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Gatineau et Fattaccini, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée en qualité de serveuse par la société DSPR selon contrat à temps partiel du 22 avril 2001 ; qu’à la suite de la cession du fonds de commerce de cette société le 8 mars 2010, son contrat de travail a été transféré à la société Garouda ; que la salariée a saisi la juridiction prud’homale pour obtenir la requalification de son contrat de travail en contrat à temps plein, sa résiliation judiciaire et le paiement de diverses sommes ; qu’elle a été licenciée le 22 décembre 2010 ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal de la salariée, qui est recevable :
Vu l’article L. 3123-14 du code du travail ;
Attendu selon ce texte que le contrat écrit du salarié à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; qu’il en résulte que l’absence d’écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l’emploi est à temps complet et qu’il incombe à l’employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d’autre part que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur ;
Attendu que pour débouter la salariée de ses demandes de requalification de son contrat de travail en un contrat à temps plein et de rappel de salaire à ce titre, l’arrêt retient, en premier lieu que le contrat de travail prévoit comme jours de travail le vendredi ou le samedi ou le vendredi et le samedi selon les horaires suivants : 23 heures à 3 heures ou 24 heures à 4 heures, que cette formulation ne répond pas aux exigences de l’article L. 3123-14 du code du travail puisque n’est pas mentionnée la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail et que celle-ci est susceptible de varier selon que la salariée travaille le vendredi et le samedi ou seulement un de ces jours et que demeure ignoré selon quelle périodicité elle est amenée à travailler deux jours consécutifs, en second lieu que la société DSPR justifie par la production des plannings mensuels pour les années 2005 à mars 2010, comprenant le nom des salariés et les jours travaillés et les horaires de travail que la salariée était informée des jours durant lesquels elle devait travailler dans le mois et selon quel horaire de 24 heures à 4 heures ou de 23 heures à 3 heures, qu’il s’ensuit que l’intéressée qui travaillait au plus deux jours consécutifs les fins de semaine ne devait pas se tenir constamment à la disposition de son employeur puisqu’elle était informée du rythme auquel elle travaillait ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’ayant constaté que le contrat de travail à temps partiel ne répondait pas aux exigences de l’article L. 3123-14 du code du travail, la cour d’appel, qui ne pouvait écarter la présomption de travail à temps complet qui en résultait sans constater que l’employeur faisait la preuve de la durée de travail exacte, mensuelle ou hebdomadaire, convenue, a violé le texte susvisé ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi principal de la salariée :
Vu les articles L. 1224-2 et L. 8223-1 du code du travail ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande dirigée contre la société Garouda, l’arrêt retient que le nouvel employeur ne peut être tenu de la créance de dommages et intérêts pour travail dissimulé qui sanctionne la faute de la société DSPR qui sera seule condamnée à payer la somme allouée à ce titre à la salariée ;
Attendu cependant que si l’indemnité pour travail dissimulé prévue par l’article L. 8223-1 du code du travail est due en raison de l’inexécution par l’employeur de ses obligations, elle n’est exigible qu’en cas de rupture de la relation de travail ;
Qu’en statuant comme elle l’a fait, alors qu’elle avait retenu que le contrat de travail avait été transféré de plein droit à la société Garouda en application de l’article L. 1224-1 du code du travail, ce dont elle aurait dû déduire que la salariée était fondée à demander au nouvel employeur, qui avait prononcé son licenciement, le paiement d’une indemnité pour travail dissimulé, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le troisième moyen du pourvoi principal de la salariée :
Vu l’article 16 du code de procédure civile ;
Attendu que pour condamner la société Garouda au paiement d’une somme à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’arrêt retient que la salariée bénéficiait d’une ancienneté de neuf années au sein de l’entreprise à la date du licenciement, qu’elle n’a communiqué aucun élément sur sa situation, qu’il convient d’évaluer à la somme 2 000 euros le montant de l’indemnité allouée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l’article L. 1235-5 du code du travail ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’il ne résulte ni de l’arrêt ni des pièces de la procédure que les parties aient soutenu que les conditions d’application de l’article L. 1235-5 du code du travail étaient remplies, la cour d’appel, qui a relevé d’office ce moyen sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations, a violé le texte susvisé ;
