Mise à disposition

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 19 juin 2012

N° de pourvoi : 11-82391

Non publié au bulletin

Cassation

M. Louvel (président), président

Me Spinosi, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

 M. Olivier X...,

 La société Tifouine,

 La société Petrus,

contre l’arrêt de la cour d’appel de RENNES, 3e chambre, en date du 27 janvier 2011, qui a condamné le premier, pour faux et usage de faux, travail dissimulé et infraction à la règle du repos dominical, à quatre mois d’emprisonnement avec sursis et deux amendes de 6 000 et 1 000 euros, la deuxième, pour travail dissimulé et infraction à la règle du repos dominical, à deux amendes de 30 000 et 5 000 euros, la troisième, pour travail dissimulé et pour infraction à la règle du repos dominical, à deux amendes de 10 000 et 1 500 euros, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;

Sur le premier moyen de cessation, pris de la violation des articles 441-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

” en ce que la cour d’appel a confirmé le jugement ayant déclaré M. X...coupable de faux et usage de faux ;

” aux motifs que, le 15 décembre 2006, M. X..., es qualité de gérant de la SARL Tifouine, a adressé à l’une de ses salariées, Mme Y..., une lettre recommandée avec accusé de réception, valant avertissement, dans laquelle il lui reprochait une erreur de caisse de 19, 56 euros, puis une deuxième lettre recommandée valant nouvel avertissement, le 1er février 2007, pour la perte de 36 tickets de caisse, avant de la licencier le 6 mars 2007 ; que, placée en garde à vue, le 7 mars 2007, Mme Z...indiquait aux enquêteurs que c’était elle-même, sur ordre de son employeur, qui avait pris une vingtaine d’euros dans la caisse de sa collègue puis, toujours sur l’instigation de l’employeur, avait subtilisé 30 tickets de carte bleue dans sa sacoche ; que ces déclarations de Mme Z...ont été confirmées par M. A...et Mme C...qui ont, tous deux, affirmé que M. X...avait demandé à Mme Z...de provoquer des erreurs dans la caisse de Mme Y... , Mme C... précisant qu’elle désapprouvait ce comportement mais que Mme Z...« les tenait » en leur faisant miroiter, ainsi qu’à Mme Z..., une prochaine gérance dans des magasins du même type qu’il souhaitait acquérir ; qu’il est ainsi établi que M. X...a délibérément rédigé des écrits contenant des allégations qu’il savait fausses, alors que ces écrits étaient destinés à établir l’existence de faits permettant la rupture du contrat de travail consenti à Mme Y... ; qu’il s’ensuit que l’infraction de faux et usage de faux est établie à son encontre ;

” alors que, en se fondant, pour déclarer M. X...coupable de faux, sur les déclarations de Mme Z..., de Mme C... et de M. A..., desquelles il résulterait que M. X...avait demandé à Mme Z...de provoquer des erreurs dans la caisse de Mme Y... , quand seule Mme Z...avait déclaré un tel fait, Mme C... et M. A...s’étant bornés à déclarer qu’elle le leur avait dit, ce dont il résulte que la condamnation ne repose que sur les déclarations de Mme Z..., dont la mise en cause par M. X...du chef de vol avait initié la procédure, la cour d’appel a contredit les termes clairs et précis des procès-verbaux d’audition de Mme C... et de M. A...” ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu’intentionnel, les délits de faux et d’usage de faux dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D’où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en discussion l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 1221-10, L. 3243-2, L. 8221-1, L. 8221-5 et L. 8221-6 du code du travail, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

” en ce que la cour d’appel a confirmé le jugement ayant déclaré M. X..., la société Tifouine et la société Petrus coupables d’exécution d’un travail dissimulé ;

” aux motifs que, tant le prévenu que son expert-comptable, cité à la barre comme témoin, ont expliqué que la SARL Petrus avait été créée pour permettre de faire travailler des étudiants recrutés pour permettre l’ouverture le dimanche de “ Foir’fouille “ géré par la société Tifouine ; que ces personnes, rattachées juridiquement à la société Petrus exerçaient leurs activités exclusivement à Foir’fouille » dans le cadre d’un contrat de prestation de service conclu entre les deux sociétés ; que les factures, établies par la société Petrus, démontrent que la seule prestation facturée à la société Foir’fouille est un prêt de main-d’oeuvre se renouvelant chaque dimanche ; qu’il s’agit de prestations directement fournies par les associés-gérants de la société Petrus à la société Foir’fouille ; que, nonobstant la présomption de l’article L. 8221-6-1 du code du travail, l’existence d’un contrat de travail peut être recherchée ; que Mme D...indique avoir été embauchée par M. X...qui a fixé son salaire ; que Mme E...indique qu’elle travaillait généralement le dimanche, mais aussi certains samedi à la demande de M. X...qui exigeait qu’elle récupère ainsi les heures qu’elle n’avait pu effectuer le dimanche et que jusqu’à son licenciement, c’était Mme Z...qui était responsable du magasin, ce qu’a confirmé le comptable de la holding, M. F... ; que Mme G...indique de même avoir subi un entretien d’embauche au cours duquel M. X...a fixé les horaires de travail et les conditions de rémunération qu’elle trouvait un peu faibles pour un dimanche, que l’ensemble des personnes travaillant dans ces conditions a indiqué avoir dû verser lors de l’entretien avec M. X...le prix de 10 euros, réglé par chèque et immédiatement restitué en argent liquide, pour devenir membre d’une société dont elles s’accordaient à dire qu’elles ne voyaient pas très bien l’utilité ; qu’est ainsi caractérisée l’existence d’un véritable lien de subordination entre les étudiants recrutés et M. X..., gérant de la société Petrus ; qu’il ressort notamment des déclarations de M. X...à l’audience et de celles de M. H..., expert-comptable, cité à sa demande, que le montage juridique a été conçu pour ne pas recruter les personnes présentes le dimanche dans le magasin dans le cadre d’un contrat de travail et notamment ne pas leur remettre de bulletins de salaire, qu’ainsi le caractère intentionnel du délit de travail dissimulé par dissimulation de salariés est établi ; que, de même, c’est sciemment que la société Foir’fouille, par l’intermédiaire de son gérant, a eu recours au travail dissimulé en employant dans le magasin qu’elle exploite, les étudiants recrutés “ ;

