Test professionnel - simple observateur oui

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 6 janvier 2010

N° de pourvoi : 08-44170

Non publié au bulletin

Rejet

Mme Collomp (président), président

SCP Didier et Pinet, SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Metz, 4 juin 2007), que Mme X..., soutenant qu’elle avait été employée par la Société de distribution automatique de sandwiches (Sodisand) du 24 janvier au 25 février 2003 sans contrat écrit ni rémunération, et qu’il avait été mis fin brusquement et sans aucune forme à la relation de travail, a saisi la juridiction prud’homale de demandes de rappels de salaire, d’indemnité pour travail dissimulé et de dommages-intérêts pour licenciement abusif ;

Attendu que Mme X... fait grief à l’arrêt de l’avoir déboutée de sa demande relative à l’existence d’un contrat de travail avec la Sodisand alors, selon le moyen, que le test professionnel, exclusif d’un contrat de travail, n’est caractérisé qu’en l’état d’une courte durée d’exécution et d’une rémunération, en sus d’une tâche d’assistance d’un employé ; qu’en déboutant Mme X... de l’intégralité de ses demandes, sans constater, comme elle y était invitée par cette dernière (conclusions, p. 5), que le prétendu test professionnel invoqué par la société Sodisand n’avait été que de courte durée et que les prestations effectuées avaient, sous une forme ou sous une autre, été rémunérées, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail ;

Mais attendu qu’appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d’appel a retenu que Mme X..., qui s’était bornée à accompagner, en fonction de ses disponibilités et en qualité d’observatrice, les salariés de la Sodisand sans jamais fournir de prestation personnelle, ne démontrait pas avoir travaillé sous l’autorité de celle-ci, et en exactement déduit que l’existence du contrat de travail allégué n’était pas rapportée ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six janvier deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky, avocat aux Conseils pour Mme X...

Le moyen reproche à l’arrêt infirmatif attaqué D’AVOIR débouté mademoiselle X... de ses demandes visant à voir condamner la société Sodisand à lui verser la somme de 1. 035, 91 € à titre de salaire pour la période du 24 janvier au 25 février 2003 et la somme de 6. 215 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et à voir ordonner à la société Sodisand de lui délivrer les fiches de salaire de janvier et février 2003, un certificat de travail et une attestation destinée à l’Assedic ;

