étabissement en France oui

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 10 septembre 2008

N° de pourvoi : 07-88433

Non publié au bulletin

Rejet

M. Dulin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

Me Foussard, Me Luc-Thaler, SCP Peignot et Garreau, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

 X... Joseph,

 Y... Bruno,

contre l’arrêt de la cour d’appel de LYON, 7e chambre, en date du 2 novembre 2007, qui, pour fraude fiscale et omission d’écritures en comptabilité, les a condamnés, le premier à deux ans d’emprisonnement avec sursis et 25 000 euros d’amende, le second à six mois d’emprisonnement avec sursis et 10 000 euros d’amende, a prononcé sur la publication et l’affichage de la décision et sur les demandes de l’administration des impôts, partie civile ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société andorrane Prosport, constituée pour la création, le développement et la gestion d’une équipe cycliste professionnelle financée par les firmes horlogères espagnoles Festina et Lotus, a été vainement mise en demeure, par lettre recommandée du 5 novembre 1999, de déposer les déclarations fiscales afférentes à l’exploitation en France d’un établissement autonome, stable et permanent ; qu’un avis de vérification de comptabilité lui a également été notifié le 5 novembre 1999 ; que Joseph X... et Bruno Y... sont poursuivis, en leurs qualités respectives de dirigeant de droit et de gérant de fait de cette société, d’une part, pour l’avoir frauduleusement soustraite à l’établissement et au paiement de l’impôt sur les sociétés dû au titre de l’exercice 1997 et de la taxe sur la valeur ajoutée exigible pour la période du 1er janvier au 31 mai 1998, en s’abstenant de déposer les déclarations annuelles de résultats et mensuelles de chiffre d’affaires, d’autre part, pour avoir omis de tenir ou faire tenir les livres et comptes obligatoires ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Peignot et Garreau pour Joseph X..., pris de la violation des articles L. 47 et L. 230-1 et 2 du livre des procédures fiscales, 1741-1, 3 et 4, 1743, 1750-1 du code général des impôts, L. 123-12, 13 et 14 du code de commerce ;

” en ce que l’arrêt attaqué a rejeté les exceptions de nullité de procédure et déclaré Joseph X... coupable des délits de fraude fiscale et omissions d’écritures dans les documents comptables obligatoires, au titre des années 1997 et 1998, le condamnant à une peine de deux ans d’emprisonnement avec sursis, et ordonnant la publication et l’affichage de la décision de condamnation ;

” aux motifs que “ c’est ainsi que la direction nationale d’enquêtes fiscales, ayant décidé d’engager la vérification de comptabilité de l’établissement de la société Prosport en France, a envoyé, le 5 novembre 1999, un avis de vérification et des mises en demeure de déposer des déclarations fiscales aux adresses suivantes :

 ... à Meyzieu (…),

 ... (Morbihan) (…),

 ... Principauté d’Andorre (…),

que, compte tenu de cette situation, un deuxième courrier a été adressé, le 23 novembre 1999 en Andorre : (...), par lequel le dirigeant de la société était invité à désigner, en France, un interlocuteur chargé de le représenter, dans le cadre de la vérification de l’établissement présumé stable de la société Prosport ; que le 11 Janvier 2000, un nouveau courrier demeuré sans réponse, expédié en pli simple et recommandé (accusé de réception du 19 janvier 2000), détaillant la procédure a été adressé à la société en Andorre pour lui demander de désigner, dans les meilleurs délais, un représentant en France habilité à suivre le contrôle en cours de son établissement présumé stable en France ; que, le 6 avril 2000, par lettre (…) à l’adresse de la société en Andorre, un rendez-vous a été proposé à ses dirigeants pour le 26 avril 2000, dans les locaux de l’administration à Pantin ou en tout autre lieu à leur convenance, aucune suite n’a été donnée ; que l’Administration a reçu, le 10 avril 2000, une réponse datée du 17 mars signée par José B... C..., en qualité d’administrateur unique, précisant qu’il désignait Joël D... (…) à Saint Xandre (…) comme représentant fiscal chargé de recevoir les différents documents que l’administration fiscale était susceptible d’envoyer ; ce mandat était incomplet, il a été demandé, par courrier du 28 avril 2000 (…) à José B... C... de bien vouloir le compléter (…) ;

