Minoration déclarations fiscale et sociale

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 27 mars 2018

N° de pourvoi : 17-81984

ECLI:FR:CCASS:2018:CR00362

Non publié au bulletin

Cassation partielle

M. Soulard (président), président

SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

 M. D... Y... ,

 M. X... Y...,

contre l’arrêt de la cour d’appel de BESANÇON, chambre correctionnelle, en date du 26 janvier 2017, qui a condamné le premier, pour travail dissimulé, tromperies, abus de biens sociaux, faux et usage, recel et infraction à l’interdiction de gérer, à quinze mois d’emprisonnement avec sursis et cinq ans d’interdiction de gérer, le second, pour travail dissimulé, tromperie, abus de biens sociaux, faux et usage, recel, infraction à l’interdiction de gérer, infraction à la législation sur les stupéfiants et infraction à la législation sur les armes, à dix-huit mois d’emprisonnement avec sursis et cinq ans d’interdiction de gérer, a rejeté leur requête en restitution et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 6 février 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Ricard, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

Sur le rapport de M. le conseiller RICARD, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LEMOINE ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;

Attendu il résulte de l’arrêt attaqué, du jugement qu’il confirme et des pièces de procédure que MM. D... Y... et X... Y..., tous deux condamnés par le tribunal de commerce de Vesoul le 11 février 2005 à une interdiction de gérer une entreprise commerciale, ont, entre le 10 avril 2006 et le 11 décembre 2007, procédé aux principaux actes de direction et de gestion de la société Esprels auto ; qu’ils ont encaissé des fonds à l’occasion de transactions de véhicules automobiles, sans les enregistrer régulièrement sur le livre de police et sans procéder aux déclarations légales, falsifié des certificats de cession de véhicules, effectué des manipulations sur des éléments mécaniques de véhicules vendus afin d’en dissimuler le kilométrage réel et sciemment conservé des pièces de véhicules provenant de vols ; que M. X... Y... a, de plus, fait usage de stupéfiants et qu’il a détenu et transporté plusieurs armes de la catégorie A ; qu’ayant été poursuivis des chefs susvisés, le tribunal correctionnel, après avoir rejeté l’exception de nullité de la citation soulevée par les prévenus, a déclaré ces derniers coupables des chefs de travail dissimulé, tromperie, abus de biens sociaux, faux et usage, recel et infraction à l’interdiction de gérer, M. X... Y... étant également reconnu coupable d’infraction à la législation sur les stupéfiants et d’infraction à la législation sur les armes ; que les prévenus, le procureur de la république, de même que trois parties civiles, ont relevé appel de cette décision ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, 111-3 et 121-1 du code pénal, L. 128-1, L. 128-2, L. 128-3, L. 128-5 du code de commerce, 313-1, al. 2, du code pénal, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré les prévenus coupables de gestion d’une société commerciale malgré incapacité ;

”aux motifs adoptés que MM. Y... se sont affranchis de l’interdiction de gérer prononcée à leur encontre par le tribunal de commerce de Vesoul, le 11 février 2005, en procédant eux-mêmes à la plupart des actes de direction et de gestion de la société Esprels Auto : commande notamment à l’étranger de véhicules automobiles, embauche du personnel, tenue des documents administratifs et comptables, les deux gérants de droit de ladite société successivement recrutés, M. Philippe B... en mars 2006, puis M. Philippe C..., à partir du 2 juillet 2006, ne prenant seuls aucune décision concernant la direction et la gestion de l’entreprise, étant observé que ce dernier avait conservé son emploi aux usines Peugeot et ne pouvait en conséquence avoir la maîtrise de sa fonction, alors qu’il était établi par de nombreux témoignages que le garage fonctionnait en continu y compris le week-end ;

