Subordination juridique non nécessaire

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 16 septembre 2009

N° de pourvoi : 07-45289

Non publié au bulletin

Rejet

Mme Collomp (président), président

SCP Gaschignard, SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 4 octobre 2007), que M. X... et la société France Acheminement ont conclu, le 11 mars 1996, un contrat intitulé contrat de franchise ; que, le 15 décembre 1997, M. X... a “ démissionné “, puis a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de requalification du contrat de franchise en contrat de travail ; que le conseil de prud’hommes de Marseille s’est déclaré incompétent le 4 mai 1998, par un jugement confirmé par la cour d’appel d’Aix-en-Provence le 30 mars 1999 ; qu’après cassation, la cour d’appel de Paris a, le 13 janvier 2004, déclaré le contredit bien-fondé et renvoyé la cause et les parties devant le conseil de prud’hommes de Marseille ; que la société France Acheminement a fait l’objet, par jugement du 7 janvier 2003, d’un redressement judiciaire, converti ultérieurement en liquidation ;
Sur le premier moyen :
Attendu quil est fait grief à l’arrêt d’avoir dit que les dispositions du code du travail étaient applicables à la relation contractuelle entre M. X...et la société France Acheminement, que la démission s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et que le CGEA de Toulouse devrait garantir les créances de M. X..., alors, selon le moyen :
1° / que l’article L 781-1 2° du code du travail dispose que le chef de l’entreprise industrielle ou commerciale qui fournit les marchandises, denrées, titres ou billets, ou pour le compte de laquelle sont recueillies les commandes ou sont reçus les objets à traiter, manutentionner ou transporter ne sera responsable au profit des personnes dont la profession consiste essentiellement, soit à vendre des marchandises ou denrées de toute nature, des titres, des volumes, publications, billets de toute sorte qui leur sont fournis exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise industrielle ou commerciale, soit à recueillir les commandes ou à recevoir des objets à traiter, manutentionner ou transporter, pour le compte d’une seule entreprise industrielle ou commerciale, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par ladite entreprise, de l’application de la réglementation du travail résultant du livre II du code du travail, que si les conditions de travail, d’hygiène et de sécurité du travail dans l’établissement ont été fixées par ce chef d’entreprise ou soumises à son agrément ; qu’en disant applicables les dispositions du code du travail sans constater que la société France Acheminement avait cumulativement fixé ou soumis à son agrément les conditions de travail, d’hygiène et de sécurité du travail dans l’établissement occupé par M. X... et concernant l’exécution de son activité, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
2° / subsidiairement, que l’exercice par le franchise d’une activité indépendante et autonome des prescriptions du franchisseur permet d’exclure la mise en oeuvre des dispositions du code du travail en application de l’article L 781-1 2° du code du travail ; que la seule circonstance que le contrat de franchise ait exigé l’immatriculation de M. X... au registre du commerce ne suffisait pas pour exclure l’existence de toute activité autonome ; que la cour d’appel, qui n’a pas vérifié si M. X..., ainsi que le soutenait le CGEA dans ses conclusions, exerçait effectivement de façon autonome une activité propre, laquelle était rendue possible par la persistance de son immatriculation au registre du commerce, a privé sa décision de base légale au regard de l’article L 781-1 2° du code du travail ;
3° / subsidiairement, que le CGEA avait fait valoir que M. X... disposait de la possibilité de contester la clientèle directement, ce qui confirmait l’exercice d’une activité indépendante exclusive de l’application de l’article L 781-1 2° du code du travail ; qu’en ne répondant pas aux conclusions d’appel du CGEA sur ce point, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d’abord, que le fait que les conditions de travail, d’hygiène et de sécurité n’aient pas été fixées ou soumises à l’agrément de la société, est sans incidence sur la qualification du contrat ;
