établissement en France oui

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 16 avril 2008

N° de pourvoi : 07-85176

Non publié au bulletin

Rejet

M. Dulin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

Me Foussard, SCP Nicolaý, de Lanouvelle, Hannotin, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’ arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

"-" Y... Khalil,

contre l’ arrêt de la cour d’ appel de PARIS, 9e chambre, en date du 5 juillet 2007, qui, pour fraude fiscale et omission d’ écritures en comptabilité, l’ a condamné à six mois d’ emprisonnement avec sursis, 10 000 euros d’ amende, a ordonné la publication et l’ affichage de la décision, et a prononcé sur les demandes de l’ administration des impôts, partie civile ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 209 I du code général des impôts, 1741, 1743 et 1750 du code général des impôts, L. 123- 12, L. 123- 13 et L. 123- 14 du code de commerce, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
” en ce que l’ arrêt confirmatif attaqué a déclaré Kalil Y... coupable de fraude fiscale par soustraction à l’ établissement ou au paiement de l’ impôt sur les sociétés dû au titre de l’ exercice clos le 31 décembre 2001 et par omission de déclaration, par omission d’ écriture dans un document comptable ;
” aux motifs propres que, au fond, sur les délits reprochés : que référence étant faite aux énonciations des premiers juges, il est reproché à Khalil Y... d’ avoir soustrait la société Yarly International, en qualité de dirigeant de son établissement stable en France, à l’ établissement et au paiement de l’ impôt sur les sociétés au titre de l’ exercice 2001 et, d’ autre part, d’ avoir omis de passer des écritures comptables pour le même exercice ; que, comme l’ a dit le tribunal, la société Yarly International ayant son siège dans les Iles vierges britanniques exerçait en France une activité habituelle de prestations de service (mise en relation des sociétés commerciales principalement françaises et des sociétés étrangères réalisant des appels d’ offres dans les pays du Moyen- Orient), avec pour adresse le ..., l’ activité étant en réalité exercée réellement au ...à Paris 75016, domicile de Khalil Y... qui la représentait ; qu’ à cette adresse où se trouvaient les statuts en original, les relevés de compte et divers autres documents sociaux, elle disposait de tous les moyens matériels nécessaires à son activité (télécopieur, matériels informatiques et téléphoniques), qu’ elle en réglait les loyers et charges ; que l’ activité présentait un caractère permanent tant sur la durée des contrats signés que sur la période couverte par ceux- ci (de 18 mois à trois ans, renouvelables par tacite reconduction) ; que Khalil Y... ne peut soutenir qu’ il n’ était qu’ un simple agent commercial indépendant alors qu’ il détenait les originaux des statuts, qu’ il bénéficiait d’ un mandat général depuis 1994 lui donnant tout pouvoir d’ agir au nom de la société dans tout endroit du monde, d’ ouvrir et fermer notamment tout compte bancaire, signer et négocier tout contrat et représenter la société dans toute procédure judiciaire, qu’ il établissait les factures de la société qu’ il adressait aux clients, signait pour le compte de la société Yarly International les contrats conclus avec les sociétés françaises ; qu’ il détenait seul la signature bancaire, disposait selon ses propres déclarations de chéquiers et d’ une carte bancaire, payait les frais engagés par la société pour l’ activité française, sa rémunération comme celle de ses collaborateurs ; qu’ il importe peu qu’ il ait pu, en parallèle, exercer d’ autres activités ; que sa qualité de dirigeant de l’ établissement en France de la société Yarly International (et non de cogérant de fait comme l’ a indiqué par erreur le tribunal) est ainsi démontrée, qu’ en cette qualité il devait souscrire les déclarations de résultats passibles de l’ impôt sur les sociétés auxquelles elle était soumise à raison des bénéfices tirés de cet établissement conformément aux dispositions des articles 209- 1 et 223- 1 du code général des impôts ; qu’ il ne pouvait se prévaloir de la fixation du siège de la société à l’ étranger pour la faire échapper à l’ impôt dont elle était redevable en France ; qu’ il a persisté dans sa carence déclarative pour la période visée après l’ engagement de la vérification de comptabilité et en dépit de la mise en demeure qui lui a été adressée le 4 décembre 2002 et dont il a accusé réception ; qu’ il devait tenir une comptabilité régulière et probante alors que pour l’ exercice 2001, aucune comptabilité n’ a été présentée au vérificateur lors du contrôle, ce qui a entraîné l’ établissement d’ un procès- verbal de carence le 11 décembre 2003 contresigné par Khalil Y..., qui a admis lors de son audition aux services de police que ces documents n’ existaient pas ; que les infractions reprochées sont donc constituées ; que le jugement sera ainsi confirmé sur la déclaration de culpabilité, comme sur les peines, qui ont été exactement appréciées par le tribunal, qu’ il en sera de même pour les dispositions civiles ;