Et attendu que la cassation sur les premier et deuxième moyens du pourvoi principal entraîne la cassation par voie de dépendance des chefs visés par les trois moyens du pourvoi incident ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déboute la salariée de sa demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet, en ce qu’il condamne in solidum la société Garouda et la société DSPR à payer à la salariée des sommes à titre de rappel d’heures complémentaires et de congés payés afférents, en ce qu’il rejette la demande de condamnation de la société Garouda au paiement d’une indemnité pour travail dissimulé, en ce qu’il condamne la société DSPR à payer à la salariée la somme de 3 420 euros au titre du travail dissimulé, en ce qu’il limite les sommes allouées à la salariée à 1 140 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, à 114 euros au titre des congés payés afférents, à 1 026 euros à titre d’indemnité de licenciement et à 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’arrêt rendu le 6 mars 2014, entre les parties, par la cour d’appel d’Orléans ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Bourges ;
Condamne les sociétés DSPR et Garouda aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, les condamne in solidum à payer la somme de 3 000 euros à Mme X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour Mme X..., demanderesse au pourvoi principal.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR débouté Madame X... de sa demande tendant à la requalification du contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps plein et d’AVOIR, en conséquence, limité le montant des condamnations mises respectivement à la charge des sociétés DSPR et GAROUDA aux sommes de 8. 900 € à titre de rappel d’heures complémentaires pour les fonctions de serveuse entre septembre 2005 et mars 2010, 890 € au titre des congés payés y afférents, 10. 400 € à titre de rappel d’heures complémentaires pour la distribution de tracts durant la même période, 1. 040 € au titre des congés payés y afférents, 3. 420 € à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, 1. 140 € à titre d’indemnité de préavis, 114 € au titre des congés payés y afférents, 1. 026 € à titre d’indemnité de licenciement et 2. 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la demande de requalification du contrat à temps plein : Selon l’article L. 3123-14 du code du travail, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit. Il mentionne : 1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, ta durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d’aide à domicile et tes salariés relevant d’un accord collectif de travail conclu en application de l’article L. 3122-2, ta répartition de la durée du travail entre tes jours de ta semaine ou les semaines du mois ; 2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ; 3° Les modalités selon lesquelles tes horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d’aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ; 4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat. L’absence de contrat de travail écrit ou des mentions Légales exigées fait présumer que l’emploi est à temps complet et il incombe à l’employeur, qui conteste cette présomption, de rapporter la preuve, d’une part, de ta durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d’autre part que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’était pas contraint de se tenir constamment à la disposition de son employeur. En l’espèce le contrat de travail est ainsi rédigé s’agissant des horaires de travail le vendredi ou le samedi ou le vendredi et le samedi selon les horaires 1) 23 heures à 3 heures ou les horaires 2) de 24 heures à 4 heures. Cette formulation ne répond pas aux exigences de l’article précité puisque n’est pas mentionnée la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail et que celle-ci est susceptible de varier selon que la salariée travaille te vendredi et le samedi ou seulement un de ces jours et que demeure ignoré selon quelle périodicité il est amené à travailler deux jours consécutifs. Toutefois ta société D. S. P. R. justifie par ta production des plannings mensuels pour les années 2005 à mars 2010, comprenant le nom des salariés et les jours travaillés et tes horaires de travail que Madame X... était informée des jours durant lesquels elle devait travailler dans le mois et selon quel horaire de 24 heures à 4 heures ou de 23 heures à 3 heures. Il s’ensuit que Madame X... qui travaillait au plus deux jours consécutifs les fins de’semaine ne devait pas se tenir constamment à ta disposition de son employeur puisqu’elle était informée du rythme auquel elle travaillait. Il convient, en conséquence, de la débouter de sa demande tendant à la requalification du contrat de travail à temps plein et de ses demandes de rappel de salaires et de congés payés y afférents. 