Mannequin britannique - prestataire de services non

Cour d’appel de Versailles

Audience publique du 9 octobre 2001

N° de RG : 1999-21380

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

L’URSSAF de PARIS a interjeté appel d’un jugement rendu le 15 décembre 1998 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE l’ayant débouté d’une partie de ses demandes tendant à faire condamner la société CRISS CROSS LOOK ORGANISATION - ci-après dénommée la société par commodité : - à un redressement de cotisations relatif à l’assujettissement des ressortissants britanniques d’un montant de 452 802 F - à des majorations de retard correspondantes d’un montant de 61 195 F. La société a formé appel incident de ce même jugement l’ayant condamnée à supporter : - un redressement de cotisations relatif à l’assujettissement des mannequins, artistes du spectacle et techniciens français à hauteur de 111 132 F - un rappel à concurrence de 24 177 F s’agissant de l’abattement pour frais professionnels - un rappel des cotisations sur des commissions versées à M. X... à hauteur de 9106 F -des majorations de retard correspondantes à hauteur de 14 441 F. Il est constant que la société a fait l’objet d’un recouvrement de cotisations sur la période du 1er septembre 1993 au 31 décembre 1995 pour un montant de 597 126 F et de 77 636 F de majorations de retard réclamées par mise en demeure du 10 septembre 1996. Ce recouvrement a été contesté devant la Commission de recours amiable de l’URSSAF, saisie le 8 octobre 1996. Sur silence de la commission, la société a introduit un recours auprès du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS , lequel a transmis le 23 janvier 1997 le dossier, au Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE territorialement compétent. Pour statuer comme il a été ci-dessus indiqué, le premier juge a considéré pour ce qui concerne les ressortissants britanniques, au regard des articles 13-1ä, 14 et 14 bis du règlement CEE nä 1408/71, que les ressortissants de l’Union Européenne ne sont soumis qu’à la législation d’un seul Etat membre, celui dans lequel ils ont leur résidence. Or en l’absence de contestation par l’URSSAF que les

mannequins en cause étaient de nationalité britannique, il en a déduit que le régime de sécurité sociale qui leur est applicable est celui de la grande Bretagne où ils résident. En ce qui concerne les autres chefs du redressement, il a retenu que les artistes et mannequins français, bénéficiant de la présomption de contrat de travail prévue aux articles L 762-1 et L 763-1 du Code du travail, devaient à ce titre relever du régime général des assurances sociales. Le premier juge a également décidé que les techniciens étaient salariés de la société parce qu’ils n’étaient pas affiliés à des régimes de sécurité sociale des non salariés et qu’ils travaillaient sous les ordres et les instructions de celle-ci. Pour condamner la société à intégrer l’abattement pour frais professionnels dans l’assiette de cotisations, le Tribunal a estimé que la société n’a pu justifier que les salariés auxquels elle avait appliqué la déduction bénéficiaient d’une décision expresse de l’administration fiscale. En ce qui concerne les commissions versées à M. X..., il a noté que l’intéressé a toujours été salarié de la société. L’URSSAF a régulièrement interjeté appel limité le 3 mars 1999. Elle affirme pour fonder son droit que pour déterminer le régime de sécurité sociale applicable aux ressortissants d’un Etat membre de l’Union Européenne qui exercent simultanément des activités salariées et/ou non salariées sur le territoire de plusieurs Etats membres, le règlement CEE nä 1408/71 prévoit en ses articles 13 et suivants, des règles de rattachement spéciales . Or, selon l’URSSAF, l’article 14 -2b dudit règlement prévoit qu’une personne, exerçant simultanément une activité salariée ou non salariée sur le territoire de deux ou plusieurs Etats membres, est soumise à la législation de l’Etat membre sur le territoire duquel elle réside. En revanche, toujours selon l’URSSAF, il résulte de l’article 14 quater a) dudit règlement qu’en cas d’activités simultanées salariées et non