qu’en réponse, par courrier du 5 mai 2000 (…), José B... C... a indiqué que Joël D... n’était pas habilité à représenter la société mais simplement à recevoir le courrier (…) ; que, le 22 mai 2000, un procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité et pour opposition à contrôle fiscal a été dressé et envoyé la société en Andorre ; que le 26 juin 2000, Me E..., avocat, (…) a fait parvenir un premier mandat de représentation, puis, le 2 août 2000, un second mandat (…) ces deux mandats étant signés par José B... C..., en sa qualité d’administrateur unique (…) ; qu’il ne peut être valablement reproché à l’Administration fiscale d’avoir adressé l’avis de vérification au ... (adresse dont Joseph X... prétend qu’elle est celle du représentant légal de la société et non celle du siège social), alors même qu’il ressort des documents produits par la société Prosport elle-même que l’adresse présumée du siège de la société en Andorre est bien celle-ci “ ;

” alors, d’une part, que l’avis de vérification de comptabilité doit être adressé au lieu du siège social de la société, à son représentant légal de sorte que la cour d’appel n’a pu, sans violer les dispositions visées au moyen, estimer régulière la notification de l’avis de vérification adressée non pas au siège social de la société Prosport, mais à l’adresse personnelle de Joseph X..., désigné en outre comme président, quand bien même le droit andorran ne prévoit que la qualité de directeur-gérant pour le représentant social de la société ;

” alors, d’autre part, que les personnes morales étrangères peuvent être invitées par l’administration à désigner en France un représentant fiscal à même de recevoir les communications et demandes de l’administration et d’y satisfaire ; qu’usant de cette faculté, les 23 novembre 1999 et 11 janvier 2000, soit postérieurement à la date d’envoi de l’avis de vérification de comptabilité et des mises en demeure du 5 novembre 1999, l’administration a demandé à la société Prosport de désigner un représentant si bien qu’en rejetant toute irrégularité de la procédure en dépit des communications de l’administration directement adressées à la société Prosport en Andorre, et non à son représentant fiscal désigné, la cour d’appel a violé les dispositions visées au moyen “ ;

Attendu que Joseph X... étant poursuivi pour abstention délibérée de toute déclaration, dont la constatation est, en l’espèce, étrangère à la procédure de vérification de comptabilité, le moyen, inopérant, ne peut qu’être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Peignot et Garreau pour Joseph X..., pris de la violation des articles L. 47 et L. 230-1 et 2 du Livre des procédures fiscales, 1741-1, 3 et 4, 1743, 1750-1 du code général des impôts, L. 123-12, 13 et 14 du code de commerce ;

” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Joseph X... coupable des délits de fraude fiscale et omissions d’écritures dans les documents comptables obligatoires, au titre des années 1997 et 1998, le condamnant à une peine de deux ans d’emprisonnement avec sursis, et ordonnant la publication et l’affichage de la décision de condamnation ;

” aux motifs que “ la société Prosport a déposé hors délai, en cours de contrôle, pour les années 1997 et 1998, après mises en demeure, des déclarations d’impôt sur les revenus ne comportant au demeurant aucun élément chiffré ; qu’elle s’est également abstenue de déposer, en dépit des mises en demeure opérées, les relevés mensuels de TVA relatifs à la période du 1er janvier au 31 décembre 1998 ; qu’en outre, aucune comptabilité n’a pu être examinée par le vérificateur au titre de la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1998, du fait de l’attitude d’opposition à contrôle fiscal adoptée par les représentants de la société, constatée dans un procès-verbal en date du 22 mai 2000 ; qu’ainsi les éléments des délits reprochés sont parfaitement établis, (…) ; que le caractère intentionnel de la fraude fiscale reprochée aux prévenus est constitué notamment par le défaut de présentation de toute comptabilité ainsi que par l’attitude d’opposition à contrôle fiscal adoptée par les dirigeants lors du contrôle de la société Prosport “ ;