” 1°) alors qu’ une entreprise dont le siège est situé à l’ étranger ne peut être regardée comme exerçant habituellement une activité en France lorsque les opérations qu’ elle y effectue ne constituent pas en France un cycle commercial complet ; qu’ en retenant que l’ activité exercée en France par la société Yarly International présentait un caractère de permanence sans même analyser ainsi qu’ elle y était invitée par Kalil Y... dans ses conclusions d’ appel régulièrement déposées (conclusions d’ appel p. 14 et 15) les contrats versés aux débats par celui- ci (pièces communiquées n° 7, 35, 5, 8, 31, 9, 33, 34, 32, 46) de nature à démontrer que l’ activité de prestations de service et de conseil de la société Yarly International développée par l’ entremise de Kalil Y... se déroulait exclusivement à l’ étranger, en particulier en Syrie, en Algérie, en Lybie, et au Quatar, la cour d’ appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
” 2°) alors que les entreprises étrangères qui effectuent en France des opérations par l’ entremise de représentants ayant une personnalité distincte de la leur échappent à l’ impôt sur les sociétés ; qu’ en considérant, pour retenir que Kalil Y... était dirigeant de l’ établissement en France de la société Yarly International, qu’ il importait peu que Kalil Y... puisse avoir en parallèle de son activité pour la société Yarly International d’ autres activités quand cette circonstance appuyée par le versement aux débats de la liste des contrats signés par celui- ci pour d’ autres sociétés (pièce n° 30) était de nature à caractériser son indépendance par rapport à elle, la cour d’ appel a violé les textes susvisés ;
” 3°) alors que les entreprises étrangères qui effectuent en France des opérations par l’ entremise de représentants ayant une personnalité distincte de la leur échappent à l’ impôt sur les sociétés tandis que lesdits représentants sont dans ce cas imposables en France à raison des profits réalisés dans le cadre de leur activité professionnelle ; qu’ en retenant que Kalil Y... était dirigeant de l’ établissement en France de la société Yarly International sans examiner, ne serait ce que pour les écarter, les circonstances opérantes indiquées dans ses conclusions régulièrement déposées (p. 17 à 19), qu’ il n’ était pas actionnaire de la société Yarly International dont il ne percevait aucun bénéfice, qu’ il déclarait les commissions reçues de Yarly International ou d’ autres sociétés au titre des BNC, et enfin que la vérification de sa situation personnelle de 1999 à 2005 avait abouti à une absence de redressement de la part de l’ administration fiscale, la cour d’ appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
” 4°) alors que, en écartant l’ hypothèse que Kalil Y... ait agi pour le compte de la société Yarly International en sa seule qualité d’ apporteur d’ affaires indépendant sans même rechercher quelles étaient les conditions d’ exécution de son mandat lequel, ainsi qu’ il le faisait valoir dans ses conclusions d’ appel (conclusions p. 18), était un mandat de droit étranger, et en particulier son degré autonomie par rapport aux actionnaires de la société Yarly, la cour d’ appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
” 5°) alors que la présence d’ un établissement stable en France suppose la présence en France d’ établissements secondaires présentant une consistance minimale quant aux moyens humains et techniques réunis à leur permanence laquelle résulte de l’ importance du nombre de salariés employés dans l’ établissement et des conditions de fonctionnement de celui- ci ; qu’ en excluant que l’ adresse du ...à Paris 75016 puisse constituer le domicile de Kalil Y..., apporteur d’ affaires indépendant, ainsi que celui- ci le faisait valoir dans ses conclusions d’ appel, en considération de la présence à cette adresse d’ un établissement de la société Yarly International en France, au seul constat qu’ y étaient installés un télécopieur, du matériel informatique et téléphonique, et que s’ y trouvaient des documents sociaux, la cour d’ appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés “ ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 209 I du code général des impôts, 1741, 1743 et 1750 du code général des impôts, L. 123- 12, L. 123- 13 et L. 123- 14 du code de commerce, 121- 3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
” en ce que l’ arrêt confirmatif attaqué a déclaré Kalil Y... coupable de fraude fiscale par soustraction à l’ établissement ou au paiement de l’ impôt sur les sociétés dû au titre de l’ exercice clos le 31 décembre 2001 et par omission de déclaration, par omission d’ écriture dans un document comptable ;