salariées sur le territoire de plusieurs Etats membres, c’est la législation du lieu de l’activité du salarié qui trouve application et non plus celle du lieu de résidence. D’où, selon l’URSSAF , il est essentiel , pour déterminer le régime de sécurité sociale applicable, de vérifier si les intéressés sont considérés comme salariés ou non dans leur pays d’origine et dans le pays où ils exercent leur activité. S’agissant des mannequins et d’artistes du spectacle, elle rappelle qu’en vertu de la législation française, leur sont applicables les articles L 311-3 15ä du Code de sécurité sociale, L 762-1 et L 763-2 du Code du travail. Elle en déduit que les intéressés étant considérés comme des salariés par la loi française, sont obligatoirement affiliés aux assurances sociales du régime général, quel que soit leur âge et leur nationalité. Elle insiste sur le fait qu’il ressort des allégations de l’employeur, telles que rapportées dans le jugement, que les personnes concernées sont considérées comme des travailleurs indépendants par le droit anglais. Elle leur oppose donc l’article 14 quater du règlement. Elle précise que la société n’ayant fourni aucun certificat E 101 pour les mannequins et artistes anglais attestant de leur assujettissement au régime de sécurité sociale britannique, la preuve n’est pas apportée sur l’activité exercée en Grande Bretagne. En conséquence, l’URSSAF prie la Cour d’infirmer le jugement dont appel dans ses dispositions relatives à l’assujettissement des ressortissants britanniques et de condamner la société en paiement des sommes dues au titre de la période du 1er septembre 1993 au 31 décembre 1995, soit : -452 801 F de cotisations -63 195 F de majorations de retard. En réplique, la société objecte que le redressement dont elle a fait l’objet doit être annulé aux motifs que lors d’un précédent contrôle datant du mois de juillet 1982, l’URSSAF n’avait procédé à aucune réintégration des sommes versées aux mannequins, artistes et techniciens. Or, selon

la société, l’URSSAF est liée par sa décision antérieure implicite de sorte que sa décision contraire prise le 2 septembre 1996 ne peut avoir d’effet rétroactif. Elle s’est attachée à montrer que le précédent contrôle visait la totalité de la situation “à l’égard de la législation de sécurité sociale et d’allocations familiales”, et qu’à cette fin le contrôleur avait été en possession de tous les documents comptables et sociaux. D’autre part, faisant référence à un arrêt de relaxe du 10 juin 1998 ayant constaté la totale imprécision du procès-verbal ayant servi de fondement aux poursuites pénales, la société pense que les droits de la défense ne pouvaient utilement s’exercer dans la mesure où les éléments produits par l’URSSAF, notamment la présentation des notes de calcul faites par le contrôleur, n’étaient pas suffisamment précis alors qu’elle a versé aux débats les éléments démontrant que sa comptabilité était régulièrement tenue par un expert comptable. A titre subsidiaire, en ce qui concerne les ressortissants britanniques, la société argue qu’il n’y a pas lieu de faire de distinction, comme le fait l’URSSAF, entre le statut social des travailleurs concernés au regard de la législation sociale de divers Etats membres, dès lors qu’il est acquis que seule la législation britannique (lieu de résidence et lieu d’exercice principal des activités) a vocation à s’appliquer. Par ailleurs, adhérant aux motivations du premier juge, elle souligne que le défaut de présentation du formulaire E 101 ne peut aboutir à une double taxation, celui-ci ne constituant pas une condition d’application des dispositions du règlement communautaire nä 1408/71. Plus généralement, elle se prévaut de l’arrêt BANKS. Critiquant le jugement frappé d’appel pour le surplus, elle explique que : -pour les artistes et mannequins français, la présomption de contrat de travail résultant des artistes L 762-1 et L 763-1 du Code du travail peut être renversée par la preuve contraire. Or, ayant eu recours,