”1°) alors que tout arrêt doit comporter les motifs de fait et de droit propres à justifier la condamnation ; que nul ne peut être puni pour un délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi ; qu’il appartient, dès lors, à la juridiction pénale de préciser le texte de loi applicable aux faits dont elle est saisie, qui constituent le fondement légal de la condamnation prononcée ; que le jugement et l’arrêt qui le confirme contiennent pour toute précision relative aux textes applicables l’énoncé de la prévention saisissant la juridiction correctionnelle ; que, toutefois, aucune des dispositions citées à la prévention ne trouve à s’appliquer aux faits de l’espèce ; qu’en effet les articles L. 128-1, L. 128-2, L. 128-3 et L. 128-5 du code de commerce auxquels se réfère la prévention concernaient, dans leur version applicable au moment des faits, la violation des peines d’interdiction de gérer prononcées en matière pénale et non la violation des mesures d’interdiction prononcées par les tribunaux de commerce, seule reprochée aux prévenus ; que ces mêmes articles prévoient, dans leur version actuelle, la création d’un fichier des interdits de gérer ; que l’article 313-1, al. 2, du code pénal prévoit quant à lui les peines applicables à l’infraction d’escroquerie ; que les textes cités à la procédure sont dès lors insusceptibles de s’appliquer aux faits dont était saisie la juridiction correctionnelle, de sorte que c’est en violation du principe de légalité et en ne donnant pas de base légale à sa décision que la cour d’appel est entrée en voie de condamnation ;

”2°) alors que nul n’est responsable pénalement que de son propre fait ; qu’en se bornant à relever à l’encontre de la fratrie l’accomplissement d’actes de gestion et de direction qui, cumulés, sont susceptibles de caractériser la gestion de fait, sans rechercher quels actes avaient individuellement été accomplis par chacun d’eux, la cour d’appel n’a pas suffisamment établit la commission de l’infraction, en tous ses éléments, par chacun des prévenus ; qu’elle a ce faisant insuffisamment motivé sa décision et méconnu le principe de personnalité de la responsabilité pénale” ;

Attendu que, pour dire les prévenus coupables du chef d’infraction à une interdiction de gérer, l’arrêt, par motifs propres et adoptés, relève que les investigations, réalisées notamment par interceptions téléphoniques, surveillances et constatations, analyse des documents administratifs relatifs aux transactions effectuées par la société Esprels auto et recueil de témoignages, ont établi que MM. D... et X... Y... se sont affranchis de l’interdiction de gérer prononcée précédemment à leur encontre par le tribunal de commerce dès lors qu’ils ont procédé eux-mêmes à la plupart des actes de direction et de gestion de la société, notamment sous forme de commande de véhicules automobiles à l’étranger, d’embauche du personnel et de tenue des documents administratifs et comptables ; que les juges énoncent que les deux gérants de droit de cette société, recrutés, le premier en mars 2006, le second, à partir de juillet 2006, n’ont pris, seuls, aucune décision relative à la direction et la gestion de l’entreprise ; qu’ils ajoutent que le dernier gérant de droit n’a pu avoir la maîtrise de sa fonction dès lors que, d’une part, il a conservé son emploi en usine, d’autre part, le garage a fonctionné en continu, y compris le week-end ;

Attendu qu’en prononçant par ces motifs exempts d’insuffisance comme de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions régulièrement déposées devant elle, la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé, en tous ses éléments, tant matériel qu’intentionnel, le délit d’infraction à l’interdiction de gérer dont elle a déclaré les prévenus coupables ;

D’où il suit que le moyen, nouveau en sa première branche, mélangé de fait et, comme tel, irrecevable, en ce qu’il invoque pour la première fois devant la Cour de cassation l’inadéquation des dispositions légales visées à la prévention, qui revient à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, 111-3 du code pénal, L. 362-3, L. 324-9, L. 324-10, L. 324-11, L. 320 et L. 143-3 anciens du code du travail, 459, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré les prévenus coupables d’exécution d’un travail dissimulé ;

”aux motifs adoptés que MM. Y... ont commis l’infraction de travail dissimulé par dissimulation d’activité en encaissant des fonds à l’occasion de nombreuses transactions de véhicules automobiles, sans les enregistrer régulièrement sur le livre de police et en constituant ainsi une « caisse noire » sans procéder aux déclarations prescrites par les textes ;

