Bénéfice de la présomption de salariat non

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 12 février 2020

N° de pourvoi : 17-31662

ECLI:FR:CCASS:2020:SO00209

Non publié au bulletin

Rejet

M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président), président

SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

SOC.

CM

COUR DE CASSATION


Audience publique du 12 février 2020

Rejet

M. SCHAMBER, conseiller doyen

faisant fonction de président

Arrêt n° 209 F-D

Pourvoi n° S 17-31.662

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 FÉVRIER 2020

M. U... S..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° S 17-31.662 contre l’arrêt rendu le 26 octobre 2017 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige l’opposant à la société No Factory, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , représentée par son gérant M. T... A..., défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. David, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. S..., et après débats en l’audience publique du 15 janvier 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. David, conseiller référendaire rapporteur, Mme Aubert-Monpeyssen, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 26 octobre 2017), que M. S... a saisi la juridiction prud’homale aux fins de voir reconnaître l’existence d’un contrat de travail l’ayant lié entre janvier 2011 et le 16 novembre 2015 à la société No Factory, entreprise de presse éditant un magazine en ligne, et d’obtenir le paiement de rappels de salaire et de diverses indemnités ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. S... fait grief à l’arrêt de dire que la société No Factory et lui n’étaient pas liés par un contrat de travail alors, selon le moyen :

1°/ que bénéficie de la présomption de salariat instaurée au profit du journaliste professionnel, le reporter-photographe qui, en raison de sa contribution régulière, est un collaborateur direct de la rédaction d’un journal ; qu’il ressort des constatations même de la cour d’appel que M. S..., photographe, a assuré des prestations régulières pour le compte de l’entreprise de presse la société No Factory, qui a pour activité l’édition d’un magazine en ligne « WeLoveMusic », assurant « les tournages des interviews et les photos posées ou sur scène », en qualité de « technicien cameraman et photographe de concert », tout en se voyant confier les fonctions de « réalisateur », « ingénieur son et lumière » des deux sites Internet ; qu’en retenant néanmoins que les attestations versées aux débats ne permettaient « pas d’établir que M. S... avait une activité de journaliste en qualité de reporter photo », la cour d’appel n’a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles L. 7111-3, L. 7111-4 et L. 7112-1 du code du travail ;

2°/ qu’en déduisant de ses constatations que « sa prestation (est) celle d’un simple photographe », pour décider que M. S... ne pouvait invoquer la qualité de reporter-photographe et bénéficier de la présomption de salariat attachée à la qualité de journaliste professionnel, la cour d’appel s’est prononcée par des motifs inopérants, privant sa décision de toute base légale au regard des articles L. 7111-3, L. 7111-4 et L. 7112-1 du code du travail ;

3°/ qu’est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agence de presse et qui en tire le principal de ses ressources ; que les ressources ne sont pas nécessairement celles perçues d’une unique entreprise de presse et sont toutes celles qui proviennent de l’activité journalistique ; qu’en se bornant à énoncer « que la SARL No Factory fait observer avec pertinence qu’il ressort de ses avis d’imposition que U... S... déclarait un montant supérieur à ce qu’elle lui versait », pour en déduire « qu’il ne tirait de plus pas le principal de ses revenus de la qualité de journaliste qu’il prétendait occuper au sein de la SARL No Factory », la cour d’appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles L. 7111-3, L. 7111-4 et L. 7112-1 du code du travail ;

4°/ que pour démontrer le caractère principal de son activité exercée pour la société No Factory, M. S... produisait ses factures et notes d’auteurs établies entre septembre 2010 et mai 2015 à l’attention de la société No Factory ainsi que les avis d’imposition correspondant, tandis que la société se contentait de conclure que M. S... déclarait un montant supérieur à celui qu’elle lui versait, mais inférieur au SMIC, pour en déduire qu’il ne pouvait bénéficier de la qualité de journaliste ; qu’en énonçant que « la SARL No Factory fait observer avec pertinence qu’il ressort de ses avis d’imposition que U... S... déclarait un montant supérieur à ce qu’elle lui versait », pour en déduire « qu’il ne tirait de plus pas le principal de ses revenus de la qualité de journaliste qu’il prétendait occuper au sein de la SARL No Factory », sans mentionner les années examinées, les montants perçus par M. S..., et ceux versés par la société, lui permettant de se livrer à une telle constatation, la cour d’appel n’a pas mis en mesure la Cour de cassation d’exercer son contrôle, privant sa décision de toute base légale au regard des articles L. 7111-3, L. 7111-4 et L. 7112-1 du code du travail ;