Attendu, ensuite, que dès lors que les conditions énoncées à l’article L 781-1 2° du code du travail, devenu L 7321-2, étaient réunies, quelles que soient les énonciations du contrat, les dispositions du code du travail sont applicables, sans qu’il soit besoin d’établir l’existence d’un lien de subordination ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé, ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt d’avoir dit que le CGEA devrait garantir les créances de M. X... fixées à l’égard des mandataires liquidateurs de la société France Acheminement, alors, selon le moyen :
1° / que le CGEA avait fait valoir que le droit d’entrée dont M. X... demandait la restitution n’était lié ni à l’exécution, ni à la rupture du contrat de travail, qu’il avait fait l’objet d’un amortissement dans sa comptabilité, ajoutant que cette redevance avait été payée par le franchisé à son prédécesseur ; qu’en retenant la garantie de l’AGS, sans s’expliquer sur ces différents points de nature à exclure une telle garantie, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;
2° / que la garantie de l’AGS ne couvre que des sommes dues en exécution du contrat de travail ; que le remboursement de frais liés à l’obligation de créer son entreprise ne relève pas de sa garantie, dès lors que ces frais ne sont liés ni à l’exécution, ni à la rupture du contrat de travail ; qu’en retenant néanmoins la garantie de l’AGS, la cour d’appel a violé l’article L 143-11-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d’appel a constaté que M. X... était lié à la société France Acheminement par un contrat visé à l’article L 781-1 du code du travail, devenu L 7321-1 à L 7321-4 et bénéficiait ainsi des dispositions du code du travail ; qu’elle en a déduit à bon droit que la créance relative au remboursement du droit d’entrée et des frais engagés pour créer son entreprise se rattachait au contrat soumis au droit du travail et devait être garantie par l’AGS ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt d’avoir fixé la créance de M. X... à l’égard des mandataires liquidateurs de la société France Acheminement à une certaine somme au titre des congés payés afférents au complément de salaire et d’avoir dit que le CGEA devrait garantir cette somme, alors, selon le moyen, que l’indemnité de congés est accordée à un salarié qui a sollicité des congés à condition qu’il soit établi qu’il a été mis dans l’impossibilité de les prendre du fait de l’employeur ; que le CGEA avait exposé dans ses conclusions d’appel que M. X... n’avait jamais demandé à prendre des congés et qu’il pouvait se faire remplacer pendant les périodes d’interruption de son activité ; que la cour d’appel, qui a fait droit à la demande de M. X... sans constater qu’il avait expressément sollicité des congés et qu’il n’en avait effectivement pris aucun pendant la période d’exécution du contrat litigieux, a privé sa décision de base légale au regard de l’article L 223-11 du code du travail ;
Mais attendu que l’indemnité de congés payés était due du seul fait que l’employeur n’avait pas mis en place un système de congés payés conforme aux dispositions légales ; que la cour d’appel a exactement relevé que M. X... n’avait pu prendre les congés payés auxquels il avait droit du fait de la qualification erronée du contrat qu’il avait signé ; que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l’AGS et l’UNEDIC aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize septembre deux mille neuf. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l’AGS et de l’UNEDIC.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit que les dispositions du code du travail étaient applicables à la relation contractuelle entre Monsieur X... et la société France Acheminement, dit que la démission s’analysait en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et dit que le CGEA de Toulouse devra garantir dans les limites fixées par les lois et règlements les créances de Monsieur X... fixées à l’égard de Maîtres Y... et Z..., mandataires liquidateurs de la société France Acheminement ;