”1°) alors que l’infraction de travail dissimulé telle qu’elle résulte des articles L. 362-3, L. 324-9, L. 324-10, L. 324-11, L. 320 et L. 143-3 anciens du code du travail, cités à la prévention, suppose à titre matériel que soit rapportée la preuve d’une dissimulation par l’employeur de tout ou partie de l’activité des salariés ; qu’en relevant que des recettes avaient été encaissées sans être déclarées pour conclure à la violation des obligations déclaratives relatives à l’emploi de travailleurs salariés, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;

”2°) alors que qu’en se bornant à constater que les prévenus avaient encaissé sans les déclarer des fonds issus de transactions de véhicules automobiles, sans rechercher s’ils avaient effectué un travail salarié non déclaré ou s’ils avaient perçu des salaires non déclarés, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

”3°) alors que l’infraction de travail dissimulé reprochée aux prévenus suppose à titre d’élément légal de déterminer l’obligation déclarative violée ; que les seules obligations déclaratives visées à la prévention, prévues aux articles L. 320 et L. 143-3 anciens du code du travail, sont à la charge de l’employeur ; qu’il résulte de la prévention que les prévenus étaient poursuivis du chef de travail dissimulé pour avoir exercé l’activité de garagiste et agent automobile et non en tant qu’employeurs, de sorte qu’en les déclarant coupables d’avoir violé les obligations déclaratives à la charge de l’employeur, la cour d’appel a encore méconnu le sens et la portée des dispositions susvisées ;

”4°) alors qu’en ne répondant pas aux conclusions des prévenus, qui exposaient dans leurs conclusions d’appel que n’étant pas employeurs, ils ne pouvaient se voir reprocher l’infraction de travail dissimulé pour laquelle ils étaient poursuivis, la cour d’appel n’a pas suffisamment motivé sa décision” ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable d’exécution d’un travail dissimulé par dissimulation d’activité, l’arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, déduites de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause, d’où il résulte que, après avoir énoncé que, les prévenus, d’une part, avaient exercé la gestion de fait de la société Esprels auto, d’autre part, avaient réalisé de nombreuses transactions sans procéder aux déclarations prescrites par la loi, la cour d’appel a caractérisé en tous ses éléments, tant matériel qu’intentionnel, le délit de travail dissimulé par dissimulation d’activité dont elle a déclaré les prévenus coupables ;

D’où il suit que le moyen, inopérant en ses première, troisième et quatrième branches relatives au délit de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié, doit être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, 111-3 et 121-1 du code pénal, L. 242-6 3°, L. 242-30, L. 243-1, L. 244-1, L. 244-5 et L. 246-2 du code de commerce, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré les prévenus coupables d’abus des biens ou du crédit d’une société par actions ;

”aux motifs propres que sur l’exception de nullité, les prévenus concluent à l’annulation de la citation devant la juridiction de jugement en ce qu’il leur est reproché le délit d’abus de biens sociaux au visa des articles du code du commerce relatifs aux sociétés anonymes, sociétés en commandite par actions, sociétés par actions simplifiées et sociétés européennes, tandis que la société dans laquelle les deux prévenus travaillaient est une société à responsabilité limitée ; qu’ils soutiennent que les articles d’incrimination et de répression mentionnés dans l’acte de poursuite n’étant pas applicables à l’espèce, ils n’ont pu avoir une connaissance suffisante de ce qui leur était reproché ; mais que l’enquête préliminaire et l’instruction n’ont dans cette affaire jamais porté que sur la société Esprels Auto dans laquelle les deux prévenus travaillaient, sans que les investigations se fussent jamais orientées vers une autre société que celle-ci, en sorte que les deux prévenus, qui n’ont jamais été interrogés que sur cette société, ne peuvent raisonnablement soutenir qu’à l’heure où ils sont jugés pour les faits pour lesquels ils ont été régulièrement mis en examen et à cause d’une simple erreur affectant le visa de la poursuite, ils ignorent exactement ce qui leur est reproché ;

”aux motifs adoptés que MM. Y... ont commis l’infraction d’abus de biens sociaux en encaissant des fonds à l’occasion de nombreuses transactions de véhicules automobiles, sans les enregistrer régulièrement sur le livre de police et en constituant ainsi une « caisse noire » sans procéder aux déclarations prescrites par les textes ;

