établissement stable oui

CAA de NANTES

N° 17NT01670

Inédit au recueil Lebon

1ère chambre

M. BATAILLE, président

M. Jean-Eric GEFFRAY, rapporteur

M. JOUNO, rapporteur public

SELARL AVOFISC FISCAREA, avocat(s)

lecture du lundi 18 février 2019

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009 et 2010.

Par un jugement n° 1403905 du 29 mars 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 31 mai et 6 novembre 2017 et 6 et 18 décembre 2018, M. et Mme B..., représentés par MeC..., demandent à la cour :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) d’annuler les décisions du directeur des services fiscaux ;

3°) de prononcer cette décharge ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

 le service a méconnu les dispositions de l’article L. 47 du livre des procédures fiscales dès lors que la procédure de notification de l’avis de vérification n’est pas régulière ;

 le service a méconnu les dispositions de l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales dès lors que l’administration devait informer M. B...de la nature et de la teneur des 551 documents saisis et du détail ou du contenu des renseignements et documents ;

 ils ont été privés du droit de se faire transmettre, d’une part, la requête de l’administration demandant au juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc de l’autoriser à procéder aux visites et saisies nécessitées par la recherche de la preuve des agissements présumés et, d’autre part, l’ordonnance du juge des libertés et de la détention du même tribunal du 7 juin 2011 ;

 l’instruction BOI-CF-PGR-30-10 du 12 septembre 2012 n° 280 a été méconnue ;

 la société Hi Tech Entreprises Forty Four exerce son activité au Royaume-Uni et n’a pas d’établissement stable en France ;

 les stipulations des articles 11.2 et 11.1.a de la convention fiscale franco-britannique ont été méconnues.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 octobre 2017 et 7 décembre 2018, le ministre de l’action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. et Mme B...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu ;

 la convention tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur les revenus signée le 22 mai 1968 entre la France et le Royaume-Uni, modifiée en dernier lieu par avenant du 15 octobre 1987 ;

 le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

 le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 le rapport de M. Geffray,

 les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Après avoir effectué le 8 juin 2011 une visite et saisie en application de l’article L.16 B du livre des procédures fiscales au domicile de M. et MmeB..., en exécution d’une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc du 7 juin 2011, confirmée par une ordonnance d’un président de chambre de la cour d’appel de Rennes du 21 novembre 2012 pour cause de fraude fiscale en l’absence de déclarations fiscales et de passation régulière d’écritures comptables, le service a procédé en 2012 à un examen de la situation fiscale personnelle de M. B...et à une vérification de comptabilité de la société de droit britannique Hi Tech Entreprises Forty Four Ltd, spécialisée dans la délocalisation des entreprises, qu’il dirigeait. A la suite de ces contrôles, M. et Mme B...ont été assujettis, en droits, intérêts de retard et pénalités, à des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2009 et 2010. Ils relèvent appel du jugement du 29 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces cotisations.

Sur l’applicabilité de la convention franco-britannique :

2. Si M. et Mme B...soutiennent que la société Hi Tech Entreprises Forty Four exerce son activité au Royaume-Uni et qu’elle n’a pas d’établissement stable en France, ils ne contredisent pas l’administration lorsque celle-ci affirme que les clients de la société étaient français, que toutes les prestations réalisées en 2009 et 2010 l’ont été sur le territoire français, que la société disposait d’une installation matérielle permanente en France, M. B... agissant pour le compte de la société en engageant des opérations depuis chez lui à Cornec (Côtes d’Armor) et que la société, qui disposait de simples adresses successives de domiciliation dans des cabinets comptables au Royaume-Uni et qui n’y disposait d’aucun bien mobilier et immobilier, n’y avait pas la disposition d’un établissement stable ayant une consistance ou un degré de permanence minimale dès lors que les autorités fiscales britanniques ont indiqué qu’elle était en sommeil.

3. Compte tenu des conditions dans lesquelles la société Hi Tech Entreprises Forty Four exerçait son activité en France et de l’implication de M. B...dans cette activité, comme il a été dit au point précédent du présent arrêt, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations du a du 1 de l’article 11 de la convention franco-britannique selon lesquelles les dividendes provenant d’un Etat contractant et payés à un résident de l’autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat et de celles du 2 du même article définissant le terme de dividendes doivent être écartés.

Sur la régularité de la procédure d’imposition :

4. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l’article L. 47 du livre des procédures fiscales : “ Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d’une personne physique au regard de l’impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l’envoi ou la remise d’un avis de vérification. “. Il incombe à l’administration d’établir que l’avis de vérification prévu par ces dispositions est parvenu en temps utile au contribuable. En cas de retour à l’expéditeur du pli recommandé contenant cet avis, le contribuable ne peut être regardé comme l’ayant reçu que s’il est établi qu’il a été avisé, par la délivrance d’un avis de passage, de ce que le pli était à sa disposition au bureau de poste dont il relève et n’a été retourné à l’expéditeur qu’après l’expiration du délai de mise en instance prévu par la réglementation en vigueur. Cette preuve peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes portées sur l’enveloppe, soit, à défaut, d’une attestation de l’administration postale ou d’autres éléments de preuve.