AUX MOTIFS QU’aux termes de l’article L. 781-1 du code du travail, les dispositions de ce code qui visent les apprentis, ouvriers, employés, travailleurs sont applicables aux personnes dont la profession consiste essentiellement à recueillir les commandes ou à recevoir des objets à traiter, manutentionner ou transporter, pour le compte d’une seule et même entreprise industrielle et commerciale, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par ladite entreprise ; que le contrat « de franchise » signé par les parties a pour objet la distribution de colis, plis, objets dans le cadre de tournées régulières, selon les horaires déterminés, et comporte une clause d’exclusivité et de non concurrence par laquelle Monsieur X... renonce à exercer directement ou indirectement une activité annexe, accessoire ou complémentaire et s’interdit d’établir en dehors du contrat de franchise tout lien juridique avec une clientèle susceptible de devenir cliente du réseau pour les activités visées au contrat ; que les documents produits par Monsieur X... démontrent d’une part que les locaux dans lesquels il exerçait son activité étaient loués au nom de la société France Acheminement laquelle était titulaire des abonnements France Telecom et Edf-Gdf, d’autre part, que les tarifs étaient fixés par la société France Acheminement ; qu’au soutien de son affirmation selon laquelle Monsieur X... « continue à exercer son activité à titre indépendant », le CGEA produit un extrait du registre du commerce de Salon portant immatriculation de Monsieur X... en date du 19 mars 1996 pour exercer une activité de transports routiers de marchandise de proximité ; qu’il est à noter que cette immatriculation est l’une des exigences du contrat conclu entre les parties ; que ce seul document n’est pas de nature à établir que Monsieur X... ait exercé ou exerce une activité indépendante ; que les conditions de l’article L. 781-1 du code du travail étant remplies, les dispositions du code du travail sont applicables à la relation contractuelle ayant lié les parties ;
1 / ALORS QUE l’article L. 781-1 2° du code du travail dispose que le chef de l’entreprise industrielle ou commerciale qui fournit les marchandises, denrées, titres ou billets, ou pour le compte de laquelle sont recueillies les commandes ou sont reçus les objets à traiter, manutentionner ou transporter ne sera responsable au profit des personnes dont la profession consiste essentiellement, soit à vendre des marchandises ou denrées de toute nature, des titres, des volumes, publications, billets de toute sorte qui leur sont fournis exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise industrielle ou commerciale, soit à recueillir les commandes ou à recevoir des objets à traiter, manutentionner ou transporter, pour le compte d’une seule entreprise industrielle ou commerciale, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par ladite entreprise, de l’application de la réglementation du travail résultant du livre II du code du travail, que si les conditions de travail, d’hygiène et de sécurité du travail dans l’établissement ont été fixées par ce chef d’entreprise ou soumises à son agrément ; qu’en disant applicables les dispositions du code du travail sans constater que la société France Acheminement avait cumulativement fixé ou soumis à son agrément les conditions de travail, d’hygiène et de sécurité du travail dans l’établissement occupé par Monsieur X... et concernant l’exécution de son activité, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
2 / ALORS QUE subsidiairement, l’exercice par le franchisé d’une activité indépendante et autonome des prescriptions du franchiseur permet d’exclure la mise en oeuvre des dispositions du code du travail en application de l’article L. 781-1 2° du code du travail ; que la seule circonstance que le contrat de franchise ait exigé l’immatriculation de Monsieur X... au registre du commerce ne suffisait pas pour exclure l’existence de toute activité autonome ; que la cour d’appel, qui n’a pas vérifié si Monsieur X..., ainsi que le soutenait le CGEA dans ses conclusions, exerçait effectivement de façon autonome une activité propre, laquelle était rendue possible par la persistance de son immatriculation au registre du commerce, a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 781-1 2° du code du travail ;
3 / ALORS QUE subsidiairement, le CGEA avait fait valoir que Monsieur X... disposait de la possibilité de contacter la clientèle directement (conclusions d’appel, p. 3), ce qui confirmait l’exercice d’une activité indépendante exclusive de l’application de l’article L. 781-1 2° du code du travail ; qu’en ne répondant pas aux conclusions d’appel du CGEA sur ce point, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du code ce procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit que le CGEA de Toulouse devra garantir dans les limites fixées par les lois et règlements les créances de Monsieur X... fixées à l’égard de Maîtres Y... et Z..., mandataires liquidateurs de la société France Acheminement ;