lors des années litigieuses, à des mannequins et artistes indépendants et étant donné que leur intégration à un service organisé n’est pas un critère suffisant à caractériser l’existence d’un lien de subordination mais un simple indice lorsque les conditions de travail ne sont pas fixées d’un commun accord, elle prétend qu’il n’y a aucun lien de subordination entre elle et les artistes et mannequins. -pour ce qui concerne les techniciens français, ceux-ci ne relèvent pas des articles L 762-1 et L 763-1 du Code du travail et compte tenu de la nature des prestations effectuées puisque faisant appel à des sociétés commerciales inscrites au registre du commerce et à certains techniciens indépendants, ce dont il résulte qu’aucun lien de subordination ne la liait avec ses cocontractants. -pour ce qui concerne la réintégration dans l’assiette des cotisations de l’abattement pour les frais professionnels, les frais litigieux ont été intégrés dans les salaires conformément à l’arrêté ministériel du 26 mai 1975, ce qui l’autorisait légitimement à pratiquer l’abattement supplémentaire de 20 %. -sur les commissions versées à M. X..., ces sommes ne devaient pas donner lieu à un redressement dans la mesure où l’intéressé n’était plus salarié de la société lorsqu’elles lui ont été versées. A titre infiniment subsidiaire : -sur le montant des demandes, elle conteste le bien fondé de la base de calcul des redressements effectués, soutenant que l’URSSAF est dans l’incapacité de prouver le montant des sommes ayant donné lieu à redressement et cela en dépit des documents comptables En conséquence, elle invite la Cour : - à titre principal, au vu du précédent contrôle de 1982, à annuler le redressement effectué par l’URSSAF. - à la débouter de ses réclamations compte tenu de la méconnaissance des droits de la défense - à titre subsidiaire, de confirmer le jugement querellé s’agissant des ressortissants britanniques et de l’infirmer en ce

qu’il l’a condamné au paiement de la somme de 145 415 F, outre celle de 14 441 F au titre des majorations de retard. Elle requiert la condamnation de l’URSSAF à lui payer la somme de 10 000 F en application de l’article 700 du N.C.P.C. Par une note en délibéré autorisée, les parties ont affiné leur argumentaire. SUR CE : A) sur la décision antérieure implicite de L’URSSAF de PARIS : Considérant que pour écarter le moyen, le premier juge a dénoncé la carence probatoire de l’employeur qui ne démontre pas qu’il y a identité de situation, et de pratique, et que l’enquêteur a opéré ses investigations sur les mêmes points ; que ce raisonnement doit être suivi ; qu’en effet, antérieurement aux nouvelles dispositions issues de l’article R 243 -59 dans sa rédaction issue du décret du 28 mai 1999 applicables au 1er juin 1999, il incombait à l’employeur de prouver que l’URSSAF, a, par une décision non équivoque prise lors d’un précédent contrôle, approuvé la pratique litigieuse et que le silence alors gardé par l’organisme ne résultait pas seulement d’une simple tolérance ; que l’absence d’observations doit être accompagnée de circonstances justifiant que la position retenue par l’organisme a été prise en connaissance de cause ; Et considérant que le fait que l’agent a examiné lors du contrôle du 20 octobre 1982 l’ensemble de la comptabilité de la société ne suffit pas à établir qu’il ait approuvé la pratique litigieuse ; que le premier juge a bien noté que le contrôle a concerné en réalité divers abattements pratiqués à tort pour frais professionnels ; que de surcroît, l’arrêt du 21 janvier 2001 cité en référence, qui a opéré un contrôle léger de la décision d’appel (en utilisant la formule “a pu”) fait ressortir un double examen de l’agent portant sur les “mêmes avantages en nature” ; B) sur la procédure pénale et l’impossibilité de vérification sérieuse du redressement : Considérant que la société excipe de l’arrêt de cette Cour rendu le 10 juin 1998 en matière correctionnelle qui, pour

