établissement en France oui

Cour de cassation

chambre commerciale

Audience publique du 27 septembre 2017

N° de pourvoi : 16-20880

ECLI:FR:CCASS:2017:CO01196

Non publié au bulletin

Rejet

Mme Mouillard (président), président

SCP Foussard et Froger, SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses première, troisième, quatrième et cinquième branches :

Attendu, selon l’ordonnance attaquée, rendue par le premier président d’une cour d’appel (Orléans, 9 juin 2016), que, le 19 janvier 2015, un juge des libertés et de la détention a, sur le fondement de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales, autorisé des agents de l’administration fiscale à procéder à une visite avec saisies dans des locaux et dépendances sis à Gien, susceptibles d’être occupés par les sociétés Michel Creuzot, Des souris des idées, Chenault, Xamic conseils et Adeo, afin de rechercher la preuve de la fraude commise par la société Musarm productions, la société de droit panaméen Adanarts international, les sociétés de droit suisse Seven Stars Systems Plus et Seven Stars Systems ainsi que par M. Y... au regard de l’impôt sur le revenu ou sur les bénéfices et des taxes sur le chiffre d’affaires ; que les sociétés Musarm productions, Seven Stars Systems, Michel Creuzot et Des Souris des idées ainsi que M. Y... ont relevé appel de cette autorisation ;

Attendu que les sociétés Musarm productions et Seven Stars Systems et M. Y... font grief à l’ordonnance de confirmer l’autorisation de visite avec saisies alors, selon le moyen :

1°/ que les documents produits par l’administration fiscale à l’appui de sa requête aux fins d’autorisation de visite et de saisie domiciliaire doivent avoir une origine apparemment licite ; que les appelants faisaient valoir, dans leurs conclusions d’appel que l’administration n’expliquait pas comment elle avait pu décider d’exercer un droit de communication auprès du conseil de prud’hommes de Paris, relativement à une affaire sans incidence fiscale et dont elle ne pouvait avoir connaissance ; qu’en omettant toute recherche sur l’origine des documents, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales ;

2°/ que l’administration fiscale est tenue d’une obligation de loyauté objective et doit produire tous les éléments d’information en sa possession, quelle que soit leur portée ; que le premier président ne pouvait dès lors, pour refuser de sanctionner le défaut de production des éléments relatifs aux contrôles et vérifications fiscales subies par le passé par les personnes concernées, et à la réglementation de la production de spectacles à l’étranger, se borner à énoncer que “aucun élément non connu du premier juge n’ayant pu être de nature à lui faire modifier sa décision” ; qu’il a ainsi violé l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales ;

3°/ que le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d’autorisation qui lui est présentée est fondée ; que le premier président ne pouvait considérer que les sociétés étrangères Adanarts international, Seven Stars Systems et Seven Stars Systems Plus exerçaient leur activité professionnelle sur le territoire français sans préciser en quoi consistait cette activité ; qu’il a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles 1349 du code civil et L. 16 B du livre des procédures fiscales ;

4°/ que, de même, le premier président n’a pas précisé en quoi l’activité professionnelle de M. Y... était exercée en France ; qu’il a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles 1349 et L. 16 B du livre des procédures fiscales ;

Mais attendu, en premier lieu, que l’ordonnance relève que l’administration fiscale a exercé son droit de communication auprès du conseil de prud’hommes saisi d’une contestation de deux artistes musiciens mettant notamment en cause la société Musarm productions sur leurs conditions de travail et la rupture de leurs relations de travail ; que le premier président, qui n’avait pas à effectuer une recherche non demandée sur l’origine de l’exercice de ce droit, a exactement retenu que les pièces obtenues dans ce cadre avaient une origine licite ;

