Fausse prestation de services internationale - prêt illicite de main d’oeuvre - travail dissimulé

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 30 mars 2016

N° de pourvoi : 14-83652

ECLI:FR:CCASS:2016:CR00959

Non publié au bulletin

Rejet

M. Guérin (président), président

SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :

 La société X...,

 M. Raphaël X...,

contre l’arrêt de la cour d’appel de CHAMBÉRY, chambre correctionnelle, en date du 24 avril 2014, qui, pour prêt illicite de main-d’oeuvre, travail dissimulé et blessures involontaires, a condamné la première, à 25 000 euros d’amende, le second, à six mois d’emprisonnement avec sursis et 10 000 euros d’amende ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 9 février 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Straehli, conseiller rapporteur, M. Finidori, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de M. le conseiller STRAEHLI, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général CUNY ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société AJ Damiao Z...Construçoes, créée au Portugal en février 2008, a conclu, le même mois, avec la société X... un contrat de sous-traitance portant sur la construction de logements à Albertville ; que, le 7 juillet 2008, dans le cadre de l’exécution de ce contrat, M. Joaquim Y..., salarié de l’entreprise AJ Damiao Z...Construçoes, a fait une chute du deuxième étage d’un immeuble, dont il est résulté une incapacité temporaire de travail de trente jours, alors qu’il était en train de couler la dalle de béton d’un balcon ; que l’enquête a établi qu’aucun dispositif de sécurité, individuel ou collectif, n’avait été mis en place pour le travail en hauteur ; que la société AJ Damiao Z...Construçoes, son gérant, M. Z..., M. Raphaël X... ainsi que la société X... ont été poursuivis pour prêt illicite de main-d’oeuvre, travail dissimulé et blessures involontaires par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement dont ils ont été déclarés coupables par jugement du tribunal correctionnel en date du 15 avril 2013 ; que seuls M. X... et la société X..., ainsi que le ministère public, à titre incident, ont relevé appel de cette décision ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 8241-1, L. 8243-1, L. 8243-2 du code du travail, L. 121-1, 121-2 du code pénal, 593, 591 du code de procédure pénale, manque de base légale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions ;
” en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré M. Raphaël X... et la société Entreprise X... coupables de prêt de main d’oeuvre à but lucratif hors du cadre légal du travail temporaire et condamné, d’une part, M. X... à une peine d’emprisonnement de six mois avec sursis et à une peine d’amende de 10 000 euros, d’autre part, la société X... à une peine d’amende de 25 000 euros ;
” aux motifs propres et adoptés que les investigations ont démontré que la société AJ Damiao Z...Contruçoes a été créée quelques jours seulement avant la signature du contrat avec la société X... ; que l’ensemble des salariés de M. Damiao Z...travaillait sur ce chantier et qu’aucune activité n’avait été exercée au Portugal ; qu’en outre, sur le chantier, les salariés ont déclaré recevoir les ordres des salariés de la société X... ; que M. Z... a d’ailleurs confirmé que le chef d’équipe de ses salariés était M. Jorges B... C...(chef d’équipe de la société X...) et que M. Hadj D...(chef de chantier de l’entreprise X...) était en permanence présent sur le chantier et coordonnait les travaux en donnant des instructions aussi bien aux salariés de la société X... qu’à ceux de son entreprise ; qu’il a encore convenu qu’il ne faisait qu’acte de présence lorsqu’il se trouvait sur le chantier et qu’il n’avait aucune obligation particulière de rester sur le chantier ayant laissé l’entreprise X... diriger les salariés qu’il mettait à sa disposition ; qu’il a été relevé, en outre, que les salariés de cette société portugaise étaient logés par les soins de M. X... et que la société AJ Damiao Z...Contruçoes ne disposait d’aucun matériel ; que de même il a été constaté que la société Mat & co, dont le gérant est M. X... a loué à la société AJ Damiao Z...Contruçoes le matériel qui lui était nécessaire pour la réalisation de sa mission ; que comme l’a retenu à juste titre le premier juge, le jeu d’écriture comptable de facturation du matériel par la société Mat & co à la société AJ Damiao Z...Contruçoes ne saurait dissimuler le fait que le matériel était en réalité fourni par la société X... ; que ces éléments sont confirmés par le fax que M. Z... a adressé à l’inspection du travail et libellé en ces termes « j’ai un contrat signé où les logements de mes travailleurs et le placement du matériel était de son compte, c’est-à-dire était stipulé pour construire seulement avec la main d’oeuvre » ; que ce document confirme expressément tout à la fois, l’absence d’autonomie de sa société et la fourniture de logements et de matériels par la société X... ; que par ailleurs, la forme et la trame du PPSPS de la société AJ Damiao Z...Contruçoes trahissent aussi le fait que ce document a été en réalité établi par la société X... alors, au surplus, que ce document en langue française n’a jamais été traduit en portugais, seule langue comprise par les salariés de M. Damiao Z...