”1°) alors qu’il appartient aux juges du fond de restituer aux faits leur qualification exacte et leur fondement légal ; que si l’erreur quant aux textes visés dans la citation n’emportait pas de conséquences quant à la validité de celle-ci, il n’en appartenait pas moins aux juges du fond de restituer aux faits poursuivis leur exacte qualification et de préciser quel était le texte de loi applicable ; que faute d’avoir ainsi procédé, la cour d’appel a méconnu le principe de légalité pénale et privé sa décision de base légale ;

”2°) alors que l’infraction d’abus de biens sociaux suppose à titre préalable que soit démontrée la qualité de dirigeant du prévenu ; que la responsabilité pénale étant personnelle, il appartenait à la cour d’appel de démontrer la qualité de gérant de fait de chacun des deux prévenus ; que faute pour cette dernière d’avoir caractérisé la gestion de fait de manière individuelle, elle n’a pas donné de base légale à sa décision ;

”3°) alors que l’infraction d’abus de biens sociaux consiste dans le fait de faire des biens ou du crédit d’une société un usage contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ; qu’il appartenait ainsi notamment à la cour d’appel de caractériser, comme cela lui était demandé par les prévenus dans leurs conclusions régulièrement déposées devant elle, les fins personnelles qu’auraient eues les encaissements de fonds non déclarés ; qu’en s’abstenant de motiver sa décision sur ce point, la cour d’appel n’a pas répondu aux conclusions dont elle était saisie et elle a encore privé sa décision de base légale” ;

Sur le moyen, pris en sa première branche :

Attendu que, pour rejeter l’exception de nullité de la citation tirée de la mention erronée du visa des articles du code de commerce relatifs au délit d’abus de biens commis au préjudice d’une société anonyme et non d’une société à responsabilité limitée, l’arrêt relève que les investigations n’ont porté que sur la seule société Esprels auto dans laquelle les deux prévenus ont travaillé, à l’exclusion de toute autre société ; que les juges ajoutent que MM. D... et X... Y... n’ont été interrogés que sur cette société et ont été renvoyés devant la juridiction de jugement des seuls faits pour lesquels ils ont été régulièrement mis en examen ; qu’ils en déduisent que les intéressés n’ont pu ignorer la nature des faits qui leur étaient reprochés ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, et dès lors qu’il résulte des mentions de la citation que les intéressés étaient suffisamment informés, sans ambiguïté, de la prévention retenue à leur encontre et que l’irrégularité alléguée n’a pu créer aucune incertitude dans leur esprit sur les faits qui leur étaient reprochés et sur les peines qu’ils encouraient, la cour d’appel n’a pas méconnu les dispositions légales et conventionnelles invoquées ;

D’où il suit que le grief n’est pas fondé ;

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches :

Attendu que pour confirmer le jugement entrepris du chef d’abus de biens sociaux, l’arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu’en statuant par ces motifs, dont il résulte, à partir du recollement des investigations effectuées, que les prévenus ont, d’une part exercé une activité de gestion de fait de la société Esprels auto, d’autre part, effectué des encaissements de fonds à l’occasion de nombreuses transactions de véhicules automobiles, sans les enregistrer régulièrement sur le livre de police, la cour d’appel, qui a caractérisé ainsi un usage abusif des biens de cette société, a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le huitième moyen de cassation, pris de la violation des articles 9 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, 6, § 2, de la Convention européenne des droits de l’homme, 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne des droits de l’homme, 131-21 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a rejeté les demandes de restitution formées par les prévenus ;

”aux motifs que les prévenus demandent la restitution des sommes d’argent qui ont été saisies à leurs domiciles, soit la somme de 6 000 euros en espèces chez M. D... Y... et celle de 30 000 euros en espèces chez M. X... Y... ; qu’ils prétendent l’un et l’autre justifier de la propriété de ces sommes, soit par des ventes de véhicules pour lesquelles ils produisent certaines pièces, soit par des économies personnelles ; mais qu’en justifiant de l’existence de la vente de véhicules, ils ne prouvent en rien que les sommes saisies, composées d’espèces, proviennent de ces ventes ; qu’au suprlus, MM. X... et D... Y... , ont tous deux été déclarés coupables d’abus de biens sociaux pour avoir illégalement utilisé une partie des fonds de la société Esprels Auto ; qu’il découle de ce qui précède que les sommes saisies, étant de tout évidence le produit de l’infraction dont ils sont déclarés coupables, ne peuvent être restituées ;