” alors que les délits de fraude fiscale et d’omission de faire passer des écritures dans les documents comptables obligatoires constituent des chefs de poursuites distincts qui ne peuvent faire l’objet d’une qualification globale et indifférenciée si bien que la cour d’appel a méconnu les dispositions visées au moyen “ ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Peignot et Garreau pour Joseph X..., pris de la violation des articles L. 47 et L. 230-1 et 2 du Livre des procédures fiscales, 1741-1, 3 et 4, 1743, 1750-1 du code général des impôts, L. 123-12, 13 et 14 du code de commerce ;

” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Joseph X... coupable des délits de fraude fiscale et omissions d’écritures dans les documents comptables obligatoires, au titre des années 1997 et 1998, le condamnant à une peine de deux ans d’emprisonnement avec sursis, et ordonnant la publication et l’affichage de la décision de condamnation ;

” aux motifs qu’il appartient à l’administration d’apporter la preuve de l’existence d’un établissement stable en France, susceptible de donner lieu à imposition ; en l’espèce, la preuve de l’existence de cet établissement stable est rapportée par la convergence des éléments suivants :

 l’occupation par la société Prosport, de manière permanente, de locaux techniques et administratifs, à usage d’entrepôts, d’atelier et de bureaux, équipés d’une ligne téléphonique et d’une ligne de télécopie au nom de Bruno Y..., Team Festina,

 la mention sur le papier en tête utilisé par la société Prosport, de l’adresse du siège en Andorre, d’un cachet indiquant Team Festina Service courses, ...,

 la livraison du matériel et des marchandises acquises par la société Prosport à l’adresse de Meyzieu, dès lors que l’adresse de livraison figurant sur les factures de la plupart des fournisseurs français ou étrangers (équipements sportifs, vêtements, chaussures …) était celle de Meyzieu,

 l’emploi et la rémunération du personnel Prosport à Meyzieu, les contrats de travail de nombreuses personnes, telles des mécaniciens et des masseurs, ayant été signés courant 1997, à Meysieu, ces salariés étant, pour la plupart, domiciliés dans le département du Rhône ou à proximité et rémunérés en France, sur un compte bancaire andorran (étant observé que les salaires versés en France à partir du compte andorran de la société Prosport sont déclarés par les intéressés comme des revenus de source française),- le recrutement et l’emploi, en France, du personnel d’encadrement, soit : Bruno Y..., directeur sportif (…) Michel F..., directeur sportif adjoint (…) Joël D..., responsable de la logistique (…),

 le peu d’activité exercée par Prosport en Andorre (…), la signature à Andorre de certains contrats, la domiciliation des comptes bancaires de la société et le fait qu’elle y était locataire d’un atelier garage et de bureaux, ne suffisent pas à mettre en cause l’exercice d’une activité imposable en France à l’impôt sur les sociétés, Joseph X... ne peut utilement soutenir que l’activité de la société Prosport n’est pas commerciale, au sens commun du terme, et dès lors qu’aucune relation commerciale a pu se nouer à partir de l’établissement de Meyzieu, qu’en effet, la participation des coureurs salariés à des compétitions sportives est indissociable d’une activité commerciale de prestation de services publicitaires par la promotion des marques des fournisseurs et sponsors “ ;

” alors, d’une part, que le juge pénal doit forger sa conviction à partir des pièces faisant l’objet du débat pénal, le cas échéant à partir des constatations du vérificateur s’il en a contrôlé l’exactitude ; que, l’existence d’un établissement stable en France exige la présence d’une installation fixe d’affaire générant une activité imposable au titre des profits, et disposant d’une autonomie au regard de la société étrangère ; que, sur ces deux points essentiels de la définition de l’établissement stable, la cour d’appel n’a procédé à aucune constatation, se bornant à adopter, sans vérification, les constatations du redressement fiscal si bien qu’elle n’a pas légalement justifié sa décision ;

” alors d’autre part que, une prestation de service ne peut être assujettie à la TVA en France que si la prestation est exécutée au lieu de l’établissement stable si bien que la cour d’appel qui n’a procédé à cet égard à aucune constatation n’a pas donné de base légale à sa décision ;