AUX MOTIFS QUE le CGEA conclut que les sommes allouées à titre de remboursement du droit d’entrée, indissociablement rattaché au contrat de franchise, les dommages intérêts pour préjudice moral et les sommes allouées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile sont exclus de sa garantie ; que le contrat conclu entre les parties n’est pas un contrat de franchise ; que le droit d’entrée versé par Monsieur X... a été indûment payé dans le cadre d’un contrat soumis au droit du travail et son remboursement doit être garanti par l’AGS, que de même, Monsieur X... a subi un préjudice moral du fait de la non exécution par l’employeur de ses obligations contractuelles ; que la somme allouée de ce chef sera garantie par l’AGS ; qu’en conclusion toutes les sommes allouées à Monsieur X... seront garanties par l’AGS ; que, sur la restitution du droit d’entrée, le CGEA s’oppose à cette demande en faisant valoir que ce droit d’entrée consiste en une redevance en partie payable à la signature du contrat ; que les dispositions du droit du travail s’appliquant à Monsieur X..., celui-ci a indûment versé un droit d’entrée ; que, sur le remboursement des frais liés à l’obligation de créer son entreprise, que Monsieur X... indique qu’il a dû investir une somme de 12. 759, 98 euros conformément à l’article 4 du contrat conclu avec la société France Acheminement qui prévoit qu’il doit être commerçant inscrit au registre du commerce ; que le CGEA conclut que Monsieur X... continue son activité à titre indépendant et qu’il tire donc encore profit de ces frais ; que Monsieur X... devra percevoir les sommes qu’il a investies pour créer son entreprise que son bilan permet d’évaluer à 10. 500 euros ;
1 / ALORS QUE le CGEA avait fait valoir que le droit d’entrée dont Monsieur X... demandait la restitution n’était lié ni à l’exécution, ni à la rupture du contrat de travail, qu’il avait fait l’objet d’un amortissement dans sa comptabilité, ajoutant que cette redevance avait été payée par le franchisé à son prédécesseur (conclusions d’appel, p. 7 et 10) ; qu’en retenant la garantie de l’AGS sans s’expliquer sur ces différents points de nature à exclure une telle garantie, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;
2 / ALORS QUE la garantie de l’AGS ne couvre que des sommes dues en exécution du contrat de travail ; que le remboursement de frais liés à l’obligation de créer son entreprise ne relève pas de sa garantie, dès lors que ces frais ne sont liés ni à l’exécution, ni à la rupture du contrat de travail ; qu’en retenant néanmoins la garantie de l’AGS, la cour d’appel a violé l’article L. 143-11-1 du code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir fixé la créance de Monsieur X... à l’égard de Maîtres Y... et Z..., mandataires liquidateurs de la société France Acheminement à la somme de 1. 224, 41 euros au titre des congés payés afférents au complément de salaire et d’avoir dit que le CGEA de Toulouse devra garantir cette somme ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur X... fait valoir qu’il n’a pas pu prendre ses congés payés car le contrat prévoit qu’il devait assurer le service, en personne, et tous les jours ouvrables ; que le CGEA réplique qu’il n’est pas démontré que l’employeur ait empêché Monsieur X... de prendre ses congés et qu’il est constant que les franchisés peuvent se faire remplacer pendant les période d’interruption de leur activité ; que les dispositions du droit du travail devaient s’appliquer dès le début de la relation contractuelle entre les parties ; que Monsieur X... avait donc droit à des congés payés qu’il n’a pu prendre du fait de la qualification erronée du contrat qu’il a signé ;
ALORS QUE l’indemnité de congés est accordée à un salarié qui a sollicité des congés à condition qu’il soit établi qu’il a été mis dans l’impossibilité de les prendre du fait de l’employeur ; que le CGEA avait exposé dans ses conclusions d’appel que Monsieur X... n’avait jamais demandé à prendre des congés et qu’il pouvait se faire remplacer pendant les périodes d’interruption de son activité ; que la cour d’appel, qui a fait droit à la demande de Monsieur X... sans constater qu’il avait expressément sollicité des congés et qu’il n’en avait effectivement pris aucun pendant la période d’exécution du contrat litigieux, a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 223-11 du code du travail.

Décision attaquée : Cour d’appel d’Aix-en-Provence , du 4 octobre 2007