”alors que la charge de la preuve reposant sur la partie poursuivante et la confiscation ne pouvant porter que sur les biens objets ou produits de l’infraction, il appartenait aux juges d’appel de rechercher si la preuve du lien entre les sommes découvertes aux domiciles des prévenus et les infractions qui leur étaient reprochées était rapportée ; qu’en se bornant à constater que les prévenus ne prouvaient pas l’origine licite des fonds et en ne faisant pas état d’une quelconque preuve de ce que ces fonds proviendraient des infractions objets des poursuites, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve et a insuffisamment motivé sa décision” ;

Attendu que, pour confirmer le jugement rejetant les demandes de restitution de fonds saisis et répondre aux conclusions déposées, l’arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, par des motifs, relevant de son appréciation souveraine, desquels il résulte que, d’une part, si MM. D... et X... Y... ont cherché à justifier l’origine des sommes en numéraires saisies à leur domicile notamment par des ventes de véhicules, ils n’ont toutefois apporté aucune preuve de la provenance de ces fonds, d’autre part, les intéressés ayant été déclarés coupables d’abus de bien sociaux pour avoir illégalement utilisé une partie des fonds de la société Esprels auto, les sommes saisies, qui apparaissent comme étant le produit de ladite infraction, ne peuvent être restituées, la cour d’appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions légales et conventionnelles invoquées ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Mais sur le quatrième, moyen de cassation, pris de la violation des articles 441-1 du code pénal, 459, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré les prévenus coupables de faux et usage de faux ;

”aux motifs adoptés que les prévenus ont falsifié de nombreux certificats de cession de véhicules en renseignant et parfois en signant ces pièces établies « en blanc » par les vendeurs et qu’ils ne peuvent sérieusement prétendre qu’ils n’avaient pas conscience de commettre une infraction, dès lors qu’ils sont des professionnels en la matière ;

”alors que dans leurs conclusions d’appel, les prévenus faisaient état de ce qu’ils avaient rempli et signé les certificats sur la base de contrats conclus avec les vendeurs, remettant en question tant la matérialité que le caractère intentionnel des infractions de faux ; qu’en omettant de répondre sur ce point, la cour d’appel n’a pas suffisamment caractérisé l’infraction dont elle a déclaré les prévenus coupables” ;

Vu l’article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables des chefs de faux et usage, l’arrêt, par motifs propres et adoptés, retient que les prévenus ont falsifié de nombreux certificats de cession de véhicules en renseignant et parfois en signant ces pièces établies “en blanc” par les vendeurs et qu’ils ne peuvent sérieusement prétendre qu’ils n’avaient pas conscience de commettre une infraction, dès lors qu’ils sont des professionnels en la matière ;

Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions déposées par les prévenus qui faisaient valoir que les mentions rédigées par MM. D... et X... Y... sur les certificats de cession de véhicules en cause l’avaient été en exécution d’accord contractuels passés avec leurs clients, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ;

D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Et sur le cinquième, moyen de cassation, pris de la violation des articles 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, 6, § 2, de la Convention européenne des droits de l’homme, 121-1 du code pénal, L. 213-1 du code de la consommation, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré les prévenus coupables de tromperie ;

”aux motifs adoptés que les problèmes mécaniques sérieux affectant de nombreux véhicules automobiles vendus par ladite société, survenus souvent très rapidement, démontrent, en regard des prix de vente, que le kilométrage affiché ne correspondait pas à la réalité, de sorte qu’il est manifeste que des manipulations ont été pratiquées par les trois prévenus sur ces éléments mécaniques afin de tromper leur clientèle ;