” et aux motifs que “ le caractère intentionnel de la fraude fiscale reprochée aux prévenus est constitué notamment par le défaut de présentation de toute comptabilité ainsi que par l’attitude d’opposition à contrôle fiscal adoptée par les dirigeants lors du contrôle de la société Prosport “ ;

” alors, d’une part que, en cas de pluralité de prévenus, le comportement de chacun doit faire l’objet de l’analyse individualisée du juge si bien qu’en appréciant le caractère intentionnel du délit indifféremment au regard du comportement d’ensemble des dirigeants, la cour d’appel a méconnu les dispositions visées au moyen ;

” alors que, d’autre part, la qualité de gérant de droit ne suffit pas à caractériser le caractère intentionnel du délit de fraude fiscale, en l’absence de constatations sur la participation effective et volontaire du gérant dans la gestion de la société et à la fraude de sorte qu’en l’espèce, la cour d’appel qui s’est bornée à déduire le caractère intentionnel de la fraude par l’absence de dépôt des déclarations fiscales, le défaut de présentation de comptabilité et l’opposition à contrôle fiscal adopté par les dirigeants et qui s’est ainsi référée à la seule qualité de gérant de droit présumé de Joseph X..., n’a procédé à aucune vérification de sa participation effective à la fraude, privant alors sa décision de base légale “ ;

Sur le premier moyen de cassation proposé par Me Luc-Thaler pour Bruno Y..., pris de la violation des articles 209- I, 1741, 1743 et 1750 du code général des impôts, L. 123-12, L. 123-13 et L. 123-14 du code de commerce, 50 § 1 de la loi n° 52-401 du 14 avril 1952, 121-1 du code pénal, 427, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Bruno Y... coupable d’avoir volontairement soustrait la société Prosport à l’établissement et au paiement de l’impôt sur les Sociétés dû au titre de l’exercice clos en 1997, de la taxe sur la valeur ajoutée exigible pour la période du ter janvier au 31 mai 1998, et d’avoir sciemment omis de passer ou de faire passer des écritures dans les documents comptables obligatoires au titre de l’exercice clos le 31 décembre 1997 ;

” aux motifs que, : « le tribunal a parfaitement caractérisé tous les éléments qui établissaient que Bruno Y..., salarié de la société Prosport en qualité de directeur sportif, exerçait, en réalité, une activité effective et constante de direction de l’entreprise, avec pouvoir d’engager celle-ci vis-à-vis des tiers ; que selon les statuts du 7 mars 1994, Bruno Y... est l’un des trois fondateurs de la société Prosport ; que par un acte spécial du 30 mars 1994, qualifié d’additif aux statuts, Bruno Y... a reçu une très large délégation de pouvoir de la part du président de la SA Prosport, l’autorisant à gérer la société, en toute autonomie, aux fins d’administrer et gérer les biens de la société, contracter les assurances utiles, percevoir les produits, ouvrir tout compte bancaire et signer les factures ; qu’en application de cette délégation extrêmement large de pouvoir, Bruno Y... a accompli concrètement des actes relevant de la gérance de fait ; que c’est ainsi, ce qu’il ne conteste pas, d’ailleurs, qu’il a signé des contrats de sponsoring ou parrainage avec les sociétés Festina (le 4 octobre 1996 pour l’année 1997 et le 2 septembre 1997 pour l’année 1998) et Lotus (deux contrats signés aux mêmes dates) ; il a disposé du pouvoir de recrutement du personnel, en signant, en tant qu’employeur, au titre des années 1997 et 1998, les contrats de travail concernant des coureurs cyclistes et du personnel d’encadrement de l’équipe sportive, et même son propre contrat de travail, en sa double qualité de dirigeant de fait et de salarié ; il a signé le bail commercial pour les locaux de Meyzieu, le 15 février 1995, en qualité de manager général ayant tous les pouvoirs à l’effet des présentes ; il a signé les contrats commerciaux engageant la société Prosport, tels les contrats avec les fournisseurs et les contrats de publicité avec des entreprises autres que Festina et Lotus, il a disposé de la signature sur le compte bancaire identifié de la société Prosport (ouvert à la Banca Mora), son épouse ayant déclaré qu’elle préparait les chèques que signait son mari ; il était le principal interlocuteur de la société Prosport, dans ses relations avec les tiers, notamment auprès de la Fédération Française de Cyclisme ; que Bruno Y..., dans un courrier adressé le 10 novembre 1999 à l’administration fiscale, a clairement indiqué, en des termes qui ne présentent aucune ambiguïté et qui ne souffrent pas la moindre contestation, qu’il n’était plus le gérant de la société Prosport, depuis le mois de juillet 1998, reconnaissant par là même l’avoir été antérieurement ; que de tout ce qui précède, le tribunal a pu, à bon droit en tirer la conclusion que, pendant la période vérifiée et jusqu’au 15 juillet 1998, Bruno Y... a agi en qualité de gérant de fait de la société Prosport, matérialisant plus particulièrement la gérance effective de la société à partir de la France (arrêt, pages 11 et 12) » ;

