Fraude oui - cumul avec une activité professionnelle

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 7 avril 1994

N° de pourvoi : 93-81361

Publié au bulletin

Cassation partielle

Président : M. Dumont, conseiller le plus ancien faisant fonction., président

Rapporteur : Mme Batut., conseiller apporteur

Avocat général : M. Libouban., avocat général

Avocat : la SCP Waquet, Farge et Hazan., avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
 X... Jacques,
contre l’arrêt de la cour d’appel de Montpellier, 3e chambre, en date du 22 février 1993, qui, pour infractions au Code du travail et tentative d’obtention indue de document administratif, l’a condamné à 3 mois d’emprisonnement et à diverses amendes.

LA COUR,

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation : (sans intérêt) ;

Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles L. 365-1 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Jacques X... coupable de fraude au préjudice des Assedic ;

” aux motifs que le prévenu ne conteste pas avoir perçu des allocations chômage des Assedic jusqu’au 17 août 1990, alors qu’il gérait l’entreprise SP Automobiles, en retirant, de façon habituelle, des revenus de cette activité ;

” alors que le prévenu, loin d’admettre les faits qualifiés de fraude, faisait au contraire valoir qu’il avait certes reçu jusqu’au 17 août 1990 l’allocation chômage des Assedic, mais qu’il n’avait perçu aucune rémunération avant le 1er septembre 1990, ayant accepté de mettre en place l’établissement secondaire, à compter du 1er août 1990, à titre bénévole ; qu’ainsi, la cour d’appel a dénaturé les conclusions du prévenu auxquelles elle n’a pas répondu “ ;

Attendu qu’il n’importe que le prévenu ait ou non perçu des revenus provenant de son activité de gérant de société, pendant la période au cours de laquelle l’Assedic lui a versé des prestations de chômage, dès lors que l’infraction prévue à l’article L. 365-1 du Code du travail est constituée, comme c’est le cas en l’espèce, par l’exercice dans un but intéressé et à plein temps d’une activité professionnelle, même non salariée, qui met le bénéficiaire des prestations dans l’impossibilité de rechercher un autre emploi ;

Que le moyen ne peut, dès lors, qu’être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 2, 3, 153 et 154 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Jacques X... coupable de tentative d’obtention indue d’un document administratif (carte grise) ;

” aux motifs que c’est sous la fausse qualité de gérant de la société dissoute Gorexport que le prévenu a tenté de se faire délivrer par les services préfectoraux une carte grise ;

” alors que la constitution du délit d’obtention indue d’un document administratif suppose l’existence, ou du moins la possibilité, d’un préjudice ; que dès lors, le juge pénal devait, en l’espèce, préciser en quoi la demande de carte grise, présentée sous une fausse qualité, était susceptible de causer un préjudice ; qu’à défaut, la déclaration de culpabilité n’est pas légalement justifiée “ ;

Attendu que, contrairement à ce qui est allégué, l’existence d’un préjudice n’est pas un élément constitutif du délit prévu par l’article 154 du Code pénal, alors applicable ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen de cassation : (sans intérêt) ;

Sur le cinquième moyen de cassation : (sans intérêt) ;

Mais sur le sixième moyen de cassation pris de la violation des articles L. 143-5 et R. 154-3 du Code du travail, 592 du Code de procédure pénale :

” en ce que l’arrêt attaqué a condamné Jacques X... à trois amendes de 400 francs chacune pour les trois contraventions de 3e classe ;

” alors que le prévenu a été déclaré coupable d’une seule contravention de 3e classe (défaut de tenue d’un livre de paie) ; qu’il ne pouvait dès lors être condamné à trois amendes pour trois contraventions de la 3e classe “ ;

Vu lesdits articles ;

Attendu qu’aucune peine autre que celle prévue par la loi ne peut être prononcée ;

Attendu qu’après avoir déclaré Jacques X... coupable d’avoir omis de tenir le livre de paie prévu à l’article L. 143-5 du Code du travail, les juges l’ont condamné à trois amendes de 400 francs chacune ;

Mais attendu qu’en prononçant ainsi, alors que l’article R. 154-3 du Code précité, qui réprime cette infraction, ne prévoit pas le cumul des amendes en fonction du nombre de salariés concernés par celle-ci, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;

Que la cassation est dès lors encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE ET ANNULE l’arrêt de la cour d’appel de Montpellier, en date du 22 février 1993, mais en ses seules dispositions concernant la déclaration de culpabilité et la peine prononcée du chef de la contravention de défaut de tenue du livre de paie, toutes autres dispositions dudit arrêt étant expressément maintenues ;

Et pour qu’il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée :

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Montpellier, autrement composée.

Publication : Bulletin criminel 1994 N° 145 p. 320

Décision attaquée : Cour d’appel de Montpellier , du 22 février 1993

Titrages et résumés : 1° TRAVAIL - Chômage - Fraude aux prestations - Eléments constitutifs - Elément matériel - Fonctions de gérant de société - Absence de rémunération - Effet.

1° Les fonctions de gérant de société, exercées dans un but intéressé et à plein temps, constituent, même si elles ne sont pas rémunérées, une activité professionnelle qui met l’intéressé dans l’impossibilité de rechercher un autre emploi. Se rend dès lors coupable de l’infraction prévue à l’article L. 365-1 du Code du travail le gérant de société qui exerce de telles fonctions alors qu’il perçoit dans le même temps des prestations de chômage(1).

2° FAUX - Faux spéciaux - Délivrance indue de certains documents administratifs - Eléments constitutifs - Préjudice (non).

2° L’existence d’un préjudice n’est pas un élément constitutif du délit d’obtention indue de document administratif(2).

Précédents jurisprudentiels : CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre sociale, 1981-06-18, Bulletin 1981, V, n° 586, p. 440 (rejet). CONFER : (2°). (2) A comparer : Chambre criminelle, 1990-01-15, Bulletin criminel 1990, n° 23, p. 56 (rejet), et l’arrêt cité.

Textes appliqués :
• 1° :
• 2° :
• Code du travail L365-1
• Code pénal 154