”1°) alors que l’infraction de tromperie suppose pour être caractérisée en sa matérialité que soit rapportée la preuve d’un acte positif de tromperie ; qu’en vertu du principe du droit au respect de la présomption d’innocence, cette preuve ne peut être rapportée par une simple présomption de fait non prévue par la loi ; qu’en se bornant à déduire des problèmes mécaniques survenus sur les véhicules vendus, le caractère inexact du kilométrage affiché d’une part, et la manipulation des compteurs kilométriques par les prévenus d’autre part, la cour d’appel n’a pas suffisamment rapporté la preuve de la matérialité de l’infraction reprochée aux prévenus, et elle a méconnu le droit de ces derniers au respect de la présomption d’innocence ;

”2°) alors que la cour d’appel déduisant de la seule hypothèse du caractère inexact du kilométrage affiché la manipulation des compteurs par les prévenus ainsi que par le gérant de droit également poursuivi, elle n’a pas caractérisé à l’encontre de chacun des prévenus la commission personnelle de l’infraction dans sa matérialité, aucun de ses motifs ne permettant de s’assurer qu’ils auraient chacun personnellement commis les faits incriminés de manipulation des compteurs kilométriques ; que la cour d’appel a ce faisant insuffisamment motivé sa décision et méconnu le principe de personnalité de la responsabilité pénale” ;

Vu l’article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour dire MM. D... et X... Y... coupables de tromperie, l’arrêt, par motifs propres et adoptés, retient que des problèmes mécaniques sérieux ont affecté de nombreux véhicules automobiles vendus par ladite société, souvent très rapidement après ces acquisitions ; que les juges ajoutent qu’au regard des prix de vente desdits véhicules, le kilométrage affiché ne correspondait pas à la réalité ; qu’ils en déduisent que des manipulations ont été pratiquées par les prévenus sur des éléments mécaniques afin de tromper leur clientèle ;

Mais attendu qu’en statuant par ces motifs, insuffisants pour caractériser tant l’élément matériel de la tromperie, que l’intention frauduleuse imputée aux prévenus de ce délit, la cour d’appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;

D’où il suit que la cassation est à nouveau encourue de ce chef ;

Et sur le sixième, moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1 et 321-1 du code pénal, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré les prévenus coupables de recel de vol ;

”aux motifs adoptés que MM. Y... ne pouvaient ignorer les prescriptions strictes qui s’imposent à tout professionnel, de vérifier l’origine licite de tous les véhicules et pièces acquis ; qu’une boîte de vitesse, une cabine IVECO et un moteur découverts dans leur garage provenaient de vol commis au préjudice de victimes nommées dans la prévention ; que ce faisant MM. Y... se sont rendus coupables d’un recel de vol ;

”alors que faute d’avoir établi la participation personnelle de chacun des prévenus aux transactions ayant permis l’acquisition de biens issus de vols, à l’occasion desquelles la vérification de l’origine des véhicules et pièces s’imposait, la cour d’appel n’a pas suffisamment justifié sa décision et elle a méconnu le principe de personnalité de la responsabilité pénale” ;

Vu l’article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour retenir la culpabilité des prévenus du chef de recel de vol de différents éléments de véhicules provenant de vols découverts dans le garage géré par la société, l’arrêt, par motifs propres et adoptés, énonce que, d’une part, les prévenus ne pouvaient ignorer les prescriptions strictes qui s’imposent à tout professionnel, de vérifier l’origine licite de tous les véhicules et pièces acquis, d’autre part, M.X... Y... a en outre recelé un scooter Peugeot volé ;

Mais attendu qu’en statuant par ces motifs, insuffisants pour caractériser l’intention frauduleuse imputée aux prévenus de recel de vol, la cour d’appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;

D’où il suit que la cassation est à nouveau encourue de ce chef ;

Et sur le septième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 2339-9 ancien du code de la défense, 459, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré M. X... Y... coupable de transport d’armes de 1ère catégorie ;

”aux motifs adoptés que M. X... Y... a détenu sans autorisation et transporté sans motif légitime plusieurs armes de la catégorie A, étant souligné qu’il ne peut se retrancher derrière son prétendu goût pour la collection de belles armes alors qu’il a été saisi à son domicile notamment une imitation d’un fusil d’assaut russe de calibre 22 LR qui n’a d’intérêt que pour les trafiquants d’armes ;