5°/ qu’en énonçant que « la SARL No Factory fait observer avec pertinence qu’il ressort de ses avis d’imposition que U... S... déclarait un montant supérieur à ce qu’elle lui versait », pour en déduire « qu’il ne tirait de plus pas le principal de ses revenus de la qualité de journaliste qu’il prétendait occuper au sein de la SARL No Factory », alors que la qualité de journaliste professionnel s’acquiert au regard des ressources que l’intéressé tire principalement de l’exercice de la profession de journaliste, sans se limiter à celle provenant de l’entreprise de presse à laquelle il collabore, la cour d’appel a violé les articles L. 7111-3, L. 7111-4 et L. 7112-1 du code du travail ;

Mais attendu qu’ayant fait ressortir que les tâches confiées à M. S... consistaient essentiellement à apporter une contribution technique aux interviews et reportages réalisés par la société No Factory et souverainement estimé qu’il ne tirait pas de cette collaboration le principal de ses ressources, la cour d’appel, devant laquelle l’intéressé ne soutenait pas qu’il exerçait sa profession dans une autre entreprise de presse, a pu en déduire qu’il ne pouvait prétendre au statut de journaliste professionnel et au bénéfice de la présomption de salariat prévue à l’article L. 7112-1 du code du travail ; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen ci-après annexé, qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. S... aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. S... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze février deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. S...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué, d’avoir dit que les parties ne sont pas liées par un contrat de travail, d’avoir rejeté le contredit formé par Monsieur U... S..., d’avoir dit que le Conseil de prud’hommes de PARIS n’est pas compétent pour connaître des demandes de Monsieur U... S... et d’avoir renvoyé l’affaire devant le Tribunal de commerce de PARIS,

Aux motifs que U... S... se prévaut de la présomption de salariat posée par l’article L7112-1 du code du travail ; que cet article dispose que toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail ; que cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention ; que U... S... revendique le statut de reporter photographe, faisant observer qu’il réalisait des reportages à la demande de la SARL NO FACTORY ; que cette dernière ne conteste pas être une entreprise de presse ce qui au demeurant résulte des pièces communiquées mais ne reconnaît pas à l’appelant la qualité de journaliste au motif qu’il n’a jamais participé à une oeuvre journalistique ; que selon l’article L.7111-3 du code du travail, est journaliste toute personne qui a pour activité principale et régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agence de presse et qui en tire le principal de ses ressources ; qu’il n’est pas contestable que U... S... a assuré des prestations en qualité de photographe ou technicien pour le compte de la SARL NO FACTORY ce qui résulte des attestations que lui-même produit telles celles de : - R... E... : « J’atteste par la présente que U... S... a réalisé à la fois le tournage des interviews et les photos posées ou sur scène comme convenu avec T... A...... »,

 Y... Q... : « J’ai travaillé en tant que journaliste indépendante pour T... A... de 2007 à 2012...Dans ce cadre j’ai travaillé avec U... S... embauché comme réalisateur, ingénieur son et lumière de ces deux sites internet. U... S... filmait les interviews que je faisais et prenait le son... »

 V... P... : « Je déclare que U... S... travaillait sous les ordres directs de T... A... et utilisait en tant que cadreur le matériel mis à sa disposition par la société No Factory... » ;

Que ces attestations en revanche ne permettent pas d’établir que ce dernier avait une activité de journaliste en qualité de reporter photo, sa prestation étant celle d’un simple photographe, ce que confirment les témoignages, versés aux débats par la SARL NO FACTORY, de :

 M... O..., ancien stagiaire : “Son poste consistait à s’occuper uniquement de ses caméras ; éventuellement des éclairages. C’était un travail en équipe purement technique et sous la direction d’un journaliste”,

 F... H..., ancien rédacteur et rédacteur en chef adjoint durant l’année 2014 : “ U... S... intervenait en tant que technicien cameraman et photographe de concert indépendant...U... S... n’a jamais été seul sur les interviews et sessions et rarement sur les concerts. Il était la plupart du temps accompagné d’un journaliste, de T... A... ou de moi-même” ;

Que par ailleurs, la SARL NO FACTORY fait observer avec pertinence qu’il ressort de ses avis d’imposition que U... S... déclarait un montant supérieur à ce qu’elle lui versait ; qu’il s’en déduit qu’il ne tirait de plus pas le principal de ses revenus de la qualité de journaliste qu’il prétendait occuper au sein de la SARL NO FACTORY ; que les conditions cumulatives de l’article L. 7111-3 du code du travail ne sont pas réunies ;