5. L’enveloppe contenant l’avis informant M. B...de l’examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle en date du 9 mai 2012, accompagné de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, a été présentée à son domicile le 10 mai 2012 ainsi que l’atteste le bordereau de distribution et le confirme le courrier de la plateforme de distribution du courrier en date du 11 janvier 2013. Le pli a été retourné le 26 mai 2012 à l’administration fiscale avec la mention “ Non réclamé “. Ainsi, le contribuable a été régulièrement avisé dès le 10 mai 2012 que le pli contenant l’avis de vérification était à sa disposition au bureau de poste dont il relevait. Les circonstances que l’administration ne produit pas les pièces concernant le nouvel envoi le 8 juin 2012, à la fois par lettre simple et par pli recommandé, de l’avis d’examen et de la charte et que le pli recommandé, présenté le 12 juin 2012, n’a pas été retiré et a été renvoyé avec la même mention ne font pas obstacle à ce que la procédure de notification soit regardée comme régulière dès le 10 mai 2012.

6. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales : “ L’administration est tenue d’informer le contribuable de la teneur et de l’origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s’est fondée pour établir l’imposition faisant l’objet de la proposition prévue au premier alinéa de l’article L. 57 ou de la notification prévue à l’article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. “. L’obligation ainsi faite à l’administration fiscale d’informer le contribuable de l’origine et de la teneur des renseignements qu’elle a utilisés pour procéder à des rectifications a pour objet de permettre à celui-ci, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, afin qu’il puisse vérifier l’authenticité de ces documents et en discuter la teneur ou la portée. Les dispositions de l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales instituent ainsi une garantie au profit de l’intéressé. Toutefois, la méconnaissance de ces dispositions par l’administration demeure sans conséquence sur le bien-fondé de l’imposition s’il est établi qu’eu égard à la teneur du renseignement, nécessairement connu du contribuable, celui-ci n’a pas été privé, du seul fait de l’absence d’information sur l’origine du renseignement, de cette garantie.

7. La proposition de rectification du 20 décembre 2012 mentionne que lors de la visite domiciliaire dans les locaux de la société Hi Tech Entreprises Forty Four Ltd, des documents ont été saisis et portent les cotes N°1 à 554 et que les services de la brigade d’intervention interrégionale de Rennes ont tenté de restituer les documents sans succès. M. B...étant directeur de la société et la saisie des documents ayant eu lieu à la même adresse, correspondant à son domicile et à celle des locaux de la société où était réalisée l’activité de celle-ci, à défaut de toute activité à Londres où est situé le siège social, M. B...avait nécessairement connaissance de ces documents. L’administration n’était pas tenue d’informer M. B...de la nature et de la teneur de ces documents saisis ainsi que du détail de ceux-ci ou du contenu des renseignements.

8. En troisième lieu, s’il incombe à l’administration, quelle que soit la procédure d’imposition mise en oeuvre, et à tout moment avant la mise en recouvrement, d’informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d’arrêter d’office les bases d’imposition, de l’origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers, qu’elle a utilisés pour établir les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l’intéressé, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander, avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition, cette obligation ne s’étend pas aux documents déposés au greffe du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance, en vertu d’une obligation légale ayant pour objet de les rendre accessibles au public. L’administration demeure soumise, dans cette dernière hypothèse, aux obligations de motivation des propositions de rectification ou de notification des bases et du calcul des impositions d’office que prévoient respectivement, selon que les impositions ont été établies suivant la procédure contradictoire ou d’office, les articles L. 57 et L. 76 du livre des procédures fiscales.

9. Compte tenu de ce qui est dit au point précédent du présent arrêt, les requérants ne peuvent utilement soutenir qu’ils ont été privés du droit de se faire transmettre, d’une part, la requête de l’administration demandant au juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc de l’autoriser à procéder aux visites et saisies nécessitées par la recherche de la preuve des agissements présumés et, d’autre part, l’ordonnance du juge des libertés et de la détention du même tribunal du 7 juin 2011.

10. Enfin, M. et Mme B...ne peuvent pas utilement se prévaloir de la méconnaissance de l’instruction BOI-CF-PGR-30-10 du 12 septembre 2012 n° 280 qui a pour objet la procédure d’imposition.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions relatives aux frais liés à l’instance doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...B...et au ministre de l’action et des comptes publics.

Délibéré après l’audience du 31 janvier 2019, à laquelle siégeaient :

 M. Bataille, président de chambre,

 M. Geffray, président assesseur,

 Mme Malingue, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 février 2019.

Le rapporteur,

J.-E. GeffrayLe président,

F. Bataille

Le greffier,

A. Rivoal