asseoir sa décision de relaxe déplore “l’absence d’indication précise du nom des salariés dont l’existence aurait été dissimulée aux organismes sociaux et fiscaux, et des dates précises des embauches” ; qu’elle relève par ailleurs l’indigence des notes de calcul, stigmatisant la production de “notes griffonnées et raturées sur des feuilles volantes” ; Considérant que pour repousser le moyen, le premier juge a admis le principe d’évaluations et taxations provisionnelles en l’absence de comptabilité probante, ou en cas de paiements en espèces non autorisés ; que le point de vue doit être approuvé ; qu’en effet, l’on ne peut comparer les exigences du juge pénal, saisi strictement des poursuites du chef du délit de travail clandestin, et celles du juge social en matière de respect du principe du contradictoire, et des droits de la défense ; que malgré les objections avancées dans sa note en délibéré, la société peine à contrer l’URSSAF, qui s’est attachée à montrer qu’elle a bien respecté ses obligations, telles qu’issues du seul texte applicable en l’espèce, soit l’article R 243-59 du Code de la sécurité sociale ; Et considérant que sans être utilement contredite, l’URSSAF expose - les phases du contrôle survenu au cours des visites du 17 novembre 1995 , et des 22 février, 18 mars, 26 mars et 19 avril 1996, ponctué par la notification des observations à la société par Lettre Recommandée, réceptionnée le 21 mai 1996, commentées par la gérante, le 31 mai 1996 ;

"-" les échanges épistolaires avec le conseil de la société des 28 juin, et 8 juillet 1996, suite à un rendez-vous du 27 juin ; qu’au surplus, s’il est vrai que l’employeur doit être informé des omissions et des erreurs qui lui sont reprochées, il n’est pas moins

de principe que l’inspecteur n’est pas tenu de donner des indications détaillées sur chacun des chefs de redressement, et sur le mode de calcul adopté ; qu’est inopérante à détruire cette démonstration, la production de factures délivrées par des organismes extérieurs, celle des bulletins de paie du personnel dernier trimestre 1993, années 1994 et 1995, de l’attestation URSSAF du 28 mai 1996, et celle des factures d’un expert comptable ; C) sur les principes du redressement : 1- sur l’assujettissement des ressortissants britanniques : Considérant que pour annuler le redressement relatif à l’assujettissement des ressortissants britanniques, le premier juge s’est exprimé comme suit : “Il ressort de l’article 13-1ä du règlement CEE nä 1408/71 du 14 juin 1971 modifié .... (que) les ressortissants de la CEE ne sont soumis qu’à la législation d’un seul Etat membre ; Il résulte des articles 14 et 14 bis que les personnes exerçant une activité salariée ou non salariée sont régies par la législation de l’Etat membre où elles ont leur résidence. Dès lors que l’URSSAF a admis que les personnes employées en FREE LANCE, et certains techniciens étaient de nationalité britannique, ils sont soumis.... à la loi anglaise, où ils résident” ; que de même, reproduisant lesdits articles, la société fait plaider- qu’une personne qui exerce une activité salariée ou non salariée sur le territoire d’un Etat membre et qui effectue un travail sur le territoire d’un autre Etat membre, demeure soumis à la législation du premier Etat membre à condition que la durée prévisible de ce travail n’excède pas douze mois -qu’une personne qui exerce normalement une activité salariée ou non salariée sur le territoire de plusieurs Etats membres est soumise à la législation de l’Etat où elle réside si elle y exerce une partie de son activité ; que par ailleurs, la société se prévaut d’une directive jurisprudentielle communautaire- l’arrêt BANKS du 30 mars 2000 rendu à la suite d’une question

préjudicielle posée par le tribunal du travail de BRUXELLES qui peut se résumer comme suit, ainsi qu’en font foi les conclusions de l’Avocat Général M. DAMASO RUIZ-JARABO Y... : “Lorsqu’un chanteur d’opéra ou un chef d’orchestre, qui exercent normalement dans un Etat membre dont la législation en matière de sécurité sociale considère leur activité comme une activité non salariée, se rendent dans un autre Etat membre, à la suite d’un engagement pour s’y produire pendant quelques jours, peuvent -ils rester assujettis au régime de sécurité sociale du premier Etat ou tombent-ils au contraire dans le champ d’application du régime de sécurité sociale du deuxième Etat, dont la législation considère que la même activité est une activité salariéeä” ; Considérant qu’une analyse du règlement CEE susvisé s’impose donc ; qu’à cette fin, un rappel des principes apparaît opportun ; qu’il y a lieu tout d’abord de relever avec le premier juge que le travailleur migrant n’est soumis qu’à la législation d’un seul Etat membre, ainsi que l’édicte en effet l’article 13 du Règlement : CJCE 5 mai 1977 PERENBOOM Qu’il convient d’ores et déjà de préciser que la seule exception à ce principe est celle qui est prévue à l’article 14 quater OE1, sous a, applicable aux personnes qui exercent simultanément une activité salariée et une activité non salariée sur le territoire de différents Etats membres et qui se trouvent dans l’une des situations prévues à l’annexe VII du Règlement, auquel cas elles sont soumises à la législation de chacun des Etats ; Qu’ensuite, il échet de rappeler que l’autre principe qui régit le titre II du Règlement est celui de la soumission du travailleur migrant à la législation de l’Etat membre dans lequel il exerce son activité économique :(lex loci laboris), lequel principe connaît des exceptions réglementées comme telles aux articles 14, pour les travailleurs salariés, 14 bis pour les travailleurs non salariés, et 14 ter pour les gens de mer ; Considérant en outre qu’il

