Commerce de détail non alimentaire

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 25 avril 2007

N° de pourvoi : 07-81148

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. DULIN conseiller, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-cinq avril deux mille sept, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller NOCQUET, les observations de la société civile professionnelle LESOURD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

 X... Eric,

contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de RIOM, en date du 16 janvier 2007, qui, dans l’information suivie contre lui des chefs, notamment, de travail dissimulé, marchandage et infractions à la règle du repos hebdomadaire, a confirmé l’ordonnance du juge d’instruction le plaçant sous contrôle judiciaire ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 137 et suivants, 591 et 593 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, défaut de motifs et manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a confirmé l’ordonnance du juge d’instruction, en date du 13 décembre 2006, plaçant Eric X... sous contrôle judiciaire ;

”aux motifs qu’en l’état de l’information, il existait contre Eric X... des indices graves de culpabilité qui étaient constitués par les témoignages recueillis et les documents saisis ;

qu’il en résultait que, par un habillage juridique consistant dans de prétendus contrats de mandat entre la société-mère et les sociétés gérant prétendument des points de vente et par la technique employée dans chaque point de vente des salariés érigés en cogérant, le mis en examen avait créé une structure lui permettant de s’affranchir à l’égard des salariés employés de fait par lui de l’essentiel des obligations résultant du droit du travail ; que le mis en examen niant les faits, il importait d’empêcher de sa part toute concertation avec les autres personnes apparaissant comme ayant des responsabilités dans le montage juridique et toute pression sur ceux-ci ; que les faits reprochés à Eric X... et pour lesquels il avait déjà été condamné s’étaient écoulés sur une longue période et avaient permis à celui-ci de créer un groupe ayant une activité très importante et très lucrative et qu’il était à craindre qu’il ne persistât dans cette activité délinquante ; que l’affirmation d’Eric X... dans son mémoire que la communication avec Y..., Z... et A... était indispensable au bon fonctionnement des sociétés DKR et Babou donnait à penser qu’Eric X..., sous couvert de ceux-ci, continuait à diriger l’activité du groupe ; que la non-communication avec ces personnes apparaissait donc d’autant plus nécessaire pour éviter toute concertation et toute réitération des infractions ; que la création, sur une grande échelle, d’une structure économique s’affranchissant de l’essentiel des règles contraignantes du droit du travail et créant ainsi à

l’égard des autres commerçants honnêtes une concurrence déloyale, avait profondément troublé l’ordre public économique et avait, en outre, créé pour les salariés victimes, privés des garanties du droit du travail, un préjudice important ; que le trouble à l’ordre public était toujours persistant dans la mesure où ces pratiques mises en oeuvre par Eric X... semblaient perdurer ; que les obligations mises à la charge d’Eric X... dans le cadre du contrôle judiciaire étaient strictement nécessaires à la manifestation de la vérité, à la non-réitération des faits et au respect de l’ordre public ;

”1 ) alors que, le contrôle judiciaire ne peut être ordonné que si les faits poursuivis sont pénalement réprimés ;

qu’aucun texte n’interdit à une société de donner mandat à une autre société ou à une personne physique de gérer un fonds de commerce lui appartenant ; que, dans ce cas, le contrat de mandat passé entre la société mandante et le mandataire exclut l’application à celui-ci de la réglementation du code du travail ; qu’un tel mandat est parfaitement légal et exclusif de tout délit ; qu’en l’espèce, il est établi qu’Eric X..., en sa qualité de président-directeur-général de la société Euro Textile (devenue SAS Babou) jusqu’en 2003, a conclu des conventions de mandat avec des sociétés-tierces, elles-mêmes librement constituées par leurs associés et dirigeants, pour gérer divers magasins, propriétés de cette société ;

que ces contrats de mandat constituant un procédé parfaitement légal échappant à la réglementation du travail, il ne pouvait lui être reproché, à propos de ces faits, ni travail dissimulé par dissimulation de salaires, ni marchandage de main-d’oeuvre justifiant sa mise en examen et son placement sous contrôle judiciaire alors surtout qu’au jour de sa mise en examen et de son placement sous contrôle judiciaire, Eric X... n’exerçait plus aucune fonction de direction au sein de la société Babou depuis juillet 2003 ; que cette mesure est, en l’espèce, rigoureusement illégale ;