”alors que la cour d’appel est tenue de répondre à l’ensemble des chefs péremptoires de conclusion régulièrement soulevés devant elle ; que dans ses conclusions d’appel, M. X... Y... a fait état de ce que s’il reconnaissait détenir des armes à son domicile, il contestait avoir transporté des armes hors de son domicile ; qu’aucun des motifs du jugement ne permettant d’établir que des faits de transport, et non seulement de détention d’armes, seraient caractérisés, il appartenait à la cour d’appel de rechercher si l’infraction de transport était réellement susceptible d’être reprochée au prévenu ; que faute d’avoir procédé ainsi, la cour d’appel n’a pas répondu aux conclusions du prévenu et a privé sa décision de base légale” ;

Vu l’article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour déclarer M. X... Y... coupable du chef de transport d’armes, les juges retiennent que ce dernier ne peut se retrancher derrière son prétendu goût pour la collection de belles armes dès lors qu’ a été saisie à son domicile notamment une imitation d’un fusil d’assaut qui n’a d’intérêt que pour les trafiquants d’armes ;

Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, sans caractériser les éléments matériels de nature à établir le délit de transport d’armes, la cour d’appel, n’a pas justifié sa décision ;

D’où il suit que la cassation est à nouveau encourue de ce chef ;

Et sur le neuvième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 devenu 1240 du code civil, 2, 459, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a condamné les prévenus à verser des dommages-intérêts d’un montant de 3 650 euros à M. E..., de 1 000 euros à M. F..., de 3 500 euros à M. G... et de 3 000 euros à Mme H... ;

”aux motifs propres que la cour confirme les dispositions civiles du jugement par lesquelles le tribunal a fait droit aux demandes de MM. E..., F..., G... et Mme H... ;

”aux motifs adoptés qu’au vu des justificatifs produits par les autres parties civiles, il y a lieu de condamner solidairement MM. X... et D... Y... et M. Philippe C... à payer à :

 M. Denis E... : 3 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel et 150 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,

 M. Gilles F... : 1 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel,

 M. Benjamin G... : 3 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel,

 Mme Virginie H... : 3 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel ;

”alors que si les juges du fond apprécient souverainement l’indemnité propre à réparer le dommage né d’une infraction, il en va différemment lorsque cette appréciation est déduite de motifs insuffisants ; qu’il en va notamment ainsi lorsque les prévenus ont, dans leurs écritures d’appel, remis en question le bien-fondé et le montant des dommages-intérêts octroyés aux parties civiles par les premiers juges ; qu’il appartient dans ce cas aux juges d’appel de répondre aux chefs péremptoires des conclusions régulièrement déposées devant eux ; que la cour d’appel, saisie de conclusions précises et circonstanciées s’attaquant à chacun des chefs de préjudice constatés par les premiers juges, a omis d’y répondre s’agissant tant du bien-fondé des demandes de réparation que du calcul de leur montant, et qu’elle a ce faisant insuffisamment motivé sa décision” ;

Vu l’article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour confirmer le jugement et condamner les prévenus à verser des dommages-intérêts d’un montant de 3 650 euros à M. E..., de 1 000 euros à M. F..., de 3 500 euros à M. G... et de 3 000 euros à Mme H..., l’arrêt renvoie à l’appréciation des premiers juges ;

Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions déposées par les prévenus qui, dans leurs écritures d’appel, avaient remis en question le bien-fondé et le montant des dommages et intérêts octroyés aux parties civiles par le tribunal correctionnel, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ;

D’où il suit que la cassation est à nouveau encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE en ses seules dispositions ayant déclaré les prévenus coupables des chefs de faux et usage, de tromperie et de recel de vol et ayant déclaré M. X... Y... coupable du chef de transport d’armes, celles relatives aux peines prononcées, ainsi que celles relatives aux dommages-intérêts octroyés aux parties civiles MM. E..., F..., G... et Mme H..., l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Besançon, en date du 26 janvier 2017, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu’il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Dijon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Besançon et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-sept mars deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

Décision attaquée : Cour d’appel de Besançon , du 26 janvier 2017