à l’exception de M. Joaquin Y... ; qu’il a encore été relevé que l’entreprise de M. Z... n’avait jamais participé aux réunions CISSCT du chantier alors que sa présence en tant qu’entreprise sous-traitante s’imposait eu égard aux articles R. 4532-78 à R. 4532-83 du code du travail ; que le registre du journal du coordinateur du chantier ne mentionne à aucun moment l’entreprise de M. Z... et vise seulement l’entreprise X... ; qu’enfin, il a été établi que l’entreprise de M. Z... ne remplissait pas les conditions pour pouvoir employer ses salariés dans le cadre d’un détachement ; qu’ainsi M. Z... a déclaré que son entreprise de bâtiment implantée au Portugal avait été créée en février 2008 soit juste avant son intervention en mars 2008 sur le chantier d’Albertville et que ce chantier était le premier qu’il traitait ; qu’il a ainsi convenu que son activité n’avait aucune activité au Portugal au moment où il a contracté avec M. X..., ce que ce dernier ne pouvait ignorer puisque avant de créer son entreprise au Portugal, il avait été gérant durant deux ans de l’entreprise Pinheiro et qu’il avait déjà été le sous-traitant de la société X... ; qu’il s’ensuit que ni M. Z... ni la société dont il était gérant ne pouvait, dans le cadre d’un contrat de sous-traitance, détacher les salariés qu’il a embauchés pour venir travailler sur le chantier d’Albertville, ce que l’entreprise X... et son dirigeant n’ignoraient pas ; quant au caractère lucratif de cette opération de prêt de main-d’oeuvre, il est clairement établi, dès lors que ce prétendu contrat de sous-traitance a été réalisé à titre onéreux, que M. Z...a facturé une prestation à la société X... et que celle-ci a pu réaliser une économie substantielle en n’ayant pas à payer les salaires et les cotisations sociales du personnel de gros oeuvre soit disant détaché par M. Z... ; qu’ainsi en dépit d’une apparente sous-traitance formalisée par une convention entre l’entreprise de M. Z... et la société X..., la véritable finalité de la relation entre ces deux sociétés relevait en réalité d’une opération de prêt de main d’oeuvre à but lucratif ; qu’ainsi que l’a retenu le premier juge en une motivation que la cour fait sienne, l’ensemble de ces éléments permet d’établir que la présence de la société AJ Damiao Z...Contruçoes, sous couvert d’un contrat de sous-traitance, n’avait que pour seule finalité de dissimuler un prêt illégal de main d’oeuvre ;
” 1°) alors que le contrat de sous-traitance ne peut pas être qualifié de prêt de main d’oeuvre à but lucratif s’il n’est pas établi l’existence d’un lien de subordination juridique entre les salariés du sous-traitant et l’entreprise principale ; que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu’il en résulte que l’existence d’un lien de subordination ne pouvait être déduit du seul fait que le chef d’équipe de la société X... ait donné des instructions nécessaires à la coordination du chantier aux salariés de son sous-traitant ; que faute d’avoir caractérisé, dans tous ses éléments, l’existence d’un lien de subordination entre les salariés de l’entreprise AJ Damiao Z...Contruçoes et la société X..., la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision ;
” 2°) alors que le délit de prêt illicite de main d’oeuvre, pour être constitué, exige que l’opération litigieuse ait un but lucratif pour le prévenu ; qu’en se bornant à affirmer, pour retenir le caractère lucratif de cette opération, que M. Z... a facturé une prestation et que la société X... a pu réaliser une économie substantielle en n’ayant pas à payer les salaires et les cotisations sociales du personnel de gros oeuvres sans mieux s’expliquer sur le montant et sur les modalités de calcul de cette facturation, la cour d’appel n’a pas mis en mesure la Cour de cassation d’exercer son contrôle ;
” 3°) alors que dans leurs conclusions d’appel, la société X... et M. X... ont fait valoir que le prix convenu pour la prestation de la société AJ Damiao Z...Contruçoes a été fixé à la somme forfaitaire de 120 000 euros, que cette société avait assumé le coût économique du logement de ses salariés en payant un loyer et qu’il était courant qu’un sous-traitant qui n’intervient pas dans son bassin d’activité ne transporte pas son matériel mais le loue sur place sans que cela soit de nature à disqualifier le contrat de sous-traitance ; qu’en ne répondant à ces chefs pertinents des conclusions des prévenus, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision ;