” aux motifs propres que, au fond, sur les délits reprochés : que référence étant faite aux énonciations des premiers juges, il est reproché à Khalil Y... d’ avoir soustrait la société Yarly International, en qualité de dirigeant de son établissement stable en France, à l’ établissement et au paiement de l’ impôt sur les sociétés au titre de l’ exercice 2001 et, d’ autre part, d’ avoir omis de passer des écritures comptables pour le même exercice ; que, comme l’ a dit le tribunal, la société Yarly International ayant son siège dans les Iles vierges britanniques exerçait en France une activité habituelle de prestations de service (mise en relation des sociétés commerciales principalement françaises et des sociétés étrangères réalisant des appels d’ offres dans les pays du Moyen- Orient), avec pour adresse le ..., l’ activité étant en réalité exercée réellement au ...à Paris 75016, domicile de Khalil Y... qui la représentait ; qu’ à cette adresse où se trouvaient les statuts en original, les relevés de compte et divers autres documents sociaux, elle disposait de tous les moyens matériels nécessaires à son activité (télécopieur, matériels informatiques et téléphoniques), qu’ elle en réglait les loyers et charges ; que l’ activité présentait un caractère permanent tant sur la durée des contrats signés que sur la période couverte par ceux- ci (de 18 mois à trois ans, renouvelables par tacite reconduction) ; que Khalil Y... ne peut soutenir qu’ il n’ était qu’ un simple agent commercial indépendant alors qu’ il détenait les originaux des statuts, qu’ il bénéficiait d’ un mandat général depuis 1994 lui donnant tout pouvoir d’ agir au nom de la société dans tout endroit du monde, d’ ouvrir et fermer notamment tout compte bancaire, signer et négocier tout contrat et représenter la société dans toute procédure judiciaire, qu’ il établissait les factures de la société qu’ il adressait aux clients, signait pour le compte de la société Yarly International les contrats conclus avec les sociétés françaises ; qu’ il détenait seul la signature bancaire, disposait selon ses propres déclarations de chéquiers et d’ une carte bancaire, payait les frais engagés par la société pour l’ activité française, sa rémunération comme celle de ses collaborateurs ; qu’ il importe peu qu’ il ait pu, en parallèle, exercer d’ autres activités ; que sa qualité de dirigeant de l ‘ établissement en France de la société Yarly International (et non de cogérant de fait comme l’ a indiqué par erreur le tribunal) est ainsi démontrée, qu’ en cette qualité il devait souscrire les déclarations de résultats passibles de l’ impôt sur les sociétés auxquelles elle était soumise à raison des bénéfices tirés de cet établissement conformément aux dispositions des articles 209- 1 et 223- 1 du code général des impôts ; qu’ il ne pouvait se prévaloir de la fixation du siège de la société à l’ étranger pour la faire échapper à l’ impôt dont elle était redevable en France ; qu’ il a persisté dans sa carence déclarative pour la période visée après l’ engagement de la vérification de comptabilité et en dépit de la mise en demeure qui lui a été adressée le 4 décembre 2002 et dont il a accusé réception ; qu’ il devait tenir une comptabilité régulière et probante alors que pour l’ exercice 2001, aucune comptabilité n’ a été présentée au vérificateur lors du contrôle, ce qui a entraîné l’ établissement d’ un procès- verbal de carence le 11 décembre 2003 contresigné par Khalil Y..., qui a admis lors de son audition aux services de police que ces documents n’ existaient pas ; que les infractions reprochées sont donc constituées ; que le jugement sera ainsi confirmé sur la déclaration de culpabilité, comme sur les peines, qui ont été exactement appréciées par le tribunal, qu’ il en sera de même pour les dispositions civiles ;
” alors qu’ il n’ y a point de délit sans intention de le commettre ; qu’ en n’ examinant pas, ne serait- ce que pour l’ écarter, le moyen opérant de nature à caractériser l’ absence d’ une intention délibérée de fraude de la part de Kalil Y..., selon lequel celui- ci, apporteur d’ affaires indépendant, déclarait à l’ administration fiscale les commissions qu’ il percevait de la société Yarly International depuis de nombreuses années et que les deux contrôles dont il avait l’ objet pour les années 1999 à 2004 s’ étaient conclus sans rectification, la cour d’ appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés “ ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu’ il résulte de l’ arrêt attaqué et des pièces de procédure que Khalil Y... est poursuivi pour avoir frauduleusement soustrait la société britannique Yarling international, domiciliée à Tortola, île à fiscalité privilégiée, à l’ établissement et au paiement de l’ impôt sur les sociétés, en s’ abstenant de déposer la déclaration des résultats de l’ exercice clos le 31 décembre 2001, et pour avoir omis de tenir ou faire tenir les livres et comptes obligatoires ;
Attendu que, pour le déclarer coupable de fraude fiscale et d’ omission d’ écritures en comptabilité, l’ arrêt prononce par les motifs repris aux moyens ;
Attendu qu’ en l’ état de ces énonciations, qui établissent, sans insuffisance ni contradiction, que la société exploitait en France un établissement stable, permanent et autonome, générant des profits, sans que ses activités requièrent des moyens matériels et humains importants, la cour d’ appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu’ intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable, a justifié sa décision ;
D’ où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l’ appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Et attendu que l’ arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’ article 567- 1- 1 du code de procédure pénale : M. Dulin conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Rognon conseiller rapporteur, Mme Thin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Décision attaquée : Cour d’appel de Paris du 5 juillet 2007