s’avère déterminant de souligner qu’il n’y a pas lieu de recourir aux dispositions du Traité relatives à la libre circulation des personnes et des services pour interpréter le Règlement nä 1408/71 qui énonce des règles de conflits de lois ; CJCE DE JAECK 30 janvier 1997 Qu’il en découle que les notions de travailleur salarié et travailleur non salarié auxquelles se réfère le Règlement renvoient aux définitions données par les législations des Etats membres en matière de sécurité sociale, et sont indépendantes de la nature que l’activité exercée revêt au sens du droit du travail ; Considérant ensuite qu’il convient de se séparer du premier juge en ce qu’il a reproché à l’URSSAF de stigmatiser la non fourniture par les mannequins du justificatif de leur prise en charge par le régime de sécurité sociale britannique alors que le formulaire E 101 réclamé “jouit d’une présomption de validité “juris tantum” sur tous les points qu’il atteste”, et lie l’institution compétente de l’Etat membre dans lequel le travailleur se rend pour effectuer un travail de durée temporaire ; Considérant enfin qu’il est exact ainsi que le soutient la société que le terme “travail” qui figure à l’article 14 bis point 1, sous a) du Règlement dont s’agit “vise toute prestation de travail, salariée ou non salariée” ; CJCE Barry BANKS e.a. contre Théâtre Royal de la Monnaie 30 mars 2000 invoqué par la société Considérant en droit communautaire que l’article 14bis 1- a) qui vise la personne qui exerce normalement une activité non salariée sur le territoire d’un Etat membre et qui effectue un travail sur le territoire d’un autre Etat membre, à condition que la durée prévisible de ce travail n’excède douze mois, la fait bénéficier de la législation du premier Etat membre ; Considérant cependant qu’il y a lieu de rechercher si pour autant les personnes employées en FREE LANCE, de nationalité britannique sont habiles à se prévaloir de l’article 14 bis, et partant à invoquer la loi anglaise ; qu’à

l’instar de l’Avocat Général susnommé, pour interpréter l’article 14 bis, il faut s’appuyer tant sur son libellé( en tenant compte du contexte dans lequel il se situe- interprétation systémique), que sur son objectif (critère téléologique) ; Que l’on sait seulement par des éléments de fait versés aux débats-notamment par une déclaration de Madame Debbie Z... (née A...) qu’au regard de la législation du Royaume Uni, les mannequins sont considérées comme travailleurs indépendants :”self employed persons” ; alors que les conditions d’applicabilité de l’article 14 bis sont : 1ä : exercice NORMAL de l’activité non salariée sur le territoire du premier Etat membre (le Royaume Uni) 2ä : se rendre sur le territoire d’un autre Etat membre pour y effectuer un travail 3ä :la durée du travail ne peut excéder 12 mois sous réserve de prorogation 4ä :il doit s’agir d’un travail, d’où l’exclusion des travaux successifs qui devraient donner lieu à la délivrance de plusieurs certificats E 101 - la société concède p9 de ses écritures qu’il s’agissait de périodes “extrêmement limitées, c’est à dire pour un défilé ou une série de défilés” 5ä :condition implicite : l’intéressé doit entretenir, pendant qu’il travaille à l’étranger, l’infrastructure nécessaire à l’exercice de son activité : exemple :bureaux, paiement de cotisations au régime de sécurité sociale, versement des impôts sur les activités professionnelles, détention d’une carte professionnelle ; Que force est de constater, en l’absence de certificat E 101 , que la société est avare d’informations permettant de renseigner cette Cour s’agissant notamment des 4ème et 5ème conditions ; et que celles données la desservent dans l’administration de la preuve ; qu’il suit de là que les intéressés ne pouvant se prévaloir du bénéfice de l’art 14 bis malgré leur qualité de travailleur indépendant en Angleterre, il importe dans ces conditions de déroger au principe posé par l’arrêt PERENBOOM en se reportant à l’article 14 quater, et de rechercher la