” alors que la participation personnelle du dirigeant de droit à des faits constitutifs de fraude fiscale caractérise une immixtion dans les fonctions déléguées et, partant, rend inefficace la délégation de pouvoirs ; que, dès lors, en estimant que le demandeur avait la qualité de dirigeant de fait de la société Prosport, pour en déduire qu’il doit être tenu pénalement responsable des faits de fraude fiscale visés à la prévention, tout en déclarant Joseph X..., dirigeant de droit de la même société, coupable des mêmes faits, ce dont il résulte que l’intéressé avait conservé le contrôle effectif du respect, par l’entreprise, de ses obligations vis à vis de l’administration fiscale et, par conséquent, que Bruno Y... ne pouvait être tenu responsable des manquements constatés, la cour d’appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé, par fausse application, les textes susvisés “ ;

Sur le second moyen de cassation proposé par Me Luc-Thaler pour Bruno Y..., pris de la violation des articles 209- I, 1741, 1743 et 1750 du code général des impôts, L. 123-12, L. 123-13 et L. 123-14 du code de commerce, 50 § 1 de la loi n° 52-401 du 14 avril 1952, 121-1 du code pénal, 427, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Bruno Y... coupable d’avoir volontairement soustrait la société Prosport à l’établissement et au paiement de l’impôt sur les sociétés dû au titre de l’exercice clos en 1997, de la taxe sur la valeur ajoutée exigible pour la période du 1er janvier au 31 mai 1998, et d’avoir sciemment omis de passer ou de faire passer des écritures dans les documents comptables obligatoires au titre de l’exercice clos le 31 décembre 1997 ;