Alors, d’une part, que bénéficie de la présomption de salariat instaurée au profit du journaliste professionnel, le reporter-photographe qui, en raison de sa contribution régulière, est un collaborateur direct de la rédaction d’un journal ; qu’il ressort des constatations même de la Cour d’appel que Monsieur S..., photographe, a assuré des prestations régulières pour le compte de l’entreprise de presse la SARL NO FACTORY, qui a pour activité l’édition d’un magazine en ligne « WeLoveMusic », assurant « les tournages des interviews et les photos posées ou sur scène », en qualité de « technicien cameraman et photographe de concert », tout en se voyant confier les fonctions de « réalisateur », « ingénieur son et lumière » des deux sites internet ; qu’en retenant néanmoins que les attestations versées aux débats ne permettaient « pas d’établir que Monsieur S... avait une activité de journaliste en qualité de reporter photo », la Cour d’appel n’a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles L.7111-3, 7111-4 et 7112-1 du Code du travail ;

Alors, en tout état de cause, qu’en déduisant de ses constatations que « sa prestation (est) celle d’un simple photographe », pour décider que Monsieur S... ne pouvait invoquer la qualité de reporter-photographe et bénéficier de la présomption de salariat attachée à la qualité de journaliste professionnel, la Cour d’appel s’est prononcée par des motifs inopérants, privant sa décision de toute base légale au regard des articles L.7111-3, 7111-4 et 7112-1 du Code du travail ;

Alors, d’autre part, qu’est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agence de presse et qui en tire le principal de ses ressources ; que les ressources ne sont pas nécessairement celles perçues d’une unique entreprise de presse et sont toutes celles qui proviennent de l’activité journalistique ; qu’en se bornant à énoncer « que la SARL NO FACTORY fait observer avec pertinence qu’il ressort de ses avis d’imposition que U... S... déclarait un montant supérieur à ce qu’elle lui versait », pour en déduire « qu’il ne tirait de plus pas le principal de ses revenus de la qualité de journaliste qu’il prétendait occuper au sein de la SARL NO FACTORY », la Cour d’appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles L.7111-3, 7111-4 et 7112-1 du Code du travail ;

Alors, en outre, que pour démontrer le caractère principal de son activité exercée pour la société NO FACTORY, Monsieur S... produisait ses factures et notes d’auteurs établies entre septembre 2010 et mai 2015 à l’attention de la société NO FACTORY ainsi que les avis d’imposition correspondant, tandis que la société se contentait de conclure que Monsieur S... déclarait un montant supérieur à celui qu’elle lui versait, mais inférieur au SMIC, pour en déduire qu’il ne pouvait bénéficier de la qualité de journaliste ; qu’en énonçant que « la SARL NO FACTORY fait observer avec pertinence qu’il ressort de ses avis d’imposition que U... S... déclarait un montant supérieur à ce qu’elle lui versait », pour en déduire « qu’il ne tirait de plus pas le principal de ses revenus de la qualité de journaliste qu’il prétendait occuper au sein de la SARL NO FACTORY », sans mentionner les années examinées, les montants perçus par Monsieur S..., et ceux versés par la société, lui permettant de se livrer à une telle constatation, la Cour d’appel n’a pas mis en mesure la Cour de cassation d’exercer son contrôle, privant sa décision de toute base légale au regard des articles L.7111-3, 7111-4 et 7112-1 du Code du travail ;

Alors, enfin, en tout état de cause, qu’en énonçant que « la SARL NO FACTORY fait observer avec pertinence qu’il ressort de ses avis d’imposition que U... S... déclarait un montant supérieur à ce qu’elle lui versait », pour en déduire « qu’il ne tirait de plus pas le principal de ses revenus de la qualité de journaliste qu’il prétendait occuper au sein de la SARL NO FACTORY », alors que la qualité de journaliste professionnel s’acquiert au regard des ressources que l’intéressé tire principalement de l’exercice de la profession de journaliste, sans se limiter à celle provenant de l’entreprise de presse à laquelle il collabore, la Cour d’appel a violé les articles L.7111-3, L.7111-4 et L.7112-1 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit que les parties n’étaient pas liées par un contrat de travail, d’avoir rejeté le contredit formé par Monsieur U... S..., d’avoir dit que le Conseil de prud’hommes de PARIS est incompétent pour connaître des demandes de Monsieur U... S... et d’avoir renvoyé l’affaire devant le Tribunal de commerce de PARIS pour qu’il soit statué sur le fond du litige,