” 4°) alors qu’en affirmant que la société AJ Damiao Z...Contruçoes ne pouvait détacher, dans le cadre d’un contrat de sous-traitance, les salariés qu’elle avait embauchés au seul motif qu’elle avait été créée peu de temps avant son intervention sur le chantier d’Albertville sans expliquer en quoi cette circonstance était de nature à disqualifier le contrat de sous-traitance en prêt de main d’oeuvre illicite, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision ;
” 5°) alors que ni le fait que le plan particulier sécurité et de protection de la santé (PPSPS) de la société AJ Damiao Z...Contruçoes ait été le même que celui de la société X..., ni la circonstance que M. Z... n’ait pas participé aux réunions du Collège Inter-entreprises de sécurité, de santé et des conditions de travail (CISSCT) en sa qualité de sous-traitant ou que sa société n’apparaisse pas sur le registre du journal du coordonnateur SPS du chantier ne permettent d’établir, s’agissant de considérations ayant exclusivement trait à la réglementation en matière de sécurité, que le contrat de sous-traitance relevait d’une opération de prêt de main d’oeuvre à but lucratif ; qu’en se fondant sur des considérations de cette nature pour maintenir M. X... et la société X... dans les liens de la prévention, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision “ ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 593, 591, 470, 512 du code de procédure pénale, L. 8224-1, L. 8221-1, L. 8221-3, L. 8221-4, L. 8221-6, L. 8224-3 et L. 8224-4 du code du travail, manque de base légale, défaut de motifs ;
” en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré M. X... et la société X... coupables de travail dissimulé et condamné d’une part M. X... à une peine d’emprisonnement de six mois avec sursis et à une peine d’amende de 10 000 euros, d’autre part la société X... à une peine d’amende de 25 000 euros ;
” Aux motifs propres et adoptés que l’absence d’autonomie de la société A. J. Damiao Z...Contrucoes sur le chantier ainsi que l’absence de déclaration des salariés, tant au Portugal qu’en France, caractérisent l’infraction de travail dissimulé ;
” 1°) alors que les juridictions correctionnelles ne peuvent légalement statuer que sur les faits dont elles sont saisies ; qu’en l’espèce, la société X... a été poursuivie pour avoir « entre le 1er février et le 7 juillet 2008 (¿) exercé à but lucratif une activité de transformation, de réparation, de prestation de services ou accompli un acte de commerce, en se soustrayant intentionnellement à ses obligations, en l’espèce étant employeur de fait de M. Joaquim Y..., omis de lui délivrer des bulletins de paie et procéder à la déclaration préalable d’embauche » et M. X... a été poursuivi pour les mêmes faits en qualité de gérant de la société X... ; qu’en retenant la culpabilité des prévenus du chef de travail dissimulé pour « l’absence de déclaration des salariés, tant au Portugal qu’en France », faits non visés à la prévention, la cour d’appel a excédé les limites de sa saisine et a violé les textes susvisés ;
” 2°) alors que tout arrêt doit comporter les motifs propres à justifier sa décision ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu’en se déterminant par des motifs généraux et imprécis, impropres à caractériser en ses différents éléments, tant intentionnel que matériel, les infractions visées à la prévention, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ;
” 3°) alors que le défaut de déclaration préalable d’embauche et l’absence de délivrance de bulletins de paie, visés à la prévention, sont constitutifs du délit de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié ; que cette infraction n’est consommée qu’à la condition que soit établie une relation de travail salariée, ce qui implique de caractériser l’exécution, pour le compte du prévenu, d’une prestation de travail contre rémunération dans un lien de subordination juridique ; qu’à défaut d’avoir caractérisé l’existence d’un lien de subordination juridique entre M. Y...et la société X... ou M. X..., la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision ;
” 4°) alors que le délit de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié n’est imputable qu’à l’employeur de droit ou de fait ; que dès lors en retenant la culpabilité de M. X... de ce chef en sa qualité de gérant de la société X..., employeur de fait de Joaquim Y..., la cour d’appel a violé les dispositions suscités “ ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour déclarer M. X... et la société X... coupables des chefs de prêt illicite de main-d’oeuvre et de travail dissimulé, l’arrêt retient que la société AJ Damiao Z...Construçoes a été créée quelques jours avant la signature du contrat de sous-traitance avec la société X... ; que l’ensemble de ses salariés travaillait sur le chantier et qu’aucune activité n’avait été exercée au Portugal, ce dont il résultait que le gérant de la société AJ Damiao Z...Construçoes ne remplissait pas les conditions pour pouvoir les employer dans le cadre d’un détachement ; que les salariés étaient logés par les soins de M. X... et que le matériel utilisé par la société AJ Damiao Z...Construçoes était loué à la société Mat & Co gérée par M. X..., ce qui ne pouvait dissimuler le fait que le matériel était en réalité fourni par la société X... ;