2) Sur les heures complémentaires : Sur les heures complémentaires en qualité de serveuse : Aux termes de l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par te salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si la preuve des horaires de travail effectués n’incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l’employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande. En l’espèce, Madame X... expose qu’elle effectuait un nombre d’heures de travail très supérieur à celui prévu au contrat et à celles reportées sur ses bulletins de salaire. Pour étayer ses dires, elle produit un décompte manuel des heures complémentaires dont elle réclame le paiement ainsi que 19 attestations dont 18 émanant d’anciens salariés. Monsieur Yann Y... atteste qu’il déposait Madame X... à son travail et la raccompagnait à la fermeture et qu’elle embauchait pour 22 heures 30 et finissait à 6 heures voir 7 heures au plus tard. Messieurs Arnaud Z..., Medhat S..., Wesley A..., César T..., Sébastien B..., Sylvain C..., Emmanuel D..., Mesdames Aurore E..., Milène F..., Laurine G..., Stéphanie H..., Métissa I..., Maddy J..., Hélène K..., Sophie L..., Aurélie M..., Estelle N..., Gaëlle O... anciens salariés déclarent avoir travaillé à la discothèque selon tes horaires suivants : de 21 heures 45, 22 heures ou 22 heures 30 pour ta prise de service jusqu’à 5 heures ou 6 heures et parfois plus tard. Messieurs Sébastien B... et Sylvain C... précisent que Madame X... restait pour faire le ménage après leur départ à 5 heures 30. Le salarié produit ainsi des éléments préalables qui peuvent être discutés par l’employeur et qui sont de nature à étayer sa demande. L’employeur qui conteste que la salariée ait réalisé des heures complémentaires produit des carnets de factures comportant les relevés mensuels du nombre d’heures effectués par semaine entre mai 2008 et février 2010. Madame X... conteste avoir signé ces documents à partir du mois de juillet 2008. Madame Estelle N... atteste qu’elle et Madame X... ont refusé de signer les factures présentées par Monsieur R.... Il ressort de l’examen de ces documents que le relevé du mois de mai supporte une signature qui comporte la rédaction en toutes lettres du nom de Madame X... et que la signature figurant sur ta facture du mois de juin, dont elle ne conteste pas en être te scripteur, est un simple paraphe. Or, la comparaison de ce paraphe qui reprend le début de sa signature, avec ceux apposées sur les factures des mois suivants révèlent des différences significatives qui permettent d’accorder crédit à sa contestation. Par ailleurs, Mesdames Stéphanie P..., Hélène K..., Charlène Q..., Estelle N... et Monsieur Sylvain C... témoignent que les factures que Monsieur R... leur faisait signer tors de ta remise des bulletins de paie, reprenaient le nombre d’heures payées et non celles réalisées qui était supérieur. Dès lors, il ne sera pas tenu compte de ces factures qui sont contredites par tes témoignages produits. Il n’y pas lieu de douter des nombreux témoignages communiqués concernant les horaires de travail réalisés, ceux-ci étant cohérent et parfaitement conformes à la nature de l’activité de l’établissement, s’agissant d’une discothèque, ce d’autant, comme te relève certains anciens salariés que le ménage restait à effectuer après le départ des clients. Il ressort également des attestations que les salariés ne bénéficiaient pas de pauses durant la soirée. Madame X... ayant saisi le conseil de prud’hommes te 7 septembre 2010, elle est fondée à réclamer les heures complémentaires dans la limite de ta prescription, soit depuis te 7 septembre 2005 et jusqu’au mois de mars 2010. L’examen des plannings communiqués par ta société et des relevés d’heures complémentaires établis par Madame X... révèle qu’elle a comptabilisé des heures au titre de jours au cours desquels elle n’a pas travaillé notamment te vendredi 2 mai et le vendredi 23 mai 2008, étant précisé que le planning supporte son paraphe. Au surplus il ressort des plannings qu’elle ne travaillait pas deux jours toutes les fins de semaines. Ainsi au vu des éléments produits de part et d’autre, et sans qu’il soit besoin d’une mesure d’instruction, la cour a ta conviction au sens du texte précité que Madame X... a bien effectué des heures complémentaires mais dans une proportion moindre que celles réclamées et dans la limite de la somme de 8 900 euros, outre 890 euros de congés payés y afférents.