AUX MOTIFS QUE la société Sodisand contestait le fondement de la décision du conseil de prud’hommes qui avait considéré que mademoiselle X... avait bien été sa salariée du 24 janvier au 25 février 2003 ; qu’elle faisait valoir en effet que cette dernière n’avait réalisé qu’un test professionnel, ainsi que l’établissaient les attestations produites aux débats – non utilement et efficacement contredites par celles de l’intimée –, l’absence de justification de toute réclamation de mademoiselle X... relative à un contrat de travail auprès de l’employeur prétendu, l’absence de déclaration auprès de l’Assedic de Lorraine d’un emploi exercé par mademoiselle X... à la société Sodisand et le délai de plus de trois mois écoulé après le test professionnel pour assigner le prétendu employeur devant la juridiction prud’homale ; qu’elle ajoutait qu’il appartenait à mademoiselle X... de rapporter la preuve de l’existence de la relation contractuelle de travail, ce qu’elle ne faisait pas au regard des attestations dont elle se prévalait pour la plupart imprécises et contredites par les témoignages fournis par la société Sodisand ; qu’elle insistait sur la nécessité d’une formation rigoureuse exigée par la nature des tâches de l’emploi d’approvisionner brigué par mademoiselle X..., justifiant l’existence d’un test professionnel ; qu’au contraire, cette dernière exposait que l’existence d’un tel test professionnel était dépourvue de tout intérêt alors précisément qu’elle n’avait aucune compétence spécifique dans les fonctions d’approvisionneur concernées, qu’elle avait été embauchée le 24 janvier 2003 en qualité d’approvisionneur et avait travaillé jusqu’au 25 février suivant, date à laquelle il avait été mis fin à la relation de travail sans qu’aucun contrat de travail n’ait jamais été établi par l’employeur qui lui avait bien demandé de commencer à travailler à compter du 27 janvier 2003 et lui avait signifié ses horaires de travail durant lesquels elle avait appris à exécuter les tâches d’un approvisionneur en compagnie de monsieur Y..., madame Z... et monsieur A... ; qu’elle en voulait pour preuve les attestations qu’elle versait contradictoirement aux débats, l’enquête pénale qui justifiait de la réalité du travail clandestin que la société Sodisand lui avait confié et du défaut de crédibilité de monsieur B..., gérant de la société Sodisand, qui s’était rendu coupable de fausse attestation ; qu’elle précisait qu’aucun écrit ne justifiait de ce que la relation l’ayant liée à la société Sodisand aurait eu la nature d’un test professionnel dont l’existence était injustifiée ; qu’il appartenait à mademoiselle X... de rapporter la preuve de l’existence d’une relation contractuelle de travail entre elle-même et la société Sodisand qui le contestait ; que du rapport de l’enquête pénale réalisée par les services de police aux frontières de Thionville, à la demande du Procureur de la République de Thionville, ayant pour objet une suspicion d’infraction de travail dissimulé au vu du jugement entrepris, il ressortait que lorsqu’elle avait été entendue par le fonctionnaire de police le 30 décembre 2004, mademoiselle X... avait indiqué que serveuse au Flunch, elle avait été contactée par une cliente, madame Sandrine C..., attachée commerciale de la société Sodisand de Thionville qui lui avait demandé si elle était intéressée par un emploi d’approvisionneuse et que c’était dans ces conditions qu’elle avait pris contract avec le gérant de la société Sodisand, monsieur B..., lequel l’avait convoquée le 24 janvier 2003 à un entretien d’embauche au terme duquel il lui avait dit qu’elle commençait son travail le lundi 27 janvier 2003, que ses tâches consistaient à effectuer une tournée avec un employé, monsieur Marc Y..., que ses horaires de travail étaient de 8 heures à 15 heures du lundi au vendredi et qu’elle percevrait un salaire de 1. 035 € par mois, sans toutefois que ne soit établi un contrat de travail ; qu’elle avait précisé qu’à l’issue de la première journée de travail, monsieur B... lui avait indiqué que, dès sa formation terminée, il lui établirait un contrat de travail ; qu’elle avait indiqué avoir exercé ses fonctions, qui consistaient à nettoyer les machines à café, à les recharger, de même que les autres appareils à boissons, confiseries et sandwichs, dans les entreprises desservies par la société Sodisand, durant la première semaine avec monsieur Marc Y..., durant les deux semaines suivantes avec mademoiselle Hélène Z... et monsieur Abdelkader A... et durant la dernière semaine avec ces trois personnes ; qu’elle avait ajouté que le 25 février 2003, elle avait attendu vainement que mademoiselle Z... vienne la prendre à son domicile et qu’ayant contacté téléphoniquement cette dernière, elle s’était entendu dire que monsieur B... ne voulait plus d’elle ; qu’elle avait précisé avoir attendu un mois avant de contacter son employeur et que n’ayant ni perçu de salaire ni reçu de fiche de paie, après avoir appris à l’Urssaf qu’elle n’était pas déclarée, elle avait introduit une action prud’homale ; que monsieur Aumar B..., également entendu par l’enquêteur de police le 30 mars 205 avait déclaré que, gérant de la société Sodisand qui approvisionnait, entretenait et collectait les recettes des appareils de distribution de boissons et de sandwichs installés dans des entreprises, il avait été contacté par mademoiselle X..., intéressée par un emploi d’approvisionneur, avec laquelle il avait été convenu, hors toute relation contractuelle de travail, qu’elle accompagnerait, selon les modalités pratiques lui convenant, l’un des trois approvisionneurs pour « pouvoir se donner un aperçu du type de travail et savoir ainsi si ce type de travail particulier était susceptible de lui plaire » ; qu’il avait précisé qu’entre fin janvier 2003 et début février 2003, mademoiselle