” aux motifs que : « tout établissement d’une société andorrane installée à demeure en France, possédant une certaine autonomie et exerçant une activité à caractère industriel et commercial, constitue un établissement stable assujetti à l’impôt sur les sociétés en application de l’article 209-1 précité ; qu’en matière de taxe sur la valeur ajoutée, les personnes morales étrangères ayant en France le siège de leur activité ou un établissement stable, ou à défaut, leur domicile ou leur résidence habituelle, sont soumises aux mêmes formalités et doivent acquitter la TVA dans des conditions identiques aux entreprises françaises exerçant une activité similaire en France ; que ce régime s’applique notamment aux succursales d’entreprises étrangères et, d’une manière générale, à tout établissement en France de firmes étrangères qui assure des prestations de services ; qu’il appartient à l’administration d’apporter la preuve de l’existence d’un établissement stable en France, susceptible de donner lieu à imposition ; qu’en l’espèce, la preuve de l’existence de cet élément stable est rapportée par la convergence des éléments suivants : l’occupation par la société Prosport, de manière permanente, de locaux techniques et administratifs, à usage d’entrepôts, d’atelier et de bureaux, équipés d’une ligne téléphonique et d’une ligne de télécopie au nom de « Bruno Y..., Team Festina » ; la mention sur les papiers à en-tête, utilisé par la société Prosport, de l’adresse du siège cachet indiquant « Team Festina, Service courses, ... » ; la livraison du matériel et des marchandises acquises par la société Prosport, à l’adresse de Meyzieu, dès lors que l’adresse de livraison figurant sur les factures de la plupart des fournisseurs français ou étrangers était celle de Meyzieu ; l’emploi et la rémunération du personnel de Prosport à Meyzieu, les contrats de travail de nombreuses personnes, telles que des mécaniciens et des masseurs, ayant été signés, courant 1997, à Meyzieu, ces salariés étant, pour la plupart, domiciliés dans le département du Rhône ou à proximité et rémunérés en France, sur un compte bancaire andorran ; le recrutement et l’emploi, en France, du personnel d’encadrement, soit Bruno Y..., directeur sportif, domicilié à Vannes (Morbihan), lequel recevait, à son domicile, son courrier au nom de la société Prosport, Michel F..., directeur sportif adjoint, domicilié à Meyzieu, lequel exerçait ses fonctions depuis le siège de l’association du Vélo Club de Vaulx-en-Velin (Rhône) dont il était président, et qui occupait des locaux ..., adresse voisine de celle du local occupé par la société Prosport, Joël D..., responsable de la logistique, lequel exerçait ses fonctions depuis son domicile à Saint Xandre (Charente-Maritime) ; le peu d’activité, exercée par Prosport, en Andorre, à telle enseigne qu’aucun numéro de téléphone ou de télécopie à l’adresse du siège ne figurait sur les documents émanant de la société, les contacts étant toujours indiqués à l’une des adresses en France ; que le rappel de ces éléments réduit à néant la prétention de Joseph X... à présenter le local de Meyzieu comme un simple « hangar », destiné à une simple activité de stockage ; de même que la signature à Andorre de certains contrats, la domiciliation des comptes bancaires de la société et le fait qu’elle y était locataire d’un atelier garage et de bureaux ne suffisent pas à mettre en cause l’exercice d’une activité imposable en France à l’impôt sur les sociétés ; qu’enfin, Joseph X... ne peut utilement soutenir que l’activité de la société Prosport n’est pas commerciale, au sens commun du terme, et dès lors « qu’aucune relation commerciale a pu se nouer à partir de l’établissement de Meyzieu », qu’en effet, la participation des coureurs salariés à des compétitions sportives est indissociable d’une activité commerciale de prestations de services publicitaires par la promotion des marques des fournisseurs et sponsors ; que le tribunal a conclu fort pertinemment qu’il résultait de tous ces éléments la preuve de ce que la société Prosport « disposait d’un établissement stable en France, dès lors qu’elle exerçait à Meyzieu, une activité commerciale grâce à une installation professionnelle et permanente comportant les moyens humains et techniques nécessaires à celle-ci » ; que c’est donc à bon droit que l’administration a estimé que la SA Prosport était exploitée en France, au sens de l’article 209-1 du code général des impôts (arrêt, pages 13 et 14) » ;

” alors qu’en se bornant à énoncer que la société Prosport occupe, à Meyzieu, des locaux techniques et administratifs, à usage d’entrepôts, d’atelier et de bureaux, équipés d’une ligne téléphonique au nom de Bruno Y..., que des livraisons de matériel ont été effectuées à cette adresse, et que la participation des coureurs cyclistes à des compétitions sportives est indissociable d’une activité commerciale de prestation de services publicitaires, pour en déduire que la société Prosport, de droit andorran, possède en France un établissement exerçant une activité à caractère industriel et commercial, sans rechercher si l’activité commerciale susvisée, de prestation de services publicitaires, était ou non exercée dans les locaux litigieux et tout en relevant que ces derniers ne servaient, en définitive, qu’à stocker du matériel technique, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision “ ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour déclarer Joseph X... et Bruno Y... coupables de fraude fiscale et d’omission d’écritures en comptabilité, l’arrêt prononce par les motifs repris aux moyens ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, dépourvues d’insuffisance comme de contradiction, qui établissent que la société Prosport exploitait en France un établissement stable, permanent et autonome, générant des profits l’assujettissant à l’impôt sur les sociétés, aux taxes sur le chiffre d’affaires et aux obligations comptables et déclaratives en découlant, la cour d’appel, qui a caractérisé les éléments tant matériels qu’intentionnel des infractions et la participation personnelle des prévenus aux faits poursuivis, a justifié sa décision ;

D’où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Dulin conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Rognon conseiller rapporteur, Mme Thin conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : Cour d’appel de Lyon , du 2 novembre 2007