Commerce non alimentaire - faux mandat de gérance

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 8 novembre 2005

N° de pourvoi : 05-80778

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. COTTE, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le huit novembre deux mille cinq, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BEYER, les observations de Me LE PRADO, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général CHEMITHE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

 X... Didier,

 LA SOCIETE CAP 3 P,

contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, 12ème chambre, en date du 25 janvier 2005, qui, pour exécution d’un travail dissimulé, les a condamnés, le premier à 9000 euros d’amende, la seconde à 3 000 euros d’amende ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 324-9 et L. 324-10 du Code du travail, L. 121-1 du même Code, 485 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Didier X... et la Société CAP 3 P coupables d’exécution de travail dissimulé ;

”aux motifs que, la société Sopreser Y... a été créée par Jean-Nazaire Y... qui en était le gérant ; qu’il s’agissait d’une SARL ayant pour objet selon son K bis d’acheter et de vendre pour le compte d’autrui des articles d’équipement des personnes et de la maison et plus généralement toutes marchandises ; que, dans les circonstances particulières de l’espèce, elle avait pour unique activité l’exploitation du magasin Malin Plaisir d’Auxerre en qualité de mandataire de la Société CAP 3 P par l’effet d’une convention établissant que le mandant était l’unique propriétaire du fonds de commerce, du stock, des lieux, qu’il imposait la vente de ses seuls produits ou de ceux agréés par lui qu’il procurait en fonction des commandes exprimées par la Sopreser ; qu’en outre, le mandataire “en ce compris ses associés et gérant ne pouvait céder à quiconque ou transférer à titre onéreux ou gratuit tout ou partie des présentes à quiconque, sauf accord préalable formel et écrit du mandant” ; que, si la Société CAP 3 P soutient que le mandataire conservait par l’effet de la convention une marge de liberté par la fixation de l’effectif et le choix du personnel correspondant le choix des méthodes comptables et celui des heures d’ouverture en fonction des usages locaux, cette marge de liberté était en réalité rendue inexistante par les clauses de résiliation de plein droit de la convention prévoyant notamment une telle résiliation en cas de désaccord sur les heures d’ouverture du magasin et en cas de non respect des prix et des méthodes de vente du mandant, y compris en matière de procédures informatiques ; qu’en fait, le seul bénéfice pour le prétendu mandataire était de recevoir une rétribution de ses services sous forme d’un pourcentage fixe de 12,46 % du chiffre d’affaires au moyen duquel était assurée sa propre rémunération et la totalité du coût de l’emploi du personnel dont il était

l’employeur nominal ; considérant qu’en définitive la Société Sopreser Y... ne possédait aucun actif corporel, ni aucun actif incorporel, son fonds de commerce n’étant cessible que sous le contrôle et avec l’autorisation expresse de la Société CAP 3 P ; qu’elle n’avait en réalité pour objet que d’assurer dans les locaux et le fonds de commerce de la société CAP 3 P l’accomplissement pour un montant forfaitaire du travail salarié nécessité par l’exploitation du point de vente de cette société, ledit travail étant réalisé en réalité sous l’autorité de la société CAP 3 P par l’effet des directives administratives et commerciales nombreuses résultant directement ou indirectement de la convention de mandat, le mandataire ne jouant que le rôle d’une structure d’encadrement interne à l’entreprise et recevant pour cela une rémunération globale assimilable à un salaire par commissionnement ; considérant qu’il s’ensuit que l’activité de la Société Sopreser Y... apparaît ainsi comme n’ayant pas été une véritable activité commerciale indépendante mais comme ayant consisté en l’accomplissement, sous cette apparence sociale fictive, des tâches salariales, par leurs modalités d’exécution subordonnée et par leur intégration aux structures de l’entreprise, inhérentes à l’exploitation par la Société CAP 3 P de son établissement d’Auxerre ; que, c’est donc à bon droit que le ministère public soutient que l’absence non contestée de déclaration préalable à l’embauche et de délivrance de bulletins de paye aux personnes visées à la prévention, disant se livrer à une activité bénévole en qualité d’associés mais en réalité rémunérées au titre du commissionnement résultant de la pseudo-convention de mandat, est pénalement imputable à leur véritable employeur, la Société CAP 3 P et à son représentant légal, son président directeur général Didier X..., qui s’est abstenu de procéder aux diligences nécessaires qui lui incombaient personnellement en sa qualité d’organe de la personne morale pour le compte de laquelle les salariés travaillaient ;

”alors que, d’une part, la cour d’appel a décidé que la Société Sopreser Y... était une société fictive n’ayant pour activité que l’accomplissement de tâches salariales inhérentes à l’exploitation par la Société CAP 3 P de l’établissement d’Auxerre du seul fait que la société Sopreser Y... n’aurait ni actif corporel, ni actif incorporel sans constater l’absence d’affectio societatis, ni l’absence de partage des pertes et des bénéfices ; que la cour d’appel n’a pas caractérisé le caractère fictif de la Société Sopreser Y... et a, ainsi, violé l’article 1832 du Code civil ;

”alors que, d’autre part, la cour d’appel a constaté que l’unique activité de la Société Sopreser Y... était l’exploitation du magasin “ Malin Plaisir “ d’Auxerre, que la société CAP 3 P était propriétaire du fonds de commerce et du stock, que la Société CAP 3 P imposait à la société Sopreser Y... la vente de ses seuls produits ou de ceux agréés par elle, que la convention de mandat prévoyait la résiliation de plein droit en cas de désaccord sur les heures d’ouverture du magasin et en cas de non respect des prix et des méthodes de vente du mandant y compris en matière de procédures informatiques, que le mandataire ne pouvait céder ou transférer à quiconque “ partie des présentes “ sans l’accord du mandant et que sa rémunération consistait en un pourcentage fixe de 12,46 % du chiffre d’affaires ; que ces constatations ne suffisent pas à caractériser l’existence d’un lien de subordination juridique dès lors que ces clauses ne sont que l’application du principe posé par l’article 1984 du Code civil et du caractère intuitu personnae du contrat de mandat commercial ; qu’il s’évince, en revanche des constatations de l’arrêt attaqué que la société Sopreser Y... conservait une marge de liberté en ce qui concerne la fixation de l’effectif et le choix du personnel correspondant et le choix des méthodes comptables ; que, dès lors, en jugeant que la société Sopreser Y... se trouvait dans un état de subordination juridique à l’égard de la Société CAP 3 P à laquelle il incombait de procéder à la déclaration préalable à l’embauche des personnes visées à la prévention et à la délivrance de bulletins de paye, la cour d’appel a violé les articles L. 121-1 et L. 324-10 du Code du travail” ;

Attendu que le moyen se borne à remettre en cause l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause et des éléments de preuve contradictoirement débattus dont ils ont déduit, par des motifs exempts d’insuffisance ou de contradiction, que, sous le couvert d’un contrat de mandat donné à une tierce société, les prévenus ont employé plusieurs personnes sans effectuer aucune déclaration auprès des organismes sociaux et sans leur remettre de bulletin de paie ;

Qu’un tel moyen ne saurait être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Beyer conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel de Paris 12ème chambre , du 25 janvier 2005