Et attendu, en second lieu, que par motifs propres et adoptés, l’ordonnance constate que les statuts de la société Musarm productions prévoient qu’elle a pour objet, directement ou indirectement, la production et l’organisation de tous spectacles ainsi que de toutes prestations de services afférents à cette activité et qu’il ressort des pièces communiquées que deux musiciens ont déclaré avoir accompagné l’artiste Charles Z... lors de concerts ou d’enregistrements phonographiques ou audiovisuels, en France et à l’étranger, pendant une vingtaine d’années jusqu’en mai 2011, en précisant que la société Musarm productions prenait en charge les réservations de billets d’avion, les demandes de visas et tous les aspects matériels de leur emploi, les prestations étant payées en espèces et M. Y... étant chargé du suivi des reçus de paiement, mais que deux musiciens ne figuraient pas sur les déclarations annuelles des salariés déposées par cette société pour les années 2010 et 2011, pas plus que M. Z..., présenté par elle comme salarié dans le cadre de l’instance prud’homale ; que l’ordonnance ajoute que le désistement intervenu dans cette dernière fait suite à un protocole d’accord confirmant les relations d’affaires et professionnelles ayant existé entre les musiciens et la société Musarm productions ; qu’elle constate encore qu’il ressort des pièces produites que l’organisation de concerts ou spectacles de M. Z... en France incombait à cette dernière société et que la société de droit panaméen Adanarts international ne disposait d’aucune adresse précise au Panama, aucun compte social à son nom ne figurant sur la base de données locales, bien que l’un des musiciens ait indiqué qu’elle était associée à l’organisation des concerts à l’étranger de M. Z... ; que l’ordonnance mentionne qu’en décembre 2014, M. Y... a dirigé la production d’une comédie musicale à Paris et que celui-ci, présent dans les locaux de la société Musarm productions à Paris, délivrait les autorisations de concert, bien que ne figurant pas sur la liste des agents artistiques recensés ; qu’elle en déduit l’existence de présomptions selon lesquelles la société Musarm productions exerçait une activité à l’étranger sous le couvert de la société Adanarts international, laquelle utilisait les moyens de la société Musarm productions, et que M. Y... exerçait également son activité en France ; qu’en cet état, le premier président, qui a souverainement estimé que les pièces dont le défaut de production était reproché n’étaient pas de nature à influer sur la décision du juge des libertés et de la détention, a légalement justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en sa deuxième branche, qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les sociétés Musarm productions et Seven Stars Systems et M. Y... aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer la somme globale de 2 500 euros au directeur général des finances publiques ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la sociétés Musarm productions, M. Y... et la société Seven Stars Systems

Il est reproché à l’ordonnance attaquée d’avoir accordé à l’administration fiscale l’autorisation de pratiquer les visites et les saisies qu’elle sollicitait ;

AUX MOTIFS QU’aux termes de l’article 16 B du livre des procédures fiscales, l’autorité judiciaire peut autoriser l’administration, lorsqu’il existe des présomptions qu’un contribuable se soustrait à l’établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe à la valeur ajoutée, à rechercher la preuve des ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s’y rapportant sont susceptibles d’être détenus, et procéder à leur saisie quel qu’en soit le support ; QU’en l’espèce, l’administration fiscale, usant de son droit de communication auprès du conseil de prud’hommes de Paris, saisi d’une action de deux musiciens à l’encontre de la société Musarm Productions pour pratique de travail dissimulé et rupture abusive de contrats de travail, a, à la lecture des écritures des demandeurs, pu apprendre que ces musiciens qui auraient accompagné M. Charles Z... en France et à l’étranger pendant une vingtaine d’années jusqu’en 2011, auraient travaillé sans contrats écrits de droit français ; QUE la société Musarm Productions aurait pris en charge les réservations de billets d’avion, les demandes de visa et tous les aspects matériels de leur emploi en France et à l’étranger, les prestations étant payées en espèces ; QUE les deux musiciens auraient encore travaillé pour les sociétés de droit suisse Seven Stars Systems et Seven Stars Systems Plus, cette dernière fondée et dirigée par M. Y..., ayant toutes deux leur siège social à l’adresse du domicile suisse de celui-ci ; QUE M. Y... était encore qualifié dans les conclusions de “gestionnaire de fait” de la société Musarm Productions, et qu’il y était en particulier mentionné comme ayant assuré le suivi des reçus de paiement en espèces des prestations, délivré des autorisations de concerts en France, signé un contrat de management avec une artiste française et notifié aux deux musiciens la fin de leur contrat ; QUE les affirmations des musiciens apparaissaient crédibles, dès lors que la société Musarm Productions avait refusé de communiquer les contrats conclus avec M. Z... au titre des concerts à l’étranger de 2006 à 2011, de même que les contrats de cession de spectacles conclus avec les organisateurs étrangers de ces spectacles ou les reçus de paiement des musiciens à l’étranger, et avait préféré transiger le litige prud’homal plutôt que de plaider ; QU’en l’état de ces constatations, et alors qu’il apparaissait que les deux musiciens ne figuraient pas sur les déclarations annuelles de salaires déposées par la société Musarm Productions, laquelle ne déclarait donc pas la totalité de ses charges salariales, que celle-ci ne déclarait pas non plus les produits tirés de son activité à l’étranger, l’administration fiscale a pu légitimement en déduire une présomption de fraude de la part de cette dernière ; QUE, de même, dès lors qu’il apparaissait que les sociétés Adanarts International, Seven Stars Systems et Seven Stars Systems Plus ne disposaient d’aucun des moyens matériels et humains nécessaires à leur activité, il pouvait être présumé que celles-ci utilisaient les moyens de la société Musarm Productions ;