Aux motifs qu’il résulte des articles L. 1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération ; que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination, lorsque l’employeur en détermine unilatéralement les conditions d’exécution ; que l’existence d’un contrat de travail dépend, non pas de la volonté manifestée par les parties ou de la dénomination de la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur ; que l’existence d’un lien de subordination n’est pas incompatible avec une indépendance technique dans l’exécution de la prestation ; qu’en l’absence d’écrit ou d’apparence de contrat, il appartient à celui qui invoque un contrat de travail d’en rapporter la preuve ; que U... S... fait valoir qu’il était placé dans un lien de subordination à l’égard de la SARL NO FACTORY et que :

 cette dernière lui fixait régulièrement les rendez-vous pour les concerts, auxquels il devait se présenter à l’avance pour récupérer l’accréditation presse,

 outre ses prestations de photographe, il devait s’occuper de la vidéo et de la mise en place du matériel, ainsi que de la mise en ligne sur le site web dont il avait les codes et ce obligatoirement dans la nuit même,

 il a également couvert des festivals dont les temps de travail étaient indiqués sans compter les déplacements,

 le gérant de la société établissait son emploi du temps et organisait son travail en fonctions des besoins de la société, ne lui laissant que peu d’autonomie,

 ce dernier a annoncé dans un courriel du 5 septembre 2014 qu’il travaillerait désormais à plein temps dans les nouveaux locaux de la société, - il faisait partie de l’organigramme de la société,

 il disposait d’une adresse mail et possédait les codes d’accès administrateur du site web « WeLoveMusic »,

 il lui était imposé des dates de “rendu d’articles”,

 la société lui fournissait le matériel pour effectuer sa mission,

 sa rémunération, dont le montant était arrêté par la SARL NO FACTORY, était mensuelle et présentait une certaine régularité dans son montant ;

Que si effectivement U... S... travaillait dans le cadre d’une organisation de travail résultant de l’activité même de la société et des missions qui lui étaient confiées, la prise de photo voire de vidéo lors de concerts ou d’interviews dont tant la date que l’horaire sont impératifs, en revanche aucune des mails ou attestations produites ne montrent qu’il était privé de toute autonomie. ; que les témoignages versés par U... S... font état de la charge de travail de U... S... sans évoquer à aucun moment de manière précise de quelconques directives qui lui auraient été données pour l’exécution de la mission qui lui était confiée ; que lui-même écrit le 20 novembre 2014 : “Coucou Nana. Malheureusement personne de dispo ce soir-là et pareil pour W.... Je pars au Panama samedi matin tôt. Merci quand même d’avoir pensé à nous. A très vite”, ce dont il se déduit qu’il n’était pas tenu par un horaire de travail précis et qu’il ne devait nullement solliciter l’autorisation de la société pour s’absenter. Au demeurant, le gérant de la société, T... A... rappelait dans un courriel du 12 juillet 2012 adressé à différentes personnes parmi lesquelles U... S... : “...Maintenant je comprendrais que certains d’entre vous ne souhaitent pas continuer cette aventure, il suffit de m’envoyer un ou mieux d’en discuter de vive voix...” ; quant à F... H..., il indique que “la disponibilité de U... S... était prise en compte pour planifier les horaires des interviews” et ajoute qu’il n’a pas donné suite à une proposition de contrat de travail à durée indéterminée “parce que les horaires réguliers demandés par T... A... ne convenaient pas à U... S... qui préférait maîtriser son emploi du temps en fonction de ses priorités” ; qu’il doit enfin relever que si les relations entre la société et le demandeur au contredit ont été régulières en revanche le montant des factures qui lui ont été réglées pouvait, contrairement à ce que ce dernier soutient varier de manière notable (à titre d’exemple, entre 495 € et 1585 € en 2014, en fonction de l’horaire réalisé, selon le tableau qu’il a établi), ce qui ne permet pas de caractériser une rémunération au sens du code du travail ; qu’aucune des pièces produites n’établit la réalité d’instructions, d’ordres ou de directives qui auraient été donnés à U... S... par la SARL NO FACTORY et l’existence de moyens de contrôle qui auraient permis à cette dernière d’en vérifier la bonne exécution ; que force est de constater de plus qu’aucun élément ne révèle que la société a pu faire un quelconque usage de son pouvoir disciplinaire à l’égard de U... S... ; que la preuve de la réalité du lien de subordination alléguée n’est pas rapportée ;