- Sur les heures complémentaires pour distribution de tracts : Madame X... rapporte la preuve par les 17 témoignages de commerçants installés dans 11 villes ou bourgs différents situés en Indre et Loire et dans la Vienne qu’elle déposait chez eux chaque semaine, puis une fois par mois à compter du mois de juin 2008 des affiches et publicités pour la discothèque le “ Stardust “. Il est établi par les témoignages des anciens salariés et notamment de Messieurs A..., S..., Z... et de Mesdames K..., J... et M... que Madame X... emportait le dimanche matin les cartons contenant les affiches et entrées à distribuer chez les commerçants. Mesdames E... et F... attestent qu’elles effectuaient également comme Madame X... une tournée publicitaire chez les commerçants d’une distance d’environ 250 kilomètres pour laquelle elles étaient rémunérées en espèce 80 euros par la société D. S. P. R.. Il résulte de ces éléments la preuve suffisante que Madame X... a bien effectué un travail de distribution d’affiches pour le compte de la société D. S. P. R. et à sa demande, puisque l’employeur fournissait tes cartons d’affiches et d’entrées gratuites et rémunérait ce travail en numéraire. Toutefois, le nombre d’heures comptabilisé par Madame X... est manifestement excessif au regard du travail effectué et des distances parcourues. Ainsi au vu des éléments produits, la cour a la conviction que Madame X... a effectué des heures complémentaires au titre de la distribution des publicités à concurrence de 10 400 euros, outre 1 040 euros au titre des congés payés y afférents » ;
1°/ ALORS, TOUT D’ABORD, QU’il résulte de l’article L. 3123-14 du Code du travail que le contrat écrit du salarié à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; qu’il en résulte que l’absence d’écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l’emploi est à temps complet et qu’il incombe à l’employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d’autre part, de ce que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur ; que la cour d’appel, qui a constaté que le contrat de travail de Madame X... n’était pas conforme aux dispositions précitées, a estimé que les plannings mensuels produits aux débats par la société DSPR, comprenant le nom des salariés et les jours travaillés ainsi que les horaires de travail, établissaient que la salariée était informée des jours durant lesquels elle devait travailler et selon quel horaire ; qu’en statuant de la sorte, sans rechercher si la salariée avait eu effectivement connaissance à l’avance desdits plannings, et de surcroît dans un délai suffisant pour lui permettre de prévoir à quel rythme elle devait travailler, ce que la salariée contestait, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du texte précité ;
2°/ ALORS, ENSUITE, QUE la cour d’appel a expressément constaté que les plannings produits aux débats par la société DSPR ne correspondaient pas aux horaires de travail réellement effectués par la salariée qui avait régulièrement travaillé au-delà des horaires et en dehors des jours mentionnés par lesdits plannings ; qu’en affirmant cependant, sur la seule foi de ces documents, que Madame X... pouvait prévoir à quel rythme elle devait travailler, la cour d’appel a méconnu les conséquences légales qui s’évinçaient de ses propres constatations au regard de l’article L. 3123-14 du Code du travail ;
3°/ ALORS, ENFIN ET EN TOUTE HYPOTHÈSE, QU’il résulte de l’article L. 3123-14 du Code du travail que le contrat écrit du salarié à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; qu’il en résulte que l’absence d’écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l’emploi est à temps complet et qu’il incombe à l’employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d’autre part, de ce que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur ; que la cour d’appel a constaté, d’une part que le contrat de travail ne fixait pas la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, laquelle était selon les dispositions contractuelles susceptible de varier de quatre à huit heures par semaine et d’autre part, que Madame X... avait accompli de nombreuses heures de travail au-delà des périodes de travail potentielles mentionnées par le contrat ; qu’en déclarant que la présomption de contrat de travail à temps plein était renversée, sans constater que l’employeur apportait la preuve de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, la cour d’appel a violé l’article L. 3123-14 du Code du travail.
DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR condamné la seule société DSPR, employeur initial, à payer à Madame X... une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, et d’AVOIR débouté cette dernière de cette demande en tant qu’elle était également dirigée contre la société GAROUDA tenue in solidum ;
AUX MOTIFS QU’« en revanche, la société GAROUDA ne peut être tenue de la créance de dommages et intérêts pour travail dissimulé qui sanctionne la faute de la société DSPR qui sera seule condamnée à payer la somme allouée à ce titre à Madame X... » ;
ALORS QUE lorsque le contrat de travail est transféré sur le fondement de l’article L. 1224-1 du Code du travail dans le cadre d’une convention conclue entre les employeurs successifs et que le nouvel employeur, tenu aux obligations qui incombaient à l’ancien employeur à la date du transfert, refuse de réintégrer le salarié dont le contrat est transféré, il est tenu de payer l’ensemble des indemnités résultant de cette rupture y compris, le cas échéant et sans préjudice de son recours contre le précédent employeur, l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé prévue par l’article L. 8223-1 du Code du travail ; qu’en jugeant du contraire, la cour d’appel a violé les articles L. 1224-1, L. 1224-2 et L. 8223-1 du Code du travail.
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR dit que Madame X... pouvait prétendre à une indemnité pour licenciement abusif sur le fondement de l’article L. 1235-5 du Code du travail et non à l’indemnité minimale prévue par l’article L. 1235-3 du même Code et d’AVOIR, en conséquence, limité l’indemnité allouée pour le caractère injustifié du licenciement à la somme de 2. 000 € ;
AUX MOTIFS QUE « Sur l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse : À la date du licenciement, Madame X... était âgée de 35 ans et bénéficiait d’une ancienneté de 9 années au sein de l’entreprise, sa rémunération mensuelle brute moyenne compte tenu des heures complémentaires s’élève à 570 euros. Elle n’a communiqué aucun élément sur sa situation. Il convient d’évaluer à la somme de 2. 000 euros le montant de l’indemnité allouée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l’article L. 1235-5 du Code du travail » ;
ALORS, D’UNE PART, QU’il appartient à l’employeur de démontrer qu’il réunit les conditions légales pour être dispensé de l’indemnisation minimale prévue par l’article L. 1235-3 du Code du travail ; que Madame X..., dont il était constant aux débats qu’elle avait plus de deux ans d’ancienneté, invoquait en l’espèce l’application du texte précité en ce qu’il prévoyait que les dommages et intérêts pour licenciement injustifié ne pouvaient être inférieurs à six mois de salaire (ses conclusions, page 19) ; qu’en faisant application de l’article L. 1235-5 du Code du travail pour attribuer à la salariée une indemnité inférieure à six mois de salaire brut, sans constater que la société GAROUDA démontrait qu’elle remplissait les conditions légales pour être dispensée de l’application de l’article L. 1235-3 du Code du travail, la cour d’appel a violé ce texte par refus d’application ainsi que, par fausse application, l’article L. 1235-5 du même Code ;
ALORS, D’AUTRE PART, QUE le juge doit faire respecter et respecter lui-même le principe de la contradiction ; que la société GAROUDA n’avait pas soutenu, dans ses conclusions d’appel auxquelles l’arrêt se réfère, qu’elle remplissait les conditions légales pour être dispensée de l’indemnisation minimale prévue par l’article L. 1235-3 du Code du travail dont la salariée réclamait expressément l’application ; qu’en écartant d’office le texte précité sans provoquer les observations contradictoires des parties sur ce point et en attribuant à la salariée, sur le fondement de l’article L. 1235-5 du Code du travail, une indemnité inférieure à six mois de salaire, la cour d’appel a violé l’article 16 du Code de procédure civile.