Que les juges ajoutent que M. Damiao Z...avait reconnu faire acte de présence sur le chantier, ayant laissé l’entreprise X... diriger les salariés qu’il mettait à sa disposition ; que la forme et la trame du plan particulier de sécurité et de protection de la santé de la AJ Damiao Z... Construçoes trahissent le fait que ce document, qui n’avait jamais été traduit en portugais, seule langue comprise par les salariés de M. Z..., avait été établi par la société X... et qu’enfin, l’entreprise de M. Z... n’avait jamais participé aux réunions du collège inter-entreprises de sécurité, de santé et des conditions de travail alors que sa présence en tant qu’entreprise sous-traitante s’imposait eu égard aux articles R. 4532-78 à R. 4532-83 du code du travail ;
Qu’ils relèvent enfin que le chantier d’Albertville était le premier chantier traité par l’entreprise AJ Damiao Z...Construçoes ; que l’entreprise X... et M. X... ne pouvaient ignorer que M. Z... ne pouvait, dans le cadre d’un contrat de sous-traitance, détacher les salariés qu’il avait embauchés ; que la relation entre les deux sociétés était en réalité une opération de prêt de main-d’oeuvre à but lucratif, l’entreprise X... n’ayant pas eu à payer les salaires et les cotisations sociales du personnel de gros-oeuvre prétendument détaché par M. Z... et qui n’était pas déclaré tant au Portugal qu’en France ;
Attendu qu’en l’état de ces énonciations et constatations qui répondent aux moyens péremptoires des conclusions des parties, la cour d’appel, qui n’a pas excédé les limites de sa saisine, a caractérisé en tous leurs éléments les délits dont elle a déclaré les prévenus coupables ainsi que leur participation personnelle aux faits ;
D’où il suit que les moyens ne sauraient être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 593, 591, 470, 512 du code de procédure pénale, 121-1, 121-3, 222-19, 222-21, L. 4741-2 du code du travail, manque de base légale, défaut de motifs ;
” en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré M. X... et l’entreprise X... coupables de blessures involontaires avec incapacité n’excédant pas trois mois et condamné d’une part M. X... à une peine d’emprisonnement de six mois avec sursis et à une peine d’amende de 10 000 euros, d’autre part, la société X... à une peine d’amende de 25 000 euros ;
” aux motifs propres et adoptés que les constatations faites tant par les policiers que par l’inspection du travail, établissent l’absence de protections tant collectives qu’individuelles des salariés travaillant en hauteur alors que ces équipements sont rendus obligatoires par la réglementation du travail ; que l’absence de respect de ces obligations prévues par la réglementation du travail constitue pour les prévenus une faute qualifiée, ayant de manière indirecte, causé les blessures de M. Y... ;
” 1°) alors que nul n’est responsable que de son propre fait ; que la responsabilité pénale du fait du non-respect des règles de sécurité prévues par le code du travail n’est imputable qu’à l’employeur ; que la cour d’appel s’est bornée à relever que le chef d’équipe de la société X... coordonnait les travaux en donnant des instructions aux salariés de la société AJ Damiao Z...Contruçoes sans caractériser l’existence d’un lien de subordination juridique entre les prévenus et les salariés de la société sous-traitante, en particulier M. Y... ; que l’arrêt attaqué n’est pas justifié au regard du principe sus visé ;
” 2°) alors que la faute de la victime exonère le prévenu de sa responsabilité lorsqu’elle constitue la cause exclusive du dommage ; qu’il résulte des constatations de l’arrêt attaqué que les policiers arrivés sur les lieux après l’accident ont constaté que M. Y..., sentait fortement l’alcool et qu’entendu sur les circonstances de l’accident, ce dernier a déclaré que des harnais, dont il a reconnu que le port aurait limité la hauteur de sa chute, étaient à sa disposition mais qu’il n’en portait pas au prétexte que cela l’entravait dans son travail ; que dans leurs conclusions, les prévenus ont indiqué que M. Y...était en état d’ivresse, avec un taux d’alcoolémie mesurée après l’accident de 1, 2 g/ l et qu’en outre, il avait lui-même réalisé le coffrage et l’échafaudage duquel il avait chuté ; qu’en retenant M. X... et la société X... dans les liens de la prévention sans aucunement s’expliquer sur les fautes commises par la victime, et sans rechercher si elles n’avaient pas été la cause exclusive de son dommage, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision ;