Alors, d’une part, que si le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail, le lien de subordination juridique existant entre un journaliste et une entreprise de presse est par nature ténu dès lors que l’exercice de cette profession implique le respect des libertés fondamentales, telles que la liberté de la presse, la liberté d’opinion, et la liberté d’expression ; que si elle a constaté qu’effectivement U... S... travaillait dans le cadre d’une organisation de travail, résultant de l’activité même de la société et des missions qui lui étaient confiées, la prise de photos voire de vidéos lors de concerts ou d’interviews dont tant la date que l’horaire sont impératifs, la Cour d’appel a estimé que les témoignages versés n’évoquaient à aucun moment de manière précise de quelconques directives qui lui auraient été données pour l’exécution de la mission qui lui étaient confiées, et qu’aucun élément n’établissait l’existence de moyen de contrôle ni l’usage du pouvoir disciplinaire par la société NO FACTORY ; qu’en se prononçant en ce sens, sans tenir compte du statut particulier des journalistes dont le lien de subordination à l’égard de l’employeur ne peut être que ténu du fait de la liberté indispensable à l’exercice de leur activité, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L.1221-1 du Code du travail ;

Alors, d’autre part, que Monsieur S... contestait s’être jamais vu proposer par la société NO FACTORY de conclure un contrat de travail à durée indéterminée, qu’il aurait de surcroît refusé aux motifs que le gérant de la société lui aurait demandé des horaires réguliers, alors même que ce dernier lui confiait exclusivement des reportages photo de concerts et de festivals, les soirs et les weekends, avec la nécessité de s’adapter constamment aux dates des évènements et aux changements de planning, ainsi que la réalisation de tournages vidéos non prévisibles dépendant des artistes interviewés, ce qui était très contraignant, et que la société NO FACTORY ne remplissait pas ses obligations en matière de charges sociales (conclusions d’appel, p.15) ; qu’en se bornant à énoncer que F... H... « indique que « la disponibilité de U... S... était prise en compte pour planifier les horaires des interviews » et ajoute qu’il n’a pas donné suite à une proposition de contrat de travail à durée indéterminée « parce que les horaires réguliers demandés par T... A... ne convenaient pas à U... S... qui préférait maîtriser son emploi du temps en fonction de ses priorités », pour décider que la preuve d’un lien de subordination n’était pas rapportée, sans répondre aux conclusions précitées, pourtant déterminantes de l’issue du litige, la Cour d’appel a méconnu les dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile ;

Alors, en outre, que Monsieur S... exposait que la société NO FACTORY fixait unilatéralement les tarifs des prestations, de surcroît fort bas, en tout état de cause à des tarifs nettement inférieurs à ceux du barème de l’Union des Photographes Professionnels, en ne s’acquittant pas, de surcroît, des charges sociales dues à l’AGESSA (conclusions d’appel, p. 3, 9 et 17) ; qu’il produisait les attestations de Messieurs I... et E... dont il ressortait que la société NO FACTORY, en la personne de son gérant Monsieur A..., fixait unilatéralement les tarifs des photographies de Monsieur S... ; qu’en ne répondant pas à ces conclusions pourtant déterminantes du litige, et en se bornant à affirmer que « si les relations entre la société et le demandeur au contredit ont été régulières, en revanche le montant des factures qui lui ont été réglées pouvait varier de manière notable (à titre d’exemple, entre 495 € et 1585 € en 2014, en fonction de l’horaire réalisé, selon le tableau qu’il a établi), ce qui ne permet pas de caractériser une rémunération au sens du code du travail », pour décider que la preuve du lien de subordination n’était pas rapportée, la Cour d’appel a derechef méconnu les dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile ;

Alors, enfin, en tout état de cause, qu’en énonçant que « si les relations entre la société et le demandeur au contredit ont été régulières, en revanche le montant des factures qui lui ont été réglées pouvait, contrairement à ce que ce dernier soutient, varier de manière notable (à titre d’exemple, entre 495 € et 1585 € en 2014, en fonction de l’horaire réalisé, selon le tableau qu’il a établi), ce qui ne permet pas de caractériser une rémunération au sens du code du travail », alors que n’est pas incompatible avec un contrat de travail, une rémunération qui varie en fonction des horaires réalisés, tels des horaires de nuit, la Cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l’article L.1221-1 du Code du travail.

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris , du 26 octobre 2017