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société DSPR, demanderesse au pourvoi incident.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR condamné la société DSPR, in solidum avec la société GAROUDA à payer à Mme X... les sommes de 8. 900 € à titre de rappel d’heures complémentaires pour les fonctions de serveuse entre septembre 2005 et mars 2010, 890 € au titre des congés payés y afférents et d’AVOIR condamné la société DSPR à garantir la société GAROUDA du montant de ces condamnations,
AUX MOTIFS QUE « Sur les heures complémentaires en qualité de serveuse : Aux termes de l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si la preuve des horaires de travail effectués n’incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l’employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande. En l’espèce, Madame X... expose qu’elle effectuait un nombre d’heures de travail très supérieur à celui prévu au contrat et à celles reportées sur ses bulletins de salaire. Pour étayer ses dires, elle produit un décompte manuel des heures complémentaires dont elle réclame le paiement ainsi que 19 attestations dont 18 émanant d’anciens salariés. Monsieur Yann Y... atteste qu’il déposait Madame X... à son travail et la raccompagnait à la fermeture et qu’elle embauchait pour 22 heures 30 et finissait à 6 heures voir 7 heures au plus tard. Messieurs Arnaud Z..., Medhat S..., Wesley A..., César T..., Sébastien B..., Sylvain C..., Emmanuel D..., Mesdames Aurore E..., Milène F..., Laurine G..., Stéphanie H..., Mélissa I..., Maddy J..., Hélène K..., Sophie L..., Aurélie M..., Estelle N..., Gaëlle O... anciens salariés déclarent avoir travaillé à la discothèque selon les horaires suivants :

de 21 heures 45, 22 heures ou 22 heures 30 pour la prise de service jusqu’à 5 heures ou 6 heures et parfois plus tard. Messieurs Sébastien B... et Sylvain C... précisent que Madame X... restait pour faire le ménage après leur départ à 5 heures 30. Le salarié produit ainsi des éléments préalables qui peuvent être discutés par l’employeur et qui sont de nature à étayer sa demande. L’employeur qui conteste que la salariée ait réalisé des heures complémentaires produit des carnets de factures comportant les relevés mensuels du nombre d’heures effectués par semaine entre mai 2008 et février 2010. Madame X... conteste avoir signé ces documents à partir du mois de juillet 2008. Madame Estelle N... atteste qu’elle et Madame X... ont refusé de signer les factures présentées par Monsieur R.... Il ressort de l’examen de ces documents que le relevé du mois de mai supporte une signature qui comporte la rédaction en toutes lettres du nom de Madame X... et que la signature figurant sur la facture du mois de juin, dont elle ne conteste pas en être le scripteur, est un simple paraphe. Or, la comparaison de ce paraphe qui reprend le début de sa signature, avec ceux apposées sur les factures des mois suivants révèlent des différences significatives qui permettent d’accorder crédit à sa contestation. Par ailleurs, Mesdames Stéphanie P..., Hélène K..., Charlène Q..., Estelle N... et Monsieur Sylvain C... témoignent que les factures que Monsieur R... leur faisait signer lors de la remise des bulletins de paie, reprenaient le nombre d’heures payées et non celles réalisées qui était supérieur. Dès lors, il ne sera pas tenu compte de ces factures qui sont contredites par les témoignages produits. Il n’y pas lieu de douter des nombreux témoignages communiqués concernant les horaires de travail réalisés, ceux-ci étant cohérent et parfaitement conformes à la nature de l’activité de l’établissement, s’agissant d’une discothèque, ce d’autant, comme le relève certains anciens salariés que le ménage restait à effectuer après le départ des clients. Il ressort également des attestations que les salariés ne bénéficiaient pas de pauses durant la soirée. Madame X... ayant saisi le conseil de prud’hommes le 7 septembre 2010, elle est fondée à réclamer les heures complémentaires dans la limite de la prescription, soit depuis le 7 septembre 2005 et jusqu’au mois de mars 2010. L’examen des plannings communiqués par la société et des relevés d’heures complémentaires établis par Madame X... révèle qu’elle a comptabilisé des heures au titre de jours au cours desquels elle n’a pas travaillé notamment le vendredi 2 mai et le vendredi 23 mai 2008, étant précisé que le planning supporte son paraphe. Au surplus il ressort des plannings qu’elle ne travaillait pas deux jours toutes les fins de semaines. Ainsi au vu des éléments produits de part et d’autre, et sans qu’il soit besoin d’une mesure d’instruction, la cour a la conviction au sens du texte précité que Madame X... a bien effectué des heures complémentaires mais dans une proportion moindre que celles réclamées et dans la limite de la somme de 8 900 euros, outre 890 euros de congés payés y afférents ;