loi de l’Etat membre sur le territoire duquel les ressortissants britanniques sont venus exercer un travail ; Que s’agissant des mannequins et artistes du spectacle français, leur statut découle de l’article L 311-3-15ä du Code de la sécurité sociale, (auxquels sont reconnues applicables les dispositions des articles L 762-1 et s., L 763-1 et L 763-2 du Code du travail) ; que lesdits articles imposent une présomption de contrat de travail, quelle que soit la qualification donnée au contrat par les parties ; Que toutefois, la société rétorque à ce sujet que les articles susvisés établissent une présomption simple, mais nullement inattaquable, pouvant être détruite par la preuve contraire dès lors qu’il est démontré que les conditions d’exercice de l’activité sont exclusives de tout lien de subordination ; qu’à ce propos, la société rappelle que “ sont considérées comme rémunérations au sens de l’article L 342-1 du Code de la sécurité sociale, et soumises aux cotisations sociales du régime général, les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion d’un travail accompli dans un lien de subordination”, et que “le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail” ; Mais considérant que ne satisfait pas à son exigence probatoire, la société qui se borne à soutenir par voie d’affirmations gratuites sans apporter d’éléments pour corroborer ses dires qu’elle n’exerçait pas sur les mannequins l’autorité d’un employeur, et qu’elle ne disposait d’aucun pouvoir de sanction, et à prétendre que les conditions de travail étaient fixées d’un commun accord,”ainsi que le démontrent les montants variables

des facturations opérées par chacun des artistes et mannequins concernés” ; qu’il s’ensuit que la société ne fragilise nullement la présomption de salariat posée par l’article L 311-3-15ä du Code de la sécurité sociale français ; Qu’il en découle en vertu de l’article 14 quater a) que les mannequins anglais opérant sous le contrôle de la société organisatrice de défilés de mode, au cours des années ciblées par le redressement 1993- 1994- 1995, sont soumis en l’espèce à la législation de chacun des Etats, et partant de la législation française de sécurité sociale pour l’activité exercée en France, qui leur confère de par la loi le statut de salarié, étant observé de surcroît que l’URSSAF n’a jamais entendu prélevé des cotisations à l’occasion d’activités déployées dans le Royaume Uni, ce qui anéantit le risque d’une double cotisation, en effet, contraire aux dispositions de l’article 13 ; Considérant qu’en ce qui concerne l’argumentaire formulé à titre subsidiaire au sujet des droits d’exploitation et d’enregistrement, il convient de se reporter à la motivation développée ci-après ; 2sur l’appel incident de la société :

sur les autres chefs de redressement : A) sur l’assujettissement des mannequins et artistes français Considérant que le premier juge a tiré parti des articles L 763-1, et L 763-2 du Code du Travail, et L 311-3-15ä du code de la Sécurité Sociale susvisés pour déclarer l’assujettissement obligatoire ; que ce point de vue doit être approuvé ; qu’en effet, l’on a découvert plus avant que la société n’administre pas la preuve que les conditions d’exercice de l’activité étaient exclusives de tout lien de subordination ; qu’elle ne fournit d’ailleurs pas le contrat écrit exigé par l’article L 763-4 du Code du Travail ; Considérant il est vrai que la société fait plaider à titre subsidiaire que parmi les sommes ayant fait l’objet du redressement contesté figurent des droits vidéo, et frais divers, lesquels ne sont pas soumis à cotisations ; Mais considérant

s’il est vrai qu’aux termes de l’article 763-2 du Code de Travail :