X... avait accompagné l’un des trois approvisionneurs, à savoir monsieur Y..., mademoiselle Z... et monsieur A..., exclusivement à titre d’observatrice, sans aucune régularité quotidienne ou hebdomadaire, et sans fournir de travail ; qu’il avait contesté l’existence de tout lien de subordination entre la société et mademoiselle X... et toute obligation salariale contractée à l’égard de cette dernière ; que mademoiselle X... versait aux débats diverses attestations afin de caractériser l’existence d’une relation contractuelle de travail entre la société Sodisand et elle-même ; que cependant les témoignages produits par l’intimée ne permettaient pas de justifier de l’existence d’un lien de subordination entre la société Sodisand et mademoiselle X... ; que la société Sodisand versait aux débats une attestation établie par Monsieur Marc Y..., approvisionneur à la société Sodisand, qui indiquait que fin janvier et début février 2003, mademoiselle X... l’avait accompagné dans sa tournée le matin ou l’après-midi pour quelques heures, selon la convenance de l’intéressée, afin qu’elle se fasse une idée plus précise du travail d’approvisionneur en distribution automatique et qu’elle n’était qu’observatrice ; qu’elle produisait aussi une attestation de mademoiselle Hélène Z..., également approvisionneuse, qui indiquait que début février 2003, sur quelques jours, il lui était arrivé d’aller chercher mademoiselle D... pour l’accompagner en tournée afin qu’elle se fasse une idée du travail et que celle-ci venait lorsque son emploi du temps le lui permettait soit quelques heures par jour, durant lesquelles elle n’effectuait aucun travail ; que ces témoignages se trouvaient confirmés par monsieur Christophe E..., madame Jocelyne F..., mademoiselle Kelly G..., monsieur Patrick H..., monsieur Christian I..., monsieur Abhès J..., lesquels attestaient tous en leur qualité d’employés des entreprises présents au moment des approvisionnements que mademoiselle X... se cantonnait dans un rôle d’observatrice, et n’avait été vue qu’à deux ou trois reprises, début février 2003 avec l’approvisionneur habituel ; que s’il ressortait de l’enquête pénale qu’avec l’accord de monsieur A..., monsieur B... avait établi et signé aux lieu et place de celui-ci une attestation dans laquelle il était indiqué que mademoiselle X... n’était intervenue que comme accompagnatrice de l’approvisionneur, dans le cadre d’une démarche personnelle pour se faire une idée du travail concerné, ce qui était pratique courante dans la société, il n’en restait pas moins qu’entendue par le fonctionnaire de police le 12 janvier 2005, monsieur A... avait déclaré que mademoiselle X... n’avait fait que l’accompagner durant deux ou trois jours dans sa tournée sur ordre de monsieur B... pour lui montrer le travail qu’elle n’avait fait qu’aller chercher les produits dans la camionnette ; qu’il résultait des témoignages de mademoiselle Hélène Z..., de mademoiselle Maryse K..., de monsieur Antonio L..., tous approvisionneurs à la société Sodisand que préalablement à leur engagement qui avait été suivi d’une période de formation, ils avaient à plusieurs reprises accompagné un approvisionneur comme observateurs pour se faire une idée du travail ; que mademoiselle X... ne saurait dans ces conditions arguer de l’inutilité de l’existence d’un test professionnel dont il ne pouvait être sérieusement contesté qu’il fût efficace pour tester les aptitudes d’une personne sans qualification à procéder à des opérations matérielles de différentes natures (telles qu’approvisionnement et nettoyage des distributeurs et récolte des caisses) sur des sites variés ; que la seule attestation établie par mademoiselle Nefnaf M... qui témoignait que le 20 février 2003, elle avait vu mademoiselle X... laver les bacs de la machine à café dans l’entreprise EGO Production à Saulny et qu’à sa demande concernant la raison de la présence de mademoiselle X..., monsieur A... qui approvisionnait la machine à café lui aurait répondu que son employeur cherchait un remplaçant, ne saurait caractériser, à raison du caractère isolé d’une telle circonstance, un lien de subordination avec la société Sodisand justifiant l’existence d’un lien contractuel de travail ; que surabondamment, il convenait de souligner que la seule enquête pénale diligentée pour travail dissimulé n’avait donné lieu à aucune poursuite de ce chef de monsieur B..., gérant de Sodisand, dont la responsabilité pénale n’avait pas été recherchée, dans le cadre d’une procédure de composition pénale que pour fausse attestation, infraction constituée par le fait d’avoir établi une attestation aux lieu et place de monsieur A..., étant précisé, ainsi qu’il a déjà été précédemment énoncé, que ce dernier avait donné son consentement pour ce faire ; que de l’ensemble de ces énonciations, il s’évinçait que mademoiselle X... qui ne rapportait pas la preuve qu’un lien de subordination eût existé entre la société Sodisand et elle-même et par suite qu’un rapport contractuel de travail salarié eût existé entre les deux parties devait être déboutée de l’intérêt de ses demande, le jugement étant en conséquence infirmé (arrêt, p. 5 à 10) ;

ALORS QUE le test professionnel, exclusif d’un contrat de travail, n’est caractérisé qu’en l’état d’une courte durée d’exécution et d’une rémunération, en sus d’une tâche d’assistance d’un employé ; qu’en déboutant mademoiselle X... de l’intégralité de ses demandes, sans constater, comme elle y était invitée par cette dernière (conclusions, p. 5), que le prétendu test professionnel invoqué par la société Sodisand n’avait été que de courte durée et que les prestations effectuées avaient, sous une forme ou sous une autre, été rémunérées, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail.

Décision attaquée : Cour d’appel de Metz du 4 juin 2007