Responsable du recrutement et refus de régularisation

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 25 avril 2006

N° de pourvoi : 05-80928

Non publié au bulletin

Cassation

Président : M. JOLY conseiller, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-cinq avril deux mille six, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller POMETAN, les observations de la société civile professionnelle ANCEL et COUTURIER-HELLER, de la société civile professionnelle BORE et SALVE de BRUNETON, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur les pourvois formés par :

"-" X... Patrick,

"-" Y... Florence,

contre l’arrêt n° 109 de la cour d’appel de PAU, chambre correctionnelle, en date du 27 janvier 2005, qui, pour travail dissimulé et, le premier, pour abus de confiance, la seconde pour complicité de ce délit, les a condamnés, le premier à 1 an d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve, à 5 000 euros d’amende, à 5 ans d’interdiction professionnelle, la seconde à 6 mois d’emprisonnement avec sursis et à 5 ans d’interdiction professionnelle, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire ampliatif commun aux demandeurs et le mémoire en défense produits ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l’article L. 324-10 du Code du travail, ensemble l’article 593 du Code de procédure pénale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Florence Y... et Patrick X... coupables de travail dissimulé par dissimulation d’emplois salariés ;

”aux motifs que le délit de travail illégal par dissimulation des six autres salariés est établi, l’entreprise dirigée par Florence Y..., qui s’occupait des démarches administratives, tandis que Patrick X... était l’interlocuteur des employés dès l’embauche, s’étant abstenue de les déclarer, en tout cas dans les temps, aux organismes sociaux, ou de leur remettre un contrat de travail, puis régulièrement les bulletins de paie afférents aux périodes de travail ;

”que cette infraction est tout autant imputable à Florence Y..., gérante de droit de l’entreprise, qu’à Patrick X..., qui s’occupait en fait de l’activité et de la gestion, notamment du recrutement des salariés lésés et de leurs missions et répondait avec la plus ferme opposition à leurs demandes de régularisation ;

”alors que l’infraction de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié suppose la soustraction intentionnelle de l’employeur aux obligations des articles L. 143-3 et L. 320 du Code du travail ;

”d’où il résulte que la cour d’appel ne pouvait se borner à énoncer que Florence Y... et Patrick X... s’étaient abstenus de déclarer six salariés sans relever en quoi ils auraient sciemment omis de se soustraire à leurs obligations” ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit de travail dissimulé par dissimulation d’emplois salariés dont elle a déclaré les prévenus coupables ;

D’où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l’article 314-1 du Code pénal, ensemble l’article 593 du Code de procédure pénale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Patrick X... coupable d’abus de confiance et Florence Y... complice de ce délit et les a condamnés, le premier à la peine d’un an d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve, 5 000 euros d’amende et à la peine complémentaire de l’interdiction d’exercer la profession d’agent de recherches privées pendant 5 ans et la seconde à la peine de 6 mois d’emprisonnement avec sursis et à la peine complémentaire d’interdiction d’exercer la profession d’agent de recherches privées pendant 5 ans, ainsi qu’à des réparations civiles ;

”aux motifs qu’est établi le délit d’abus de confiance au préjudice de Véronique Z... qui a versé en deux fois, après une sollicitation complémentaire, une somme supérieure à 3 200 euros, et de M. A..., qui a remis trois chèques d’un montant global de 2 005,62 euros, sommes aussitôt encaissées sans que les prévenus n’aient pu justifier d’un quelconque acte d’exécution des missions imparties et convenues ;

”alors que le délit d’abus de confiance suppose, pour être constitué, que les fonds aient été remis à titre précaire ;

”d’où il résulte qu’en se bornant à constater que Patrick X... avait sollicité et obtenu diverses sommes en paiement de prestations qu’il n’avait pas ultérieurement effectuées, ce dont résultait que les fonds n’avaient pas été remis au prévenu à titre précaire, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations” ;

Vu l’article 593 du Code de procédure pénale, ensemble l’article 314-1 du Code pénal ;

Attendu que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l’infraction qu’il réprime ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que Patrick X..., gérant de fait de la société CER, agence privée de recherches, a perçu, avec l’assistance de Florence Y..., gérante de droit, des sommes d’argent de Véronique Z..., partie civile, et d’un autre client, sans que la société ait réalisé les prestations qu’il s’était engagé à fournir ;

Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables, le premier d’abus de confiance, la seconde de complicité de ce délit, l’arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que Patrick X..., avec qui les contrats avaient été conclus, a utilisé les acomptes réglés par ces deux personnes sans réaliser les enquêtes promises, et qu’il a réclamé des versements supplémentaires à Véronique Z..., pour équiper un véhicule d’une balise, ce qu’il n’a jamais fait ;

Mais attendu qu’en l’état de ces énonciations, dont il ne résulte pas que les fonds avaient été remis à titre précaire, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;

D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Pau, en date du 27 janvier 2005,

Et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Toulouse, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Pau et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 618-1 du Code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Joly conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Pometan conseiller rapporteur, Mme Anzani conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel de Pau, chambre correctionnelle du 27 janvier 2005