”2 ) alors que, le contrôle judiciaire, mesure restrictive de la liberté de l’individu, ne peut être ordonné, contre une personne mise en examen mais présumée innocente, qu’en raison des nécessités de l’instruction ou à titre de mesure de sûreté ; que l’instruction elle-même ne peut être diligentée que si les faits poursuivis sont de nature à constituer une infraction pénale encore existante au jour où le juge statue ; que l’entrée en vigueur d’une loi autorisant expressément une pratique de gestion qui constitue le fondement de la poursuite pour les fautes antérieures est une loi plus douce dont le caractère rétroactif bénéficie au mis en examen et prive la poursuite de son fondement légal ; qu’en l’espèce, la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 a inséré au code de commerce un article L. 146-1 qui est ainsi rédigé : “les personnes physiques ou morales qui gèrent un fonds de commerce ou un fonds artisanal, moyennant le versement d’une commission proportionnelle au chiffre d’affaires, sont qualifiées de “gérants-mandataires” lorsque le contrat conclu avec le mandant, pour le compte duquel, le cas échéant dans le cadre d’un réseau, elles gèrent ce fonds, qui en reste propriétaire et supporte les risques liés à son exploitation, leur fixe une mission en leur laissant toute latitude, dans le cadre ainsi tracé, de déterminer leurs conditions de travail, d’embaucher du personnel et de substituer des remplaçants dans leur activité à leurs frais et sous leur entière responsabilité” ; que “le gérant-mandataire est immatriculé au registre du commerce et des sociétés et, le cas échéant, au répertoire des métiers” ; que “le contrat est mentionné à ce registre ou à ce répertoire et fait l’objet d’une publication dans un journal habilité à recevoir des annonces légales” ; que dès lors, à supposer qu’avant l’entrée en vigueur de cette loi, les faits reprochés au mis en examen eussent été de nature délictuelle, ils ont, depuis l’entrée en vigueur de ce texte, perdu ce caractère délictuel ; que la poursuite ayant donc perdu son fondement légal, la mise en examen comme le contrôle judiciaire d’Eric X... sont illégaux ;

”3 ) alors, et subsidiairement que, à supposer que cette loi plus douce ne soit pas rétroactive et applicable aux faits commis antérieurement à son entrée en vigueur, le contrôle judiciaire ordonné en l’espèce n’en est pas moins totalement injustifié ; que cette mesure ne peut être ordonnée que dans les cas prévus par la loi et doit être justifiée par les éléments concrets du dossier ; que l’arrêt attaqué dont l’exposé des faits est inexistant et qui se borne à faire référence aux témoignages recueillis et aux documents saisis sans analyser ni les uns, ni les autres et donc sans s’expliquer clairement sur les faits qui seraient de nature à être constitutifs du travail dissimulé par dissimulation de salaires et marchandage de main-d’oeuvre, n’a pas légalement justifié le contrôle judiciaire du mis en examen au regard des textes susvisés ;

”4 ) alors que, l’article 137 du code de procédure pénale prévoit que le contrôle judiciaire ne peut être ordonné que s’il est justifié par les “nécessités de l’instruction ou à titre de mesure de sûreté” ; qu’en aucun cas la loi ne prévoit, à propos du contrôle judiciaire, que cette mesure puisse être justifiée par un trouble apporté à l’ordre public, condition qui n’est prise en considération que pour la détention provisoire ; qu’en se référant, pour ordonner le placement sous contrôle judiciaire d’Eric X..., à un “trouble à l’ordre public” “toujours persistant dans la mesure où ces pratiques mises en oeuvre par Eric X... semblent perdurer”, la chambre de l’instruction, qui a donné à ce texte une portée qu’il n’a pas, l’a violé par fausse application, et a ordonné une mesure illégale ;

”5 ) alors et enfin que, à supposer -ce qui n’est admis que pour les besoins de la discussion- que la sauvegarde de l’ordre public puisse justifier un placement sous contrôle judiciaire, ce ne pourrait être que si l’ordre public actuel était effectivement troublé ;

qu’en énonçant seulement, pour invoquer la sauvegarde de l’ordre public, que les “pratiques mises en oeuvre par Eric X... semblent perdurer”, la chambre de l’instruction s’est déterminée par un motif hypothétique qui ne donne aucune base légale au contrôle judiciaire” ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 138, 591 et 593 du code de procédure pénale, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a confirmé l’ordonnance plaçant le mis en examen sous contrôle judiciaire et lui imposant le versement d’un cautionnement d’un montant de 60 000 euros ;

”au seul motif que le montant du cautionnement apparaissait justifié par l’importance du préjudice des parties civiles, par la nécessité d’assurer le respect des autres obligations et qu’il n’apparaissait nullement excessif au regard des revenus et de la situation de fortune d’Eric X... à la tête d’une holding de participation et d’une holding familiale ;

”alors que, l’ordonnance qui fixe le montant du cautionnement doit s’expliquer très précisément sur les ressources de celui auquel il est imposé ; que la simple référence à sa situation de fortune est insuffisante pour justifier la mise à la charge du mis en examen d’un cautionnement excessif” ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour confirmer l’ordonnance du juge d’instruction ayant prescrit le placement sous contrôle judiciaire d’Eric X..., avec l’obligation de fournir un cautionnement de 60 000 euros, l’arrêt attaqué, après avoir rappelé les faits reprochés à l’intéressé et les indices de culpabilité retenus contre lui, énonce que le montant du cautionnement est justifié, notamment, pour garantir le paiement des sommes qui pourraient être dues aux parties civiles et qu’il n’est pas excessif, eu égard aux ressources de l’appelant ;

Attendu qu’en cet état, la chambre de l’instruction a justifié sa décision ;

Que, dès lors, les moyens doivent être écartés ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Dulin conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Nocquet conseiller rapporteur, Mme Thin conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : chambre de l’instruction de la cour d’appel de RIOM , du 16 janvier 2007