” 3°) alors que l’insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu’en retenant que la société X... et M. X... avaient commis une faute qualifiée en ne respectant les obligations prévues par le règlement du travail en raison notamment de l’absence de protections individuelles après avoir relevé que M. Y...avait déclaré que des harnais de sécurité-équipements de protection individuels-étaient à sa disposition et qu’il avait sciemment décidé de ne pas en porter, la cour d’appel s’est contredite et n’a pas légalement justifié sa décision ;
” 4°) alors que la société X... et M. X... ont été reconnus coupables de blessures involontaires par la violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité et de prudence dans le cadre du travail ; que le caractère délibéré de la violation d’une obligation particulière de sécurité ne peut résulter de la seule constatation de cette violation et doit être constaté en sus des manquements allégués ; que faute d’avoir constaté le caractère manifestement délibéré du non-respect des obligations de sécurité prévues par la réglementation du travail, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision “ ;
Sur le quatrième moyen, pris de la violation des articles 593, 591 du code de procédure pénale, 222-20, 222-44, 222-46, 121-3 alinéa 4 du code pénal, manque de base légale, défaut de motifs ;
” en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré M. X... coupable de blessures involontaires ayant entrainé une incapacité de moins de trois mois et condamné M. X... à une peine d’emprisonnement de six mois avec sursis et à une peine d’amende de 10 000 euros ;
” aux motifs propres et adoptés que les constatations faites tant par les policiers que par l’inspection du travail établissent l’absence de protections tant collectives qu’individuelles des salariés travaillant en hauteur alors que ces équipements sont rendus obligatoires par la réglementation du travail ; que l’absence de respect de ces obligations prévues par la règlementation du travail constitue pour les prévenus une faute qualifiée, ayant de manière indirecte, causé les blessures de M. Y... ;
” 1°) alors que selon l’article 121-3, alinéa 4, du code pénal, les personnes physiques qui n’ont pas directement causé un dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter, ne peuvent être déclarées coupables du chef de blessures involontaires uniquement s’il est établi qu’elles ont soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer ; qu’il en résulte que la responsabilité pénale des personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage ne peut être engagée que s’il est établi qu’elles ont commis une faute qualifiée laquelle ne peut être déduite de la seule constatation du non-respect de la règlementation en matière de sécurité qui leur est reprochée ; que dès lors, en retenant l’existence d’une faute qualifiée à l’encontre de M. X..., ayant de manière indirecte causé les blessures de M. Y..., sur la seule constatation du non-respect des obligations prévues par la règlementation de travail, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision ;
” 2°) alors qu’en s’abstenant d’identifier le texte légal ou réglementaire du code du travail, source de l’obligation particulière de prudence ou de sécurité qui n’aurait pas été respectée par M. X..., la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision “ ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour déclarer M. X... et la société X... coupables du délit de blessures involontaires, l’arrêt, après avoir constaté, d’une part, qu’au moment de sa chute, M. Y...était alcoolisé et qu’il avait affirmé ne pas vouloir porter de harnais individuel de protection pour ne pas être entravé dans ses mouvements, d’autre part, que la AJ Damiao Z... Construçoes ne disposait d’aucune autonomie sur le chantier, énonce que les constatations faites par les policiers et par l’inspection du travail établissent l’absence de protection tant collectives qu’individuelles des salariés travaillant en hauteur alors que ces équipements sont rendus obligatoires par la réglementation du travail ; que l’absence de respect de ces obligations prévues par ladite réglementation constitue pour les prévenus une faute qualifiée, ayant de manière indirecte, causé les blessures de M. Y... ;
Attendu qu’en l’état de ces constatations et énonciations dont il résulte que, d’une part, M. X... a enfreint de façon manifestement délibérée les obligations susvisées et ainsi engagé la responsabilité pénale de la personne morale dont il était le représentant, d’autre part, la faute de la victime n’était pas la cause exclusive de l’accident, la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction et répondant aux moyens péremptoires des parties, justifié sa décision ;
D’où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente mars deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

Décision attaquée : Cour d’appel de Chambéry , du 24 avril 2014