QU’enfin, et surtout pour ce qui concerne notre ressort, il apparaissait des pièces de la procédure prud’homale de sérieuses présomptions d’une activité non déclarée de M. Y... en France, soit à titre personnel, soit sous couvert des sociétés Musarm Productions et Seven Stars ; QUE le premier juge a dès lors pu faire droit à la requête de l’administration fiscale, sans qu’il puisse être sérieusement fait reproche à cette dernière d’avoir caché des éléments dont elle avait connaissance, aucun élément non connu du premier juge n’ayant pu être de nature à lui faire modifier sa décision ; QUE l’ordonnance entreprise sera donc confirmée ;

1- ALORS QUE les documents produits par l’administration fiscale à l’appui de sa requête aux fins d’autorisation de visite et de saisie domiciliaire doivent avoir une origine apparemment licite ; que les appelants faisaient valoir, dans leurs conclusions d’appel (p. 18 et suivantes) que l’administration n’expliquait pas comment elle avait pu décider d’exercer un droit de communication auprès du conseil de prud’hommes de Paris, relativement à une affaire sans incidence fiscale et dont elle ne pouvait avoir connaissance ; qu’en omettant toute recherche sur l’origine des documents, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales ;

2- ALORS QUE les jugements doivent être motivés ;qu’en matière de visites domiciliaires, le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d’autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; que le seul débat contradictoire sur le fond a lieu devant le premier président de la cour d’appel ; que celui-ci doit donc apprécier la valeur et la portée des éléments de preuve produits par l’administration à l’appui de sa requête ; que dès lors, la cour d’appel ne pouvait comme elle l’a fait, se dispenser d’apprécier la crédibilité des déclarations figurant dans des conclusions déposées par des salariés devant le conseil de prud’hommes, qui y mettaient en cause la régularité du comportement de leur adversaire ; qu’elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ;

3- ALORS QUE de même, l’administration fiscale est tenue d’une obligation de loyauté objective et doit produire tous les éléments d’information en sa possession, quelle que soit leur portée ; que le premier président ne pouvait dès lors, pour refuser de sanctionner le défaut de production des éléments relatifs aux contrôles et vérifications fiscales subies par le passé par les personnes concernées, et à la réglementation de la production de spectacles à l’étranger, se borner à énoncer que “aucun élément non connu du premier juge n’ayant pu être de nature à lui faire modifier sa décision” ; qu’il a ainsi violé l’article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ;

4- ALORS QUE le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d’autorisation qui lui est présentée est fondée ; que le premier président ne pouvait considérer que les sociétés étrangères Adamarts international, Seven Stars Systems et Seven Stars Systems Plus exerçaient leur activité professionnelle sur le territoire français sans préciser en quoi consistait cette activité ; qu’il a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles 1349 du code civil et L. 16 B du livre des procédures fiscales ;

5- ALORS QU’enfin, de même, le premier président n’a pas précisé en quoi l’activité professionnelle de M. Lévon Y... était exercée en France ; qu’il a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles 1349 et L. 16 B du livre des procédures fiscales.

Décision attaquée : Cour d’appel d’Orléans , du 9 juin 2016