”n’est pas considérée comme salaire la rémunération due au mannequin à l’occasion de la vente ou de l’exploitation de l’enregistrement de sa présentation par l’employeur ... dès que la présence physique du mannequin n’est plus requise pour exploiter ledit enregistrement ..., force est de constater que la société ne donne aucun élément de nature à justifier cet avantage” ;

i Sur les techniciens français : Considérant que pour accueillir le redressement opéré par l’URSSAF, le premier juge a déploré la non affiliation des intéressés à des régimes de Sécurité Sociale de non salariés, et en a déduit que “s’agissant de travail sous les ordres et les instructions de la société, il s’agit de travail salairié” ; que la société objecte qu’elle a versé aux débats des pièces propres à établir le recours à des sociétés commerciales inscrites au registre du commerce afin d’effectuer un certain nombre de prestations techniques, telles que coiffure, branchements électriques, sons et lumières, accueil ; Mais considérant que pour résister à la thèse du salariat soutenue par l’URSSAF, la société se contente de s’appuyer sur une facture non datée relative à des “prestations Franck PROVOST défilé LACOSTE”, et deux factures des 21 et 31 décembre 1994 du Palais de la Musique et des Congrès S.A, lesquels documents ne renseignent manifestement pas la Cour sur l’exercice à titre indépendant des techniciens concernés ; Qu’il importe dès lors d’entériner le point de vue du Tribunal ; Considérant sur le subsidiaire, que force est de convenir que la société procède également par voie d’affirmations gratuites sur ce point ; C) Sur l’abattement pour frais professionnels : a) Sur la réintégration dans l’assiette des cotisations de l’abattement pratiqué sur les salaires en 1993, 1994 et 1995 : Considérant qu’il est constant que l’inspecteur a constaté que la société avait

remboursé différents frais aux artistes et mannequins qu’elle avait déclarés en salaires, et pour lesquels elle avait appliqué l’abattement supplémentaire de 20 % pour frais professionnels ; que la société critique la position de la Commission de recours amiable qui a qualifié les remboursements de frais de “difficilement appréhendables et non exhaustifs” ; Mais considérant que le premier juge a fait une exacte application de l’article L 242-1 du code de la Sécurité Sociale, et de l’article 4 de l’arrêté du 26 mai 1975, dont il a précisément rappelé les principes, en énonçant que la société n’a pu justifier, que les salariés auxquels elle avait appliqué la déduction supplémentaire de 20 % bénéficiait d’une décision expresse de l’administration fiscale, et en déduisant qu’à tort la société a pratiqué l’abattement supplémentaire ; b) Sur les sommes versées à Monsieur B... : Considérant que pour rechercher la censure du jugement querellé, la société fait valoir que Monsieur B... n’était pas salarié de l’entreprise ; Mais considérant que par d’excellents motifs que la Cour adopte, le premier juge a montré - ce qui n’est pas contredit - que directeur technique, l’intéressé figurant d’ailleurs sur le registre des entrées et des sorties du personnel a bénéficié à diverses reprises de salaires ; c) Sur la demande de remise des majorations à hauteur de 77.636 F : Considérant que la demande principale de l’URSSAF ayant été retenue à hauteur de 597 216 F, les prétentions de la société ne sauraient prospérer ; d) Sur le montant des réclamations : Considérant que répétant que l’agent de contrôle a communiqué plusieurs feuilles de calculs établis à la main, raturés et “pratiquement incompréhensibles”, la société s’étonne du défaut de réponse de la commission, puis du Tribunal à cette occasion ; Mais considérant qu’il a été relevé plus avant que l’article R 243-59 du code de la Sécurité Sociale n’implique pas la communication intégrale à l’employeur du rapport de