ALORS QU’un salarié n’a droit au paiement que des heures complémentaires qui ont été accomplies avec l’accord au moins implicite de l’employeur ; que la cour d’appel, qui n’a pas constaté que les heures invoquées avaient été réalisées avec l’accord de l’employeur, a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 3171-4 du Code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR condamné la société DSPR, in solidum avec la société GAROUDA à payer à Mme X... les sommes de € à titre de rappel d’heures complémentaires pour la distribution de tracts de septembre 2005 à mars 2010, et 1. 040 € au titre des congés payés y afférents, et d’AVOIR condamné la société DSPR à garantir la société GAROUDA du montant de ces condamnations,
AUX MOTIFS QUE Sur les heures complémentaires pour distribution de tracts : Madame X... rapporte la preuve par les 17 témoignages de commerçants installés dans 11 villes ou bourgs différents situés en Indre et Loire et dans la Vienne qu’elle déposait chez eux chaque semaine, puis une fois par mois à compter du mois de juin 2008 des affiches et publicités pour la discothèque le’Stardust’. Il est établi par les témoignages des anciens salariés et notamment de Messieurs A..., S..., Z... et de Mesdames K..., J... et M... que Madame X... emportait le dimanche matin les cartons contenant les affiches et entrées à distribuer chez les commerçants. Mesdames E... et F... attestent qu’elles effectuaient également comme Madame X... une tournée publicitaire chez les commerçants d’une distance d’environ 250 kilomètres pour laquelle elles étaient rémunérées en espèce 80 euros par la société D. S. P. R.. Il résulte de ces éléments la preuve suffisante que Madame X... a bien effectué un travail de distribution d’affiches pour le compte de la société D. S. P. R. et à sa demande, puisque l’employeur fournissait les cartons d’affiches et d’entrées gratuites et rémunérait ce travail en numéraire. Toutefois, le nombre d’heures comptabilisé par Madame X... est manifestement excessif au regard du travail effectué et des distances parcourues. Ainsi au vu des éléments produits, la cour a la conviction que Madame X... a effectué des heures complémentaires au titre de la distribution des publicités à concurrence de 10 euros, outre 1 040 euros au titre des congés payés y afférents ;
ALORS QUE les juges du fond sont tenus de préciser l’origine des renseignements ayant servi à motiver leur décision ; qu’en affirmant, pour en déduire que la distribution d’affiches et d’entrées gratuites avait été effectué à la demande de l’employeur, que l’employeur fournissait les cartons d’affiches et d’entrées gratuites, sans préciser d’où elle tirait ce renseignement, la cour d’appel a violé l’article 455 du Code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR condamné la société DSPR à payer à Mme X... une somme de 3. 420 à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
AUX MOTIFS QUE L’article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l’article L. 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d’activité ou exercé dans les conditions de l’article L. 8221-5 du même code relatif à la dissimulation d’emploi salarié. Aux termes de l’article L. 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l’employeur a recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. L’article L. 8221-5, 2°, du code du travail dispose notamment qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli. Toutefois, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle. En l’espèce le fait de ne pas avoir mentionné sur les fiches de paie le nombre d’heures de travail consacré à la distribution des publicités dans les commerces et celui des heures complémentaires réalisées caractérise l’élément matériel du travail dissimulé. Cette dissimulation était nécessairement intentionnelle dans la mesure où l’employeur ne pouvait ignorer compte tenu de la nature de l’activité les heures de travail que Madame X... effectuait dans la discothèque et que s’agissant des heures complémentaires, il lui fournissait les cartons d’affiches à distribuer. Sur la base du salaire reconstitué pour tenir compte des heures complémentaires, qui s’élève à 570 euros, il sera alloué à Madame X... la somme de 3420 euros, compte tenu de la rupture de la relations contractuelle ci-après analysée ;
1. ALORS QUE la cassation de l’arrêt sur les deux premiers moyens, relatifs aux heures complémentaires, entraînera, par voie de conséquence, la censure de l’arrêt du chef de l’indemnité pour travail dissimulé, par application de l’article 624 du Code de procédure civile ;
2. ALORS en tout état de cause QUE la dissimulation d’emploi salarié prévue par l’article L. 8221-5 du Code du travail n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué ; qu’en l’espèce, la cour d’appel n’a pas caractérisé le caractère intentionnel du défaut de mention des heures effectuées sur les bulletins de paie, statuant à cet égard par pure affirmation ; qu’elle a donc privé sa décision de base légale au regard des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du Code du travail.
Publication :

Décision attaquée : Cour d’appel d’Orléans , du 6 mars 2014