” 1) alors que l’infraction de travail dissimulé suppose, lorsque la personne est associée au capital de la société du donneur d’ordre, l’établissement d’un lien de subordination juridique résultant d’un faisceau d’indices caractérisant l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur ayant le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que le fait, constaté par la cour d’appel, que M. X...aurait fixé les horaires de travail et les conditions de rémunération des associés gérants de la société Petrus dans le cadre du contrat de prestation de services conclu entre celle-ci et la société Tifouine, ne constitue, de toute évidence, pas un faisceau d’indices suffisant à établir que ces associés auraient été soumis à l’autorité de M. X..., et qu’ils auraient exercé leur activité sous les ordres, le contrôle et les directives de celui-ci ; qu’en se bornant à relever que M. X...aurait fixé les horaires de travail et les conditions de rémunération de ses associés au sein de la société Petrus, ce qui n’implique aucun lien de subordination juridique permanente, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

” 2) alors que, convaincue que la création de la société Petrus constituait un montage conçu pour ne pas recruter les personnes présentes le dimanche dans le magasin dans le cadre d’un contrat de travail, la cour d’appel s’est, pour déclarer les prévenus coupables de travail dissimulé, par des motifs insuffisants à caractériser un lien de subordination, en réalité, essentiellement fondé sur le fait que les associés de la société Petrus exerçant leur activité dans le magasin “ La Foir’fouille “ exploité par la société Tifouine, travaillaient le dimanche ; qu’en déduisant ainsi, par une inversion du raisonnement, l’existence d’un travail dissimulé dans le but de contourner la législation du travail concernant le travail dominical, sur le fait que les associés-gérants de la société Petrus travaillaient le dimanche, la cour d’appel a violé les articles L. 8221-1, L. 8221-5 et L. 8221-6 du code du travail “ ;

Vu l’article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué, du jugement qu’il confirme partiellement et des pièces de procédure qu’à la suite de la plainte d’une salariée de la société Tifouine, qui exploite le magasin La Foir’fouille à ..., il est apparu que des étudiants, qui avaient la qualité d’associés gérants de la société Petrus, avaient été mis par cette dernière société à la disposition de la société Tifouine et avaient travaillé dans son magasin le dimanche ; qu ‘ à raison de ces faits, M. X..., qui dirige les deux sociétés, a été poursuivi devant la juridiction correctionnelle notamment des chefs de travail dissimulé et d’infraction à la règle du repos dominical ; que les sociétés Tifouine et Petrus, personnes morales, ont été également poursuivies pour les mêmes infractions ; que le tribunal a dit la prévention établie ;

Attendu que, pour confirmer sur ces points le jugement entrepris, l’arrêt retient que si la société Petrus a, dans le cadre d’un contrat de prestations de services, mis du personnel à la disposition de la société Tifouine, il apparaît que la société Petrus a été créée par le prévenu pour faire travailler le dimanche des étudiants, qui, sans avoir le statut de salariés, oeuvraient exclusivement au magasin La Foir’fouille pour le compte de la société Tifouine, et que M. X..., dirigeant commun des deux sociétés, a procédé à un montage juridique dans le but d’éviter la conclusion de contrats de travail et d’éluder les obligations de déclaration préalable à l’embauche et de délivrance de bulletins de paie inhérentes à l’emploi de salariés ;

Mais attendu qu’en déclarant établis le délit d’exécution d’un travail dissimulé et la contravention de non-respect de la règle du repos dominical à l’encontre de chacune des deux sociétés poursuivies, alors qu’en l’état de ses motifs, les agissements mis en évidence étaient de nature à caractériser, à l’égard de la société Petrus, le délit de prêt de main-d’oeuvre irrégulier et, à l’égard de la société Tifouine, le délit d’exécution d’un travail dissimulé et la contravention de non-respect de la règle du repos dominical, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision ;

D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Rennes, en date du 27 janvier 2011, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Caen, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Guirimand conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Leprey ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : Cour d’appel de Rennes du 27 janvier 2011