l’agent de contrôle ; qu’il n’est pas démenti que celui-ci a transmis à l’employeur une notification qui l’a invité à répondre dans le délai de quinzaine, et qui a indiqué de manière très explicite, le motif de redressement, la nature et les bases de réintégrations opérées, année parndre dans le délai de quinzaine, et qui a indiqué de manière très explicite, le motif de redressement, la nature et les bases de réintégrations opérées, année par année, le montant des cotisations correspondantes, et les textes applicables, et a ensuite transmis son rapport accompagné de la réponse de l’employeur ; qu’il s’ensuit que le contrôle s’est déroulé contradictoirement ; que plus généralement, force est d’admettre que la société articule des éléments de fait sans mettre cette Cour à même de les vérifier ; qu’il a déjà été noté ci-dessus qu’aucune ventilation entre les frais occasionnés pour le compte de l’entreprise, ou les droits d’auteur et vidéo n’était contrôlable ; que d’ailleurs, la société s’exprime par motifs hypothétiques : “... il semblerait que le montant des honoraires et commissions versés aux techniciens pour 1994 et 1995 ait été fixé à 195 356 F par le contrôleur ...” ; “... il semblerait ... qu’ait été prise en compte par l’URSSAF une facture ... émanant de l’agence CAP ...” ; que l’URSSAF rapporte donc la preuve du montant de sa créance ; Considérant que la société qui supportera les dépens de première instance, et d’appel, en raison de sa succombance n’a pas vocation à se prévaloir des dispositions de l’article 700 Nouveau Code de Procédure Civile ; PAR CES MOTIFS : La COUR, STATUANT publiquement et par arrêt réputé contradictoirement, Dit les appels principal et incident recevables Infirme le jugement déféré dans ses dispositions relatives à l’assujettissement des ressortissants britanniques. Confirme pour le surplus les dispositions du jugement entrepris. Condamne en conséquence la SARL CRISS CROSS LOOK ORGANISATION à payer en deniers ou quittance à

l’URSSAF de PARIS les sommes dues au titre de la période du 1er septembre 1993 au 31 décembre 1995 soit : - cotisations : QUATRE CENT CINQUANTE DEUX MILLE HUIT CENT UN FRANCS ( 452.801 F)

"-" majorations de retard : SOIXANTE TROIS MILLE CENT QUATRE VINGT QUINZE FRANCS ( 63 195 F) Dit n’y avoir lieu d’allouer une indemnité de procédure à la Société susnommée. Et ont signé le présent arrêt, M. RAPHANEL, Président de chambre, et Mme C..., faisant fonction de Greffier.

Titrages et résumés : COMMUNAUTE EUROPEENNE - Sécurité sociale - Règlement n° 1408-71 En matière de protection sociale des ressortissants des Etats membres de la CEE, il résulte de la combinaison des dispositions des articles 13-1°, 14, 14 bis et 14 quater OE 1 - sous a - du règlement CEE n° 1408/71 modifié, qu’un ressortissant de la CEE, qu’il soit salarié ou non, est, en principe, soumis à la seule législation de l’ Etat membre du lieu de sa résidence, sauf à devoir justifier, notamment, de l’exercice normal de son activité dans cet Etat et, en cas d’activités temporaires sur le territoire d’un autre Etat, s’être fait délivrer un certificat E 101, alors que, par exception, les personnes exerçant simultanément une activité salariée et non salariée sur le territoire de différents Etats, relèvent des législations respectives de ces Etats. Il s’ensuit que s’agissant de l’activité de mannequin, considérée comme travail indépendant au regard de la législation du Royaume Uni, alors que la loi française fait de celle-ci une activité salariée, un mannequin anglais domicilié en Angleterre qui effectue des missions en France, ne peut prétendre être rattaché à la loi anglaise que s’il justifie, notamment, de l’exercice de son activité à titre normal dans l’ Etat de sa résidence et s’il produit le certificat E 101 concernant les activités temporaires exercées en France.A défaut de rapporter la preuve requise, ce mannequin ne peut se prévaloir du principe du rattachement à une législation unique et relève, en tant qu’exerçant simultanément une activité salariée (en France) et une activité non salariée (en Grande Bretagne) du régime du rattachement multiple prévu, par exception, par l’article 14 quater a) précité, et ce, sans qu’aucun risque de double cotisation n’existe dès lors que les prélèvements de cotisations effectués par un Etat sont cantonnés à l’activité effectivement déployée sur son territoire